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Avant-première- Critique d’Inception de Christopher Nolan avec Leonardo DiCaprio, Marion Cotillard, Joseph Gordon-Lewitt… : le vertigineux dédale des rêves

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Le 21 juillet prochain sortira sur les écrans français le nouveau film de Christopher Nolan  que j’ai eu le plaisir de voir deux fois cette semaine et à l’exceptionnelle conférence de presse duquel j’ai également eu la chance d’être invitée avant de pouvoir interviewer cinq des acteurs du film (cliquez ici pour voir mes photos et vidéos de la conférence de presse). Une mémorable journée donc. Belle ironie du destin, c’est ce même Christopher Nolan qui,  l’année où je faisais partie du jury du Festival du Film Britannique de Dinard, avait reçu le Hitchcock d’argent pour son premier film qui nous avait déjà subjugué par son indéniable originalité, « Following ». Depuis Christopher Nolan a enchaîné les succès (« Memento », « Insomnia », « Batman begins », « Le Prestige », The Dark Knight ») et la singularité de son univers lui permet aujourd’hui de réunir un casting d’exception comme celui d’ « Inception ».

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Leonardo DiCaprio y incarne Dom Cobb un voleur expérimenté et talentueux d’un genre très particulier. Il est ainsi le meilleur dans l’art périlleux de l’extraction de rêves. Ses talents sont sollicités pour de l’espionnage industriel. Traqué dans le monde entier pour un crime qu’il n’a pas commis, il ne peut plus retourner dans son pays d’origine ni revoir ses enfants. La seule issue pour lui qui lui permettrait de retrouver sa vie d’avant : c’est d’accomplir l’impossible, l’inception, pour le compte d’un riche homme d’affaires Saito (Ken Watanabe). Cette fois il ne s’agira plus de subtiliser un rêve mais d’implanter une idée dans l’esprit de l’héritier d’une multinationale, Fischer (Cillian Murphy) pour qu’il renverse l’empire édifié par son père. Pour cela, tel Jim Phelps, il va constituer une équipe notamment composée de l’architecte des rêves, la jeune étudiante Ariadne (Ellen Page), d’Arthur (Joseph Gordon-Lewitt), Eames (Tom Hardy), Yusef (Dileep Rao). L’opération se révèle d’autant plus délicate que Cobb est hanté par le souvenir de sa femme, la troublante Mal (Marion Cotillard)…

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 Subtiliser et manipuler les rêves. Implanter une idée. Quelle belle promesse d’un voyage unique pour le spectateur. Quel synopsis  d’une inventivité et d’une audace rarement égalées dans un cinéma de plus en plus frileux. Promesse plus que tenue : ces voleurs de rêves dès le premier plan subtilisent notre attention pour ne plus la lâcher jusqu’au dernier. Christopher Nolan porte le cinéma à son plus haut niveau en construisant un concept et un univers improbables à partir de rien et en nous y faisant totalement adhérer. Un blockbuster avec toute la richesse, la complexité et la confiance dans le spectateur, généralement davantage (et à tort) attribuées au film d’auteur.

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 Par un astucieux effet de mise en abyme, Christopher Nolan se fait l’architecte de notre rêve comme l’équipe de Cobb le fait pour Fischer. Cobb est le réalisateur de cette mission impossible, l’inception. Il est hanté par son passé comme un cinéaste parsème son film de souvenirs plus ou moins conscients. Je ne vous dirai pas si Cobb réussit sa mission mais celle de Nolan est en tout cas plus que réussie. N’est-ce pas là la plus belle mission du cinéma que de nous faire partager un rêve ? Le spectateur est en totale symbiose avec ce que vivent les personnages jusqu’à cette impression de chute qui les réveille des rêves qu’ils construisent et qu’il nous arrive à nous aussi (à moi en tout cas) d’avoir au réveil. Christopher Nolan nous plonge ainsi dans les méandres fascinants du subconscient mais aussi dans ceux de la réalisation cinématographique dont ils sont la métaphore.  

 A la manière des films d’espionnage dont il dit s’être inspiré, Christopher Nolan nous immerge dès le début en pleine action comme ces rêves dont vous ne vous souvenez plus du début et qui commencent sur une plage, comme ici, ou ailleurs.  Il nous embarque alors aux quatre coins du monde, plus exactement dans six pays sur quatre continents différents (Tokyo, Los Angeles, Londres, Tanger, Paris, Calgary sont ainsi les différents lieux de tournage) pour un voyage sans cesse surprenant.

 Plutôt que de bâtir un univers science-fictionnel qui nous aurait été totalement étranger le cinéaste a préféré donner réalité et réalisme à l’insaisissable, aux rêves, pour que nous nous immergions plus facilement dans son univers et pour que  celui-ci nous paraisse familier et pour que l’idée de ces différents niveaux de rêves, si abstraite et complexe a priori, soit simple et limpide à l’écran. Quelle gageure que de parvenir à cela. Un puzzle dont le spectateur est aussi l’artisan et dont Aria(d)ne détient le fameux fil. La mémoire, la distorsion du temps, l’illusion autant de thèmes que Christopher Nolan avait déjà abordés dans ses précédents films et dont il décèle ici le meilleur.

 Au-delà de l’immense talent de metteur en scène et de scénariste de Christopher Nolan l’interprétation est aussi remarquable, en particulier celle de Leonardo DiCaprio qui confirme être le meilleur acteur de sa génération et qui, après Shutter Island (avec lequel ce film présente d’ailleurs de nombreux points communs, ce qui est un compliment puisque « Shutter Island » était pour moi jusqu’à présent le meilleur film de l’année ), montre encore un nouveau visage et un jeu toujours aussi captivant, intense, entremêlant subtilement une foule d’émotions, parfois dans une même scène. Impossible aussi de ne pas évoquer la musique de Hans Zimmer qui dans le dernier plan fait surgir une irrépressible émotion avec une force rare qui m’a réellement faîte chavirer.

 Un film inclassable qui ne mêle pas seulement les dimensions mais aussi les genres : film d’amour avec sa femme fatale et ses sentiments éternels et obsédants, thriller, film d’action (bien sûr de spectaculaires explosions mais aussi des prouesses architecturales que je vous laisse découvrir), film de science-fiction, voyage cathartique. Un film gigogne d’une rare ingéniosité, sinueux et étourdissant. Un dédale de rêves : sans doute est-ce la plus belle définition du cinéma auquel il rend hommage et dont il est le miroir.

 Plus qu’un film, une expérience vertigineuse, dont le dernier plan, même après une seconde projection, m’a laissée en apesanteur, comme grisée par un tour de manège délicieusement enivrant. A l’image des idées toujours fixées sur le subconscient un film qui vous laisse une empreinte inaltérable. Un film qui se vit plus qu’il ne se raconte, qui nous plonge en plein rêve.

 La quintessence du cinéma : un rêve partagé qui distord le temps, défie la mort. Enfin il nous rappelle ce que nous ne devrions pas oublier ou craindre : ne jamais avoir peur de rêver trop grand.

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Commentaires

  • Eh bien je l'ai enfin vu et je ne suis pas déçu. Christopher Nolan se montre toujours astucieux, présentant des mécanismes solides à l'épreuve de toute faille que de nombreux spectateurs vont rechercher des heures durant. Mais je trouve que les rouages complexes en perpétuelle évolution réduisent l'impact du film sur un plan purement dramatique. The Prestige présentait un récit plus équilibré entre la démesure visuelle (et scénaristique) et ses protagonistes qu'on ne retrouve pas ici...
    Cependant, Inception s'impose comme un grand film novateur et Nolan confirme (encore une fois) son génie.

  • Film largement surcoté aussi superficiel que tape à l'oeil. On y apprend rien de rien.

  • Rêves, subconscient, subliminal, manipulation il y avait matière à faire du grand cinéma d’où l’on ressort ébloui ou choqué, au minimum ému. Malheureusement, ici la ballade dans le subconscient se résume à une sorte de jeux vidéo en 3D, sans aucune imagination, si ce n’est un festival d’images de synthèse et d’animations ultra-réalistes. Pas de place ici pour ne serait-ce qu’effleurer un soupçon de psychologie, de l’action avant tout. C’est très décevant pour un thriller. Je pense que l'exploration du rêve est ici un prétexte, les miens sont en tout cas plus complexes inattendus et déroutants. Matrix 1 avait fait mieux en son temps dans le domaine des mondes parallèles.
    Celà s'approche plus d'un des récents James Bond, si vous aimez. Avec en bonus une histoire d’amour éternel qui finit mal.
    Leonardo est toujours ardent, mais si l’on aime cet acteur Shutter Island était largement plus palpitant. Marion Cottillard est également une actrice expressive, nous le savons, mais difficile d’y croire, dans ce chaos numérique.

  • @Dom: Je comprends en effet que la complexité de la structure puisse être un frein au plaisir du spectateur mais pour moi cela l'a au contraire intensifié quand tant de films nous abêtissent et nous privent de toute réflexion. Le seul reproche que je ferais (et que j'ai oublié de mentionner dans ma critique) c'est une caractérisation des personnages secondaires moins précise mais la richesse, la complexité et la longueur du film imposaient certainement de faire des concessions.
    @fridirick: Alors, j'aimerais voir des films aussi superficiels tous les jours!
    @Pierre: Ce que j'ai justement apprécié, c'est que l'action est au service du scénario et jamais gratuite. J'apprécie en effet toujours James Bond (en particulier "Casino Royale") mais je n'ai pas encore vu de James Bond avec un scénario aussi inventif. Le but (je pense) n'était pas non plus de construire le rêve le plus inventif ou déroutant mais d'utiliser le rêve comme moyen de manipulation. (thème cher à Christopher Nolan). Je suis néanmoins d'accord avec vous sur un point: "Shutter island" est encore un cran au-dessus et pour moi le meilleur film de l'année.

  • Sandra, oui, je partage entièrement ton avis. D'ailleurs, en revoyant le film, cette légèreté dans la fibre dramatique m'a moins "choqué" ; le principe du film et l'action sont tellement efficaces qu'on peut gommer certaines lacunes.
    (J'ai revu Shutter Island, autant j'adore la première heure, autant la dernière partie me déçoit grandement.)

  • @Dom: Je n'ai vu "Shutter island" qu'une fois mais je n'ai été déçue par rien! Qu'est-ce qui t'a déçu dans la deuxième partie?

  • Après la visite du pavillon C, on perd le côté investigation pour se concentrer entièrement sur Teddy et avec des confrontations très informelles entre les personnages, jusqu'au dénouement qui s'étire longuement en explications. Y a un aspect très froid et formel en s'approchant de la fin, ce qui me rebute énormément. Je pourrais jamais me faire à ce film et pourtant, y en a certains qui suivent un schéma similaire que j'apprécie entièrement.
    Par contre, en le revoyant, en HD, j'ai pu apprécier pleinement le travail effectué au niveau de la photographie. J'arrive à en croire que j'ai vu une copie abimée en salles.

  • Il y a juste quelqu'un qui me fait sortir de moi, en disant que ce n'est que de l'action, et, oh mon dieu gros mensonge, un festival de synthèse ??? un chaos numérique ??? Fais le rapprochement avec Matrix (qui, pour ma part même si je l'aime beaucoup aussi, est plus dans le domaine de l'action que la psychologie comparé à celui-ci) mais faisons la comparaison jusqu'au bout et comptons le nombre d'effets rajoutés numériquement dans ce dernier ! Inception ne possède qu'un 5ème d'effets numériques par rapport à tous ceux de sa génération pour un blockbuster, renseigne toi juste avant de critiquer.
    Et au final, ce qui ressort du film pour ma part et pour bien d'autres, c'est l'aspect psychologique du personnage Dom Cobb justement, qui a un esprit totalement torturé comme dans "Shutter Island" et qui cherche à se sortir du gouffre. Je veux bien qu'on parle d'action pour une partie du film mais regardons aussi tous les passages de dialogues forts qui sont omniprésents et beaucoup plus marquants.

  • Superbe critique pour ce film virtuose et hors normes qui est aussi une réflexion sur l'art du cinéma et sur le processus de création artistique.

  • @Fred: Merci pour le sympathique commentaire. C'est en effet aussi une parabole subtile du cinéma...

    Vous trouverez mon dossier complet sur le film avec mes vidéos de la conférence de presse et mon interview d'une partie de l'équipe du film, ici: http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2010/12/01/inception-day-sortie-dvd-blu-ray-et-ultimate-edition-de-ince.html

  • merci et bravo pour votre ample dossier sur Inception;
    quand je pense , qu'il n'est même pas nominé aux oscars...
    Bien cordialement,
    fred

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