Critique - "Le Prénom" de Mathieu Delaporte et Alexandre de la Patellière avec Patrick Bruel, Valérie Benguigui...
Voici ma courte critique de ce film publiée suite à ma participation au jury du Festival International du Film de Boulogne Billancourt dans le cadre duquel il était présenté en avant-première et en ouverture (retrouvez mon compte-rendu complet de jurée au festival, en cliquant ici).
Le « Prénom » est l’adaptation de la pièce de théâtre éponyme de Mathieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, également réalisateurs du film, une pièce qui a connu un grand succès au Théâtre Edouard VII : pas moins de 250 représentations !
Vincent (Patrick Bruel), la quarantaine, va être père pour la première fois. Cela s’annonce comme un dîner convivial comme un autre, celui organisé chez Élisabeth (Valérie Benguigui) et Pierre (Charles Berling), sa sœur et son beau-frère. Il y retrouve également Claude (Guillaume de Tonquedec, photo ci-dessus), un ami d’enfance. En attendant l’arrivée d’Anna (Julie El Zein, photo ci-dessus), sa jeune épouse en retard, on le presse de questions sur sa future paternité dans la bonne humeur générale… jusqu’à ce qu’il donne, fièrement, le prénom choisi pour l’enfant à naître. Sa réponse plonge la famille dans la stupéfaction, et engendre le chaos.
Le casting est identique à celui de la pièce à l’exception de Charles Berling, qui incarne Pierre, le beau-frère de Vincent, reprenant ainsi le rôle interprété par Jean-Michel Dupuis.
Adapter une pièce de théâtre constitue toujours un défi qui consiste à ne pas tomber dans l’écueil et la facilité du théâtre filmé. La scène d’introduction qui présente les personnages et qui reprend la voix off déjà utilisée dans la pièce instaure un rythme haletant, un ton incisif et rompt avec l’unité de lieu. Evidemment le sujet fait d’emblée songer à « Carnage » (la pièce de Yasmina Reza adaptée récemment par Roman Polanski). Finalement dans les deux cas, une histoire de mots qui font éclater une vérité blessante et qui révèlent des maux enfouis et des frustrations. Dans « Carnage » un enfant en blessait un autre au visage et lors de la déclaration destinée aux assurances, le père du « coupable » demandait à remplacer le terme «armé » d’un bâton par celui de « muni ».
Polanski ne s’était pas contenté de filmer une pièce de théâtre mais avait proposé une vraie mise en scène signifiante avec un cadrage, parfois étouffant, par une manière de placer sa caméra dans l’espace et de diviser cet espace au gré des clans qui se forment, par des gros plans ou des plongées ou contre-plongées qui révèlent toute la laideur de ses personnages. Si la mise en scène du « Prénom » n’est pas aussi inspirée, elle n’en est pas statique pour autant. Et tandis que dans « Carnage », tout n’est qu’amertume et cynisme, chacun n’agissant que sous un seul diktat, celui de l’égoïsme censé régir la vie de chacun, dans « Le prénom », il s’agit d’autre chose…
« Le Prénom » devient en effet finalement un révélateur qui va faire ressurgir les rancœurs de chacun. Celui-ci étant souvent un indice social ou même politique, il va faire éclater les préjugés sociaux et politiques que même des amis peuvent avoir entre eux et que Vincent prend plaisir à exagérer, par provocation. Les masques tombent alors. Dommage que celui de Vincent ne tombe jamais vraiment (son personnage et le film y auraient gagné en épaisseur) et que son arrogance et sa provocation ne soient là que pour faire tomber ceux des autres qui finalement n’en révèleront d’ailleurs pas beaucoup plus sur leurs réelles personnalités que ce que leur catégorisation initiale laissait supposer sur celles-ci, si ce ne sont quelques secrets. « Le Prénom » n’en est pas moins une satire sociale réjouissante aux dialogues ciselés qui, à n’en pas douter, déplaira à ceux qui fustigent le politiquement correct et en argueront plutôt que de s’y reconnaître.
Mention spéciale à Valérie Benguigui absolument irrésistible même si sa diatribe de femme/sœur/enfant mal aimée casse le rythme du film. Bruel est parfait en vieil enfant gâté, agent immobilier provocateur, sûr de lui, arrogant. Il avait déjà prouvé dans « Un secret » de Claude Miller à quel point il pouvait l’être. A défaut d’être un très grand film (ce qu’il n’a d’ailleurs pas la prétention d’être), « Le Prénom » est un très bon divertissement, gentiment cruel, d’une ironie finalement tendre malgré sa causticité à voir a fortiori en cette période électorale (le film sort entre les deux tours) dont il vous divertira tout en jouant avec les codes politiques et sociaux auxquels celle-ci nous cantonne parfois.
Commentaires
J'ai préféré ce film à "Carnage"... Je sais que ça ne doit pas être révélé dans les milieux autorisés (mais comme tu sais je m'en fiche). La situation de Carnage avait fini par me paraître artificielle, malgré l'excellence de l'interprétation. J'en ai eu assez de voir Kate et Kristoph quitter l'appart (à raison) à plusieurs reprises et y revenir sans cesse.
Ici, j'ai beaucoup ri mais pas seulement. Il y a de la gravité aussi j'ai trouvé. Chez Polanski c'était un jeu de massacre en règle. Et puis ici, les dialogues sont tellement bien écrits et réalistes que ça m'a évoqué plein de choses, de situations et de "vrais gens".
@Pascale: oui, c'est vrai que c'est plus réaliste que "Carnage", on peut facilement tous se reconnaître à un moment ou un autre. J'ai eu un vrai rejet pour la médiocrité des personnages de "Carnage". Et tant pis pour les milieux autorisés!
Pour ma part j'ai trouvé ce film absolument insupportable. J'ai enduré ce calvaire hystérique pendant les 1h45 que ça dure mais en sortant j'en avais presque des palpitations tellement ça m'a tapé sur les nerfs.