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Festival de Cannes 2014, épisode 1 - Ouverture du festival et "Grace de Monaco" d'Olivier Dahan

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Arrivée à Cannes deux jours avant l’ouverture du festival, j’ai vu, peu à peu, l’irréalité cannoise tisser sa toile et hisser les voiles pour un ailleurs cinématographique, modifier l’apparence de la ville pour qu’elle ne respire bientôt plus qu’au rythme haletant de 24 images par seconde, pour m’envelopper dans ses voiles et m’embarquer pour un vol de 12 jours.  Quelques perturbations ne sont pas à exclure et si l’ailleurs vers lequel m’embarque cette irréalité sera peut-être aussi déroutant, à n’en pas douter, il sera surtout réjouissant. Parce que, oui, j’ose le clamer et l’affirmer et le revendiquer : cet enthousiasme qu’il est de bon ton ici de taire pour se vanter d’être blasé et las. Moi, je suis contente et fière, naïve que je suis, que les vicissitudes de l’existence (et je vous -r-assure : je n’ai pas été épargnée ces derniers mois) n’aient pas entamé mon enthousiasme ni ma passion pour le cinéma, même après 13 festivals de Cannes, a fortiori après 13 festivals de Cannes, même si ma lucidité se fait plus vive, même plus cruelle parfois.

Cruel : le public face auquel s’est retrouvé Lambert Wilson, maître de cérémonie de l’ouverture de cette 67ème édition du Festival de Cannes, l’était indubitablement. J’en tremblais pour lui. Tant d’élégance, de charisme et d’intelligence doivent susciter plus d’une jalousie et plus d’un se gausserait sans doute d’un faux pas, d’une hésitation, d’une absence. Il ne leur donnera pas ce plaisir. Il a su mêler avec brio, humour, élégance, reconnaissance envers ce festival qui lui a fait cet honneur de lui confier de rôle délicat, mais aussi envers son père et ses pairs (et c’est un exploit quand justement être blasé est de rigueur), avec même un zeste d’impertinence (magnifique danse avec Nicole Kidman comme un écho à la magie du tourbillon de la vie de Jeanne Moreau et Vanessa Paradis) mais aussi hommage au(x) cinéma(s).

Même si j’ai senti l’émotion s’emparer de lui, surjouant un peu et arpentant la scène, sans doute pour la masquer, il n’a pas démérité, s’inquiétant aussi à juste titre de « l’évaporation de la mémoire du cinéma » alors que « nous n’avons jamais été autant abreuvés de contenu ». Un tel flux et flot d’images hypnotiques qui broient l’information au lieu de la mettre en lumière. Mais le cinéma, heureusement, est là pour cela…Combien de fois, c’est vrai, me suis-je heurtée à des murs en parlant de ma passion pour le cinéma de Carné, Melville ou même Sautet comme si tout cela avait été englouti dans ce flot d’images carnassières.

 « Luchino, Federico, Roberto, Vittorio, Maurice, Ingmar, Orson,  Michelangelo prenez bien soin d’Alain Resnais », ainsi Lambert Wilson a-t-il joliment rendu hommage à Alain Resnais qui lui a donné de si beaux rôles comme dans « On connaît la chanson » ou récemment dans le sublime "Vous n'avez encore rien vu". Oui, bien sûr, cher Lambert Wilson, nous nous souvenons de ceux dont vous avez cité les prénoms, de tels maîtres du 7ème art que citer leurs prénoms suffit d’ailleurs à les identifier mais vous avez raison, il faut être vigilant. Cannes l’est, nous aide avec Cannes Classics notamment, véritable écrin pour les classiques du 7ème art et pas seulement puisque cette année, et c’est la surprise de dernière minute : le film de clôture sera « Pour une poignée de dollars » de Sergio Leone présenté par Tarantino, un moment qui s’annonce jubilatoire et que je ne manquerai pas de vous relater ici.

 Quand s’est élancée la musique de la « Leçon de piano » avec sur l’écran, ce mélange d’âpreté gracieuse et de poésie qui caractérise le cinéma de Jane Campion, j’ai senti l’émotion s’emparer de moi. Le mystère et le miracle du cinéma. Ce en quoi et ce à quoi je veux croire ardemment et intensément pendant ces douze jours pour ne pas faire mentir cette très belle citation de Desnos rappelée par Lambert Wilson :  « ce que nous demandons au cinéma c’est ce que l’amour et la vie nous refusent : le mystère et le miracle. Place au miracle. » Peut-être celui qui faisait croire à Lambert Wilson, enfant que la palme était «  comme un grand arbre qui recouvrait d’or ceux qui passaient sous ses branches ». Le miracle de l’imaginaire.

Jane Campion  a, à son tour, rendu hommage à ce festival qui a couronné de la palme d’or sa « Leçon de Piano » : Ces images m’ont bouleversée. Je dois beaucoup, énormément à ce festival. Ma carrière n’aurait pas été possible sans Cannes. J’aime ce festival. Je le connais bien. Ça fait 28 ans que je viens ».

Et puis il y a eu ces extraits de films dont certains m’ont déjà fait frissonner, tout comme, immanquablement, chaque année, la douce réminiscence suscitée par la musique de « Aquarium » de Saint-Saëns qui ponctue les montées des marches.

Alfonso Cuaron et Chiara Mastroianni ont ensuite déclaré ouverte cette 67ème édition avant la projection du film d’ouverture avant que Lambert Wilson ne fasse chanter à la salle, un peu glaciale, un joyeux anniversaire à Tim Roth (Prince Rainier dans le film d’ouverture)  et à Sofia Coppola (membre du jury).

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A la conférence de presse d’annonce de sélection du festival, le 17 Avril, Thierry Frémaux avait ainsi défini ce qui constitue Cannes et sa magie : le glamour, les auteurs, la presse, les professionnels. Il est désormais de coutume que le film d’ouverture contribue au glamour de Cannes. « Grace de Monaco » d’Olivier Dahan n’a pas dérogé à la règle même si la famille princière monégasque sans doute initialement espérée sur les marches a boudé la cérémonie ayant désavoué le film en raison des libertés prises avec la réalité, leur (ir)réalité (on les comprend, l’image du Prince Rainier est ici celle d’un homme autoritaire, parfois même humiliant avec son épouse ne l’ayant épousé que par intérêt même si la deuxième partie du film efface cette image peu flatteuse).

Lorsqu'elle épouse le Prince Rainier en 1956, Grace Kelly est alors une immense star de cinéma, promise à une carrière extraordinaire. Six ans plus tard, alors que son couple rencontre de sérieuses difficultés, Alfred Hitchcock lui propose de revenir à Hollywood, pour incarner Marnie dans son prochain film (un rôle finalement dévolu à Tippi Hedren). Mais c'est aussi le moment ou la France menace d'annexer Monaco, ce petit pays dont elle est maintenant la Princesse. Grace est déchirée. Il lui faudra choisir entre la flamme artistique qui la consume encore ou devenir définitivement : Son Altesse Sérénissime, la Princesse Grace de Monaco. 

Il est vrai que pour l’ouverture, ce film était une judicieuse idée. D’abord, parce que c’est à Cannes que se sont rencontrés Rainier et celle qui allait devenir la Princesse Grace mais aussi parce que le film commence par un plan séquence (qui n’est pas sans rappeler celui de l’annonce de la mort de Cerdan dans « La Môme », d’une certaine manière l’un et l’autre signifient la mort pour la protagoniste puisque quitter l’écran, c’est entrer dans une sorte de prison et de tombeau pour Grace) qui mène Grace de l’écran à sa loge, de l’image sur papier glacée à sa réalité, d’une route qui la conduit vers tous les possibles à une autre qui la conduit à l’enfermement puis la mort. Malgré son visage qui ressemble à un masque de cire intemporel, Nicole Kidman parvient à surprendre  et émouvoir, même à éblouir…mais le problème est que le réalisateur lui-même semble avoir été ébloui par les ors de Monaco, par son actrice, oubliant de donner de l’âme à son film très simpliste, et dichotomique même. Grace est ici une actrice fragile, une femme intelligente, prisonnière de son statut, de Monaco, de sa prison dorée. Une actrice qui va sacrifier sa carrière pour le rôle de sa vie : Princesse Grace de Monaco. C’est tout ce que s’évertue à démontrer Olivier Dahan. C’est joli, mignon mais cela manque cruellement de chair et d’âme. Cela semble être d’ailleurs le seul rôle qui compte pour Dahan qui oublie un peu trop de diriger les seconds rôles à moins qu’ils ne les dirigent délibérément dans la caricature.

Malheureusement, cette Princesse Grace possède donc les mêmes défauts que « La Môme » : notamment ces gros plans qui cherchent à forcer l’émotion, sous-estimant peut-être l’intelligence du spectateur et forçant souvent le trait, notamment dans ses citations d’Hitchcock ( feu d’artifice rappelant celui de « La Main au collet », espionnage dans les coursives du palais où est "enchaînée" la Princesse, chignon  rappelant celui de « Vertigo » etc. )

En restent : une actrice étincelante, de jolis décors et costumes, une judicieuse et glamour mise en abyme   pour une ouverture et une citation d’ouverture à méditer : « L’idée que ma vie puisse être un conte de fée est déjà en soi un conte de fée. ». Libre à vous de juger cela ridicule mais ça le sera toujours moins que ces journalistes qui ont jugé sans doute très spirituel de siffler la projection ou de rire à gorge déployée pour surjouer leur mépris et bien signifier à quel point ils n’étaient pas dupes.

Un film léger mais glamour, idéal pour une ouverture et donner le coup d’envoi d’un festival glamour ET cinéphile.
 
Je vous laisse avec une autre citation pour vous faire oublier la précédente, extraite de « Bright star » de Jane Campion, des vers du poète John Keats, et qui, dans le film, faisaient écho  aux papillons qui envahissent la chambre du personnage féminin, Fanny :

« Je rêve que nous sommes des papillons

N’ayant à vivre que trois jours d’été.

Avec vous ils seraient plus plaisants

Que cinquante années d’une vie ordinaire »

 

A mon programme demain : « Mr. Turner » de Mike Leigh, « Timbuktu » d’Abderrahmane Sissako et enfin l’ouverture d’Un Certain Regard avec le film « Party girl » de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis.

A lire également : mon article « Programme complet du Festival de Cannes 2014 et passion(s) cannoise(s) 

Inthemoodforfilmfestivals dans les médias : un article de 20 minutes me citant comme compte twitter à suivre

Quelques clichés de ma vie de festivalière :

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Les marches attendent leur tapis rouge, la veille de l'ouverture.

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Prête pour "affronter" le 67ème Festival de Cannes

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Ci-dessous, ascenseur pour le paradis

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Ci-dessous, vue depuis la suite Swarovski de l'hôtel Martinez où j'ai eu le plaisir d'être invitée. Merci à l'équipe Swarovski pour la gentillesse de l'accueil.

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Le passage obligé de tout journaliste: le casier presse avec les dossiers de presse du jour

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