CRITIQUE de L'AUTRE DUMAS de Safy Nebbou (ce soir, sur France 2)
Auguste Maquet (Benoît Poelvoorde) est « le nègre » du célèbre écrivain Alexandre Dumas père (Gérard Depardieu) (co ?)auteur notamment des « Trois mousquetaires », de « La Reine Margot », du « Comte de Monte Christo ». Alors qu'ils se trouvent à Trouville, une jeune femme, Charlotte Desrives (Mélanie Thierry) venu pour rencontrer Dumas afin de faire libérer son père républicain emprisonné prend Maquet pour Dumas. Maquet se laisse passer pour Dumas afin de séduire celle dont il est immédiatement tombé amoureux. Pendant ce temps, à Paris, la révolution de 1848 se prépare...
Quel passionnant sujet que l'imposture ici basée sur cette histoire vraie du célèbre écrivain et de celui qui vécut dans son ombre. De la part de celui qui avait signé le poignant « Cou de la girafe », on s'attendait au meilleur.
La grande réussite revient d'abord au casting avec Benoît Poelvoorde qui, après « Entre ses mains » et « Coco avant Chanel » prouvait une nouvelle fois qu'il est aussi exceptionnel dans la comédie que le drame. II incarne à la perfection cet écrivain introverti et austère en lequel combattent l'admiration, la fascination et l'envie de la lumière de celui dans l'ombre duquel il vit : le fantaisiste, bouillonnant Dumas. Maquet dont on égratigne le nom face à Dumas que l'on célèbre. Depardieu irradie mais n'en fait jamais trop alors que la personnalité fantasque et extravertie de Dumas aurait pu s'y prêter. Et puis il y a les seconds rôles : Mélanie Thierry (juste en jeune révolutionnaire déterminée et virevoltante), Dominique Blanc (qui elle aussi vit dans l'ombre de Dumas) et Catherine Mouchet (l'épouse insouciante de Maquet) toujours aussi parfaites.
Maquet face à Dumas, c'est l'artisan besogneux face au génie inspiré. Leur face-à-face interroge le mécanisme complexe de la création. Maquet n'atteindra jamais les fulgurances de Dumas mais Dumas ne peut écrire sans Maquet.
Alors que la bande-annonce me faisait attendre un drame, le ton est en réalité celui de la tragi-comédie romanesque, voire rocambolesque, à la manière d'un feuilleton de Dumas. En toile de fond la révolution de 1848 qui apporte ce qu'il faut d'Histoire indissociable de cette du grand écrivain qui s'en est toujours largement inspiré.
Et puis il y a les mots, ceux de Dumas et ceux de Gilles Taurand (L'Autre Dumas est avant tout une adaptation de la pièce de théâtre "Signé Dumas", écrite par Cyril Gely et Eric Rouquette et jouée en 2003, mise en scène par Jean-Luc Tardieu. ), même si cette adaptation est très contemporaine dans la langue comme dans la forme, alerte et pas empesée comme on aurait pu le craindre avec un film d'époque, même si certaines répliques sont parfois un peu trop théâtrales mais après tout celles de Dumas l'étaient aussi, et c'est là aussi une manière de lui rendre hommage ainsi qu'à celui qui vivait et écrivait dans son ombre et contribuait ainsi à sa lumière, et de lui en apporter enfin un peu. ( Lors d'un procès qui eut lieu en 1858, Maquet revendiqua la paternité des principaux chefs d'oeuvre de Dumas. Si le tribunal lui accorda 25% des droits d'auteur, il lui refusa en revanche la co-signature.)
Peut-être pas le film magistral que l'on aurait pu attendre de Safy Nebbou sur un aussi riche sujet (un peu comme si Auguste Maquet n'avait pas encore rencontré Dumas, il lui manque cette petite flamme pour transformer la bonne idée en idée géniale) mais un très bon divertissement servi par des premiers et seconds rôles excellents.