Veuillez trouver ci-dessous … le compte-rendu collectif du jury Première du festival du film asiatique de Deauville 2005 dont les éminents membres :-) venaient des 4 coins de la France et furent tous sélectionnés sur concours (questions et critiques de films ). La version ci-dessous est la version intégrale de notre compte-rendu. Cella qui paraîtra dans le numéro d'avril de Première (page festivals) sera probablement plus condensée. A suivre...
Un palpitant voyage aux confins de l’Asie
Mercredi 9 Mars : première étape
Enthousiasmés par notre palpitante mission, impatients et fébriles, sur les pas de Sandra, notre « guide », inconditionnelle de Deauville et de ses festivals notre passionnant périple commence par un hommage à Christine Hakim suivi de l’ouverture et son film éponyme sans oublier l’anecdote réjouissante du président Régis Wargnier. Cette première escale en Thaïlande suscite déjà des vocations. Cette joute musicale au xylophone sur fond de tension politique qui se clôt par un duel paroxystique, se révèle harassante pour Fabien, touchante pour les autres grâce à la passion pour la musique qui en émane. Passionnés de cinéma, nous ne sommes évidemment pas insensibles à cette ode à la musique. Après un cocktail dînatoire surréaliste dans un cadre aussi singulier et restreint que (sur)peuplé des protagonistes du festival, nous repartons avides de découvertes cinématographiques.
Jeudi 10 Mars : deuxième escale
Pour certains, le voyage s’annonce plus éprouvant que prévu avec Marebito dans lequel Takashi Shimizu filme Shinya Tsukamoto et aspire à traquer une peur indicible aux portes de la folie. Cette étape au pays du Soleil Levant nous entraîne dans un monde inquiétant dont le dénouement déconcerte et nous laisse sur des avis partagés.Nous plaçons donc nos espoirs communs en notre prochaine escale Electric shadows qui nous transporte en Chine et nous envoûte par ses ombres électriques métonymiques d’un cinéma qu’elles célèbrent magnifiquement. Hymne au cinéma et à l’enfance qui reflète habilement cette touchante fragilité dans laquelle nous replongeons. La nostalgie évoquée est à notre image lorsque nous ressortons de cette poétique mise en abyme. Un souvenir unanimement indélébile. Le dernier film en compétition de la journée, Chased by dreams, nous conduit en Inde mais le film précédent ayant placé la barre très haut pour nous et le rythme parfois incertain nous laissant une impression d’inachevé, il ne suscitera pas la même unanimité. La journée s’achèvera par un hommage à Takashi Miike (que Christophe aura le privilège d’interviewer) suivi de la projection de Blood and Bones. Cet uppercut filmique entre violence physique et morale avec l’inénarrable Kitano laisse présager une sortie retentissante.
Vendredi 11 Mars : troisième halte
De retour au Japon dont nous sommes décidément férus, nous partons à la rencontre de la « céleste » Charon, hommage à la femme libre et mystérieuse qui rappelle Murakami et dont l’interprétation nous séduit tous. .Nikky, notre « interprète », dira tout le bien qu’elle pense de leurs interprétations aux acteurs du film. C’est ensuite en Corée du Sud que nous allons pour This charming girl qui nous plonge dans une certaine torpeur par l’accumulation de scènes non dialoguées et des plans fixes qui traduisent la morosité d’un quotidien dans lequel l’héroïne ne parvient pas à s’inscrire. L’ennui vécu par l’héroïne traverse l’écran pour gagner le spectateur. Ensuite, trois d’entre nous repartent en Thaïlande pour Born to fight, un hymne à la liberté ponctué par des cascades proches de Ong Bak. Tandis qu’Anthony part voir Trois Extremes, nous allons à la soirée de lancement du label Asian Stars. Nous y croisons notamment les musiciens cultes Brian Molko et Eric Serra du jury Action, la lumineuse Christine Hakim, et les acteurs de Charon qui effectueront une démonstration de capoera.
Samedi 12 Mars : avant-dernier rebondissement
Notre périple se poursuit plus rapidement que nous le souhaiterions entraînés par son rythme trépidant. Nous aimerions qu’il ne finisse jamais. Pour nous consoler de la pression du temps, nouveau départ direction Taïwan pour Holiday dreaming qui nous fait redouter que cela n’ait été qu’un rêve, un « festival dreaming ». Malgré les doutes qui nous assaillent quant à la réalité de nos pérégrinations, nous nous plongeons avec ferveur dans ce film parsemé de scènes burlesques à la Kitano qui nous emmène à la rencontre de personnages attachants dont la candeur simplement mais non moins subtilement dépeinte nous charme à l’exception de Fabien, probablement encore hypnotisé par ce xylophone qu’il ne cesse plus d’écouter. Rêveurs ou non, nous devons poursuivre notre mission consciencieusement. Quelque peu désorientés, nous décidons de retourner au Japon, plus précisément dans une villa isolée, cadre de Lakeside murder case. Le film prend le chemin d’un whodunit peu inspiré avant de se faire pensum indigeste sur le système éducatif. Cette critique du système scolaire japonais décrit (décrié même) comme élitiste sur fond de règlement de compte familial nous fait espérer un rebondissement spectaculaire. En vain. Tant pis car c’est l’heure du « film du Samedi soir » : le délectable et jubilatoire Kung Fu Hustle, film hybride entre Tex Avery et kung-fu traditionnel. Les applaudissements et les rires fusent à commencer par ceux de notre jury. Pour consoler les cinq globe trotteurs attristés à l’idée d’un départ imminent le festival organise un dîner de gala, à notre intention (du moins c’est ce que croient encore certains d’entre nous perturbés par ce singulier voyage) dans le prestigieux salon des Ambassadeurs du casino de Deauville.
Dimanche 13 Mars : fin du voyage
Notre destination finale approche mais nous ne nous laissons pas abattre, impatients de découvrir notre prochain lieu de villégiature : The world. Le film se déroule dans un parc miniature réunissant les plus célèbres lieux touristiques du monde entier, lieu prétexte à une étude de la jeunesse chinoise contemporaine désarçonnée dans un pays en pleine mutation cause de contradictions que l’enfermement du lieu exacerbe. Un road movie paradoxalement statique, un film choral qui mériterait une deuxième visite pour mieux en cerner les personnages. Cette étape chinoise ne nous marque néanmoins pas autant que Electric shadows dont le souvenir nous accompagnera tout au long du festival, tout comme celui du visage radieux de la réalisatrice à la réception de son prix. Un voyage aussi magnifique soit-il n’est jamais éternel. Restait néanmoins la cérémonie de clôture dont nous attendions le palmarès avec impatience. Nous sommes d’autant plus heureux d’avoir récompensé Electric shadows du prix Première qu’il n’aura pas d’autre distinction. Le cinéma asiatique nous aura étonnés par sa diversité, impression corroborée par le nombre de premiers films primés. La lumière se rallume, les ombres électriques et les lumières éclectiques se sont éclipsées. Tout cela n’était qu’un rêve, un voyage onirique qui nous aura transformés et marqués. Aligato aux protagonistes de Première et du festival qui nous ont permis de vivre cette expérience enrichissante. Après le Soleil Levant, le Soleil puis le vent qui chasse nos rêves… Restent les souvenirs. Inaltérables.
D'après le jury Première du festival du film asiatique de Deauville 2005
Ci-contre, photo de Sandra.M de l'hommage à Takeshi Miike par Lionel Chouchan et Jean-Pierre Dionnet
Retrouvez bientôt d'autres photos du festival asiatique dans la galerie photos