Compte rendu de ma 1ère journée au Festival Paris Cinéma 2011 : Nicolas Echevarria, « Two lovers » de James Gray et avant-première de « La Fée »
Avant de repartir pour le MK2 Bibliothèque où, ce soir, j’assisterai aux projections en avant-première « Blackthorn » de Mateo Gil (présenté par le comédien Sam Sherpard) et « Trois fois vingt ans » de Julie Gavras présenté par la réalisatrice et par Isabella Rossellini à qui le festival rend hommage cette année, un petit bilan de ma première journée de festival tout en vous rappelant que vous pouvez retrouver ma critique du film d’ouverture « Polisse » de Maïwenn et mes vidéos de l’ouverture, ici, et que vous pouvez retrouver ma critique de « Monsieur Klein » de Joseph Losey projeté à plusieurs reprises dans le cadre de l’hommage à Michael Lonsdale, là.
Ma journée d’hier a été à l’image de la programmation de ce festival : particulièrement éclectique, entre un film projeté dans le cadre de la rétrospective Isabelle Rossellini, un film lié au pays à l’honneur cette année, à savoir le Mexique, et une avant-première.
J’ai débuté ma journée par « Two lovers » de James Gray, découvert lors de sa sélection en compétition officielle du Festival de Cannes 2008 et que j’avais envie de revoir, ayant le souvenir d’un film d’une noirceur troublante et d’une rare beauté mélancolique.
« Two lovers » sera également projeté au mk2 bibliothèque, vendredi 8 juillet, à 14H45.
Direction New York, ville fétiche du cinéma de James Gray, où, après avoir tenté de se suicider, un homme hésite entre suivre son destin et épouser la femme que ses parents ont choisie pour lui, ou se rebeller et écouter ses sentiments pour sa nouvelle voisine, belle, fragile et inconstante, dont il est tombé éperdument amoureux, un amour dévastateur et irrépressible.
L’intérêt de « Two lovers » provient avant tout des personnages, de leurs contradictions, de leurs faiblesses. Si James Gray est avant tout associé au polar, il règne ici une atmosphère de film noir et une tension palpable liée au désir qui s’empare du personnage principal magistralement interprété par Joaquin Phoenix avec son regard mélancolique, fiévreux, enfiévré de passion, ses gestes maladroits, son corps même qui semble crouler sous le poids de son existence, sa gaucherie adolescente.
Ce dernier interprète le personnage attachant et vulnérable de Leonard Kraditor (à travers le regard duquel nous suivons l’histoire : il ne quitte jamais l’écran), un homme, atteint d'un trouble bipolaire (mais ce n'est pas là le sujet du film, juste là pour témoigner de sa fragilité) qui, après une traumatisante déception sentimentale, revient vivre dans sa famille et fait la rencontre de deux femmes : Michelle, sa nouvelle voisine incarnée par Gwyneth Paltrow, et Sandra, la fille d’amis de ses parents campée par l’actrice Vinessa Shaw. Entre ces deux femmes, le cœur de Leonard va balancer…
Il éprouve ainsi un amour obsessionnel, irrationnel, passionnel pour Michelle. Ces « Two lovers » comme le titre nous l’annonce et le revendique d’emblée ausculte la complexité du sentiment amoureux, la difficulté d’aimer et de l’être en retour, mais il ausculte aussi les fragilités de trois êtres qui s’accrochent les uns aux autres, comme des enfants égarés dans un monde d’adultes qui n’acceptent pas les écorchés vifs. Michelle et Leonard ont, parfois, « l’impression d’être morts », de vivre sans se sentir exister, de ne pas trouver « la mélodie du bonheur ».
Par des gestes, des regards, des paroles esquissés ou éludés, James Gray dépeint de manière subtile la maladresse touchante d’un amour vain mais surtout la cruauté cinglante de l’amour sans retour qui emprisonne ( plan de Michelle derrière des barreaux de son appartement, les appartements de Leonard et Michelle donnant sur la même cour rappelant ainsi « Fenêtre sur cour » d’Hitchcock de même que la blondeur toute hitchcockienne de Michelle), et qui exalte et détruit.
James Gray a délibérément choisi une réalisation élégamment discrète et maîtrisée et un scénario pudique et la magnifique photographie crépusculaire de Joaquin Baca-Asay qui procurent des accents lyriques à cette histoire qui aurait pu être banale, mais dont il met ainsi en valeur les personnages d’une complexité, d’une richesse, d’une humanité bouleversantes. James Gray n’a pas non plus délaissé son sujet fétiche, à savoir la famille qui symbolise la force et la fragilité de chacun des personnages (Leonard cherche à s’émanciper, Michelle est victime de la folie de son père etc).
Un film d’une tendre cruauté, d’une amère beauté, et parfois même d'une drôlerie désenchantée, un thriller intime d’une vertigineuse sensibilité à l’image des sentiments qui s’emparent des personnages principaux, et de l’émotion qui s’empare du spectateur. Irrépressiblement. Ajoutez à cela la bo entre jazz et opéra ( même influence du jazz et même extrait de l’opéra de Donizetti, L’elisir d’amore, « Una furtiva lagrima » que dans le chef d’œuvre de Woody Allen « Match point » dans lequel on retrouve la même élégance dans la mise en scène et la même "opposition" entre la femme brune et la femme blonde sans oublier également la référence commune à Dostoïevski… : les ressemblances entre les deux films sont trop nombreuses pour être le fruit du hasard ), et James Gray parvient à faire d’une histoire a priori simple un très grand film d’une mélancolie d’une beauté déchirante qui nous étreint longtemps encore après le générique de fin. Trois ans après sa sortie : d’ores et déjà un classique du cinéma romantique.
Changement radical d’univers pour un film qui, justement, l’est (radical) avec « Cabeza de vaca » de Nicolas Echevarria projeté dans le cadre du focus sur le cinéaste et de la thématique mexicaine du Festival Paris Cinéma 2011. Ce film date de 1991 mais est sortie en salles en France seulement l’hiver dernier. C’est l’histoire extraordinaire d’Alvar Nunez Cabeza de Vaca, conquistador espagnol devenu chaman…
« Cabeza de Vaca » sera à nouveau projeté au mk2 Bibliothèque le lundi 4 juillet à 21H30. Il sera également présenté par le réalisateur. Retrouvez ma vidéo de la présentation du film par son réalisateur, ci-dessous.
Premier film du réalisateur qui n’avait auparavant réalisé que des documentaires, le style est ici d'inspiration documentaire, d’un naturalisme d’autant plus troublant que les maquillages sont exceptionnels (signés Guillermo del Toro), et qu’il s’allie avec un fantastique paradoxalement réaliste. Etrange alliance entre âpreté et mysticisme, réalisme et symbolisme, dans un film tantôt très cru, tantôt presque poétique. Un film intense d’une force indéniable à l’image de l’interprétation de Juan Diego. Une expérience viscérale et hallucinée (et visuellement hallucinante) qui, en tout cas, ne pourra vous laisser indifférents.
A nouveau, changement radical d’univers avec l’avant-première de « La Fée » de Dominique Abel, Fiona Gordon, Bruno Romy, que j’étais d’autant plus impatiente de découvrir que j’en avais eu d’élogieux échos au Festival de Cannes où il était présenté dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs et au Festival de Cabourg où il était également présenté en avant-première.
Dom est veilleur de nuit dans un petit hôtel du Havre. Un soir Fiona se présente à l’accueil et dit être une fée. Elle lui accorde trois souhaits. Le lendemain, deux vœux de Dom se sont réalisés. Il la recherche, tombé amoureux de cette dernière. Peut-être en attendais-je trop de cette fée dont la magie m’avait été tant de fois louée mais, même si, certes, le film est inclassable, un conte joyeusement délirant et décalé, tendrement burlesque, plein de fantaisie, d’humour absurde, et riche de multiples influences qui l’écrasent malheureusement plus qu’elles ne le portent (Tati –décidément…, déjà source d’inspiration de « Ni à vendre ni à louer » actuellement à l’affiche-, Laurel et Hardy, Buster Keaton etc), les gags s’étirent parfois en longueur (chorégraphie sous l’eau et danse sur le toit) et sont parfois un peu trop répétitifs et le film s’apparente plus à une suite de saynètes, certes souvent drôles, qu’à un film avec un scénario construit, nous laissant un peu sur notre faim.
Préférez-lui « Le Havre » de Kaurismaki avec un ton et un lieu similaires… mais un vrai scénario et ce petit plus inexplicable qui s’appelle la magie et dont cette fée, dans le scénario comme dans la réalisation, paradoxalement, est un peu trop avare. (Sortie en salles : le 14 septembre)
Après ce voyage cinématographique entre mélancolie, féérie, fantastique, et (un peu de) réalisme, retour à la réalité sous un doux et poétique soleil parisien propice à la rêverie et à déambuler dans ses rues ainsi illuminées comme dans un film de Woody Allen, en se réjouissant du plaisir de vivre un festival dans la ville la plus mélancolique, féérique, fantastique qui soit, décor qui n’a pas encore dévoilé toutes ses ressources cinématographiques et ses mystères.
Je vous signale enfin que Paris cinéma dispose cette année d’un espace sur l’esplanade devant le MK2 Bibliothèque, une judicieuse nouveauté. Vous pourrez y retirer vos badges, vous renseigner sur le festival, y trouver le programme, y consulter les dossiers de presse des films présentés au festival, ou des magazines de cinéma, et même faire un tour à la toute nouvelle boutique du festival…
Rendez-vous demain pour un nouveau compte rendu…