Critique de TOUR DE FRANCE de Rachid Djaïdani (Quinzaine des Réalisateurs)
Far’Hook (Sadek) est un jeune rappeur de 20 ans. Suite à un règlement de compte, il est obligé de quitter Paris pour quelques temps. Son producteur, Bilal, lui propose alors de prendre sa place et d’accompagner son père Serge (Gérard Depardieu) faire le tour des ports de France sur les traces du peintre Joseph Vernet. Malgré le choc des générations et des cultures, une amitié improbable va se nouer entre ce rappeur plein de promesses et ce maçon du Nord de la France au cours d’un périple qui les mènera à Marseille pour un concert final.
Au-delà de ce qui les sépare, en particulier le racisme de Serge, peu à peu, au fil des kilomètres, vont se révéler les blessures de ces deux oubliés de la société, ces deux êtres à fleur de peau, en mal d’amour, dont la colère s’exprime par la haine de l’autre (de l’inconnu) pour l’un, par la musique (le rap) pour l’autre. Une relation filiale va peu à peu se nouer entre les deux oubliés de la société, de ceux qui viennent de ces territoires ravagés par le chômage.
Depardieu toujours aussi monumental laisse peu à peu affleurer les fêlures et les blessures de ce misanthrope qui progressivement révèle un autre visage, pour finalement nous toucher en plein cœur et nous bouleverser lors d’une scène où il est filmé de dos, chancelant d’émotions, rattrapé par son humanité que les blessures de la vie l’ont conduit à masquer.
Même si le film n’échappe pas à quelques clichés et discours convenus, voire démagogiques, et même si certaines saynètes manquent de liens entre elles, il finit par nous émouvoir et nous emporter tant il est émaillé de moments de grâce comme lorsque Far’Hook déclame « l’Albatros » de Baudelaire.
Un film porté par ce duo improbable et attachant, par la beauté des paysages (de la France et des tableaux) et par un bel espoir, au bout de la route, celui de la réconciliation, avec l’autre et avec soi.