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« Micmacs à Tire-Larigot » de Jean-Pierre Jeunet

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Un film de Jean-Pierre Jeunet est toujours pour moi un rendez-vous à ne pas manquer depuis « Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain », probablement le film que j'ai revu le plus grand nombre de fois au cinéma l'année de sa sortie. « Micmacs à Tire-Larigot » étant (seulement) son 6ème film, l'attente était  à la hauteur de la rareté des films du cinéaste. Si cette histoire m'avait au départ laissée assez sceptique, la passion avec laquelle Jean-Pierre Jeunet en avait parlé lors de sa Master Class (vous pouvez en lire le récit en cliquant ici) avait fait voler en éclats toutes mes réserves. C'est donc avec les yeux écarquillés et l'impatience d'un enfant qui va faire son tour de manège favori que je me suis plongée à nouveau dans l'univers de Jean-Pierre Jeunet.

Evidemment, comme toujours chez Jeunet, cela se déroule à Paris mais avant Paris il y a le désert marocain, là où une mine explose et tue un homme avant qu'une balle perdue, des années plus tard, vienne se loger dans le cerveau de son fils Bazil (Dany Boon). C'est alors une bande de chiffonniers aussi fantasques que leurs surnoms qui le recueille : Remington, Calculette, Fracasse, Placard, la Môme Caoutchouc, Petit Pierre et Tambouille. Un jour, par hasard, Bazil se trouve face au bâtiment des fabricants d'armes qui sont la cause de ses déboires. Avec l'aide de sa truculente bande, il décide de se venger.

 J'avoue qu'au départ, c'est avec délectation que je me suis replongée dans l'univers de Jeunet, totalement embarquée dans son royaume fantaisiste et poétique, son Paris à la fois désuet et intemporel, avec ses personnages attendrissants dont les particularités accumulées rendent les premières scènes de la joyeuse troupe irrésistibles. Et aussi farfelus soient-ils, Jeunet arrive à nous faire croire à leur existence, à nous immerger dans son univers, si reconnaissable et particulier, à rendre crédibles ces personnages joyeusement fêlés (dans les deux sens du terme) et burlesques, quelque part entre Keaton et Chaplin. Avec lui on peut tout croire : aux contorsionnistes dans les réfrigérateurs, aux robes qui dansent, et même que cette bande de joyeux lurons parvienne à mener la vie dure à une bande de marchands d'armes.

 J'ai lu ici et là qu'on reprochait à Jeunet de faire toujours la même chose... Un comble ! Moi, c'est justement pour cela que je l'apprécie. Pour cet univers qui n'appartient qu'à lui. Et avoir un univers reconnaissable en un seul plan est bien là la marque des grands cinéastes auxquels Jeunet appartient indéniablement.

 Et puis il y a la précision du décor, chaque objet semble avoir une âme, une histoire. Il y a Paris, aussi, toujours, une sorte de Paris souterrain qui ne laisse voir sa poésie qu'aux âmes rêveuses et égarées. Alors oui, c'est plein de bons sentiments,  d'une tendre innocence.  Et alors ? Non, décidément tout cela ne méritait pas ce lynchage.

 Oui, mais voilà, malgré tout cela, moi je suis comme les enfants, il faut qu'on me raconte une histoire ou à défaut que le tour de manège soit tellement époustouflant qu'il me fasse oublier qu'il n'y en a pas. Or, passée la première surprise et le plaisir de découvrir ces personnages, il faut bien admettre l'évidence : il n'y a pas de scénario. Jeunet et Laurant semblent s'être tellement concentrés sur leurs personnages, certes particulièrement bien dessinés, qu'ils ont oublié de leur faire vivre une histoire pour les embarquer dans une suite de saynètes abracadabrantesques et finalement ennuyeuses.

 Et puis il manque la rengaine entraînante de Yann Tiersen (remplacé ici par Raphaël Beau). Et la photographie n'est peut-être pas aussi éblouissante que celle à laquelle Jeunet nous avait habitués : c'est Tetsuo Nagata (La Chambre des officiers, La Môme...) qui s'en charge ici.

 Mais « Micmacs à Tire-Larigot » est aussi et avant tout un hommage au cinéma. En témoignent ces affiches de « Micmacs » plantés dans le décor, discrète mise en abyme pour nous signifier que le vrai héros, c'est finalement le cinéma. Il y a aussi ce très bel hommage au « Grand sommeil » d'Howard Hawks, ou encore à Tati avec cette scène de l'aéroport digne de « Playtime » sans parler de Dany Boon qui emprunte autant à Bourvil qu'à Chaplin et s'intègre merveilleusement à l'univers de Jeunet. (Marie-Julie Baup, sorte de petite sœur d'Amélie Poulain, et Julie Ferrier sont également remarquables).

 Mais malgré cela, quelqu'un qui m'emmène dans son bouillonnant univers, qui aime autant le cinéma, pour qui la poésie n'est pas un vilain mot, qui les aime tellement les mots justement (oui les dialogues sont très écrits, et alors, ils font mouche !) me ferait presque oublier cette dernière demi-heure où l'ennui a dominé et la déception face à autant de talent, de créativité, dé singularité gâchées par la faiblesse du scénario.

Commentaires

  • Oui c'est (un peu) faible, mais c'est fort quand même.
    Je ne me suis pas ennuyée. A la limite je dirais presque que l'histoire m'importait peu tant j'étais embarquée, parce qu'il y a l'univers incomparable que j'étais heureuse de retrouver (Yann Tiersen ne m'a pas manqué à moi par contre...) et des personnages touchants, attendrissants et Dany Boon bien à sa place.

  • Bon, tu dis un bouillonnant unives... c'est univers, je sais il est tard, mais quand même.
    D'ailleurs, bonne nuit.

  • @Pascale:Malgré l'univeRs en effet remarquable, je n'ai pas résisté à l'ennui à la fin, c'est d'autant plus dommage que tous les ingrédients étaient réunis pour en faire un très bon film et que ses personnages étaient particulièrement attachants! Il était tard, on te pardonnera de ne pas voir un R là où il y en a un. :-)

  • J'ai vu le film en avant-première il y a 3 semaines et j'ai passé un excellent moment!
    Certes, on pourra trouver quelques longueurs ou reconnaître des procédés typiquement "jeunetesques", mais qu'importe, ça fonctionne et comme il est agréable de se replonger dans l'univers unique, coloré et poétique de ce grand monsieur qui a su rester un grand enfant!
    Ledit Jeunet était d'ailleurs de la partie pour un petit débat après le film et il s'est montré très accessible et malicieux (capable de donner des réponses amusantes et pertinentes à des questions qui manquaient cruellement d'intérêt!...). Et puis c'est définitivement un passionné du cinéma, qu'il pratique tel un artisan, avec rigueur et patience, d'une façon un peu "old school" et très noble. Rien que cela mérite le respect!

  • @Mister Loup: C'est vrai que sa fantaisie fait plaisir à voir, que sa poésie est jubilatoire, que son univers est vraiment unique et que rien que cela force le respect et l'admiration! Et puis quand on l'entend on ne peut qu'être conquis par sa passion et sa vraie connaissance du cinéma! (ce qui n'est malheureusement pas le cas de tous les cinéastes!:-))

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