Critique de SEBERG de Benedict Andrews (Première) et hommage à Kristen Stewart
Femme forte et de conviction, Jean Seberg est ici incarnée par une autre femme forte et de conviction Kristen Stewart dans le film éponyme de Benedict Andrews qu’elle est venue présenter à l’occasion de l’hommage que lui rend cette année le Festival de Deauville qui lui a décerné un Deauville Talent Award.
Ce film qui oscille entre thriller, film politique et histoire d’amour est surtout là aussi un magnifique portrait de femme auquel Kristen Stewart apporte à la fois force, fragilité, et une palette d’expressions et d’émotions d’une rare diversité.
Ce film, qui n’est pas un biopic mais inspiré de faits réels, relate une période de la vie de l’actrice emblématique de la Nouvelle Vague et d’« A bout de souffle », épouse de Romain Gary (Yvan Attal) et éclaire certaines ombres de sa vie (et mort). L’actrice américaine vit à Paris et se rend à Los Angeles pour un tournage. Dans l’avion, elle rencontre Hakim Jamal, activiste américain défenseur de la cause noire (ou plutôt ce dernier semble s’être arrangé pour qu’ils s’y rencontrent). Ils vont commencer une relation secrète tandis que Jean soutient publiquement la cause de Jamal. Seberg devient alors un des sujets de la surveillance du FBI qui surveillait déjà les agissements de Jamal et de son entourage. Cette surveillance va peu à peu se transformer en véritable harcèlement et détruire la jeune femme. Tout aussi intéressant est le personnage d’un jeune membre du FBI qui commence à douter de ses méthodes.
Le film commence par la scène du bûcher de « Sainte Jeanne » d’Otto Preminger au cours de laquelle l’actrice fut blessée. Comme une marque indélébile présageant les souffrances morales à venir. Jean Seberg va peu à peu sombrer dans la paranoïa. Kristen Stewart prouve une nouvelle fois qu’elle peut tout jouer après notamment « Sils Maria » d’Olivier Assayas (c’est d’ailleurs ce dernier qui lui a rendu hommage avant de recevoir demain le prix du 45ème festival pour "Cuban network", j’en profite pour vous recommander vivement ce film dans lequel Kristen Stewart est d’une justesse remarquable, un film sur l'étanchéité des frontières entre l'art et la vie, et l'implacable violence du temps qui passe) et « Café Society » de Woody Allen (elle est éblouissante dans ce film dans lequel en un instant son regard s’évade et se voile de tristesse), deux films dans lesquels elle incarnait des rôles très différents et dans lesquels elle excellait déjà.
Avec ce rôle, elle donne une nouvelle fois raison à Olivier Assayas qui lui a rendu hommage par ces mots : « Kristen est une artiste qui possède ce don rare d’être à la fois hors du temps et d’incarner son époque au meilleur sens de ce terme. Son âme est dans ses films et elle donne aussi une âme à tout ce qu’elle approche. Si je suis si heureux de lui donner ce prix ce soir c’est parce que Kristen incarne spontanément, avec sincérité et pureté, ce que le cinéma peut susciter de meilleur, donnant chair à l’idée même d’indépendance et de liberté. Et que je lui suis infiniment reconnaissant de porter avec autant de courage ces valeurs, à la fois si fragiles et si précieuses, et de le faire non seulement pour elle mais pour chacun et pour chacune. »
Le film « Seberg », passionnant et bouleversant est basé sur « des faits, et des documents du FBI ». Le destin tragique d’une actrice si lumineuse comme l’histoire du cinéma en connut tant. Et s’il se concentre sur la période de 1968 à 1971, difficile de ne pas établir de lien avec la résurgence du racisme aux Etats-Unis.