« La vraie vie est ailleurs » de Frédéric Choffat : deux ans après…
Voilà un film dont je suis ravie de vous parler (enfin !) de la sortie en salles en France, ce mercredi 7 janvier, deux ans après l’avoir vu au Festival International du 1er Film d’Annonay où il figurait en compétition alors que j’étais membre du jury présidé par Manuel Pradal. Je ne trahis aucun secret en disant que ce film que je vous recommande vivement était mon favori.
C’est le premier long-métrage suisse d’un réalisateur qui a auparavant réalisé de nombreux courts comme « La dernière nuit d’Eva Anderson », en 1997.
Frédéric Choffat définit ainsi ce film dont seule la trame était écrite et dont il a tourné les trois histoires distinctes avec une équipe extrêmement réduite: " En partant de cette fausse citation de Rimbaud, c'est un certain rapport au réel que j'ai souhaité aborder dans ce film. Car c'est une question qui me poursuit, film après film, celle de savoir comment les êtres s'arrangent avec leur vie, avec leur quotidien, avec leur réel. En confrontant chaque fois le personnage principal, le temps d'une longue nuit, à un autre personnage qui va marquer par sa seule présence, la faille en l'autre, j'ai tenté de mettre en place, un mode de narration permettant d'explorer cette fragilité de l'être".
Vous trouverez ci-dessous ma critique du film écrite à mon retour du Festival d'Annonay, il y a 2 ans. Pour lire mon récit complet de ce Festival International du Premier Film d'Annonay 2007, cinématographiquement et émotionnellement intense, cliquez ici.
Ceci étant, je tiens à vous parler d’abord et avant tout d’un film à l’image de ces 4 jours, intitulé La vraie vie est ailleurs, un film suisse réalisé par Frédéric Choffat.
Gare de Genève. Une femme va à Marseille donner une conférence. Un homme court à Berlin découvrir son enfant. Une jeune femme part vivre à Naples. Et quand l’autre s’invite sur le siège d’en face, une réalité nouvelle peut surgir. Trois rencontres, trois histoires de vie qui basculent sur un quai de gare.
Qui n’a pas une anecdote dans un train ou une gare ? Quel lieu plus propice au surgissement de l’imprévu, de l’inconnu, du singulier dans une existence que celui de tous ces destins qui se frôlent, de toutes ces vies entre parenthèses, de tous ces regards qui se croisent, s’esquissent ou s’esquivent furtivement?
Peu importe le lieu. Seul ce qui s’y déroule compte. Cela peut se dérouler à Annonay où neuf routes se rejoignent le temps d’un festival. Cela peut avoir lieu dans un train ou une gare. Dans tous les cas, les préjugés et les catégorisations volent en éclats. L’anecdotique aussi. L’instant est à la fois banal et crucial et la poésie parce qu'inattendue est sublimée par cette quotidienneté.
Ces personnages sont tous entre deux moments, entre deux pays, en route vers un ailleurs redouté ou idéalisé. Ils n’ont pas de nom, pas de prénom. Leur histoire est singulière et universelle. Leurs solitudes se rencontrent et la même altérité débarque dans leurs habitudes. La vraie vie n’est pas ailleurs, même s’ils le croient, (ne le croit, craint-on pas toujours ?) mais bel et bien là sous nos yeux. Capturer ce reflet-là relève d’un talent incontestable. Grâce au regard d’une acuité sidérante du réalisateur. Grâce au jeu impeccable, aux accents de vérité époustouflants et à l’improvisation des acteurs, à l’image de ce long plan où, sur une musique italienne, la jeune femme passe de la tristesse, à la joie du retour, à la nostalgie, aux regrets, à la réalité étouffante. Grâce au montage qui permet que chaque histoire se fasse subtilement écho. Grâce à l’attention portée aux gestes et aux regards qui semblent vibrer, exister, surgir sous nos yeux. Grâce à cette tension contenue où s’entrelacent rage et désir. De et contre l’autre. D’exister et contre l’existence. Grâce à cette maladresse d’inconnus si proches et si lointains, qui paraît si réelle. La brièveté renforce l’intensité de leurs relations. Ils ne maquillent plus leurs émotions. C’est la vie sans fards.
Parfois quelques heures, une seconde suffisent pour faire basculer une existence, ici une nuit blanche peut permettre de l’appréhender différemment. C’est une formidable bouffée d’oxygène, un huis clos haletant, bouleversant, dont on ressort, comme après ce festival, avec l’envie de saisir chaque seconde, de ne jamais oublier que comme le dit Molière (Romain Duris) dans le film éponyme de Laurent Tirard « rien n’est impossible ». Si Laurent Tirard le fait dire, Frédéric Joffat le montre dans chaque seconde du film.
Cette fiction a la force incomparable d’un documentaire sur la vraie vie et l’intensité poétique de la beauté éphémère qui surgit de l’inattendu et de l’inconnu. A l’image de ces 4 jours. C’est dans La vraie vie est ailleurs que vous trouverez les résonances de l’existence, plus présente et prégnante que jamais.
Ci-dessous le teaser du film:
Le Festival International du 1er Film d'Annonay 2009 dont ce sera la 26ème édition aura lieu du 30 janvier au 9 février 2009 . Cliquez ici pour avoir toutes les informations.
Sandra.M
Commentaires
T'as vu comment qu'il nous aime trop l'Fredo ?
Oui, son message était à l'image de son film. Je lisais une critique dans "Studio" ce matin. A se demander si nous avons vu le même film! J'espère pouvoir retourner le voir et que certains auront la curiosité d'y aller. Quand je vois la promo dont bénéficie un autre film que je ne citerai pas et qui sent le navet à plein nez (et que certain(e)s ont eu l'audace d'aller voir), ça me révulse et révolte!
Tu reverras sans doute Fred et Julie à Paris et tu les bisouteras pour moi :-)
La critique de Studio n'est pas la pire hélas !!! C'est à désespérer... mais nous remédierons à cela.
Je n'ai RIEN vu sur le film que tu évoques et les critiques ne sont pas encore parues. J'en connais qui sont allées voir "Tout... sauf en famillle" "Agathe Cléry" et qui ne s'en vantent pas !!! alors ARRETE DE ME CRIER DESSUS j'ai mal à la tête !