« Crime d’amour » d’Alain Corneau avec Kristin Scott Thomas, Ludivine Sagnier, Patrick Mille… : dommageables imperfections d’un crime presque parfait
Alain Corneau possède une filmographie assez clairsemée mais riche de grands films aussi différents que « Police python 357 », « Le choix des armes », « Tous les matins du monde », « Fort Saganne » ou « Stupeurs et tremblements ». C’est le polar qui l’a fait connaître, genre dans lequel il excelle, mais son adaptation du roman d’Amélie Nothomb « Stupeurs et tremblements » est elle aussi remarquable dans l’ironie sombre et la dissection de la hiérarchie méthodique et maniaque de l’entreprise japonaise.
« Crime d’amour » promettait donc de réunir le meilleur de ces deux genres puisque l’intrigue se déroule principalement dans les bureaux d’une multinationale où travaille Isabelle (Ludivine Sagnier), jeune cadre en apparence revêche, avec chemisier bien fermé et chignon de rigueur. Cette dernière éprouve une admiration inconditionnelle pour sa patronne Christine (Kristin Scott Thomas), glaciale et séduisante, en tout cas pour Isabelle troublée par sa présence. Un trouble dont Christine va se servir pour manipuler Isabelle mettant sa perversité au service de son ambition vorace jusqu’à humilier la jeune femme en public. Un jeu dangereux qui va se retourner contre elle : Isabelle va se révéler encore plus machiavélique. Quand Christine est retrouvée assassinée, tout l’accuse pourtant…
Le film débute sans préambule dans l’appartement de Christine qui se joue de la séduction qu’elle exerce sur Isabelle. Arrive alors l’amant de Christine, Philippe (Patrick Mille). Isabelle est doucement évincée. Les présentations avec le trio de ce cercle infernal sont ainsi expédiées. Le duo/duel entre Kristin Scott Thomas (toujours remarquable) et Ludivine Sagnier (toujours dans son rôle de fausse ingénue, toujours en surjeu) est assez réjouissant, les dialogues sont plutôt tranchants et l’entreprise un cadre judicieusement froid et aseptisé pour les enfermer progressivement dans cette prison rigide dont elle est à la fois l’objet et le cadre.
« Crime d’amour » ne prétend pas au réalisme et ressemble à un schéma, visuellement et scénaristiquement : schéma du film noir, schéma de l’entreprise mais un schéma (a priori volontairement car par définition) sans âme. L’absence de réalisme que ce schéma a pour conséquence est une convention qui peut être facilement acceptée mais quand elle se transforme en invraisemblance, elle perd le spectateur en chemin à force de TOUT vouloir lui montrer et expliquer. Ainsi, de victime naïve et enamourée, (certes poussée par la soif de vengeance et la honte) Isabelle (qu’on prend néanmoins bien soin de nous montrer telle une prédatrice lorsqu’elle se jette sur Philippe) va alors se transformer en assassin machiavélique faisant preuve d’un redoutable sang froid. A l’image de l’entreprise qui l’a engendrée : maniaque, froide, aseptisée, rigide, mais ne perdant jamais de vue son objectif.
Non seulement c’est invraisemblable mais en plus la justice et la police sont totalement ridiculisés. Dommage : se faire passer pour coupable pour s’innocenter était une bonne et hitchcockienne idée seulement pour que le crime soit presque parfait, aurait-il fallu que les preuves pour désigner le faux criminel soient crédibles. Mais tout cela encore aurait pu passer si la deuxième partie n’avait été explicative à outrance, nous montrant par flashbacks ce que nous pouvions déjà nous satisfaire d’avoir depuis longtemps deviné, rappelant alors davantage les ficelles des séries policières en prime time (mais déjà datées) qu’un maître du polar.
Restent la photo d’Yves Angelo qui souligne la mise en scène volontairement glaciale, les airs de jazz étrangement en dissonance, Kristin Scott Thomas incisive, troublante, redoutable, parfaitement odieuse et Guillaume Marquet (finalement le personnage le plus intéressant). Un film anachronique qui ne tient pas ses (belles) promesses et pas à la hauteur de ses brillantes références : Clément et Lang. Ne vous trompez pas dans « le choix des armes » et revoyez plutôt le film éponyme sauf si vous êtes amateurs de séries policières d’un autre temps qui, malgré leurs défauts, peuvent s’avérer divertissantes. C’est parfois déjà beaucoup et bien suffisant…
A lire aussi : la critique du « Deuxième souffle » d’Alain Corneau.
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Commentaires
Ben... et Série noire alors ? C'est de la gnognotte ?!!
Ben de toute façon on avait rien à deviner puisqu'on savait tout avant.
Mais quel film étrange.
Et surtout quelle exécrable actrice ?
@Fred: "La menace" non plus ce n'est pas de la gnognotte mais je ne pouvais pas tous les citer.
@Pascale: Je ne l'ai jamais trouvée bonne actrice et depuis que je l'avais vue lors d'un certain festival envoyer promener une réceptionniste d'une manière pour le moins méprisante, j'ai encore plus de mal à lui trouver des circonstances atténuantes...
Moins bon que Police Python mais Marie Dubois y était exceptionnelle...
@Fred: "Police python " est aussi mon préféré alors je ne peux qu'acquiescer . ( après "Crime d'amour evidemment)
Il est vrai que le "réalisme" du film est difficile à croire... La police est-elle aussi naïve ? ou bien l'erreur judicaire si plausible ?
En tout cas l'idée de base est très intéressante... Se faire accuser du meurtre que l'on a commis puis prouver sa "fausse-innocence"....
Une scène m'a par contre très intrigué : lorsqu'elle avoue à sa surveillante de prison qu'elle ne "penserait pas que la prison serait si dur"..... Quel intérêt de cette scène ?? (la logique aurait voulu que la surveillante signale cela à ses supérieurs ou bien que cela mette la puce à l'oreille, mais que nenni..., rien n'y change).
Ludivine Sagnier n'est pas des plus agréable, je le concède (...), en revanche, Kristin Scott Thomas est impécable :)
Est-ce le dernier film d'Alain Corneau ou bien en existe-t-il un déjà réalisé et en cours de montage ?