Critique - "Robot and Frank" de Jake Schreier - Compétition officielle Festival de Deauville 2012
Plusieurs films projetés dans le cadre du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville sortent aujourd'hui en salles parmi lesquels "Robot and Frank" de Jake Schreier, film d'ouverture également en compétition de cette 38ème édition du festival. Pour l'occasion, j'ai eu le plaisir d'interviewer Frank Langella et le réalisateur du film. Vous retrouverez cet enregistrement ultérieurement.
"Robot and Frank" est le premier long-métrage d’un réalisateur, Jake Schreier, qui n’a réalisé qu’un court-métrage en 2005 .
Le film se situe dans un futur (très, trop) proche. Frank (Frank Langella), gentleman cambrioleur à la mémoire fragile, vit en vieux solitaire grincheux jusqu'au jour où son fils lui impose un nouveau colocataire, sans nom ni visage : un robot. Chargé de s'occuper de lui, celui-ci va bouleverser la vie du vieil ours solitaire. Frank, d’abord réticent à la présence du robot, va nouer une vraie relation avec son robot jusqu'à mettre au point un braquage des plus inattendus.
Cette fable tendre, pessimiste et poétique (qui fait d’ailleurs écho à la désolante dispersion des images évoquée par l’Ambassadeur des Etats-Unis en ouverture de ce même 38ème Festival de Deauville, qui nous fait parfois oublier l’essentiel) est une première belle surprise qui, avec beaucoup de simplicité et de délicatesse, par ce tandem improbable, traite de sujets contemporains (la déshumanisation de la société) et sensibles (la perte de mémoire).
Dans cette petite ville tranquille et verdoyante où vit Frank, la bibliothèque -où se trouve également un robot répondant au nom très "austenien" de Darcy- numérise ses livres, les seuls contacts de ce dernier avec sa fille (qui semble se donner bonne conscience par des actions humanitaires à l’autre bout de la planète tandis que son père vit seul et abandonné) se font par écran interposé, et son seul contact physique est paradoxalement avec ce robot censé être dépourvu d’humanité.
L’humour permet de désamorcer le portrait cruel et clairvoyant de notre société ou d’une société proche qui confie au robot (cette chose interchangeable et anonyme comme le montre tristement la fin) la dernière chose qui nous différencie encore, par définition : l’humanité. Tandis que sa mémoire défaille alors que ce robot, lui, justement, n’est que mémoire, certes artificielle, son double aussi (puisqu’il contient une mémoire, un peu la sienne) et son contraire, Frank lui confie ses souvenirs, le confondant parfois même avec son propre fils.
La mise en scène ( minimaliste mais précise), le ton du film (entre humour et mélancolie), l’intensité du jeu de Frank Langella (espiègle et démuni) et un scénario sensible font de ce premier film un objet singulier, attachant et touchant, et, l’air de rien, une réflexion d’une redoutable clairvoyance et d’un terrible pessimisme sur une société qui abandonne tout, y compris l’essentiel (la mémoire et les liens familiaux) à des machines dépourvues de l’un et de l’autre, et donc d’humanité (même si le robot en question ici en a plus que les enfants de Frank).
Ce film a été récompensé au festival de Sundance 2012, en remportant le Prix Alfred P. Sloan (attribué chaque année à des films traitant de science et de technologie.)
Commentaires
ah oui ? il y avait donc tout ça ?
Je me suis ennuyée et j'ai trouvé tout cela tellement "appuyé" que je n'ai finalement pas adhéré une seconde !
C'est vrai qu'il y a plus délicat mais c'était l'ouverture, sans doute étais-je plus indulgente (pour info, il est reparti bredouille du palmarès).