Critique - "London Boulevard" de William Monahan
Je sais bien. Je sais bien que je clame haut et fort que le principe de ce blog est de ne parler que, ou du moins essentiellement, de mes coups de cœur, des films qui m’enthousiasment, me donnent des frissons, me font penser (parfois) que « le cinéma c’est mieux que la vie », mais là, je ne pouvais pas ne pas vous parler de ce film tant il m’a consternée. Une (mauvaise) surprise d’autant plus inattendue qu’il s’agit du premier film en tant que réalisateur du scénariste des « Infiltrés » de Martin Scorsese ( Oscar, mérité, du meilleur scénario 2007) et de « Mensonges d’Etat » de Ridley Scott. Si je n’attendais pas une réalisation époustouflante, je m’attendais néanmoins à un scénario irréprochable, mélange de romance et de thriller. Malheureusement ce film hybride à force de vouloir mêler les genres n’appartient à aucun…
Synopsis : Mitchel (Colin Farrell) sort de prison avec l’intention de changer de vie, d’avoir une bonne conduite. Son ami Billy (Ben Chaplin) l’attend à la sortie pour « l’aider » et lui donner un toit en échange de quelques services. Dans le même temps, il fait la connaissance de Charlotte (Keira Knightley), star de cinéma persécutée par la presse à scandale, terrée dans son hôtel particulier londonien. Il en devient le garde personnel. Sans compter que, dans le même temps, Gant (Ray Winstone), un parrain de la pègre, violent, raciste, comme il se doit (mais pourquoi d’ailleurs ?) voudrait utiliser les talents de Mitchel pour ses affaires. Mitchel refuse. La guerre est déclarée et s’ensuit un film qui est le contraire même du film éponyme de Valérie Donzelli tant il manque de subtilité et d’intérêt. Précisons enfin que c’est l’adaptation du livre de Ken Bruen, auteur irlandais de romans policiers.
Mais que suis-je allée faire dans cette galère ? C’est ce que je me suis demandé au bout de 5 minutes, mais le problème c’est que je me le suis aussi demandé au bout de 60 et jusqu’à la fin. Pas d’enjeu. Pas de style. Pas d’émotion. Rien. Je ne peux même pas dire que le problème provient de la réalisation et que William Monahan devrait rester scénariste parce que la réalisation est presque plus réussie que le scénario (grâce à l’image de Chris Menges). Mais pour le reste, tout est téléphone, surligné, comme ces 10 unes de magazine avec Charlotte pour bien nous montrer à quel point elle est traquée . Le film vocifère ainsi constamment ses intentions dès la première scène : Mitchel sort de la prison, dit vouloir s’en éloigner le plus rapidement possible (pour bien que nous comprenions qu’il laisse cette vie derrière lui). Puis il défend une jeune femme que des jeunes veulent attaquer et donnent de l’argent à son ami le clochard (pour bien que nous comprenions que, malgré tout, ce n’est pas un mauvais bougre).
La romance entre le braqueur en quête de respectabilité (et en costard s’il vous plait), entre douceur et violence, et l’actrice mal dans sa peau aurait éventuellement pu être intéressante, mais aucune alchimie ne passe entre les deux. Même Keira Knigthley dont je pense pourtant beaucoup de bien ne parvient pas à faire exister son personnage, caricature d’actrice persécutée par les paparazzi, dissimulant de sombres secrets (mais heureusement il y a LA et le château Marmont pour résoudre tous ses problèmes). Quant à l’histoire du criminel qui sort de prison pour changer de vie et qui est rattrapé par ses démons et son passé, elle a été déjà vue cent fois. Et si l’ennui n’est pour moi pas un critère c’est tout de même un problème pour un thriller quand on regarde constamment sa montre.
Comble du ridicule, le titre, en hommage à Boulevard du crépuscule auquel le film fait quelques emprunts. Même au 10ème degré (d’ailleurs je ne vois pas comment on peut envisager ce film autrement ?), les dialogues sont consternants de bêtises. La violence, ridicule, singe malhabilement le style tarantinesque. Bref, du Guy Ritchie en (encore) pire. Reste la musique (des années 60), la photographie de Chris Menges (mais certaines scènes sans intérêt ne semblent être là que pour la mettre en valeur) et surtout une immense déception et la sensation d’avoir perdu son temps. William Monahan n’a pas l’univers et le point de vue nécessaires à un cinéaste. Espérons qu’il reviendra à son métier de scénariste, et uniquement. Le cinéma retrouvera un grand scénariste (en tout cas pour les films des autres) et perdra, sans regrets, un mauvais réalisateur. LE film du mois à ne pas voir… Vous voilà prévenus.