Critique de LA CHAMBRE BLEUE de Mathieu Amalric - Un Certain Regard
Synopsis: Dis- moi Julien, si je devenais libre, tu te rendrais libre aussi ?
- Tu dis ?...
Un homme et une femme s’aiment en secret dans une chambre, se désirent, se veulent, se mordent même. Puis s’échangent quelques mots anodins après l’amour.
Du moins l’homme semble le croire.
Car aujourd’hui arrêté, face aux questions des gendarmes et du juge d’instruction, Julien cherche les mots.
« La vie est différente quand on la vit et quand on l’épluche après-coup. »
Que s’est-il passé, de quel crime est-il accusé ?...
Que de grands films dans les adaptations de Simon! Et, sans hésiter, j'ajouterai désormais celui-ci à la liste en raison du brio avec lequel Amalric adapte l'auteur et autopsie un drame mais surtout la vie de province et ses âmes faussement sereines, d'une manière à la fois balzacienne et truffaldienne, le tout sublimé par une justesse exceptionnelle dans la direction d’acteurs et par conséquent dans le jeu de ces derniers. Il y avait « La Veuve Couderc », « En cas de malheur », « Le chat » et tant d’autres. Il faudra désormais compter avec « La chambre bleue ».
Pour son cinquième long-métrage, Mathieu Amalric adapte ainsi un roman policier de Simenon paru en 1964, écrit d'avril à mai 1963. Amalric a fait le choix (judicieux car finalement l'intrigue est intemporelle) de l'adapter à notre époque.
Le résultat est d'autant plus impressionnant que Mathieu Amalric a tourné "La Chambre bleue" dans l'urgence, sans obtenir les aides des commissions de financement et que l'équipe du film a également été réduite, composée d'environ quinze personnes seulement, et que Mathieu Amalric a même assuré la distribution, avec en plus un budget de seulement 1 million d'euros. Il a par ailleurs écrit le scénario de La Chambre bleue aux côtés de sa compagne Stéphanie Cléau qui joue également le rôle d'Esther Despierre.
Le format d'image 1:33 (celui des films muets) notamment également utilisé par Gus Van Sant pour Elephant place ainsi l'histoire et les personnages au centre, sans fioritures. La mise en scène impressionniste d'Amalric n'en est que plus impressionnante avec un jeu subtil d'oppositions. La narration éclatée donne de la force et de la densité à cette histoire "simple" devenue ainsi palpitante. Ajoutez à cela des comédiens parfaits, la musique de Grégoire Hetzel qui semble très influencée par Bernard Herrmann et vous obtiendrez une des meilleures adaptations de Simenon. Réjouissante!