Ouverture du festival de Cannes
L'effervescence. L'euphorie même pour certains. L'impression que le temps a suspendu son vol. D'une année sur l'autre, on oublie puis on se retrouve à nouveau emporté par ce délectable tourbillon cannois et par sa folie à la réputation nullement usurpée. Tourbillon de cynisme aussi mais celui-là on l'occulte bien vite...Une fois les marches les plus célèbres du monde foulées on se retrouve dans cet antre du septième art, au coeur du cinéma qui y bat plus vite, plus fort. Tonitruant même.L'atmosphère est électrique. En quelques minutes un cinéaste peut être porté au pinacle ou mis au ban du cénacle, parfois les deux en même temps ou alternativement: la "profession" est versatile, excessive aussi. Applaudissements ou sifflets:à l'issue de chaque projection on retient son souffle. Les réactions sont le plus souvent exacerbées et il est de bon ton d'avoir un avis tranché. L'indifférence est rare, voire méprisable pour les initiés qui vous toisent du regard. Alors si tout cela ne change jamais d'une année sur l'autre, si ce voyage immobile à travers les cinématographies du monde entier est toujours aussi passionnant, les étapes qui le jalonnent en sont chaque fois différentes. "Il faut regarder toute la vie avec des yeux d'enfant" disait Matisse. Chaque film aussi. Accepter de se laisser envoûter, bousculer, dérouter...avec un regard semblable à celui de Kusturica observant, admiratif, l'acrobate du cirque du soleil lors de la cérémonie d'ouverture. Espérons, gageons même, que le festival sera à l'image de cet instant.: onirique et magique(périlleux pour les équipes de films aussi parfois!)et espérons que les festivaliers seront, grâce aux films de la sélection, à l'image du président de cette 58 ème édition: émerveillés encore et toujours n'oubliant jamais, comme son film éponyme, que "la vie est un miracle" et que le cinéma peut parfois en être un aussi...si les yeux d'enfant ne se noircissent pas de cynisme.
Espérons encore que ce sera un festival haletant à l'image du film qui a ouvert le bal...Haletant, oui, il l'était indéniablement, dans les deux sens du terme: ce souffle inquiétant qui rythme l'histoire (bande son très réussie) et ce sombre mystère qui tient le spectateur en haleine. Comme dans son premier film "Harry un ami qui vous veut du bien" Dominik Moll distille des éléments qui obscurcissent progressivement le récit: évènements anodins qui sonnent délibérément faux...avec une justesse déconcertante si bien que le glissement (le dérapage même), au propre comme au figuré, semble inéluctable. Glissement du normal vers l'étrange. Lemming c'est en effet l'étrangeté qui s'immisce dans la quotidienneté. Plus que le nom de l'animal, Lemming est ainsi celui de cette étrangeté que son intrusion accompagne, suscite , métaphorise. Avec son agonie c'est la normalité qui reprend son souffle. Entre son apparition et cette agonie le spectateur emprunte avec angoisse et fascination ce labyrinthe perfide dans les obscurs recoins de l'inconscient. Comme la petite caméra qu'Alain Getty (L.Lucas)utilise et guide, Dominik Moll nous emmène là où nous n'aurions pas forcément eu l'idée d'aller manipulant ainsi notre regard avec habileté. Par cette mise en abyme du voyeurisme auquel nous cédons par mimétisme il nous entraîne sur la voie de Lynch, De Palma, Hitchcock, de brillantes références judicieusement utilisées grâce aussi à un quatuor irréprochable interprétant une mélodie délicieusement dissonante aux frontières du fantastique avec notamment la cinglante Alice (Charlotte Rampling) d'une absence omniprésente. Des prix d'interprétation en perspective? Lucas, Rampling, Gainsbourg? A suivre...
A suivre également ces prochains jours le récit de la leçon d'actrice de Catherine Deneuve à laquelle j'ai assisté hier, également tous les films en compétition avec notamment ce jeudi 11 le film de Gus Van Sant très attendu... Ces articles ne seront peut-être pas quotidiennement mis à jour mais chaque journée sera finalement résumée... Rendez-vous bientôt sur ces pages pour en savoir plus! N'hésitez pas à y revenir régulièrement!
Des photos viendront également agrémenter le récit mais pour cela il faudra attendre la fin du festival.
Viva il cinema!
Sandra.M