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Critique de LA BELLE ET LA BÊTE de Christophe Gans à 20H45 sur Ciné + Premier

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Le film est directement adapté du conte publié en 1740 par Madame de Villeneuve repris par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont en 1757. Il s’agit de la neuvième adaptation, la plus remarquable restant celle de Jean Cocteau en 1946.

 

En 1810, après le naufrage de ses navires, un marchand ruiné (André Dussolier) doit s’exiler à la campagne avec ses six enfants parmi lesquels Belle (Léa Seydoux), la plus jeune de ses filles, plus joyeuse et moins matérialiste que ses deux stupides sœurs. Lors d’un éprouvant voyage, le marchand découvre le domaine magique de la Bête (Vincent Cassel) qui le condamne à mort pour lui avoir volé une rose. Se sentant responsable du terrible sort qui s’abat sur sa famille, Belle décide de se sacrifier à la place de son père. Chaque soir, à l’heure du dîner, elle devra retrouver la Bête.

 

Tout était réuni pour que cette superproduction soit un grand film romanesque, voire romantique : un casting prestigieux (Léa Seydoux, Vincent Cassel, Eduardo Noriega, André Dussolier…), un budget vertigineux (35 millions d’euros), une histoire intemporelle constituée de fracassants et très visuels paradoxes : la beauté et la laideur, la férocité et la douceur, le corps et l’âme, l’obscurité et la clarté. La belle et la bête. En résulte pourtant un film sans âme, désincarné, où jamais l’émotion n’affleure. Ou si, peut-être le temps d’une danse trop vite interrompue comme si Gans avait peur de l’émotion, de laisser jouer ses acteurs, qu’ils ne volent la vedette à ses décors démesurés qui étouffent ses personnages. Comme la nature cherche à les étouffer, certes. On retient tout de même un peu notre souffle le temps d’une course échevelée vers le fameux château. Mais il y avait mille fois plus de nuances, de poésie dans la photographie d’Henri Alekan que dans celle de Christophe Beaucarne ici et dans la musique de Georges Auric.

 

Christophe Ganz s’est certes beaucoup amusé à faire virevolter sa caméra (jusqu’au vertige parfois, abusant des vues en plongées sur les décors ou sur le décolleté de Léa Seydoux, pour bien nous signifier l’animalité et l’emprise de la bête) mais ses personnages semblent se perdre dans ce tourbillon dont le décor devient alors le personnage principal qu’il pare de toutes les beautés et toutes les laideurs, de tous les vices et toutes les vertus, s’inspirant de Miyazaki pour l’aspect plus féérique, hymne à la nature, de Guillermo De Toro pour montrer une nature vengeresse aux accents gothiques (lequel Guillermo Del Toro l’adapte d’ailleurs à son tour). Une nature qui se rebelle, la transformation du Prince en bête étant ici un châtiment de celle-ci. Les scènes de nature anthropomorphique sont finalement les plus réussies, Gans étant sans aucun doute meilleur dans la noirceur que dans la clarté, dans le romanesque ou du moins le spectaculaire que dans le romantisme,  les scènes entre les deux protagonistes et les dialogues étant vite expédiés sans parler du dénouement d’une mièvrerie confondante qui frôle le ridicule.

 

Plutôt qu’un remake, Christophe Ganz a préféré se référer au conte et signer une nouvelle adaptation. Oubliés donc Le Magnifique, les chandeliers mobiles,  et oubliée la beauté fulgurante de Jean Marais remplacé par un carnassier Vincent Cassel au jeu sans nuances et dont on se demande comment il peut inspirer tant d’amour à La Belle.

 

Un film qui se voudrait un hymne à la nature, dépourvu de lyrisme, une histoire d’amour, dépourvue d’âme mais qui plaira peut-être aux amateurs d’un cinéma spectaculaire qui ne s’embarrasse pas de psychologie. Pour ma part, j’ai été profondément touchée par l’œuvre de Cocteau alors que je suis ici toujours restée à distance. Vincent Cassel a récemment dit que cette version aspirait à dépoussiérer celle de Cocteau. Certes. La poussière possède néanmoins parfois bien plus d’âme, de cœur et de poésie que le flambant neuf…

 

Et pour vous donner envie de plonger dans la poussière, voici les premiers mots de la version de Jean Cocteau, qui vous permettra de laisser libre cours à ce que Gans semble vouloir emprisonner pour peut-être se conformer à une époque elle aussi carnassière et avide d'images et de sensationnel : l’imagination…

 

L’enfance croit ce qu’on lui raconte et ne le met pas en doute. Elle

croit qu’une rose qu’on cueille peut attirer des drames dans une famille.

Elle croit que les mains d’une bête humaine qui tue se mettent à fumer

et que cette bête en a honte lorsqu’une jeune fille habite sa maison. Elle

croit mille autres choses bien naïves.

C’est un peu de cette naïveté que je vous demande et, pour nous

porter bonne chance à tous, laissez-moi vous dire quatre mots magiques,

véritable « Sésame, ouvre-toi » de l’enfance :

Il était une fois…..

Jean Cocteau

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