Bilan du salon du cinéma 2008 (suite et fin): la cour des miracles
Photo ci-dessus: Les allées du Salon du cinéma, vendredi matin
Un bilan délibérément désordonné de ce salon du cinéma 2008 à l’image de ce qu’a été ce dernier malgré une initiative très louable et de nombreux aspects positifs. Peut-être est-ce après tout un hommage artistique à la Nouvelle Vague que de superposer ainsi les voix, les sons … laquelle superposition créait une cacophonie tantôt risible, tantôt agaçante, principal défaut de ce salon résultant de la typographie des lieux (un hall impersonnel, glacial, et résonant –et aspirant pourtant surtout à faire raisonner- du parc des expositions). L’autre défaut résulte de l’organisation de l’espace professionnel dont l’initiative est là aussi très louable, notamment dans le désir de permettre aux jeunes auteurs (condition d’inscription : une sélection d’un film en festival), notamment par le biais de l’espace ciné-connexion et d’ateliers, de rencontrer des professionnels et de permettre aux professionnels de réfléchir et débattre sur leurs professions mais en raison de changements d’horaires de dernière minute, du manque de lisibilité du site internet officiel du salon, et d’un espace professionnel à l’accès labyrinthique, je me suis ainsi retrouvée seule avec trois intervenants notamment du CNC à une conférence sur les aides à l’écriture (qui aurait dû en intéresser plus d’une, et à laquelle je n’étais d’ailleurs pas la seule inscrite !), laquelle, ou plutôt lequel entretien particulier, s’est néanmoins avéré pour moi passionnant.
Quelques informations, observations, remarques glanés au fil de mes déambulations coupables (oui, coupable : coupable de zapper ainsi entre les stands tel un spectateur glouton et consumériste mais je vous rassure, je ne me suis pas laissée aller à manger du pop corn dont la présence m’a quelque peu enragée, je vous rassure de nouveau, je n’ai pas côtoyé les bêtes sauvages présentes au salon pour les démonstrations des dresseurs ensuite et ne leur ai pas transmis, ma rage donc, et encore moins les pop corns) entre les rayons stands :
-Marc Esposito a annoncé que son prochain film serait l’histoire de « L’amitié entre deux filles », et même s’il n’est qu’à la trentième page du scénario il a annoncé déjà savoir les deux comédiennes « connues » avec lesquelles il désire tourner ;
-Un partie de l’équipe du film de « Faubourg 36 », le second long-métrage de Christophe Barratier après « les Choristes » (la jeune comédienne Nora Arnezeder, le scénariste Julien Rappeneau et le réalisateur Christophe Barratier) était également présente. C’est avec beaucoup de passion que le cinéaste a présenté son film et surtout qu’il a défendu le scénario (ça fait plaisir !), et son attachement à celui-ci qu’il estime essentiel, se positionnant en digne héritier du cinéma de Duvivier, Carné et Prévert ou Charles Spaak. Pour lui « Le cinéma, avant d’être de la pellicule, ce sont d’abord des écrits », prenant ainsi pour exemple la grève des scénaristes (qui se poursuit) aux Etats-Unis : « Quand les scénaristes ne travaillent plus, la production entière est paralysée. » Même s’il faut apporter un bémol à ces propos, la situation française étant différente de la situation américaine de par la tradition, héritée de la Nouvelle vague, de l’auteur réalisateur. Puis Christophe Barratier revient à « Faubourg 36 » qui, comme les films des réalisateurs et scénaristes précités, se déroule pendant le Front Populaire empruntant son style à plusieurs genres différents : film noir, comédie dramatique, comédie musicale, histoire d’amour... Il se réfère ainsi à « La belle équipe » (cliquez ici pour lire mon analyse du film de Duvivier), comparant ainsi Clovis Cornillac à Jean Gabin, Jugnot à Blier et Nora Arnezeder à Michèle Morgan ou Simone Simon dans « La Bête humaine » (Cliquez ici pour lire mon analyse du film en question). Il évoque également son directeur de la photographie, le talentueux Tom Stern (qui a beaucoup travaillé avec Clint Eastwood, notamment sur « Million dollar baby » ou encore sur « Les Sentiers de la perdition » ou « American beauty »), il l’a choisi pour sa capacité à créer une lumière très contrastée, volontairement irréelle. Il est ensuite revenu sur les deux ans d’écriture du scénario, sur l’angoisse et la part de confort que celle-ci représente comparant le cerveau à un ordinateur qui n’arrive pas à se mettre sur le mode veille durant cette période d’ébullition créatrice. Pour lui « Faubourg 36 » est une fable dont l’objectif est que ce soit « beau et pas réaliste » revendiquant l’aspect artificiel du film, son côté « film de studio » puisque tous les décors ont été refaits en studio. Enfin, il a évoqué la musique revendiquant là aussi ce que certains critiques appellent parfois « une musique envahissante » et prenant de nouveau pour exemple le cinéma d’avant-guerre alors qu’elle était omniprésente. Ce film, qui sortira en septembre, s’annonce comme un film dans la tradition de ceux appelés « de qualité française », dénué de l’aspect péjoratif du terme mais revendiquant au contraire ses artifices au service d’une œuvre imaginaire, irréaliste, s’assumant comme telle.
-Puis, un passage à l’espace professionnel pour assister à la conférence « Pourquoi le scénario est-il le parent pauvre du cinéma ? » dont l’intitulé provocateur même a suscité le débat et la controverse. Une conférence passionnante sur les différentes manières d’appréhender ce métier qui se revendique (oui, on a beaucoup revendiqué à ce salon) de plus en plus comme tel, ou plutôt à être légalement reconnu comme tel (le scénariste n’a pas de statut juridique). Pendant ce temps pour la énième fois avec une sonnerie et une voix d’aéroport, on annonçait qu’un aigle royal allait survoler nos têtes (qu’est- ce que vient faire un aigle royal là-dedans me direz-vous, je ne vous le fais pas dire). On apprendra notamment que c’est une « profession aventureuse », (on peut peut-être trouver finalement un lien avec l’aigle royal) un terme qui n’est pas pour me déplaire, et que le scénario est l’âme d’un film.
On a aussi beaucoup évoqué le recul du cinéma français par rapport au cinéma américain, en 2007. Un critique (qui se « revendique » comme tel en tout cas) prend alors la parole pour dire ou plutôt asséner que, selon lui, dans l’année passée seuls 3 films français étaient dignes de ce nom…il n’a néanmoins pas été capable de les citer… (j’en vois déjà au moins 5…, voir mon palmarès des films incontournables de 2007). Un producteur de Fidélité prend « Je vous trouve très beau » pour exemple pour évoquer le cinéma d’auteur. Ah bon ?
-Je me rends ensuite au stand « Grand forum » où ont lieu les rencontres avec les équipes de film. Une femme intemporelle dubitative devant les intervenants avance le nom de Lelouch (parce qu’il a les cheveux gris bouclés, dit-elle) . En fait de Lelouch c’est Charles Berling (qui a bien des cheveux mais ni vraiment gris, ni vraiment bouclés), Bruno Putzulu, une partie de l’équipe de « Père et fils » dans lequel ils avaient tourné avec Noiret, interprétant ses fils dans le film de Michel Boujenah également présent, et Frédérique Noiret pour un hommage à son père Philippe Noiret. Beaucoup de tendresse émane de ce quatuor et beaucoup d’émotion et d’admiration pour l’acteur récemment décédé. Passant du Sans-souci humble, pudique, talentueux et d’une grande dignité. Les anecdotes pleuvent. L’un raconte comment devant l’émotion de Rochefort de le voir si malade Noiret avait rétorqué « Pas de sentimentalité entre nous, ce n’est pas notre emploi ». Berling raconte comment dans le restaurant d’un hôtel où ils s’étaient retrouvés, éberlués, entourés de personnes âgées Noiret, si jeune d’esprit, avait maugréé « Y a que des vieux » avant de réaliser qu’il en faisait partie, lequel Berling a fumé un cigare pendant toute la rencontre en signe d’anticonformisme, un peu sans doute, d’hommage à Noiret, beaucoup surtout (« Ce cigare brûle pour lui. Ce n’est pas Charles Berling qui fume mais Philippe Noiret » a-t-il répondu à un spectateur extrêmement perspicace qui lui demandait ce qu’il pensait de la loi anti-tabac). Sa fille a évoqué un homme qui, même malade, était « à terre » mais « jamais malade ou affaibli ». Pour les autres en tout cas. « Sur une scène de théâtre il avait la sensation que la mort n’avait pas le dernier mot » évoquant ainsi à quel point il arrivait à transcender la maladie sur scène notamment dans « Love letters » sa dernière pièce. Magie du jeu. Magie du théâtre. Magie de l’acteur, plus fort que l’homme, que la mort qui rôde. Ses comparses de cinéma évoquent aussi sa pudeur, comment dans un restaurant il dira « je me régale » alors qu’il ne sentait plus le goût des aliments ou son humour et sa distance caustique en toute circonstance, comme lorsqu’il devait tomber dans une tombe pour une scène de « Père et fils » et qu’il avait déclaré « Je fais des repérages ».
-Je termine mes déambulations, toujours coupables, et non moins réjouie, par la vente aux enchères de photos du magazine Studio au profit notamment des Toiles enchantées. J’observe avec amusement le cinéma de Cornette de Saint Cyr…et qu’Alain Chabat vaut plus que Woody Allen ou Jean-Luc Godard…à une vente aux enchères en tout cas !
De ce salon je reviendrai avec de nombreuses informations utiles et j’ai apprécié l’obstination des organisateurs par les choix d’intervenants et de sujets à démontrer que le scénario n’est pas « le parent pauvre du cinéma » lui accordant une large place dans son espace professionnel dans le cadre des débats et des ateliers mais aussi dans l’espace public, invitant de nombreux scénaristes et mettant le scénario (également dans le cadre de l’espace Carte noire consacré aux adaptations littéraires) à une place privilégiée. Les organisateurs peuvent aussi se féliciter davoir choisi Jean-Jacques Annaud pour parrain de cette édition 2008, très présent, ce dernier n'ayant économisé ni ses efforts, ni sa disponibilité pendant toute la durée du salon. La principale difficulté pour les années à venir sera probablement de trouver un juste équilibre entre professionnels et public, l’objectif initial étant de faire découvrir les métiers du cinéma au grand public (lequel objectif est également je pense pleinement rempli). Et surtout la grande amélioration consisterait à trouver un lieu plus digne du septième art : pourquoi pas aux jardins des Tuileries ? Au parc Monceau ? Au Jardin du Luxembourg ? Ce qui permettrait également de mieux entendre les projections (dont les horaires étaient un peu trop fluctuants)… même si cela aurait pour conséquence d’être tributaire des variations climatiques et de susciter d’éventuelles échappées belles des aigles royaux… Et la petite amélioration consisterait à oublier le pop corn qui donne à mon goût exigeant une saveur fade de cinéma jetable à l’ensemble. Malgré ces quelques critiques ou plutôt souhaits d’amélioration (ce n’était après tout que la deuxième édition), j’attends le Salon 2009 avec impatience et encourage tous les passionnés de cinéma à s’y rendre, je vous recommande d’y aller plutôt le jeudi (pour les professionnels) ou le vendredi où il y avait étonnamment peu de monde même si le salon a fini avec le score plus qu’honorable de 70000 entrées, le score d’un film d’auteur en somme…tout est bien qui finit bien, alors !
Sandra.M
Commentaires
Vous n'avez pu vous déplacer au Salon du Cinéma 2008 ?
Sur www.reportfrance.fr, une galerie photo numérique a été mis en ligne.
Le reportage fait le vendredi vous donnera une idée de ce que les visiteurs ont pu voir, rencontrer, débattre ce jour là, à la Porte de Versailles...
Photos Salon du Cinéma 2008
http://www.reportfrance.fr/0801-salon-du-cinema-2008.php
Jean-Luc