Critique de « L’Arbre » (The tree) de Julie Bertucelli avec Charlotte Gainsbourg– Film de clôture du Festival de Cannes 2010
Une semaine après la fin de ce Festival de Cannes 2010 dont les souvenirs me trottent toujours dans la tête comme une belle chance entêtante et enivrante, retour sur le film de clôture, un choix plutôt audacieux puisque le film en question traitait du deuil alors que, en général, les films de clôture sont plutôt des blockbusters légers. Un film de clôture à l'image de cette sélection empreinte de gravité... même si celui-ci se termine sur une note d'espoir. L'espoir aussi d'une sélection 2011 moins sombre.
Synopsis : En Australie, Dawn (Charlotte Gainsbourg) et Peter vivent heureux avec leurs quatre enfants à l'ombre de leur gigantesque figuier. Lorsque Peter meurt brutalement, chacun, pour continuer à vivre, réagit à sa manière. Simone, la petite fille de 8 ans, croit que son père vit à présent dans l'arbre. Un jour, elle initie Dawn à son secret... Peu-à-peu Dawn retrouve des forces, un travail. Peut-être un nouvel amour ? La vie reprend mais l'arbre devient envahissant : ses branches, ses racines, et même son peuple de grenouilles et de chauves-souris se lancent à l'assaut de la maison et menacent ses fondations ! Dawn n'a plus le choix : elle doit le faire abattre...
Adaptation d'un roman de Judy Pascoe « Our father who art in the tree », possédait tous les ingrédients du mélo, pourtant c'est la grande réussite de Julie Bertucelli que de signer un film émouvant, tendre sans jamais tomber dans la sensiblerie. Délicieusement inclassable dans un monde (pas seulement cinématographique) qui souhaite toujours mettre des étiquettes, « L'Arbre » est avant tout une brillante métaphore. L'arbre est le symbole de la nature qui reprend ses droits mais aussi de la vie et de la mort qui s'enlacent et s'immiscent dans les pensées et existences. Arbre aux racines envahissantes qui détruisent la maison à l'image d'un passé envahissant dont les racines comme la mort ont détruit le foyer familial.
Personnage à part entière cet arbre tentaculaire, gigantesque et majestueux symbolise aussi la renaissance, la vie qui toujours reprend ses droits. Julie Bertucelli a ainsi expliqué que son équipe "avait parcouru des centaines de kilomètres dans toute l'Australie pour trouver le plus bel arbre possible".
"Nous voulions qu'il soit immense, avec des racines, et capable d'accueillir les enfants dans ses branches ». "On m'a proposé à plusieurs reprises de construire un arbre artificiel qui nous aurait facilité la vie, mais j'ai toujours refusé".
Les paysages de l'Australie d'une beauté presque inquiétante à l'image de cette nature à la fois dangereuse et consolante, rassurante et menaçante se prêtent magnifiquement à cette fable. L'Arbre est en effet une fable à la fois poétique et réaliste, un hymne à la nature et à la vie porté par la présence lumineuse de Charlotte Gainsbourg qui incarne une Dawn tour à tour fragile et forte et face à elle Morgana Davies qui interprète sa fille Simone avec une étonnante justesse et maturité.
Film à portée universelle sur la renaissance de l'espoir après un deuil, il n'aurait pas démérité en compétition officielle. C'est tout le mal que nous souhaitons à Julie Bertucelli pour les années à venir, laquelle avait reçu le César du meilleur premier film et le Grand prix de la Semaine internationale de la critique en 2003 pour « Depuis qu'Otar est parti. »