Les "Coeurs" en hiver d'Alain Resnais
Le film choral est à la mode. Alain Resnais, cinéaste emblématique de la modernité, ne suit pas les modes mais les initie, encore. Malgré le temps, sa modernité n’a pas pris une ride et de ce point de vue du haut de ses 83 ans, mais surtout du haut de ses innombrables chefs d’œuvre (Hiroshima, mon amour, L’année dernière à Marienbad, Nuit et brouillard, On connaît la chanson, Smoking, no smoking, Je t’aime, je t’aime et tant d’autres), il reste le plus jeune des cinéastes. Coeurs est l'adaptation de Private fears in public places, une pièce de théâtre de l'auteur anglais Alain Ayckbourn dont Alain Resnais avait déjà adapté en 1993 une autre de ses oeuvres, pour en faire Smoking, No smoking. Ce film, choral donc, croise les destins de six « cœurs en hiver » dans le quartier de la Grande Bibliothèque, quartier froid, moderne et impersonnel, sous la neige du début à la fin du film. La neige, glaciale, évidemment. La neige qui incite à se presser, à ne pas voir, à ne pas se rencontrer, à fuir l’extérieur. C’est donc à l’intérieur qu’il faut chercher la chaleur. Normalement. A l’intérieur qu’on devrait se croiser donc. Alors, oui, on se croise mais on ne se rencontre pas vraiment. C’est probablement d’On connaît la chanson que se rapproche le plus ce film, en particulier pour la solitude des personnages. Le dénouement est pourtant radicalement différent et avec les années qui séparent ces deux films la légèreté s’est un peu évaporée. Ainsi, dans On connaît la chanson les personnages chantent. Là, ils déchantent plutôt. Ils sont en quête surtout. En quête de désirs. De désir de vivre, surtout, aussi. Même dans un même lieu, même ensemble, ils sont constamment séparés : par un rideau de perle, par la neige, par une séparation au plafond, par une cloison en verre, par des couleurs contrastées, par des cœurs qui ne se comprennent plus et ne battent plus à l’unisson. Non, ces cœurs-là ne bondissent plus. Ils y aspirent pourtant. Le coeur se serre plus qu’il ne bondit. A cause des amours évanouis. Des parents disparus. Du temps passé. Ils sont enfermés dans leur nostalgie, leurs regrets même si la fantaisie et la poésie affleurent constamment sans jamais exploser vraiment. La fantaisie est finalement recouverte par la neige, par l’apparence de l’innocence. L’apparence seulement. Chaque personnage est auréolé de mystère. Resnais a compris qu’on peut dire beaucoup plus dans les silences, dans l’implicite, dans l’étrange que dans un excès de paroles, l’explicite, le didactique. Que la normalité n’est qu’un masque et un vain mot. Comme toujours chez Resnais les dialogues sont très et agréablement écrits. La mise en scène est particulièrement soignée : transitions magnifiquement réussies, contrastes sublimes et saisissants des couleurs chaudes et froides, jeu sur les apparences (encore elles). Rien d’étonnant à ce qu’il ait obtenu le Lion d’Argent du meilleur réalisateur à Venise. De la mélancolie, Alain Resnais est passé à la tristesse. De l’amour il est passé à la tendresse. Celle d’un frère et d’une sœur qui, à la fin, se retrouvent, seuls, enlacés. Sur l’écran de télévision qu’ils regardent, s’inscrit alors le mot fin. Espérons qu’elle ne préfigure pas la croyance du réalisateur en celle du cinéma, peut-être sa disparition sur le petit écran du moins. Peut-être la fin des illusions du cinéaste. En suivant les cœurs de ces personnages désenchantés, Alain Resnais signe là un film particulièrement pessimiste, nostalgique, cruel parfois aussi. On en ressort tristes, nous aussi, tristes qu’il n’ait plus le cœur léger. Un film qui mérite néanmoins d’être vu. Pour ses acteurs magistraux et magistralement dirigés. Pour la voix vociférante de Claure Rich. Pour le vibrant monologue de Pierre Arditi. Pour le regard d’enfant pris en faute de Dussolier. Pour la grâce désenchantée d’Isabelle Carré. Pour la fantaisie sous-jacente de Sabine Azéma. Pour l’égarement de Lambert Wilson. Pour la voix chantante de Laura Morante soudainement aussi monotone que les appartements qu’elle visite. Pour et à cause de cette tristesse qui vous envahit insidieusement et ne vous quitte plus. Pour son esthétisme si singulier, si remarquablement soigné. Pour la sublime photographie d’Eric Gautier. Pour sa modernité, oui, encore et toujours. Parce que c’est une pierre de plus au magistral édifice qu’est l’œuvre d’Alain Resnais.
Sandra.M
Commentaires
il y a quelques temps que que je ne regarde plus de film d'ALain resnai dont mon preféré reste " hiroshima mon amour".En effet, peut etre est ce du a mon age mais je trouve ses films atrocement bavard, ennuyeux ( smoking,no smoking)et peu originaux : ( oh encore dussolier, azema ,wilson et arditi !!!) encore un film chorale ( a la "on connait la chanson) encore des parisiens qui trainent leurs desenchentement comme si paris n'etait qu'une capitale de depressif !!! d'accord a chaque fois ,c'est bien mis en scene....mais bon..
Il serait temps que quelques cineastes parisiens sortent un peu voir la realité car je viens de voir en DVD " fauteuil d 'orchestre" qui enfile les clichetons a 100 a l heure sur la province, reduis paris au 16 eme et a une vision de la vie completement surrealiste ( oh oui tout le monde il est gentils, tout le monde il est gentils.... sans compter toutes les scènes invraisemblantes !!!mais que fait Dupontel dans cette galère???? bref du pire "jeanne labrune" : oh pauvre petit bourgeois et vos nevroses a deux cents...
sur les films de ce mercredi, THE nouveauté, c'est "the host", film coréen du même real que " memory for murders" .OU comment demolir tout les poncifs du cinema de genre, faire une fine critique de la société avec des acteurs tout a fait credible et le tout est d une tres grande drolerie.bref une vrai surprise !!!
sinon voici ma lettre ouverte a 007
cher james.
s'il te plait reviens ! oui depuis les années 60, tu fais partis du paysages cinematographique avec ton flegme britannique ou excellait Roger MOORE ou Pierce Brosnan, tu etais un Macho irresistible qui allait de bras en bras, tes scenario tenait en deux lignes mais au moins on etait épaté devant tant de bravoure, de strass et de ce coté "better larger stronger" .Mais en ce 22 novembre , tu es partis definitivement.reincarné en cet acteur de serie Z qu'est dolph Lungren ( regarder les DVD a 2 euros chez le marchand de journaux) : plus aucune subtilité, tu ne fais que bouriner, bouriner pendant 1h10 pour ensuite conter fleurette le reste du temps...certe tu as décidé de nous faire un prequel : comment 007 est devenue le personnage que l on connait depuis 40 ans a partir de ta premiere mission...mais tu n as pas essayé d 'etre une seule fois original : tu as copié luc besson et ses "Yamakasi", tu nous la joue Patrick bruel dans " the world poker tour"' et enfin seducteur a la regretté " Hollywood night'...bref tu ne voles plus tres haut a force de redevenir crédible sans aucun de tes gadgets....bref ta partis de poker m 'a vite ennuyé quand on n y connait rien...Heureusement que le mechant est a la hauteur de nos esperances, formidable mik mikkelsen ( les bouchers verts) tout en finesse et perversité a l ancienne....
bref james, tu m as decu plus que decue , toi , ton scenario alambiqué...reviens en meilleur forme !!!
Merci Sandra pour cette belle et sensible critique ! Je me réjouis de voir "Coeurs". Vous n'en parlez pas, mais il paraît que la musique de Mark Snow est très en phase avec le climat psychologique du film.
Encouragements pour votre blog !
Cordialement
Marc
@Victor
Je vous trouve un peu contradictoire à propos d’Alain Resnais. Vous dîtes le trouver « bavard » et que votre film préféré du cinéaste est « Hiroshima, mon amour », qui est certainement le plus bavard d’entre tous !
Je crois aussi qu’on peut difficilement reprocher à Alain Resnais de manquer d’originalité. Visuellement chacun de ses films regorge d’inventivité ! Cœurs, également. Et chacun de ses films part d’un procédé lui-même original.
Je ne vois pas non plus pourquoi il se priverait de ses acteurs fétiches puisqu’ils sont excellents.
Quant au parisianisme, on parle en général de ce qu’on connaît le mieux, Paris, pour le cinéaste, mais parler d’un lieu en particulier n’empêche pas d’être universel.
J’ai d’ailleurs trouvé « On connaît la chanson » particulièrement optimiste !
Mais probablement ne suis-je pas objective car ce cinéaste figure en tête de mon panthéon cinématographique.
Quant à « Fauteuil d’orchestre », il n’a pas la prétention d’être un film d’auteur, ni de coller à la réalité mais simplement de divertir. Même si j’ai trouvé la fin ratée, les personnages y sont attachants.
Quant au dernier James Bond, je ne l’ai pas (encore) vu donc je peux difficilement répondre à sa place…car toute cinéphile rêveuse que je suis, je doute fort qu’il tombe sur ces pages…:-)
Cordialement.
@ Marc. Merci pour ces encouragements!
J'ai en effet oublié de parler de la très adaptée musique de Snow le bien nommé! Merci d'avoir réparé cet oubli.:-)
Cordialement.
C'est la première fois que je sors si triste d'un film d'Alain Resnais ; à la limite je me demande si je ne lui en voulais pas de m'avoir rendu si triste. Les acteurs sont magnifiques comme toujours et toute cette neige !!!
A l'âge qu'il a, Alain Resnais m'a semblé bien mélancolique... pour ne pas dire plus ; ça fait un peu peur, un peu mal, mais quel beau cinéma.
Victor : ouvrir un blog c'est simple comme un clic ! Faites le, vous pourriez parler des films que vous avez aimés et vus ou pas !
@ Pascale: Moi aussi, je lui en voulais presque de cette tristesse. Je suis rarement sortie aussi triste d'une séance. (et ne je m'endors pas MOI). Je me demande quel film il peut faire après ça. Est-ce que ce ne sera pas le dernier? Est-ce qu'il n'a pas perdu toutes ses illusions? Mais, oui, c'est très beau, quand même...
disons ce qui m avait séduit dans HMA,c'est toute ces scènes d'un japon qui n'existe plus, un peu a la OZU lorsque l on regarde le "week end a tokyo" ou " gosse de tokyo" .....
disons pour conclure là dessus, je pense que certain cineaste,c'est comme le vin, plus on grandis mieux on aime donc qui sait la place que prendra resnai dans ma DVDTHequE s'ici quelque années.....
@ pascale
d'accord ma critique de 007 est apres coup innaproprié sous ce post....mais disons que les coms peuvent eux même entrainer d autre discussions..je vous renvois a la "republique des livres " le blog litteraire de Pierre Assouline...cependant comme je vois que ce n'est pas le genre de la maison,au futur, je m abstiendrai....
enfin pour conclure sur votre remarque a propos de la creation d'un blog..je vous repondrai a quoi bon? encore un enieme blog de critique de cinema....un blog demande du temps or entre ma vie d'etudiant ( d accord en L3 d 'histoire on a peu de cours), mon job pour un grand partis politique et le cinema ( 6 fois par semaine), je ne vois pas l interet d'avoir un blog remis a jours 2 fois par mois........
@ Victor: vous savez, c'est souvent du second degré (hein Pascale?:-)) , vos remarques sont les bienvenues.
Même avec de multiples activités, je trouve le temps d'écrire sur mon blog. Quand un sujet vous passionne on trouve toujours le temps et puis ce n'est pas la quantité mais la qualité qui compte et une critique ne prend que quelques minutes.
A propos de Pierre Assouline je vous recommande vivement son magnifique livre "Lutétia" que nous avions primé du prix du livre de société 2005. Critique dans "Chroniques littéraires".