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IN THE MOOD FOR CINEMA

  • Critique de UN SIMPLE ACCIDENT de Jafar Panahi – Prix de la Citoyenneté et Palme d’or du 78ème Festival de Cannes

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    Ce Festival de Cannes 2025 s’est achevé pour moi comme il avait débuté, par une histoire de son, en l’espèce le film en compétition The History of sound de Oliver Hermanus. Des sons qui viennent débusquer la nostalgie nichée au fond de nos cœurs. Un note finale implacable qui justifie la partition antérieure, tout en retenue. Celle d’une rencontre vibrante qui influe sur la mélodie d’une vie entière. L’art rend les étreintes éternelles : l’affiche de ce 78ème Festival de Cannes le suggérait déjà magnifiquement. Ce Festival de Cannes 2025 s’est terminé pour moi par un autre son, glaçant, celui qui accompagnait le dernier plan du film de Jafar Panahi qui me hantera longtemps comme ce fut le cas avec cette rose sur le capot dans le chef-d’œuvre qu’est Taxi Téhéran.

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    En février 2010, le pouvoir islamique avait interdit à Jafar Panahi de se rendre à la Berlinale dont il était l'invité d'honneur. Cette interdiction était intervenue après sa participation à des manifestations après la victoire controversée d'Ahmadinejad en 2009. Il avait ensuite été arrêté, le 1er mars 2010, puis retenu dans la prison d'Evin. Lors du Festival de Cannes, une journaliste iranienne avait révélé qu’il avait commencé une grève de la faim pour protester contre les mauvais traitements subis en prison. Comment ne pas se souvenir de la pancarte tenue par Juliette Binoche et de son siège vide de membre du jury cannois en 2010 ? Il fut libéré sous caution le 25 mai 2010, ce qui l’empêcha de venir défendre L’Accordéon sélectionné à la Mostra en 2010 et, en décembre de la même année, il fut condamné à six ans de prison et il lui fut interdit de réaliser des films et de quitter le pays pendant vingt ans. En février 2011, il fut tout de même membre du jury à titre honorifique à la Berlinale. En octobre 2011, sa condamnation a été confirmée en appel.

    Après le Lion d'or à la Mostra de Venise en 2000 pour Le Cercle, l'Ours d'or à la Berlinale en 2015 pour Taxi Téhéran, l’Ours d’argent pour Closed Curtain en 2013, Jafar Panahi vient donc de recevoir la Palme d'or du Festival de Cannes 2025 pour Un Simple accident, des mains de la présidente du jury (ironie magnifique de l’histoire), Juliette Binoche…, après avoir (notamment !) déjà remporté la Caméra d’or au Festival de Cannes 1995 pour Le Ballon blanc, le Prix du jury Un Certain regard en 2003 pour Sang et or,  le Prix du scénario au Festival de Cannes en 2018 pour Trois Visages et le prix spécial du jury de la Mostra de Venise en 2022 pour Aucun ours.

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    Pour Taxi Téhéran, filmer dans un taxi avait été un véritable défi technique. Trois caméras étaient ainsi dissimulées dans le véhicule. Jafar Panahi avait par ailleurs tout géré seul : le cadre, le son, le jeu des acteurs et donc le sien, tout en conduisant !  Cette fois, pour la première fois depuis vingt ans, il n’apparaît pas à l’écran.

    On se souvient du début de Taxi Téhéran. Un plan fixe : la ville de Téhéran grouillante de monde et de vie, vue à travers la vitre avant d’un taxi dont on perçoit juste le capot jaune. Le chauffeur reste hors-champ tandis que la conversation s’engage entre les deux occupants du taxi qui ne se connaissaient pas avant qu’ils ne montent l’un après l’autre dans le véhicule. L’homme fait l’éloge de la peine de mort après avoir raconté une anecdote sur un voleur de roues de voiture. « Si j’étais à la tête du pays, je le pendrais » déclare-t-il ainsi. La femme, une institutrice, lui rappelle que l’Iran détient le triste record mondial d’exécutions après la Chine. Avant de partir, l’homme révèle son métier : voleur à la tire. Ce premier tableau permet un début d’esquisse de la société iranienne mais aussi de planter le décor et d’installer le ton, à la fois grave et burlesque. Le décor est l’espace feutré du taxi qui devient un lieu de liberté dans lequel se révèlent les incongruités suscitées par l’absurdité des lois et interdictions en vigueur. L’ingéniosité du dispositif (qui nous rappelle que Panahi a été l’assistant de Kiarostami) nous permet de rester à l’intérieur du taxi et de voyager, pas seulement dans Téhéran, mais aussi dans la société iranienne, et d’en établir une vue d’ensemble.

    Un Simple accident commence aussi dans une voiture et comme le titre du film l’indique, par un « simple accident ». Sur les hauteurs de Téhéran, une famille (le père, la mère enceinte, et la petite fille) voyage en voiture sur une route cabossée et tombe en panne après avoir heurté un chien. Ce  « simple accident » va enrayer la mécanique… Rien ne laisse présager quel type d'individu sinistre est le conducteur de la voiture, si ce n’est peut-être la manière dont il qualifie la victime de l’accident,  ce avec quoi la petite fille est en désaccord. Il entre ensuite dans un hangar pour demander de l’aide. C’est là que travaille Vahid (Vahid Mobasheri), un ouvrier, qui semble reconnaître le son si particulier de sa démarche boiteuse. Le lendemain, Vahid suit le père de famille, l’assomme et l’embarque à l’arrière de sa camionnette. Mais cet homme est-il réellement Eghbal (Ebrahim Azizi) dit « La guibole » à cause de sa prothèse à la jambe ? Est-il vraiment le gardien de prison qui l’a autrefois « tué mille fois » ? L'idée ne nous quitte pas, qu'il se trompe, et que le châtiment soit encore plus inhumain que ce qui l'a suscité, en se déployant sur un innocent.… Vahid n’est d'ailleurs pas certain, lui qui s’était retrouvé dans cette situation éprouvante, simplement parce qu’il réclamait le paiement de son salaire d’ouvrier. Après avoir emmené celui qu'il pense être Eghbal dans un endroit désert, et l’avoir mis dans la tombe de sable qu’il a creusée, l’homme parvient à le faire douter qu’il fut vraiment son tortionnaire. Vahid va alors partir en quête d’autres témoins capables d’identifier formellement leur bourreau : une future mariée et son époux, une photographe, un homme qui ne décolère pas. Va alors se poser une question cruciale : quel sort réserver au bourreau ? Lui réserver un sort similaire à celui qu’ils ont subi, n’est-ce pas faire preuve de la même inhumanité que lui ? La meilleure des vengeances ne consiste-t-elle pas à montrer qu’il ne leur a pas enlevé l’humanité dont il fut dépourvu à leur égard ?

    Comme dans Taxi Téhéran, le véhicule devient un lieu essentiel de l’action de ce film tourné dans la clandestinité. Dans Taxi Téhéran, ce n’est qu’après plus de neuf minutes de film qu’apparaît le chauffeur et que le spectateur découvre qu’il s’agit de Jafar Panahi, révélant ainsi son sourire plein d'humanité, sa bonhomie. Son nouveau passager le reconnaît ainsi (un vendeur de films piratés qui, sans doute, a vendu des DVD de Jafar Panahi, seul moyen pour les Iraniens de découvrir ses films interdits et qui, comble de l’ironie, dit « Je peux même avoir les rushs des tournages en cours ») et lui déclare « c’étaient des acteurs », « C’est mis en scène tout ça » à propos d’une femme pétrie de douleur que Panahi a conduite à l’hôpital avec son mari ensanglanté, victime d’un accident de deux roues. Panahi s’amuse ainsi de son propre dispositif et à brouiller les pistes, les frontières entre fiction et documentaire. De même, dans Un Simple accident, le protagoniste n’apparaît pas tout de suite. Nous pensons d’abord suivre les trois membres de cette famille, et que le père sera le personnage principal, celui qui suscitera notre empathie…

     

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    Au-delà du portrait de la société iranienne sous le joug d'un régime autoritaire et inique mais malgré tout moderne, vibrante de vie, d’aspirations, Taxi Téhéran était aussi une déclaration d’amour au cinéma dont le taxi est une sorte de double : un espace salutaire de liberté, de jeu, de parole, d’irrévérence, de résistance. Le film devient ainsi une leçon de cinéma, le moyen pour Panahi de glisser quelques références. Le jeu de mise en abyme, de miroirs et de correspondances est particulièrement habile. Le cinéaste multiplie les degrés de lecture et les modes de filmage, de films dans le film, ce que filment les caméras dans le véhicule, ce que filme sa nièce avec son appareil photo, ce que filme son portable, démontrant ainsi la pluralité de possibles du cinéma.

    Le dispositif est beaucoup plus simple ici, il n’en recèle pas moins de puissance dénonciatrice, et d’autant plus de courage puisque le propos est encore plus clair et direct.

    Dans Taxi Téhéran, lorsque Jafar Panahi évoque aussi sa propre situation, avec une fausse innocence, et celle des prisons (« J’ai entendu la voix du type qui me cuisinait en prison » dit-il à son avocate), cela pourrait être le point de départ de Un Simple accident comme si les deux films se répondaient. Et lorsque cette dernière, suspendue de l’ordre des avocats, lui dit « comme si le syndicat des réalisateurs votait ton interdiction de tourner », l’ellipse qui suit, ou plutôt la pseudo-indifférence à cette phrase, en dit long. « Tu es sorti mais ils font de ta vie une prison », « Ne mets pas ce que je t’ai dit dans ton film sinon tu seras accusé de noirceur », « Il ne faut montrer que la réalité mais quand la réalité est laide ou compliquée, il ne faut pas la montrer ». Chaque phrase de l’avocate ressemble à un plaidoyer contre le régime. Un Simple accident pourrait être le prolongement de ce dialogue, même si Jafar Panahi n’apparait pas, ou justement parce que Jafar Panahi n’apparaît pas.

    Avec Un Simple accident, le cinéaste continue donc son exploration et sa dénonciation de la dictature iranienne. Il a choisi cette fois la forme d'un thriller, mais un thriller burlesque. Comment traiter autrement l’absurdité de ce régime ? Cette fois, il s’agit cependant de penser à l’après, de poser les questions morales et politiques concernant la manière dont il faudra traiter les tortionnaires du régime. Comme tout un pays, les cinq passagers de la camionnette sont hantés par ce qu’ils ont vécu. Ce trajet avec leur bourreau va mettre à l’épreuve leur humanité et leur avidité de justice. Mais va surtout révéler ce qui les différencie de celui qui les a torturés, qui a tué et violé.

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    Pour la première fois depuis quinze ans, Jafar Panahi était présent à Cannes pour défendre son film.  « Faire un film engagé n’a pas été facile » a -t-il expliqué. Si son film est un acte politique et un acte de courage (Jafar Panahi, malgré cette dénonciation frontale du régime, de ses oppresseurs mais aussi de sa corruption, est retourné en Iran après le festival), il est aussi une vraie œuvre de cinéma. Le film lui-même est ainsi une vengeance, ou du moins une revanche sur ses oppresseurs. Ils n’auront pas atteint sa liberté de dire, de filmer, de dénoncer, ni son humanité.

    L’an passé, Les graines du figuier sauvage de l'iranien Mohammad Rasoulof, qui aurait aussi mérité une Palme d’or, est reparti avec un prix spécial du Jury, prouvant la grande vitalité du cinéma iranien, bien qu’entravé par les lois du régime. 

    Grâce à un sens de la mise en scène toujours aussi aiguisé, un courage admirable, des comédiens parfaits, un ton tragi-comique, une portée morale, politique et philosophique, qui interroge aussi notre propre rapport à la vengeance et notre propre humanité, une fin glaçante d’une force indéniable, cette  farce savoureuse, quête de vérité rocambolesque méritait amplement cette Palme d’or.

    Jafar Panahi a dédié la projection de son film à « tous les artistes iraniens qui ont dû quitter l'Iran ».  Il ne fait aucun doute que sa voix les défendra et portera bien au-delà de l’Iran. Si l’art rend les étreintes éternelles, il donne aussi de la voix aux cris de rage et de détresse. Comme l’a si justement remarqué la présidente du jury de cette 78ème édition, lors de la remise de la Palme d’or, « l’art provoque, questionne, bouleverse », est « une force qui permet de transformer les ténèbres en pardon et en espérance. » Comme ce film. Comme cette mariée et sa robe blanche qui résiste aux ténèbres de la vengeance. La force n'est pas ici physiquement blessante, mais c'est celle des mots et des images, en somme du cinéma, qui feront surgir la vérité et ployer l'oppresseur.

    Voilà qui me donne aussi envie de revoir et de vous recommander un autre chef-d’œuvre du cinéma iranien, Copie conforme de Kiarostami, avec une certaine Juliette Binoche qui, en 2010, année où Panahi devait faire partie du jury, remporta le prix d’interprétation féminine à Cannes. (Et je pense aussi à ce petit bijou méconnu de Kiarostami, mais je m'égare). Copie conforme est un film de questionnements plus que de réponses. À l'image de l'art évoqué dans ce film dont l'interprétation dépend du regard de chacun, le film est l'illustration pratique de la théorie énoncée par le personnage principal. Un film sur la réflexivité de l'art qui donne à réfléchir. Un dernier plan délicieusement énigmatique et polysémique qui signe le début ou le renouveau ou la fin d'une histoire plurielle.

    Enfin, je vous parlerai ultérieurement d’un autre coup de cœur cannois, en compétition et qui aurait mérité aussi de figurer au palmarès, un autre film iranien, Woman and child de Saeed Roustaee qui, comme Jafar Panahi cette année, avait obtenu le Prix de la citoyenneté, pour Leila et ses frères, en 2022. Le jury du Prix de la Citoyenneté 2025 était présidé par le cinéaste Lucas Belvaux. Ce prix met en avant des valeurs humanistes, universalistes et laïques. Il célèbre l'engagement d'un film, d'un réalisateur et d'un scénariste en faveur de ces valeurs auxquelles répond incontestablement le film de Jafar Panahi (ci-dessous, la remise du prix à Cannes). Le jury a ainsi salué  la « façon dont la réalisation a utilisé le cinéma pour faire d'un simple accident une réflexion sur la responsabilité individuelle, le courage, et la nécessité d'arrêter le cycle de la violence.»

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    Un Simple accident sortira au cinéma en France le 1er octobre 2025.

     

  • Ouverture du 78ème Festival de Cannes et « Partir un jour » de Amélie Bonnin : dansons et chantons sous la pluie…

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    Il y a quelques jours, je commençais mon article consacré à la sélection officielle de ce 78ème Festival de Cannes (à retrouver ici) par cette citation de Costa-Gavras : « Vous ne pouvez changer la vision politique des gens avec un film, mais vous pouvez au moins engendrer une discussion politique. » La cérémonie d’ouverture de ce 78ème Festival de Cannes, d’une prestigieuse et élégante sobriété, nous rappelait ainsi que le cinéma n’est pas seulement un objet et un sujet de divertissement mais aussi un vecteur d’idées politiques.

     Laurent Lafitte, maître des cérémonies de cette 78ème édition, a commencé son discours par un hommage à la lauréate du prix d’interprétation féminine de 1999 pour Rosetta, l’inoubliable et si talentueuse Emilie Dequenne : « Elle est née au Festival de Cannes, sa délicatesse humble et puissante va manquer, j’aimerais dédicacer cette cérémonie d’ouverture à Émilie Dequenne. » Son discours a ensuite principalement rendu hommage aux actrices et aux acteurs, fil directeur de celui-ci, de James Stewart, Jean Gabin, Isabelle Adjani à… Volodymyr Zelensky, nous invitant à imiter leur courage, « par nos discours, nos choix et nos refus, afin d’être à la hauteur de cette phrase de Frank Capra :  Seuls les audacieux devraient faire du cinéma. »

    Il a aussi mis à l’honneur la sublime (double) affiche de cette année représentant Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant enlacés, dans le chef-d’œuvre de Claude Lelouch, palme d’or 1966, Un homme et une femme : « On se pose toujours la question de savoir si le cinéma peut changer le monde. Mais si on demande au cinéma toujours plus d’inclusivité, de représentativité, de parité, c’est donc bien qu’en effet il peut changer le monde. Et parfois, il suffit de raconter un homme et une femme pour toucher au sublime et à l’universel. »

    Il fut ensuite rejoint par les neuf membres du jury international des longs métrages : Halle Berry, Payal Kapadia, Alba Rohrwacher, Leïla Slimani, Dieudo Hamadi, Hong Sangsoo, Carlos Reygadas et Jeremy Strong, et leur présidente : Juliette Binoche, « née actrice dans cette même salle » qui a évoqué les maux du monde actuel, de l’ignominie du 7 octobre, au dérèglement climatique, au drame de Gaza, en rendant hommage à  la photojournaliste Fatima Hassouna tuée par un missile et qui, la veille de sa mort,  avait appris que le film dans lequel elle figurait ( Put Your Soul on Your Hand and Walk, documentaire de Sepideh Farsi), était sélectionné au Festival de Cannes. « L’art reste, il est le témoignage puissant de nos vies, de nos rêves, et nous, spectateurs, nous l’embrassons. Que le Festival de Cannes, où tout peut basculer, y contribue ! » a-t-elle conclu.

    Avec son titre inédit et mélancolique, Mylène Farmer a rendu hommage à David Lynch et bouleversé les festivaliers du Théâtre Lumière.

    Leonardo DiCaprio a ensuite rappelé qu'il devait le lancement de sa carrière et sa rencontre avec Martin Scorsese à Robert De Niro à qui il a remis une Palme d’or d’honneur : « Ce soir, j’ai l’insigne honneur d’être devant vous pour rendre hommage à quelqu’un qui est notre modèle. L’œuvre de Robert De Niro se décline dans la façon dont il a inspiré les acteurs à traiter leur métier, pas seulement comme une performance solo, mais comme une transformation. Robert De Niro n’est pas juste un grand acteur, c’est L’Acteur. Avec Martin Scorsese, ils ont raconté les histoires les plus légendaires du cinéma, les histoires sans compromis. Ils n’ont pas seulement fait des films, ils ont redéfini ce que le cinéma pouvait être. Ils ont élevé la relation entre acteurs et réalisateurs au stade d’un creuset de partage des risques. »

    Politique, la déclaration de Robert De Niro l’était aussi indéniablement. Vibrante aussi :

    « Merci infiniment au Festival de Cannes d’avoir créé cette communauté, cet univers, ce « chez soi « pour ceux qui aiment raconter des histoires sur grand écran. Le Festival est une plateforme d’idées, la célébration de notre travail. Cannes est une terre fertile où se créent de nouveaux projets. Dans mon pays, nous luttons d’arrache-pied pour défendre la démocratie, que nous considérions comme acquise. Cela concerne tout le monde. Car les arts sont, par essence, démocratiques. L’art est inclusif, il réunit les gens. L’art est une quête de la liberté. Il inclut la diversité. C’est pourquoi l’art est une menace aujourd’hui. C’est pourquoi nous sommes une menace pour les autocrates et les fascistes de ce monde. Nous devons agir, et tout de suite. Sans violence, mais avec passion et détermination. Le temps est venu. Tout un chacun qui tient à la liberté doit s’organiser, protester et voter lorsqu’il y a des élections. Ce soir, nous allons montrer notre engagement en rendant hommage aux arts, ainsi qu’à la liberté, à l’égalité et à la fraternité. »

    Enfin, c’est avec son enthousiasme légendaire qu’un Quentin Tarantino bondissant a déclaré ouverte cette 78ème édition du Festival de Cannes.

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    Pour l’ouverture, les sélectionneurs ont eu cette année l’idée judicieuse de choisir un premier film enchanté et enchanteur, Partir un jour d'Amélie Bonnin, idéal pour lancer les festivités, aussi politiques soient-elles. Partir un jour est le premier long-métrage d'Amélie Bonnin, tiré de son court-métrage éponyme, récompensé par le César du meilleur court-métrage de fiction en 2023.

    Alors que Cécile (Juliette Armanet) s’apprête à réaliser son rêve, ouvrir son propre restaurant gastronomique à Paris, et alors qu'elle vient de découvrir qu'elle est enceinte, elle doit rentrer dans le village de son enfance à la suite de l'infarctus de son père. Loin de l'agitation parisienne, elle recroise son amour de jeunesse (Bastien Bouillon). Ses souvenirs ressurgissent et ses certitudes vacillent…

    Dès les premières minutes, il se dégage de ce film une justesse qui nous happe, d’autant plus surprenante que les chansons qui traduisent les pensées des personnages pourraient y nuire. Au contraire, elles renforcent ce sentiment, et notre proximité avec leurs émotions, par le réveil de nos propres réminiscences, nous embarquant avec eux d’emblée. Cela commence par Alors on danse de Stromae et se termine par le Partir un jour des 2 be 3 qui donne son titre au film. Entre les deux, des personnages qui se débattent avec leurs regrets, que la réalisatrice filme avec beaucoup de tendresse.

    Les scènes chantées ont été enregistrées en direct sur le plateau, sans studio, pour préserver l'authenticité et l'émotion des interprétations, et c’est une entière réussite. Elles ne semblent pas « plaquées » mais s’intègrent parfaitement à l’histoire. La grande majorité des séquences chantées et dansées a par ailleurs été chorégraphiée par Thierry Thieû Niang, ce qui procure beaucoup de fluidité à l’ensemble.

    Un film qui allie avec beaucoup d’intelligence la gaieté, la nostalgie, et l’envie d’étreindre le présent, émaillé aussi de belles idées de mises en scène comme un flashback intégrant le présent.

    Amélie Bonnin rend aussi un bel hommage à l’universalité des musiques que son long métrage intègre parfaitement au récit comme elles-mêmes s’intègrent à celui de nos vies, à tel point que les premières notes d’une chanson dont nous n’entendrons pas un mot suffit à nous faire comprendre ce qu’un personnage ne parvient pas à formuler.

    Si Bastien Bouillon -Une jeune fille qui va bien, La Nuit du 12, Le Comte de Monte-Cristo (que nous retrouverons aussi à Cannes dans la section Cannes Première, dans Connemara de Alex Lutz) nous avait déjà habitués à son talent, qui se confirme ici, dans son étendue, malgré sa coiffure improbable, dans un rôle aux antipodes de ceux dans les films précités, Juliette Armanet nous sidère littéralement par son jeu nuancé et précis, et par sa vitalité qui inonde tout le film. Dominique Blanc et François Rollin, sont tout aussi parfaits dans les rôles des parents de Cécile, l’une complice, et l’autre bougon au cœur tendre. Amandine Dewasmes est particulièrement subtile dans ce rôle d'épouse, faussement aveugle,  sur la fragile frontière entre bienveillance et naïveté. Et Tewfik Jallab impose une présence magnétique.

    Un film qui ré-enchante le passé, et nous serre le cœur d’une douceur mélancolique, comme un souvenir d’adolescence que le temps n’altère pas mais rend à la fois plus beau et plus douloureux.

    Si ce film n’atteint pas la perfection de On connaît la chanson d’Alain Resnais (pour moi un des films les plus brillants et profonds de l’Histoire du cinéma malgré sa légèreté apparente, un mélange subtile –à l’image de la vie – de mélancolie et de légèreté, d’enchantement et de désenchantement, un film à la frontière des émotions et des genres qui témoigne de la grande élégance de son réalisateur, du regard tendre et incisif de ses auteurs et qui nous laisse avec un air à la fois joyeux et nostalgique dans la tête. Un film qui semble entrer dans les cadres et qui justement nous démontre que la vie est plus nuancée et que chacun est forcément plus complexe que la case à laquelle on souhaite le réduire, moins lisse et jovial que l’image « enchantée » qu’il veut se donner) avec lequel certains l’ont comparé, n’oublions pas qu’il s’agit là d’un premier film.

    Ce film musical était décidément parfait pour l’ouverture de ce 78ème Festival de Cannes, nous enjoignant à chanter et danser sous la pluie (Alors, on danse ?), donc malgré les maux du monde sur lesquels les films de ce festival seront, comme chaque année, une « fenêtre ouverte ». Une fête du cinéma lucide et engagée, et tant pis si certains y voient là un paradoxe répréhensible. Une danse mélancolique. Peut-être à l’image des films de cette sélection ? Réponse dans quelques jours après le festival en direct duquel je serai la semaine prochaine.

  • Télévision – Fiction - Critique LES AILES COLLÉES de Thierry Binisti (le 14 mai 2025 sur France 2)

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    Il y a quelques jours, je vous parlais ici du film Le Combat d’Alice, également réalisé par Thierry Binisti. Je vous le recommande de nouveau. Cette fiction télévisée qui devait être diffusée en mars sur France Télévisions, dont la programmation a été annulée pour cause d'actualité, est disponible en replay sur France TV, ici. Ainsi concluais-je l’article :

     Je vous recommande vivement cette fiction sur les combats d’Alice pour et vers la vie, qui ne contient aucune scène superflue, qui insinue constamment de l’émotion sans jamais la forcer, qui traite avec nuances, humanité, pudeur, sensibilité et subtilité du deuil et de notre relation à la vie et forcément à la mort, qu’elle soit humaine ou animale. L’histoire d’une double libération (d’un animal mais aussi d’une jeune fille et de son père, emprisonnés dans leurs rancœurs, leurs non-dits, et surtout leurs douleurs), d’un éveil (au militantisme) et d’un retour à la vie. Il n’est jamais trop tard pour panser les blessures les plus ineffables, et pour réparer les liens brisés : ce film le raconte magnifiquement.

    Beaucoup de ces qualificatifs pourraient aussi définir Les Ailes collées, et a fortiori la dernière phrase. Les Ailes collées est peut-être le plus beau film de Thierry Binisti, avec Une bouteille à la mer, qui, comme ce film-ci, aurait eu toute sa place dans les salles de cinéma…

    Le jour de son mariage, Paul (Roby Schinasi) voit ressurgir Joseph (Jeremy Kapone), qu’il n’a pas revu depuis leur adolescence. Cette venue inattendue est une surprise d’Ana (Pauline Bression) qui ignore tout des liens qui les unissaient autrefois. Elle a eu l’idée de cette surprise en tombant par hasard sur une photo d’eux prise vingt ans plus tôt. C’est sur une plage, un bel après-midi d’été, que les deux adolescents s’étaient rencontrés et immédiatement liés d’amitié. L’amitié laissera bientôt place à un amour, fulgurant, qui suscitera un harcèlement homophobe violent et incessant de la part des camarades de classe de Paul. Jusqu’à cette nuit tragique qui bouleversera à jamais leur existence.  Ces retrouvailles font rejaillir les souvenirs brûlants de leur rencontre. Les doutes sur les choix d’une vie et les émois de cette relation interdite vont alors submerger Paul et Joseph. Quinze ans plus tard, le passé encore brûlant fait vaciller le présent... 

    Ce film est l’adaptation du roman éponyme de Sophie de Baere (Lattès, 2022) pour lequel elle fut lauréate de plusieurs prix littéraires : prix Maison de la Presse 2022, prix du LAC 2022.... Cette adaptation est produite par Jean Nainchrik. Le scénario et les dialogues sont signés Alain Layrac et Alexis Bayet. Je vous ai déjà souvent parlé ici du travail d’Alain Layrac, notamment de son remarquable ouvrage sur l’écriture de scénario, Atelier d’écriture, qui avait servi de base au scénario du film Le Cours de la vie de Frédéric Sojcher. Un livre dans lequel il fait notamment l’éloge du roman Martin Eden de Jack London qui « décrit mieux qu’aucun autre livre ce sentiment euphorisant et éphémère de la satisfaction du travail d’écriture accompli. » Je suis bien d’accord…

    La sensibilité de l'écriture d'Alain Layrac se prête tout particulièrement à l’adaptation de ce roman de Sophie de Baere. L’émotion affleure (pour, je vous préviens, totalement nous ravager à la fin du film), de la première à la dernière seconde. Mais, comme toujours dans les films de Thierry Binisti, sans jamais être forcée, toujours amenée avec délicatesse, dès les retrouvailles entre Paul et Joseph, lorsque la mélancolie flotte subitement dans l’air, et que Paul est submergé par l’émotion, et sort, se retrouvant au milieu des ruines. Tout un symbole alors que les vestiges de son propre passé ressurgissent.

    Le voilà replongé vingt ans plus tôt. C’était l’été. Il n’était alors qu’un adolescent qui n’avait pas d’amis : « Mes voyages à moi, c’est plutôt la musique. J’ai pas trop d’amis. Les gens ne s’intéressent pas à moi d’habitude » dit-il à Joseph quand il le rencontre, lequel lui répond que « ça tombe bien, il n’y a que les gens bizarres qui m’intéressent. » La vie de l’un est aussi bohème que celle de l’autre est rangée. Mais tous deux ont des rapports compliqués avec leurs pères. Celui de Joseph vit au Canada. Celui de Paul trompe la mère de ce dernier. L’alchimie est immédiate, entre eux, et à travers l’écran. L’amitié va bientôt se transformer en amour incandescent. Un amour qui passe par la musique aussi, celle que joue Paul, et celle qu’ils écoutent ensemble, notamment le jazz. Certains morceaux comme I Was Telling Him About You de Carol Sloane est ainsi un 33 tours que Joseph offre à Paul et qui symbolise l’amour et le retour à la vie. Une musique qui exacerbe encore l’émotion du film, lui apporte beaucoup de douceur aussi. C’est Jean-Gabriel Becker qui est l’auteur de la musique originale.  Mogens Peterson, Andrew Patrick Oye, Paul Mottram mais aussi Bach, Chopin, Bach et Schubert, et son incontournable et si romantique sérénade, rythment la magnifique BO de ce film.

    Avec Le prochain voyage, fiction télévisée au tournage de laquelle j’avais eu le grand plaisir d’assister, Thierry Binisti s’attelait au sujet si délicat de la fin de vie. Le film était paradoxalement irradié de lumière, et avant tout empreint de tendresse, de douceur, et là aussi de notes vibrantes de jazz, de la beauté toujours flamboyante de Line Renaud (radieuse, espiègle, si juste) et du charme de Jean Sorel, de la touchante histoire d’amour de leurs personnages. Un film qui faisait avant tout l’éloge de la vie et de la liberté. Un film d’une infinie pudeur, sans pathos, porté par des comédiens exceptionnels. C’est une nouvelle fois le cas ici…

    L’amour qui lie les deux adolescents transperce l’écran, et nimbe le film d’une beauté ensorcelante, ce qui rend d’autant plus âpre et insupportable le harcèlement, la violence, les mots et maux qu’il provoque et qui cherchent à l’enlaidir. Lors d’un exposé une camarade de classe de Paul, celle-ci explique que 6 millions de Juifs sont morts pendant la Shoah, et qu’effectuer une minute de silence pour chacun reviendrait à être silencieux pendant onze ans et demi, ajoutant qu’il n’y avait pas que les Juifs qui subirent ce sort mais aussi notamment les homosexuels qui, eux, portaient un triangle rose. La violence imbécile des harceleurs de Paul se révèle alors en une image, atroce, quand ils lui collent à son tour ce triangle rose sur le dos.

    Que ce soit lorsque l’un des deux garçons déclare son amour à l’autre, ou lorsqu’ils se retrouvent des années plus tard et que, malgré la présence de leurs conjoints respectifs, les regards trahissent la force de leurs sentiments, la musique est toujours là pour dire ce que les mots taisent, et les scènes sont toujours filmées avec la même infinie délicatesse (je me répète, mais c’est vraiment le point commun entre toutes les réalisations de Thierry Binisti). Avec des images très cinématographiques, qui restent, comme lorsque Paul, à Paris avec ses parents, éloigné de Joseph, écoute du jazz et pense à lui, derrière la vitre de la voiture sur laquelle se reflète la tour Eiffel.

    Et puis il y a ce papillon claquemuré, fou de douleur, qui se cogne contre les parois du lustre, qui cherche l’air, la lumière, à libérer ses ailes emprisonnées dans le silence et la souffrance L’emprisonnement à nouveau. Comme dans Le Combat d’Alice. Comme dans Louis XV, le soleil noir enfermé dans sa prison doré (Versailles), comme dans  Une bouteille à la mer (un bijou que je vous recommande, découvert au Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz dans le cadre duquel il fut primé du Prix du meilleur film en 2011, une adaptation du roman de Valérie Zenatti Une bouteille à la mer de Gaza) où Naïm et Tal sont aussi enfermés physiquement de part et d’autre de la frontière, et dans un amour impossible.

    La mère de Paul lit La femme fardée de Sagan…comme sa femme des années plus tard. Un livre dans lequel le drame est latent, et la tension constante, dans lequel la musique est aussi cathartique. Comme les histoires de Sagan, aussi ancrées dans une époque soient-elles, ce film raconte une histoire universelle. Une histoire d’amour(s). Une histoire d’intolérance et donc de violence et de bêtise. Une histoire de rendez-vous manqués (impossible de vous en dire plus sans trop en dévoiler, mais c’est aussi ce qui rend ce film particulièrement poignant). Une histoire de renaissance.

    Le film a été distingué au Festival des créations télévisuelles de Luchon par le prix de la meilleure interprétation masculine, attribué ex-aequo à Max Libert et Alexis Rosenstiehl. Ils le méritent amplement. Tout le casting est d’ailleurs impeccable. Mais ces deux acteurs (et ceux qui incarnent leurs personnages des années plus tard, Roby Schinasi et Jeremy Kapone) sont pour beaucoup dans la bouleversante justesse de ce film. Mais aussi ceux qui les entourent (aucun rôle n’est négligé) comme les deux comédiennes qui interprètent les mères de Joseph et Paul.

    Une fois de plus, dans le cinéma de Thierry Binisti, intime et sujet politique s’entremêlent brillamment.  Dans son troisième long-métrage pour le cinéma, Le Prix du passage, il partait là aussi de l’intime pour parler du politique. Là aussi, il s’agissait de deux personnages forts. Là aussi il s’agissait de désirs (d’ailleurs). Là aussi l’histoire singulière donnait une incarnation à une situation plus universelle, celle des migrants qui, au péril de leur vie, fuient et bravent tous les dangers pour se donner une chance d'un avenir meilleur.

    Les Ailes collées est un film incandescent et marquant. Un film indispensable et déchirant, d’une profonde sensibilité, un plaidoyer vibrant contre l’intolérance et le harcèlement. Un film pour libérer du fardeau du silence et qui, je l’espère, éveillera quelques consciences, et permettra à quelques ailées collées de se libérer, et de prendre leur envol, vers la lumière, vers la parole et la liberté (d'être, d'aimer). Un film que vous n'oublierez pas.

    Dès le jeudi 8 mai sur france.tv et le mercredi 14 mai à 21.10 sur France 2. France Télévisions propose ce film à l’approche de la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie, et mobilise sa plateforme france.tv, ses antennes linéaires et ses médias sociaux avec une offre de programmes impactante et diversifiée, à l’image de son engagement permanent contre toutes les formes d’exclusion, de violence, de harcèlement et de discrimination. La fiction inédite Les ailes collées, réalisée par Thierry Binisti, est au cœur de ce dispositif éditorial.

  • Sélection officielle du 78ème Festival de Cannes

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    (Cet article écrit le jour de la conférence de presse d'annonce de Sélection officielle du 78ème Festival de Cannes sera mis à jour au fur et à mesure des nouvelles annonces concernant la Sélection officielle et les jurys, après la conférence de presse. Dernière modification : le 11/05/2025)

    « Vous ne pouvez changer la vision politique des gens avec un film, mais vous pouvez au moins engendrer une discussion politique. » Costa-Gavras

    Dans un monde aussi incertain, tourmenté, soumis à autant de vents contraires et de cataclysmes, peut-être nous est-il permis de rêver que le Festival de Cannes, non seulement engendrera une discussion politique comme ce fut le cas avec de nombreux films de sa Sélection officielle par le passé, mais aussi, dans un élan d’optimisme, qu’il changera la vision politique de certains. Le cinéma peut-il changer le sens du monde ? Ou du moins en réorienter notre vision ? J’ose le croire.

    Ce matin, à l’UGC Montparnasse, avait lieu la conférence de presse d’annonce de la Sélection officielle du 78ème Festival de Cannes menée par Thierry Frémaux, le Délégué général du festival, et la présidente Iris Knobloch qui, il y a trois ans, a succédé à Pierre Lescure qui lui-même avait succédé à Gilles Jacob. Une conférence qui annonce une sélection enthousiasmante qui fait la part belle aux premiers films (avec, évènement inédit, un premier film en ouverture) mais aussi aux grands cinéastes dont le talent n’est plus à prouver. Une sélection qui, comme toujours, cherche à trouver le fragile équilibre entre les découvertes et les cinéastes confirmés, le cinéma d’auteur et un cinéma plus grand public, avec notamment les films hors compétition. Une invitation à découvrir des « panoramas à couper le souffle » pour reprendre les mots de la Présidente du festival.

    De cette 78ème édition, nous savions déjà qu’elle aurait lieu du 13 au 24 mai, que le jury serait présidé par Juliette Binoche, qu’une palme d’or d’honneur serait remise à Robert De Niro, que Laurent Lafitte serait le maître des Cérémonies d’ouverture et de clôture et enfin que Mission: Impossible – The Final Reckoning ferait partie de la Sélection officielle, hors compétition, et serait présenté le  Mercredi 14 mai, au Grand Théâtre Lumière, en présence du comédien et producteur Tom Cruise, du réalisateur  et scénariste Christopher McQuarrie, ainsi que toute l’équipe du film.

    Avant l’annonce de la Sélection officielle tant attendue, la Présidente du festival Iris Knoblock a notamment rappelé la « mission historique du festival », « né en 1939, de la volonté d’offrir aux cinéastes du monde entier et à leurs films une terre d’accueil, un asile » et « de la volonté de réunir toutes celles et tous ceux qui, au-delà de leurs différences, parlent une seule et même langue, celle du cinéma. » « Depuis près de 80 ans, le Festival de Cannes dialogue ainsi avec le monde, incarne une France audacieuse, curieuse et ouverte. À une époque où la tentation du repli sur soi n'a jamais été aussi grande, ce message d'ouverture et d’espoir est fondamental. Nous avons plus que jamais conscience du rôle que joue le Festival de Cannes » a tenu à préciser la Présidente. « La promesse du Festival de Cannes est aussi d’accompagner les grandes évolutions de la société » a également rappelé cette dernière, ajoutant que « le Festival a pris connaissance avec sérieux et détermination des recommandations de la commission d’enquête parlementaire au sujet des violences dans le cinéma. »

    Elle a également rappelé que l’édition 2024 du festival avait rassemblé plus de 39000 professionnels dont près de 4200 journalistes mais aussi que 15000 professionnels de140 pays s’étaient « réunis pour échanger et concrétiser des projets au Marché du film. » Elle a également souligné la fierté de voir les films de la Sélection officielle rayonner bien au-delà des frontières, citant Flow, The Substance, Emilia Perez et Anora qui « se sont envolés vers leur incroyable destin ».

    « Les films sélectionnés interrogent, alertent et suscitent des débats. Mais surtout, ils révèlent les talents de demain » a-t-elle également signifié, ajoutant que « ici, les audaces trouvent un écho » , citant Welles, Tarantino, Campion, Bong Joon-ho. « Tous ont vu leurs destins basculer par cette magique palme d’or dont nous fêterons cette année les 70 ans. Notre plus grande fierté : continuer d’être cette incroyable dénicheur de talents. »

    « Je suis très heureuse qu’un changement continue de s’imposer. Les femmes sont finalement entendues. Le festival y est particulièrement attentif. Elles ne demandent plus leur place. Elles la prennent. Nous sommes honorés d’amplifier leurs voix, de mettre en lumière leur incroyable talent. » Ainsi la présidente du festival a-t-elle introduit son propos pour annoncer de nouveau qui présiderait le jury de cette 78ème édition. « Deux femmes se succèdent pour la première fois depuis 60 ans dans ce rôle. Juliette Binoche traverse les cinématographies du monde entier. Une des rares Françaises à avoir eu un Oscar. »

    Enfin, elle a tenu à rappeler, à l’heure à laquelle l’IA monopolise l’attention, que « le cinéma est une aventure profondément humaine » : « rappelons-nous qu’il repose avant tout sur l’engagement de femmes et d’hommes. Nous en avons eu un magnifique exemple à travers la remarquable résilience de nos amis américains mobilisés malgré les incendies dévastateurs de Los Angeles. »

    Le Délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux a ensuite pris la parole, en commençant par remarquer que « l’autre invention de Louis Lumière, c’est la salle de cinéma que nous fêterons à la fin de cette année » (retrouvez ici mon article consacré au documentaire Lumière, l'aventure continue !) et que la Sélection officielle comprend la compétition, Un Certain Regard, Cannes Première, les Séances spéciales  auxquels il faut ajouter les Séances de Minuit.

    2909 longs métrages ont été vus par les sélectionneurs cette année, un record alors qu’il y a 10 ans à peine, il n’y avait pas plus de 1000 à 1500 films visionnés. 68% de ces 2909 films sont réalisés par  des hommes. 1127 sont des premiers films. Ils témoignent ainsi de la « vitalité de la création mondiale. » Parmi tous ces films, ce sont 156 pays qui sont représentés.

    Avant de dévoiler la sélection, comme chaque année, Thierry Frémaux a décelé une tendance, cette année celle-ci : « Les films que nous avons vus, leur assemblage dessine le monde dans lequel nous vivons, plein de violence et de tension. Mais aussi plein d’amour et d’humanité, de tolérance à autrui et d’éthique personnelle. Il n’est pas celui dont on parle dans les réseaux sociaux. Le sentiment de révolte, d’esprit de contradiction et de croyance en ces valeurs universelles est toujours là. Cette sélection officielle en témoigne. »

    Il a enfin salué la mémoire d’Alain Delon, Marisa Paredes, Carlos Diegues, David Lynch et Emilie Dequenne. C’est à cette dernière qu’il a dédié la sélection.

    Avant de voir plus en détails la Sélection officielle, précisons bien sûr qu’elle sera prochainement complétée. Seront également prochainement annoncés les membres du jury, les films de Cannes Classics et d’autres films en compétition. L’affiche de cette 78ème édition sera également prochainement dévoilée. Mettra-t-elle en scène un des disparus de cette année écoulée parmi ceux cités par Thierry Frémaux ce matin ? Ou bien rendra-t-elle hommage à un classique du 7ème art porteur d’un message que le festival souhaite faire sien et mettre en exergue pour cette édition ? Toutes ces informations viendront bien sûr compléter cet article au fur et à mesure de leurs annonces.

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    Le 21 avril 2025, le Festival de Cannes a dévoilé sa sublime affiche, en réalité une double affiche pour la première fois de son histoire.  Magnifique hommage à la palme d'or 1966, Un homme et une femme de Claude Lelouch, mais aussi à ses deux acteurs principaux, Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant, récemment disparus. Un élan. Une étreinte. Un symbole d'éternité. D'union. De concorde. De judicieux symboles pour cette 78ème édition, et pour moi un écho à un inoubliable souvenir, la projection du film Les plus belles années d'une vie, dans le cadre du Festival de Cannes 2019. Je vous en avais longuement parlé, ici.

    Nous savons aussi désormais que Juliette Binoche, dans le jury de cette 78ème édition, sera accompagnée de : l’actrice et cinéaste américaine Halle Berry, la réalisatrice et scénariste indienne Payal Kapadia, l’actrice italienne Alba Rohrwacher, l’écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani, du réalisateur, documentariste et producteur congolais Dieudo Hamadi, du réalisateur et scénariste coréen Hong Sangsoo, du réalisateur, scénariste et producteur mexicain Carlos Reygadas et de l’acteur américain Jeremy Strong.

    La réalisatrice, scénariste et directrice de la photographie britannique Molly Manning Walker sera la Présidente du Jury Un Certain Regard du 78e Festival de Cannes. Elle sera entourée de la réalisatrice et scénariste franco-suisse Louise Courvoisier, de la directrice croate du Festival International du Film de Rotterdam Vanja Kaludjercic, du réalisateur, producteur et scénariste italien Roberto Minervini et de l’acteur argentin Nahuel Pérez Biscayart.

    La réalisatrice, scénariste et productrice Maren Ade sera la Présidente du Jury des courts métrages et de La Cinef du 78e Festival de Cannes. Elle sera entourée du réalisateur, scénariste et producteur Reinaldo Marcus Green, de la comédienne, auteure-compositrice-interprète Camélia Jordana, du producteur, photographe et ancien Directeur de la Filmoteca Española José María Prado Garcia et du réalisateur et scénariste Nebojša Slijepčević. Ils décerneront ensemble la Palme d’or du court métrage et les 3 prix de La Cinef, sélection du Festival de Cannes destinée aux films d’école. Le Jury découvrira les 11 films de la Compétition des courts métrages ainsi que les 16 films de la Sélection de La Cinef.

    Après le duo Emmanuelle Béart et Baloji l’an dernier, la réalisatrice et scénariste italienne Alice Rohrwacher présidera le Jury de la Caméra d’or de la 78e édition du Festival de Cannes. Ce prix récompense un premier long métrage présenté en Sélection officielle, à la Semaine de la Critique ou la Quinzaine des Cinéastes.

    Film d’ouverture

    PARTIR UN JOUR de Amélie BONNIN | 1er film – Hors Compétition

    Le film d’ouverture de cette 78ème édition sera pour la première fois un premier film, celui d’une jeune réalisatrice française. Un film d'Amélie Bonnin inspiré de son court métrage éponyme primé par le César du court métrage de fiction en 2023. Avec Juliette Armanet, Bastien Bouillon, François Rollin, Tewfik Jallab et Dominique Blanc. Synopsis : Alors que Cécile s’apprête à réaliser son rêve, ouvrir son propre restaurant gastronomique, elle doit rentrer dans le village de son enfance à la suite de l'infarctus de son père. Loin de l'agitation parisienne, elle recroise son amour de jeunesse. Ses souvenirs ressurgissent et ses certitudes vacillent…

    COMPETITION

    Lors de la conférence de presse d'annonce de sélection, 19 films en compétition ont été annoncés dont 6 réalisés par des femmes a rappelé plusieurs fois Thierry Frémaux. Parmi ces films, nous noterons notamment celui de Jafar Panahi à propos duquel le cinéaste iranien a « demandé de ne rien dire». Parmi les sélections françaises, notons la présence de Dominik Moll dans lequel « Léa Drucker incarne une policière chargée d’inspecter le travail de ses collègues». Parmi les films français figure également le film de la comédienne (et réalisatrice) Hafsia Herzi dans lequel, selon Thierry Frémaux, elle démontre autant ses « talents de réalisatrice » que ses « convictions de femme ». Julia Ducournau revient également en compétition, quatre ans après sa palme d’or pour Titane, pour un film intitulé Alpha. Selon Thierry Frémaux, à nouveau elle « visite le cinéma de genre pour en faire un cinéma de mise en scène, d’invention formelle, de comédiens », notamment « Tahar Rahim dans un rôle de composition très saisissante. » Nous aurons également le plaisir de retrouver en compétition Wes Anderson « avec sa troupe d’acteurs », les frères Dardenne mais aussi les derniers films de Tarik Saleh, de retour à Cannes, trois ans après le captivant La Conspiration du Caire (prix du scénario), et de Joachim Trier, quatre ans après Julie (en 12 chapitres), prix d'interprétation féminine pour Renate Reinsve. Sergueï Loznitsa nous propose un film sur « L’URSS des années 30 ». Le très attendu Nouvelle vague de Richard Linklater figure également parmi les films de la compétition.

    Trois films ont été annoncés ultérieurement pour compléter la compétition. Vous les trouverez dans les compléments de sélection en bas de cet article.

    THE PHOENICIAN SCHEME de Wes ANDERSON

    EDDINGTON de Ari ASTER

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    ©  Courtesy of A24

    Mai 2020 à Eddington, petite ville du Nouveau Mexique, la confrontation entre le shérif (Joaquin Phoenix) et le maire (Pedro Pascal) met le feu aux poudres en montant les habitants les uns contre les autres.

    JEUNES MÈRES de Jean-Pierre et Luc DARDENNE

     

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    Jessica, Perla, Julie, Ariane et Naïma sont hébergées dans une maison maternelle qui les aide dans leur vie de jeune mère. Cinq adolescentes qui ont l’espoir de parvenir à une vie meilleure pour elles-mêmes et pour leur enfant.

    ALPHA de Julia DUCOURNAU

    RENOIR de HAYAKAWA Chie

    THE HISTORY OF SOUND de Oliver HERMANUS

    LA PETITE DERNIÈRE de Hafsia HERZI

    SIRAT de Oliver LAXE

    NOUVELLE VAGUE de Richard LINKLATER

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    Le film sort dans les salles françaises le 8 octobre 2025.  L'histoire de Godard tournant À bout de souffle, racontée dans le style et l'esprit de Godard tournant À bout de souffle.

    DEUX PROCUREURS de Sergei LOZNITSA

    FUORI de Mario MARTONE

    O SECRETO AGENTE de Kleber MENDONÇA FILHO
    (L’AGENT SECRET)

    DOSSIER 137 de Dominik MOLL

    UN SIMPLE ACCIDENT de Jafar PANAHI

    THE MASTERMIND de Kelly REICHARDT

    LES AIGLES DE LA RÉPUBLIQUE de Tarik SALEH

    SOUND OF FALLING de Mascha SCHILINSKI

    ROMERÍA de Carla SIMÓN

    SENTIMENTAL VALUE de Joachim TRIER

    HORS COMPETITION

    Les films hors compétition promettent aussi cette année de beaux moments d’émotion avec, pour commencer, le nouveau film de Thierry Klifa dont j’affectionne particulièrement le cinéma, tout comme celui de Cédric Klapisch qui présentera également son nouveau long-métrage dans ce cadre. Sera également présenté hors compétition le nouveau film de Rebecca Zlotowski avec Daniel Auteuil et Jodie Foster.

    LA VENUE DE L’AVENIR de Cédric KLAPISCH

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    Synopsis : Aujourd'hui, en 2024, une trentaine de personnes issues d'une même famille apprennent qu'ils vont recevoir en héritage une maison abandonnée depuis des années. Quatre d'entre eux, Seb, Abdel, Céline et Guy sont chargés d'en faire l'état des lieux. Ces lointains "cousins" vont alors découvrir des trésors cachés dans cette vieille maison. Ils vont se retrouver sur les traces d'une mystérieuse Adèle qui a quitté sa Normandie natale, à 20 ans. Cette Adèle se retrouve à Paris en 1895, au moment où cette ville est en pleine révolution industrielle et culturelle. Pour les 4 cousins, ce voyage introspectif dans leur généalogie va leur faire découvrir ce moment si particulier de la fin du 19ème siècle où la photographie s'inventait et l'impressionnisme naissait. Ce face à face entre les deux époques 2024 et 1895 remettra en question leur présent et leurs idéaux et racontera le sens de : La venue de l'avenir.

    Avec Suzanne Lindon, Abraham Wapler, Vincent Macaigne, Julia Piaton, Zinedine Soualem, Paul Kircher, Vassili Schneider, Sara Giraudeau, Cécile de France et Claire Pommet.

    LA FEMME LA PLUS RICHE DU MONDE de Thierry KLIFA

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    La femme la plus riche du monde, c’est ici Liliane Bettencourt ( Isabelle Huppert) lorsque l’héritière de L’Oréal a le coup de foudre pour l’écrivain-photographe François-Marie Banier, son cadet de 25 ans. Le film relate leur relation fusionnelle qui suscite l’inquiétude de sa fille et la surveillance de son majordome…. Avec aussi : Laurent Lafitte, Marina Fois et Raphaël Personnaz.

    MISSION: IMPOSSIBLE – THE FINAL RECKONING de Christopher MCQUARRIE

    VIE PRIVÉE de Rebecca ZLOTOWSKI

    CANNES PREMIERE

    Cette section, la plus récente, révèle chaque année des pépites, comme l’an passé En fanfare ou Le Roman de Jim. Thierry Frémaux a notamment évoqué La Ola comme un film qui allait « susciter de nombreux débats, par sa forme, celle d’une comédie musicale, et en raison des opinions affichées par le réalisateur et ses coscénaristes. »

    AMRUM de Fatih AKIN

    SPLITSVILLE de Michael Angelo COVINO

    LA OLA de Sebastián LELIO
    (LA VAGUE)

    CONNEMARA de Alex LUTZ

    ORWELL : 2+2=5 de Raoul PECK

    DAS VERSCHWINDEN DES JOSEF MENGELE de Kirill SEREBRENNIKOV
    (LA DISPARITION DE JOSEF MENGELE)

    SEANCES SPECIALES

    Comment souvent, les films en séances spéciales sont également particulièrement attendus et marquants  comme ce fut le cas avec Le Fil de Daniel Auteuil l’an passé (qui vient de recevoir le prix Jacques Deray).

    STORIES OF SURRENDER de BONO

    DITES-LUI QUE JE L’AIME de Romane BOHRINGER

    MARCEL ET MONSIEUR PAGNOL de Sylvain CHOMET

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    Le nouveau film événement de Sylvain Chomet (nommé 4 fois aux Oscars). Avec les voix de Laurent Lafitte, Géraldine Pailhas, Thierry Garcia, Anaïs Petit, Vincent Fernandel, Véronique Philipponnat. Le génie de Sylvain Chomet rencontre le soleil de Marcel Pagnol à travers une fabuleuse fresque humaine et historique. A l’apogée de sa gloire, Marcel Pagnol reçoit la commande d’une rédactrice en chef d’un grand magazine féminin pour l’écriture d’un feuilleton littéraire, dans lequel il pourra raconter son enfance, sa Provence, ses premières amours... En rédigeant les premiers feuillets, l’enfant qu’il a été autrefois, le petit Marcel, lui apparaît soudain. Ainsi, ses souvenirs ressurgissent au fil des mots : l’arrivée du cinéma parlant, le premier grand studio de cinéma, son attachement aux acteurs, l'expérience de l’écriture. Le plus grand conteur de tous les temps devient alors le héros de sa propre histoire.

    SEANCES DE MINUIT

    En séances de minuit, nous retrouvons notamment Yann Gozlan qui avait signé les palpitants Un homme idéal et Boîte noire. Cette fois, il présentera son dernier film, avec Cécile de France, Lars Mikkelsen, Anna Mouglalis et Mylène Farmer. Écrit par Yann Gozlan et Nicolas Bouvet-Levrard. D’après le roman de Tatiana De Rosnay, Les fleurs de l’ombre.

    DALLOWAY de Yann GOZLAN

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    ZHOU YUCHAO © Mandarin et Compagnie - Gaumont

    Synopsis : Clarissa, romancière en mal d’inspiration, rejoint une résidence d’artistes prestigieuse à la pointe de la technologie. Elle trouve en Dalloway, son assistante virtuelle, un soutien et même une confidente qui l’aide à écrire. Mais peu à peu, Clarissa éprouve un malaise face au comportement de plus en plus intrusif de son IA, renforcé par les avertissements complotistes d’un autre résident. Se sentant alors surveillée, Clarissa se lance secrètement dans une enquête pour découvrir les réelles intentions de ses hôtes. Menace réelle ou délire paranoïaque ?

    EXIT 8 de KAWAMURA Genki

    FENG LIN HUO SHAN de MAK Juno
    (SONS OF THE NEON NIGHT)

    UN CERTAIN REGARD

    Comme toujours, à Un Certain regard, nous retrouvons un « cinéma plus de recherche formelle ». Nous y verrons notamment le nouveau film d’Hubert Charuel à qui nous devions Petit paysan, mais aussi un film nigerian, une première pour le Nigeria que ce film en Sélection officielle, ou encore le dernier film de Stéphane Demoustier qui avait signé notamment le remarquable Borgo. L’acteur de Triangle of sadness est également présent en tant que réalisateur pour son premier film. Le premier film d’une autre actrice figure également dans cette sélection, celui de Scarlett Johansson.

    LA MISTERIOSA MIRADA DEL FLAMENCO de Diego CÉSPEDES | 1er film
    (THE MYSTERIOUS GAZE OF THE FLAMINGO)

    MÉTÉORS de Hubert CHARUEL

    MY FATHER’S SHADOW de Akinola DAVIES JR | 1er film

    L’INCONNU DE LA GRANDE ARCHE de Stéphane DEMOUSTIER

    URCHIN de Harris DICKINSON | 1er film

    HOMEBOUND de Neeraj GHAYWAN

    A PALE VIEW OF HILLS de ISHIKAWA Kei

    ELEANOR THE GREAT de Scarlett JOHANSSON | 1er film

    KARAVAN de Zuzana KIRCHNEROVA | 1er film

    PILLION de Harry LIGHTON | 1er film

    AISHA CAN’T FLY AWAY de Morad MOSTAFA | 1er film

    ONCE UPON A TIME IN GAZA de Arab et Tarzan NASSER

    THE PLAGUE de Charlie POLINGER | 1er film

    PROMIS LE CIEL de Erige SEHIRI

    LE CITTÀ DI PIANURA de Francesco SOSSAI
    (UN DERNIER POUR LA ROUTE)

    TESTA O CROCE? de Matteo ZOPPIS, Alessio RIGO DE RIGHI
    (HEADS OR TAILS?)
     

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    Le 23 avril, la Sélection Officielle a été complétée par les films suivants : 

    Compétition

    DIE MY LOVE

    Lynne Ramsay

    MOTHER AND CHILD

    Saeed Roustaee

    Un Certain Regard

    LOVE ME TENDER

    Anna Cazenave Cambet

    UN POETA

    Simón Mesa Soto

    O RISO E A FACA (LE RIRE ET LE COUTEAU)

    Pedro Pinho

    THE CHRONOLOGY OF WATER

    Kristen Stewart

    1er film

    Cannes Première

    RENAI SAIBAN

    Kōji Fukada

    ÁSTIN SEM EFTIR ER

    Hlynur Pálmason

    MAGALHÃES

    Lav Diaz

    Séances de minuit

    LE ROI SOLEIL

    Vincent Maël Cardona

    HONEY DON’T

    Ethan Coen

    Séances spéciales

    AMÉLIE ET LA MÉTAPHYSIQUE DES TUBES

    Maïlys Vallade et Liane-Cho Han

    1er film

    MAMA

    Or Sinai

    1er film

    ARCO

    Ugo Bienvenu

    1er film

    QUI BRILLE AU COMBAT

    Joséphine Japy

    1er film

    Et dans le cadre d’un hommage à Pierre Richard

    L'HOMME QUI A VU L'OURS QUI A VU L'HOMME

    Pierre Richard

    COMPLEMENTS DE SELECTION du 08/05/2025

    Compétition

    RÉSURRECTION

    Bi Gan

    Hors Compétition

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    13 JOURS, 13 NUITS

    Martin Bourboulon

    Séance spéciale

    THE SIX BILLION DOLLAR MAN

    Eugene Jarecki

    Cannes Première

    MA FRÈRE

    Lise Akoka et Romane Gueret

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    © Michaël JAN

    16 œuvres immersives venant de 9 pays seront présentées en Sélection dont 9 en Compétition.

    Le Jury de la Compétition immersive sera présidé par le réalisateur français Luc Jacquet qui sera accompagné de l’artiste américaine Laurie Anderson, de l’écrivaine française Tania de Montaigne, de la réalisatrice britannique Martha Fiennes et du créateur de jeux vidéo japonais Tetsuya Mizuguchi.

    Ce prestigieux Jury aura la noble tâche de remettre le prix de la Meilleure Œuvre immersive lors de la Cérémonie de Clôture de la Compétition immersive, le 22 mai prochain.

    Lancée en 2024, la Compétition immersive investit cette année l’Hôtel Carlton, lors du 78e Festival de Cannes.

    CANNES CLASSICS 2025

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    © Roy Export Company Ltd

    Le centenaire de The Gold Rush de Charlie Chaplin en pré-ouverture le 13 mai salle Debussy,

    L’avant-première mondiale du film de Diane Kurys qui raconte le couple Montand-Signoret,

    Les 25 ans d’Amores perros d’Alejandro G. Iñárritu en sa présence,

    Un hommage à Edward Yang avec la copie restaurée de Yi Yi,

    La ressortie d’À toute épreuve de John Woo, 

    Les 90 ans de Merlusse de Marcel Pagnol, Président du Jury en 1955,

    Des documentaires pour penser à David Lynch, à Carlos Diegues, à Pierre-William Glenn, 

    Deux acteurs qui se filment, Shia LaBeouf et Raphaël Quenard,

    Kevin Smith et Dogma de retour sur la Croisette comme la réalisatrice de Hong Kong, T’ang Shushuen, pour The Arch

    Un hommage à István Szabó,

    Les 50 ans de Vol au-dessus d’un nid de coucou

    La légende du cyclisme Eddy Merckx pour la légendaire Course en tête de Joël Santoni,

    Une projection en hommage à Mohamed Lakhdar-Hamina,

    Des films rares en provenance de Colombie et d’Irak,

    La première réalisatrice du Sri Lanka, 

    Les 120 ans de la naissance de Naruse

    Le Magirama d’Abel Gance,

    Jayne Mansfield par sa fille l’actrice Mariska Hargitay,

    Satyajit Ray par Wes Anderson grâce à The Film Foundation de Martin Scorsese,

    Le réalisateur allemand Konrad Wolf sur le devant de la scène,

    Un film argentin, Más allá del olvido, dont on se demande si Alfred Hitchcock ne s’en serait pas inspiré pour Vertigo,

    Barry Lyndon en clôture, et…

    Quentin Tarantino pour deux films et une rencontre autour de George Sherman.

    PROGRAMME DU CINEMA DE LA PLAGE

    A HIDDEN LIFE TERRENCE MALICK 2019

     HARD BOILED JOHN WOO 1992 –

     LES MAUVAIS COUPS FRANÇOIS LETERRIER 1961 –

    DUEL IN THE SUN KING VIDOR 1946

    LA LÉGENDE DE LA PALME D’OR... CONTINUE ALEXIS VELLER 2025 –doc Suivi de SUNSET BLVD BILLY WILDER 1950 –

    PALOMBELLA ROSSA NANNI MORETTI 1989 – 1h28

    BARDOT ALAIN BERLINER 2025– doc

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    TENSHI NO TAMAGO MAMORU OSHII 1985

    DARLING JOHN SCHLESINGER 1965

    ANGE TONY GATLIF

    FILM SURPRISE…  (le vendredi 23 mai)

    MÉLODIE EN SOUS-SOL HENRI VERNEUIL 1963

     

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    LES RENDEZ-VOUS DU FESTIVAL DE CANNES

    - Rendez-vous avec... Christopher McQuarrie
    Mercredi 14 mai à 12h30 - Salle Debussy

    - Rendez-vous avec... 
    Robert De Niro
    Mercredi 14 mai à 15h15 - Salle Debussy 
     

    -Rendez-vous avec... 
    Alexandre Desplat & Guillermo del Toro
    Une leçon de musique en partenariat avec La Sacem.
    Dimanche 18 mai à 14h00 - Salle Buñuel

    Retrouvez ici la grille des projections du 78ème Festival de Cannes sur le site officiel du Festival de Cannes

  • 7ème Prix de la Citoyenneté dans le cadre du 78ème Festival de Cannes : présentation et jury

    prix de la citoyenneté 2025 2.png

    Chaque année depuis sa création, je vous parle ici de ce prix indispensable qu’est le Prix de la Citoyenneté, un prix qui récompense un "cinéma citoyen et humaniste".  Le samedi 24 mai à 13h30, nous saurons quel sera le lauréat 2025.

    L’association Clap Citizen Cannes, à l’initiative de ce prix,  a été créée en mai 2017 lors du 70ème anniversaire du Festival International du Film de Cannes. Les membres fondateurs sont Line Toubiana, Françoise Camet, Guy Janvier, et Jean-Marc Portolano. Le Président de l’association est Nabil Ayouch. Les Présidents d’honneur sont : Catherine Martin-Zay, Laurent Cantet, et Hélène Mouchard-Zay.

    Ce prix met en avant des valeurs humanistes, universalistes et laïques. Il célèbre l'engagement d'un film, d'un réalisateur et d'un scénariste en faveur de ces valeurs. Je vous recommande ainsi les pages passionnantes du site officiel du Prix de la Citoyenneté qui les définissent.

    Les films suivants ont reçu le Prix de la Citoyenneté les années passées :

    Capharnaüm de Nadine Labaki (2018)

    - Les Misérables de Ladj Ly (2019), 

    - Un héros de Asghar Farhadi (2021), 

    - Leila et ses frères de Saeed Roustaee (2022),

    -Les Filles d’Olfa de Kaouther Ben Hania avec une mention spéciale au film Jeunesse de Wang Bing (2023), 

    - Bird d'Andrea Arnold (2024)

    Le Prix célèbre l'engagement d'un ou une cinéaste en faveur des valeurs citoyennes. Il sera remis pour la septième fois lors de d’édition du 78ème festival international du Film de Cannes à un film en compétition de la sélection officielle. Son objet est de "distinguer une œuvre de qualité artistique de premier plan qui exalte les vertus de la richesse humaine individuelle et collective, les engagements solidaires en faveur des femmes et des hommes, ainsi que la préservation des ressources de notre planète associées à la défense de la qualité environnementale en faveur des générations futures."

    Prix de la Citoyenneté 2025 © François Vila P1061942.JPG

    Jury du Prix de la Citoyenneté 2025 © François Vila 

    Le jury 2025 sera  présidé par Lucas Belvaux, cinéaste, acteur et romancier franco-belge. Il sera accompagné de Muriel Coulin, cinéaste et directrice de la photographie, de Delphine Coulin, cinéaste, scénariste et écrivaine  (retrouvez ici ma critique de Jouer avec le feu de Delphine et Muriel Coulin), Isabelle Chenu, journaliste et cheffe du service culturel de RFI ainsi que de Lionel Baier, cinéaste et producteur suisse (retrouvez ici ma critique de La Cache de Lionel Baier).

    Retrouvez, ici, le programme complet du 78ème Festival de Cannes.

    Lien permanent Imprimer Catégories : FESTIVAL DE CANNES 2025 Pin it! 0 commentaire
  • Critique - LE COMBAT D’ALICE de Thierry Binisti (fiction télévisée – en replay sur France.tv)

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    Cette fiction télévisée qui devait être diffusée en mars sur France Télévisions, dont la programmation a été annulée pour cause d'actualité, est disponible en replay sur France TV, ici. Une nouvelle date de diffusion sera bientôt annoncée. Je vous la communiquerai.

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    J’ai souvent évoqué ici les fictions de Thierry Binisti dont j’avais découvert l’univers avec le mémorable Une bouteille à la mer, au Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz dans le cadre duquel il fut primé du Prix du meilleur film en 2011. Ce film était une adaptation du roman de Valérie Zenatti Une bouteille à la mer de Gaza, l’histoire de Tal (Agathe Bonitzer), une jeune Française de 17 ans installée à Jérusalem avec sa famille, qui, après l’explosion d’un kamikaze dans un café de son quartier, écrit une lettre à un Palestinien imaginaire dans laquelle elle exprime ses interrogations et son refus d’admettre que seule la haine puisse régner entre les deux peuples.

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    J’avais ensuite été totalement embarquée par son docu-fiction Louis XV, le soleil noir qu’il avait réalisé pour France 2, un divertissement pédagogique passionnant, de très grande qualité, aussi bien dans le fond que dans la forme, une immersion dans les allées tumultueuses de Versailles et dans les mystérieux murmures de l'Histoire, dans le bouillonnant siècle des Lumières et dans la personnalité tourmentée de Louis XV. Les similitudes entre ce téléfilm et Une bouteille à la mer étaient d’ailleurs assez nombreuses : Versailles, une prison (certes dorée) pour Louis XV comme pouvait l’être Gaza pour Naïm, un portrait nuancé de Louis XV comme l’étaient ceux de Naïm et Tal, une combinaison astucieuse entre fiction et documentaire.

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    Tout comme le docu-fiction évoqué ci-dessus, Une bouteille à la mer ne laissait pas de place à l’approximation, avec un scénario particulièrement documenté. Ces deux voix qui se répondent, à la fois proches et parfois si lointaines, se font écho, s’entrechoquent, se confrontent et donnent un ton singulier au film, grâce à une écriture ciselée et précise, et sont ainsi le reflet de ces deux mondes si proches et si lointains qui se parlent, si rarement, sans s’entendre et se comprendre. Thierry Binisti ne tombe jamais dans l’angélisme ni la diabolisation de l’un ou l’autre côté du « mur ». Il montre au contraire Palestiniens et Israéliens, par les voix de Tal et Naïm, si différents mais si semblables dans leurs craintes et leurs aspirations, et dans l’absurdité de ce qu’ils vivent. Il nous fait tour à tour épouser le point de vue de l’un puis de l’autre, leurs révoltes, leurs peurs, leurs désirs finalement communs, au-delà de leurs différences, si bien que nous leur donnons tour à tour raison. Leurs conflits intérieurs mais aussi au sein de leurs propres familles sont alors la métaphore des conflits extérieurs qui, paradoxalement, les rapprochent.

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    Nous retrouvions aussi ces qualités dans son troisième long-métrage pour le cinéma, Le Prix du passage, là aussi très documenté, notamment grâce à l’expérience de la scénariste Sophie Gueydon qui a travaillé avec des associations à Paris puis à Calais, et noué des liens avec les migrants rencontrés alors. Avec Pierre Chosson, elle a écrit un scénario puissant dénué de manichéisme. Là aussi, il s’agit de la rencontre entre deux mondes qui n’auraient jamais dû se côtoyer, qui vont s’enrichir l’un l’autre. Là aussi il s’agit de partir de l’intime pour parler du politique. Là aussi, il s’agit de deux personnages forts. Là aussi il s’agit de désirs (d’ailleurs) qui vont éclore. Cette histoire singulière dont le rythme ne faiblit jamais, le montage mettant ainsi en exergue le sentiment d'urgence et de risque constants qui étreint les deux protagonistes, donne une incarnation à une situation plus universelle, celle des migrants qui, au péril de leur vie, fuient et bravent tous les dangers pour se donner une chance d'un avenir meilleur. Ce film riche de ses nuances nous donne aussi envie, comme la protagoniste, de prendre conscience de la préciosité de notre liberté, et d’en savourer chaque seconde… Un film nuancé et palpitant dont on ressort le cœur empli du souvenir revigorant et rassérénant de ce plan d'un horizon ensoleillé mais aussi du souvenir de ces deux magnifiques personnages, deux combattants de la vie qui s'enrichissent de la confrontation de leurs différences.

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    Plus récemment, avec Le prochain voyage, fiction télévisée au tournage de laquelle j’avais eu le grand plaisir d’assister, Thierry Binisti s’attelait cette fois au sujet si délicat de la fin de vie. Le film était paradoxalement irradié de lumière, et avant tout empreint de tendresse, de douceur, de notes vibrantes de jazz, de la beauté toujours flamboyante de Line Renaud (radieuse, espiègle, si juste) et du charme de Jean Sorel (Belle de jour, La ronde…), de la touchante histoire d’amour de leurs personnages. Un film qui faisait avant tout l’éloge de la vie (de la beauté de « La structure d'une marguerite ou d'un flocon de neige, des lumières d'un coucher de soleil, du vol d'un albatros, de la voie lactée » ou encore de celle d’un couple d’employés de l’hôtel qui incarne la fugacité incandescente de la jeunesse), et de la liberté. Un film d’une infinie pudeur, sans pathos, porté par des comédiens remarquables.

    Des qualités que l’on retrouve dans cette dernière fiction de Thierry Binisti intitulée Le combat d’Alice (dont le titre initial était Le Sanctuaire), une adaptation de 8865, le livre de Dominique Legrand publié aux éditions Hugo Publishing en 2020. Le tournage a eu lieu en 2024 en Auvergne-Rhône-Alpes, dans les départements du Rhône (Chaussan, Lyon, Messmy, Meyzeu, Mornant, Saint-Martin-en-Haut, Thurins, Yzeron) et de l’Ain (Miribel). Le livre avait marqué le scénariste Mikael Ollivier, qui eut l'idée de cette adaptation, qu’il suggéra au producteur Pierre Sportolaro. Le film a été projeté en compétition officielle au Festival de la Fiction de la Rochelle 2024 et hors compétition au Luchon Festival 2025.

    Récemment, deux films remarquables évoquaient des sujets liés au militantisme écologique. Le premier était Goliath de Frédéric Tellier en 2022. Nombreux sont évidemment les films engagés ou les films qui évoquent le combat de David contre Goliath. Ceux de Costa-Gavras, Loach, Boisset, Varda ou des films comme L’affaire Pélican de Pakula ou Effets secondaires de Soderbergh. Et s’il existe de nombreux documentaires sur ce sujet des pesticides, c’était à ma connaissance la première fiction à l’évoquer ainsi, et à l’évoquer avec autant de force. Et Les algues vertes de Pierre Jolivet, un magnifique portrait d’héroïne contemporaine, mais surtout un film engagé, militant même, qui pour autant n’oublie jamais le spectateur, et d’être une fiction, certes particulièrement documentée et instructive mais qui s’avère captivante et prenante de la première à la dernière seconde, tout en décrivant avec beaucoup d’humanité et subtilité un scandale sanitaire et toutes les réalités sociales qu’il implique. Ajoutez à cela la subtile musique originale d’Adrien Jolivet et vous obtiendrez un film marquant à la hauteur du sujet, des victimes d’hier et des personnes qui pourraient en être demain, qui rend aussi un vibrant hommage à la beauté renversante de la Bretagne.

    Dans Le combat d'Alice, c’est à une autre réalité révoltante que s’intéresse Alice, 16 ans (Lucy Loste Berset) qui a perdu sa mère deux ans auparavant. Depuis lors, elle vit seule avec son père, Joscelin (Nicolas Gob). L’un et l’autre affrontent cette épreuve du mieux qu’ils le peuvent, chacun dans leur « bulle », le père d’Alice en se consacrant entièrement à son travail. Quant à Alice, elle est exclue quelques jours de son lycée après s’y être battue avec une autre élève. Son père l’envoie à la campagne, chez ses grands-parents paternels, maraîchers (Luce Mouchel et Pasquale d’Inca). Là elle se prend d’affection pour Vidocq, un veau tout juste né, promis à l’abattoir par son éleveuse Isabelle (Carole Bianic) qui se bat pour rouvrir un abattoir intercommunal pour « accompagner les bêtes de la naissance à la mort, ne pas renoncer au circuit court ». Elle rencontre aussi Lola (Léonie Dahan-Lamort), une jeune militante écologiste et végane avec qui elle se lie d’amitié. Prête à tout pour sauver le veau, Alice se rapproche d’un groupe de militants et s’engage avec la passion et l’excès de son âge. Alice va alors prendre conscience de la maltraitance animale, devenir végétarienne et se rapprocher alors d’un mouvement de désobéissance civile

    L’histoire débute dans un cimetière lyonnais. Toute sa famille attend Alice pour ce jour anniversaire de la mort de sa mère. En vain. Son père appelle le lycée et apprend que sa fille s’est battue. D’emblée, le film est placé sous le sceau du deuil, thème qu’il traite avec beaucoup de sensibilité. Avant tout, Alice cherche en effet à surmonter la mort de sa mère. Elle va s’attacher à ce petit veau qu’elle surnomme « Vidocq » ou plutôt « VieDoc ». Cette mort-là, elle peut encore l’empêcher pour faire triompher la vie, et cela va devenir pour elle un combat viscéral, vital.

    Nicolas Gob interprète avec beaucoup de nuances ce père désarçonné, dépassé par le mutisme, la virulence, le désarroi, la révolte, l’impertinence de sa fille campée magistralement et avec intensité par Lucy Loste Berset.  La communication entre eux est devenue impossible, trop de non-dits les éloignent l’un de l’autre. Ils sont pourtant aussi perdus et en colère l’un que l’autre.

    Le scénario de Mikaël Ollivier et le montage de Julien Beray, par leur subtilité et des ellipses judicieuses, font honneur à la complexité de la jeune fille (les émois et les élans de l’adolescence sont évoqués en filigrane, sans jamais en devenir les clichés) mais aussi à celle du sujet de l’abattage des animaux. Les images des abattoirs sont plus suggérées (par les réactions qu’elles suscitent) que réellement montrées (nous en voyons bien suffisamment pour que nous comprenions le dégoût d’Alice), le propos n’en a ainsi que plus de force. Le film n’élude pas les difficultés que rencontrent les éleveurs tandis que le fils de l’éleveuse donne un prénom à son steak, ce qui humanise les deux discours. Et comment donner tort à Alice quand, avec toute l’innocence, la rage poignante, et les excès de son âge, elle dit : « Tu crois vraiment qu'il y a une bonne façon de tuer un animal ,de supprimer une vie » ?

    Une fois de plus, dans le cinéma de Thierry Binisti, intime et sujet politique s’entrelacent brillamment. Ce film se place à hauteur de ses personnages, et n’est jamais sentencieux. Il évite l’écueil du manichéisme. Et l’émotion s’empare du spectateur à de nombreuses reprises. La douleur indicible de cette jeune fille qui a perdu sa mère et qui met toute sa souffrance dans son combat contre celle qu’on veut infliger à ce veau est aussi bouleversante que le désarroi de ce père face à la plaie béante de sa fille qu’il se sent incapable de soigner. Leur incapacité à communiquer donne lieu à des scènes particulièrement fortes, d’une rare intensité. Et les moments de tendresse entre le père et la fille n’en sont que plus bouleversants, quand il lui dit qu’elle a un « aussi joli sourire » que sa maman ou qu’ils auraient « pu faire un voyage tous les deux en Sicile, l’endroit où on avait fait notre voyage de noces avec maman, elle rêvait de te le faire découvrir. » L’émotion est toujours subtilement amenée, comme lorsqu’Alice dit à son amie Lola que sa mère est morte.

    La magnifique musique originale d’Olly Gorman permet d’apporter un peu de légèreté et de douceur, et rappelle l’amour qui sous-tend les relations du père et de la fille malgré l’âpreté apparente de leurs échanges. La musique se fait aussi plus douce quand Alice est en compagnie des animaux, plus apaisée, accompagnant certains plans qui relèvent du conte comme lorsque le veau s’échappe, boit l’eau d’un étang qui resplendit sous la pleine lune et part seul, libre.

    Je vous recommande vivement cette fiction sur les combats d’Alice pour et vers la vie, qui ne contient aucune scène superflue, qui insinue constamment de l’émotion sans jamais la forcer, qui traite avec nuances, humanité, pudeur, sensibilité et subtilité du deuil et de notre relation à la vie et forcément à la mort, qu’elle soit humaine ou animale. L’histoire d’une double libération (d’un animal mais aussi d’une jeune fille et de son père, emprisonnés dans leurs rancœurs, leurs non-dits, et surtout leurs douleurs), d’un éveil (au militantisme) et d’un retour à la vie. Il n’est jamais trop tard pour panser les blessures les plus ineffables, et pour réparer les liens brisés : ce film le raconte magnifiquement.

    Le mercredi 14 mai à 21h10, ne manquez pas non plus la dernière réalisation de Thierry Binisti, Les ailes collées, une fiction adaptée du roman de Sophie de Baere publié en 2022 chez JC Lattès.

  • Livre - Cinéma- L’AVENTURE DES FILMS – HISTOIRE DE VINGT TOURNAGES MYTHIQUES de Olivier Rajchman

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    « Pour que l'événement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu'on se mette à le raconter. » Jean-Paul Sartre

    D’emblée, je vous rassure : aucun évènement banal ne figure dans ce livre, lui-même aventure prenante qui fourmille d’histoires inédites brillamment racontées.

    La couverture du livre reprend la célèbre scène de La Mort aux trousses d’Hitchcock dans laquelle Cary Grant est poursuivi par un avion d’épandage dans un paysage vaste et vide à perte de vue, irradié de soleil, ne lui permettant pas de s’abriter du danger imminent de mort, et inversant ainsi les codes habituels du suspense.

    Le prologue a pour titre la célèbre citation de Truffaut sur l’amour « joie et souffrance », extraite des dialogues de La Sirène du Mississipi et du Dernier Métro que François Ozon reprit aussi à son tour dans un de ses films.

    Hitchcock et Truffaut. Déjà deux bonnes raisons pour moi de découvrir ce livre qui, à travers les récits de vingt tournages mythiques (et de vingt tournages de films qui le sont tout autant), narre avec minutie les palpitantes aventures des films, dont Olivier Rajchman (journaliste et historien du cinéma, auteur de Hollywood ne répond plus en 2022 et Le Siècle des stars en 2023) révèle à quel point ils furent aussi des histoires captivantes qui méritaient d’être contées, à quel point pour reprendre la citation de Samuel Fuller dans Pierrot le fou de Jean-Luc Godard, en exergue du livre « Un film, c’est comme un champ de bataille : amour, haine, action, violence, mort. En un mot : émotion. »

    Olivier Rajchman explique ainsi le choix de sa couverture : « Avant de parler à l'intellect, le cinéma est affaire de ressentis, d'émotions. Bien souvent, un film, une scène sont notre porte d'accès à la magie. Ce film, pour nous, est La Mort aux trousses : la scène, celle qui voit Eve Kendall / Eva Marie Saint séduire Roger Thornhill / Cary Grant à bord du train New York - Chicago. Naviguant entre romantisme et suspense, elle synthétise tous les plaisirs du septième art. »

    Je me demande quelle serait la mienne, ma porte d’accès à la magie. Peut-être la même ou peut-être une scène des Enchaînés entre Alicia/Ingrid Bergman et Devlin/Cary Grant ? Du Guépard, entre Tancrède (Alain Delon), Angelica (Claudia Cardinale) et le Prince Salina (Burt Lancaster) devant le tableau de Greuze ? D’un Sautet, un dialogue savoureux entre César (Yves Montand) et Rosalie (Romy Schneider) ou derrière une vitre de café battue par la pluie ? Plus loin encore, dans mon enfance, d’Autant en emporte le vent, devant un décor d’une majesté fascinante ?  De Mélodie en sous-sol, avec Francis Verlot (Alain Delon) et Monsieur Charles (Jean Gabin), autour d’une table de casino ? Du Quai des Brumes entre, Nelly (Michèle Morgan) et Jean (Jean Gabin) ? Il y en eut tant qu’il m’est impossible de me souvenir quelle fut la première. Mais après tout, faut-il chercher à expliciter la magie ?

    Ne vous arrêtez pas à la quatrième de couverture qui réduit à l’anecdotique ce livre foisonnant, passionnant, passionné, extrêmement documenté qui, au contraire, est une œuvre majeure sur l’Histoire du cinéma qui raconte comment l’aventure d’un film entremêle joie et souffrance.

    Si « personne n’est parfait », « Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment comme nous d'un aussi grand amour. », « Il faut que tout change pour que rien ne change », « Je suis fatiguée de t’aimer », « Après tout, demain est un autre jour », « Oui, je vois maintenant » … résonnent pour vous comme des phrases bien connues. Si Roger Thornill, Charlot, Scarlett O’Hara, Charles Foster Kane, Garance, Sugar Kane, Michel Poiccard, Tancrède, Pierre Bérard, Marion Steiner, Travis Bickle…(notamment) ne sont pas pour vous d’illustres inconnus mais des êtres familiers au point de les avoir intégrés à votre propre vie, alors ce livre vous passionnera de la première à la dernière ligne, tant vous serez à l’affût d’un indice éclairant les ombres et les mystères de ces répliques et personnages. Si ces noms ne vous disent rien, vous vous plongerez, différemment mais avec autant d’intérêt, dans cette aventure qui vous fera envisager des territoires inconnus et, sans nul doute, vous donnera envie de partir à la rencontre de leurs démiurges et de ce qui les conduisit à leur donner vie.

    Parmi mes références de livres récents sur le cinéma, dont je vous avais parlé ici, et que je vous recommande de nouveau, il y eut notamment le Dictionnaire amoureux du Festival de Cannes de Gilles Jacob (ouvrage indispensable pour les curieux et amoureux du festival en question et du cinéma, et pour ceux qui veulent découvrir le festival à travers le regard de celui qui le connaît le mieux et qui en parle si amoureusement, avec à la fois l’honnêteté et les élans passionnés qu’implique l’amour véritable), plus récemment son À nos amours ! coécrit avec Marie Colmant et Gérard Lefort (ode aux actrices et aux acteurs, à ce que les films et nos souvenirs de ceux-ci leur doivent, à leurs mille nuances de jeux, leurs fêlures, leur grâce), Atelier d’écriture d’Alain Layrac (ma référence pour l’écriture de scénario, qui cite d’ailleurs beaucoup Les Choses de la vie de Sautet qui figure en couverture de la première édition du livre, qui se lit comme un roman et raconte à quel point l’écriture permet de rester et se sentir vivant),  et Delon en clair-obscur de Laurent  Galinon (à savourer là aussi comme un roman, noir, tragique, palpitant, irrigué de la beauté mystérieuse et mélancolique de celui que l'auteur nomme « l’astre noir », porté par une écriture ciselée, singulière, et ardente : un livre sombrement éblouissant procurant un relief fascinant aux mystères de l’acteur)…, il y aura désormais aussi ce livre d’Olivier Rajchman, tout aussi incontournable que ceux précités.

    Le prologue ne néglige aucun de ceux qui participent à l’aventure, qui contribuent à ce qu’un film soit une œuvre d’art, un travail collectif. Ce souci de saluer et détailler le rôle de chaque poste constitue ainsi une des grandes qualités de ce livre. Il rend ainsi hommage à la mission indispensable remplie par le scénariste, le producteur, ou encore le compositeur qu’aucun de ses récits de tournages n’oublie. Il reprend ainsi la citation de l’éminent compositeur de Claude Sautet, Philippe Sarde : « la musique doit raconter une histoire parallèle, donner de l'ampleur à une œuvre, sans gâcher la route du film. »  Le rôle primordial de la musique atteint son paroxysme dans Il était une fois dans l’Ouest (peut-on imaginer ce chef-d’œuvre sans la musique lyrique, d’une beauté vertigineuse, de Morricone ?) Claudia Cardinale (un des multiples témoignages du livre) raconte ainsi qu'ils écoutaient la musique de Morricone avant chaque scène. L’auteur rappelle également que, pour chaque protagoniste, Morricone avait inventé « une composition singulière, inoubliable » qui lui était associée.

    Les quatre cent quarante-huit pages du livre se dévorent grâce à une écriture particulièrement soignée, enthousiaste et précise. Elles nous expliquent comment le cinéma, ce « phénix renaissant perpétuellement de ses cendres », est constitué d’« étapes faisant passer un film de l'état de projet à l'œuvre achevée ». Même si, comme moi, vous vous passionnez depuis longtemps pour les films évoqués dans ce livre, il vous enseignera forcément des rouages de l’aventure de leurs tournages, méconnus ou inconnus, recueillis et savamment agencés par l’auteur. Vous aurez envie de revoir chaque film à l’aune de ces découvertes. De revoir la scène de la rencontre entre Charlot et la fleuriste des Lumières de la ville, après avoir lu avec quel perfectionnisme Chaplin la mit en scène, après avoir appréhendé à quel point ses relations avec Virginia Cherrill étaient épineuses, après avoir parcouru toutes les étapes qui menèrent à ce chef-d’œuvre et à son dénouement poignant.  Pour Autant en emporte le vent dont nous connaissons les grandes lignes du tournage pharaonique, le récit de son aventure nous permet d’en découvrir les méandres et les rebondissements, des trois semaines pendant lesquelles Francis Scott Fitzgerald travailla dessus, à ses différents réalisateurs, au choix des acteurs, à la malédiction qui accompagna ses protagonistes après la sortie.

    C’est tout aussi passionnant d’apprendre les origines de chacun des films, ce qui nourrit l’inspiration, de Welles qui regarda quarante fois La chevauchée fantastique, aux divergences de vue entre Herman J. Mankiewicz et ce dernier, jusqu’au rôle du chef opérateur Gregg Toland dans la profondeur de champ, un des éléments qui contribua à la légende du film. L’auteur lève ainsi un peu le voile sur les secrets de la sinuosité obscure de cette œuvre. Dans le chapitre consacré aux Enfants du paradis, vous saurez tout du perfectionnisme tyrannique de Carné, de l’impact de la guerre sur le tournage…

    Le point commun entre tous ces films, au-delà d’être des aventures jalonnées d’obstacles, de revers du destin et de coups de chance ? Le perfectionnisme, la détermination et même l’acharnement de ceux qui œuvrèrent à leurs réalisations mais aussi l’imbrication de la réalité et de la fiction, comme l’auteur les évoque lui-même à propos du film Les Enfants du paradis, ainsi : les « effets miroirs entre l’art et la vie ». Comme, par exemple, « la solitude et la mélancolie qui imprègnent » le film, « ces portraits de parias » qui « parlent aussi bien de Carné que de Prévert. Mais aussi plus souterrainement de la France occupée attendant sa libération. » Sans oublier Sergio Leone en  « cinéaste angoissé qui mélange vie et cinéma ».

    Ce livre est aussi évidemment une déclaration d’amour au cinéma, à certains films plus qu’à d’autres, Les Enfants du Paradis « mêlant, génie classicisme et poésie » ou encore Le dernier métro, une œuvre « d'apparence classique » qui « regorge de tiroirs secrets », Les choses de la vie qu’il est « réducteur de qualifier de peinture de la fin des trente glorieuses » (avec notamment un décryptage rigoureux de la scène de l’accident) et que l’auteur définit, magnifiquement et justement ainsi : « Les spectateurs devinent-ils que le triomphe de ce film est celui d'un poème cinématographique sur l'irréversibilité des choses, les actes manqués, les regrets, les non-dits ? ». Peut-être une des plus belles définitions de ce film grâce auquel Romy Schneider et Michel Piccoli seront ainsi à jamais Hélène et Pierre. Inoubliables. Comme le rouge d’une fleur. Peut-être la dernière chose que verra Pierre qui lui rappelle le rouge de la robe d’Hélène. Comme cet homme seul sous la pluie, mortellement blessé, gisant dans l'indifférence, tandis que celle qu’il aime, folle d’amour et d’enthousiasme, lui achète des chemises. Et que lui rêve d’un banquet funèbre. Et qu’il murmure ces mots avec son dernier souffle de vie qui résonnent comme les paroles d’une chanson : « J'entends les gens dans le jardin. J'entends même le vent. » Et ces vêtements ensanglantés ramassés un à un par une infirmière, anonymes, inertes...

    Il est tout aussi judicieux de nous amener à (re)découvrir comment les œuvres évoluèrent dans le temps (comment Chantons sous la pluie mit du temps à être reconnu comme chef-d’œuvre), mais aussi comment les œuvres se questionnent et se répondent : Truffaut avec La Nuit américaine et Fellini avec Huit et demi dirent ainsi s'être inspirés de Chantons sous la pluie. À propos de Sergio Leone et d'Il était une fois dans l'Ouest, peut-on ainsi lire : « Il veut être une sorte de Visconti - appartenant à un monde élégant, somptueux, aristocratique - et donc il tourne un western à la Visconti » et qu’il s’agit d’un « hommage ininterrompu au cinéma classique hollywoodien ». Sautet rendit hommage à Godard. Il existe un pont évident entre À bout de souffle et Taxi driver. La scène inaugurale de Barbie est un « clin d’œil à la célèbre séquence préhistorique de 2001, l'Odyssée de l'espace ». Greta Gerwig se réfère aussi à Chantons sous la pluie. Mankiewicz et Kubrick se rencontrèrent pendant le tournage du Limier… Sans compter que La Mort aux trousses aurait très bien pu s’appeler Breathless (À bout de souffle). Autant de ponts savoureux et instructifs entre les films, à découvrir, parmi tant d’autres, dans ce livre.

    Vous apprendrez aussi comment des tournages entiers ou certaines scènes furent de vrais exploits, imposant à leurs auteurs de lutter contre les éléments ou les caractères de leurs protagonistes pour parvenir à leurs fins, de déployer des trésors d’inventivité pour contourner les obstacles et refus, comme pour la scène du Mont Rushmore dans La Mort aux trousses ou cette scène de Certains l'aiment chaud qui nécessita quatre-vingt-une prises. Mais également comment tout cela en valait la peine, au regard de l’accueil reçu par ces différents films (là aussi à chaque fois décrypté). Ainsi le film de Billy Wilder valut à Marilyn un Golden globe…seule récompense de sa carrière ! Passionnant encore est le récit du tournage de la fameuse et fastueuse scène de bal du Guépard, réalisation « dantesque » « pendant trente-six nuits d'affilée en août, avec une température avoisinant les 40°c. ». Vous découvrirez encore comment fut édifié le « film-expérience » qui « bouscule l’art du récit » « qui ne cesse de subjuguer et d'interroger », 2001, l’Odyssée de l’espace. Vous en apprendrez aussi beaucoup sur les origines du tournage de Taxi driver.

    Le dernier chapitre du livre est consacré à Barbie de Greta Gerwig, après un rappel là aussi très juste et documenté, dans lequel l’auteur revient sur « le travail de ses devancières », tout en revenant sur le féminisme « pas dénué d'ambiguïté » de ce film pour la promotion duquel la Warner consacra 150 millions de dollars. Greta Gerwig fut ainsi la « première femme dont un film dépassa le milliard de dollars de recettes, en trois semaines d'exploitation ». Un film très justement qualifié par le Guardian, cité par le livre, comme « une publicité géante de deux heures pour un produit », ce à quoi je ne peux que souscrire, l’agacement l’ayant emporté devant ce long métrage qui aligne les clichés sous prétexte d’en dénoncer, qui promeut un objet sous prétexte d'en souligner les travers, dans lequel le discours, simplifié voire manichéen et simpliste, et notamment le mot « patriarcat », est martelé jusqu’à la nausée. Apprendre quelles en furent les coulisses n’en est pas moins intéressant, bien au contraire.

    « L’essentiel, c’est que le public éprouve une émotion. » Cette phrase d’Hitchcock citée dans le livre à propos du tournage de La Mort aux trousses s’applique aussi aux livres sur le cinéma.  Et d’émotions, ce livre n’en manque pas, celles des films (car chargés de réminiscences peut-être) dont il retrace les aventures le contaminent sublimement. Olivier Rajchman nous rappelle ou nous apprend pourquoi nous aimions tant ces films, ce qui a nourri leur ambiguïté, leur force émotionnelle, leur légende, comme celles de Lawrence d’Arabie qui a toujours exercé sur moi une fascination indicible. Il ne délaisse aucun aspect de ce film comme pour les autres, mais expliquer sa genèse et son devenir n’ôte en rien l’éblouissement qu’il suscite mais, au contraire, lui procure plus de profondeur. La magie s’éclaire mais la magie demeure. Une leçon de cinéma qui ne se veut jamais donneuse de leçons, écrite avec humilité. Un travail colossal, approfondi, nuancé et exigeant qui nous donne envie de revoir chacun des fims qu’il évoque à la lueur de son éclairage, dénué de condescendance et pétri de passion. Plongez-vous dans cette aventure. Je vous le garantis, vous ne regretterez pas ce voyage qui vous donnera envie d’en entreprendre ou refaire d’autres, pour aller ou retourner à la rencontre des  20 films (de 1931 à 2023) qui constituent ces 20 histoires de tournages mythiques : Les Lumières de la ville, Blanche-Neige et les Sept Nains, Autant en emporte le vent, Citizen Kane, Les Enfants du paradis, Chantons sous la pluie, La Mort aux trousses, À bout de souffle, Lawrence d’Arabie, Le Guépard, 2011, l’Odyssée de l’espace, Il était une fois dans l’Ouest, Les Choses de la vie, Le Limier, Chinatown, Les Dents de la mer, Taxi Driver, Le Dernier Métro, Barbie.

    Éditions Perrin – En librairie le 24.04.2025 (déjà disponible en précommande) – 448 pages – 25 euros