Avant-première: "Jeux de dupes" de et avec George Clooney
J’ai pour principe de n’évoquer sur ce blog que les films qui m’ont enthousiasmée : sans l’invitation de Blog bang et de la Paramount à aller voir ce film hier, dans la salle de velours rouge ouatée aux vertus lénifiantes (à moins que pour une salle de cinéma être lénifiante ne soit plutôt un vice, non ?) de la Paramount (malgré l’atmosphère glaciale eu égard aux rangs plus que clairsemés), j’ignore donc si j’aurais évoqué celui-ci, probablement pas (avouez que j’ai l’art du compliment :-)). Rassurez-vous cette petite incartade ne signifie pas que mes principes et ma sincérité volent en éclats: à vous de juger.
Pourtant signé George Clooney dont les deux premiers films en tant que réalisateur furent salués par la critique, et interprété notamment par George Clooney dont le dernier film en tant qu’interprète (« Michael Clayton » de Tony Gilroy) lui a valu une nomination comme meilleur acteur aux derniers Oscars, ce film avait a priori tout pour plaire. A priori seulement.
L’intrigue se déroule dans le milieu du football professionnel (non, non, ne partez pas déjà…). En 1925, ce n’est encore qu’un sport aux règles aléatoires destiné à un public rural et clairsemé (là aussi…) dont les matchs se terminent le plus souvent en bagarres généralisées. C’est d’autant plus rageant pour le sémillant Dodge Connolly (George Clooney), capitaine des « Bulldogs » qu’à la même époque le football universitaire est particulièrement populaire et remplit les stades, notamment grâce à l’étudiant Carter Rutherford (John Krasinski) surnommé « Carter le Bolide » dont la réputation résulte autant de ses exploits sportifs que de ses exploits militaires, étant devenu une légende en disant avoir capturé seul des dizaines de soldats allemands pendant la Grande Guerre. Les Bulldogs devant abandonner leur carrière faute de sponsors, Dodge décide de partir pour Chicago pour persuader Carter de quitter la fac, pour reconstituer les « Bulldogs » et pour se faire un nom. Au même moment, la journaliste du Tribune, Lexie Littleton (Renée Zellweger) est envoyée à Chicago pour « creuser la tombe » de Carter en prouvant que ses héroïques exploits militaires ne sont qu’inventions, et en devenant ainsi par la même occasion, grâce à ce "scoop", rédactrice en chef adjointe. Evidemment, Carter va s’éprendre de cette dernière tandis que Connelly est loin d’être insensible aux charmes de la journaliste.
Voilà: les bases du triangle amoureux sont plantées. Tout était normalement là pour créer des quiproquos, des situations saugrenues, rocambolesques, hilarantes, à un rythme d’enfer. Même si le principe de la comédie romantique veut que les deux héros (ou anti) finissent dans les bras l’un de l’autre, il exige aussi qu’on fasse semblant de laisser planer un doute, qu’ils franchissent des obstacles, rencontrent des éléments perturbateurs, ce qui n’est pas le cas ici, le spectateur se retrouvant alors complètement « hors jeu ».
N’en tenons pas rigueur à George Clooney ( il n’est pas l’auteur du scénario) mais les promesses ne sont pas vraiment tenues. Singeant ses rôles dans les films des frères Coen (notamment « Intolérable cruauté », et « O’Brother »), notamment pour l’aspect délibérément excessif et burlesque de son interprétation, il déploie certes une énergie remarquable. Il faut pourtant chercher l’intérêt (oui, il y en a quand même un, voire plusieurs) ailleurs, notamment dans la reconstitution de la fin des années 20, dans une atmosphère charmante, à la fois intemporelle et ancrée dans son époque.
Après les années 70 (« Confessions d’un homme dangereux », film de 2002) et les années 50 (« Good night, and good luck », film de 2005) George Clooney a de nouveau mis sa réalisation, habile et appliquée, au service de d’une époque et sa reconstitution : d’abord par le ton burlesque du film, par ses grimaces « keatoniennes » qui ne sont pas sans rappeler celles des films des années 20, par une imprégnation du cinéma américain des années 40 et 50 , en s’inspirant avec plus ou moins de maladresses notamment de Capra et Hawks, avec sa femme fatale à la chevelure platine vêtue de rouge au ton sarcastique et aux manières frondeuses, par des décors, des costumes et une photographie inspirés du Hollywood de la "grande époque" entre couleurs ocres et flamboyantes qui auréolent le film d’un charme délicieusement suranné, et puis le jazz qui contribue à donner du rythme au pied des spectateurs, à défaut d’en donner vraiment au film.
Pour le reste, « Jeux de dupes » a probablement été victime de ses ambitions. Les « jeux de dupes » s’appliquent ainsi à 3 niveaux différents : l’intrigue amoureuse (Lexie dupe Carter), la guerre (Carter dupe tout le monde sauf Lexie), le football (Dodge, en s’inspirant de l’histoire de Carter à la guerre change les règles du jeu et dupe ses adversaires de football). Le film prend aussi trois directions différentes : l’histoire d’amour traitée avec le ton qui sied à ce genre de film (la légèreté mais à tel point que le spectateur s’en détache totalement), la professionnalisation du football et l’ennui qui en découle pour les spectateurs (des matchs, du film ?), la volonté des américains de se créer des mythes et des héros quoiqu’il en coûte à la vérité. Si c’est dans ce dernier élément qu’on peut retrouver le goût de George Clooney pour le cinéma engagé, ou du moins politique, il ne fait malheureusement qu’effleurer le sujet (Carter n’est pas Jesse James, cela en rassurera peut-être finalement certains). En filigrane, c’est donc la fin d’une époque (celle d’un football non professionnel) dans laquelle se profile aussi la crise de 1929 et la fin de l’insouciance.
Quand un film est réalisé avec autant d’application, de bonne volonté, nous replongeant avec une délectation certaine dans les années 20 par une atmosphère joyeusement désuète, on s’en voudrait presque de ne pas avoir aimé. A voir donc uniquement pour son atmosphère au charme suranné et pour l’énergie communicative, verbale et gestuelle, de ses interprètes (George Clooney et Renée Zellweger surtout, le personnage de Carter était un peu trop fade, absent et lisse à côté d’eux-et d'ailleurs significativement absent de l'affiche-, particulièrement charismatiques). Cette comédie romantique, malheureusement pas vraiment ludique contrairement à ce que le titre aurait pu laisser espérer, et qui oscille perpétuellement entre les deux, la comédie et le film romantique, sans vraiment atteindre ni l’un ni l’autre, vous laissera malheureusement un goût d’inachevé, le sentiment d’avoir été (joliment et élégamment) dupés.
Sortie en salles, en France : le 23 Avril 2008
Sandra.M
Commentaires
Aviez-vous vu la Légende de Bagger Vance, de Redford ? Autre film sportif se déroulant dans les années 20, auquel j'ai pensé pendant la projection, hier. Pas mal de similitudes, élégance un peu désuète... Plus efficace toutefois, non ?
Bien vu le côté pastiche de O Brother. C'est frappant notamment lorsque Clooney sort les poings, dans une séquence qui rappelle la bagarre fantasque avec le nouveau mari de sa femme.
George Clooney lui meme citait sur le tapis rouge aux oscars PRESTON STURGES comme reference pour ce nouveau film; dur heritage...
c'est tout de même domage que ça ne soit pas un bon film...
C'est donc un film culpabilisant.
Il est dur notre George !
Mais Renée Zelwegger doit y être pour quelque chose dans le ratage non ? C'est la seule actrice qui ressemble à un hamster je trouve !
Chaque fois que je vois un film réalisé par Clooney ou à son intiative, j'ai cette impression de l'élève (très) appliqué mais pas génial! Pas vu celui-ci mais cet article m'en dispensera!@+
Bonjour,
Ce film me tentait par la présence devant et derrière la caméra de George Clooney, mais la présence de Renée Zelwegger (que je trouve très mauvaise actrice) ne m'enthousiasmait pas des masses. Après avoir lu cet article, je suis de plus en plus perplexe...
Amicalement,
Shin.
@ Alex: Je n'ai qu'un vague souvenir du film de Redford...mais il était sans nul doute plus "efficace"! C'est vrai que le parallèle avec "O Brother", et l'influence des Coen se ressent dans cette scène en particulier mais je trouve même que tout le film est imprégné de l'atmosphère et du ton burlesque des films de ces derniers.
@diebertranden: Si ce n'est la Paramount Sturges et Clooney n'ont (encore) pas beaucoup en commun...pour ce film en tout cas.
@ Camille la it girl: Oui, c'est domMage.
@ Pascale: Culpabilisant?!? Je ne sais pas si elle ressemble à un hamster ou un poisson rouge mais son visage a une expressivité parfois étrange et surtout outrancière.
@vierasouto: Je n'ai (malheureusement?) pas vu les autres films réalisés par Clooney qui, d'après ce que j'en ai entendu, étaient quand même meilleurs que celui-ci. Je pense qu'il a surtout voulu s'excercer à un genre plus léger, montrer qu'il pouvait réaliser divers genres de films et de ce point de vue c'est réussi.
@ Shin: Le "cas Hamster" a été évoqué plus haut.:-)
Culpabilisant parce que tu dis qu'on voudrait l'aimer mais qu'on peut pas autant qu'on voudrait...
En tout cas, je l'ai vu à présent... et je retire tout ce que j'ai dit sur Renée (à présent je l'appelle Renée tellement elle m'a plu). Je la trouve épatante dans ce film... pour la première fois je l'avoue mais il ne faut jamais désespérer des acteurs et trices donc...
Contrairement à toi et à ce que je lis et j'entends, j'ai vraiment ADORE ce film qui m'a rappelé "L'arnaque" pour l'ambiance. Je ne pourrais pas écrire avant demain. Je ne sais si le film perdra une étoile pendant la nuit en tout cas, pour le moment il en a trois !!!
Qu'est ce que je lis ci-dessus ???
Tu n'as pas vu les autres films de Georges ??????????????????
A.D.I.E.U.