A l'approche de la conférence de presse du Festival de Cannes 2011, le 14 avril, les premières informations officielles continuent de tomber, annonçant une édition prestigieuse (vous pourrez retrouver toutes les informations détaillées sur mon blog http://www.inthemoodforcannes.com ).
Alors que nous savions déjà depuis plusieurs semaines que le jury serait présidé par Robert De Niro, nous avons appris aujourd'hui que ce serait le cinéaste coréen Bong Joon-ho qui présiderait la Caméra d'or.
A cette occasion, vous pourrez retrouver mon résumé de mon interview du cinéaste réalisée l'an passé, à l'occasion de la sortie de "Mother". Retrouvez également la critique de "Mother", ci-dessous. Ci-dessous également, le communiqué de presse du festival à ce sujet. (Photo ci-contre : Bong Joon-Ho, lors de mon interview, l'an passé).
Critique de "Mother" de Bong Joon-Ho
Mother. Voilà un titre bien ambitieux mais de la part de Bong Joon-ho dont c'est le quatrième long-métrage et qui avait, avec « Memories of murder », affirmé sa marque et son talent, on pouvait (légitimement) s'attendre à un film à la hauteur de cette ambition.
Mother (Kim Hye-Ja) est ici une veuve qui élève seule son fils unique Do-joon (Won Bin), sa raison d'être mais aussi son inquiétude perpétuelle, ce dernier étant intellectuellement déficient et particulièrement naïf. Lorsqu'une jeune fille est retrouvée morte, Do-joon est immédiatement accusé. Sa mère décide de mener l'enquête pour prouver son innocence.
Dès le premier plan qui met en scène la mother du titre éponyme, Joon-ho Bong nous envoûte, nous intrigue, nous charme, nous provoque, nous inquiète. La mère danse de manière languissante, poétique et décalée, dans un champ de blé. La caméra, fluide et presque sensuelle, se rapproche et tournoie. Joon-ho Bong nous annonce qu'il va mener la danse, à n'en pas douter peu conventionnelle, et qu'au centre de cette danse se trouvera la mère. Valse visuelle et des genres que Joon-ho Bong ne cessera de conduire avec brio jusqu'au dernier plan.
Oubliant cette scène qui aurait dû résonner comme un avertissement, comme une promesse d'inattendu, Bong Joon-ho nous oriente d'abord vers la comédie. Teintée d'humour noir certes. Et puis c'est le meurtre. Et la comédie dévie vers le thriller, progressivement, Bong Joon-ho instillant intelligemment de l'étrangeté menaçante dans des scènes quotidiennes alors à la tonalité décalée, par l'effet d'un savant sens du montage, de l'ellipse, du gros plan, du cadrage et par des plans d'une beauté redoutable.
Là où souvent les ruptures de ton et le mélange des genres ralentissent et alourdissent une intrigue, ici, ils la densifient au contraire, marques du style unique de leur auteur. Comme la mère dans le premier plan, Jonn-ho Bong nous enserre dans son univers nous embarquant avec elle dans son sentiment maternel, inconditionnel, qui se heurtera à la folie de la vulgarité ordinaire. Celle de la justice. Ou de la police incompétente. Avant, elle-même, de sombrer dans sa folie maternelle synonyme d'amour inconditionnel. Bong Joo-ho relativise ainsi cette folie, les scènes de folie étant cadrées avec plus d'inquiétante fantaisie que les scènes quotidiennes, ce qui est folie aux yeux du monde étant normalité dans le regard d'une mère prête à tout pour sauver son fils.
Pour parvenir à ce film captivant, il fallait aussi une actrice exceptionnelle comme l'est Kim Hye-Ja, avec son regard tantôt compatissant, tantôt inquiétant, tantôt déterminé, tantôt coupable souvent tout à la fois, mais aussi un sens aigu du suspense que le « simple » écoulement d'eau d'une bouteille parvient à faire culminer par la minutie de la mise en scène et l'ingéniosité du découpage.
Bong Joon-ho fait ainsi danser et s'entrelacer subtilement tragédie du souvenir et bonheur de l'oubli, violence et amour inconditionnel, humour noir et folie, culpabilité suffocante et soleil rédempteur symbolisé par la beauté vertigineuse du dernier plan qui achève de nous emporter nous rappelant la promesse envoûtante et poétique de la danse initiale. Promesse tenue au-delà de nos espérances pour ce film hybride, palpitant, étonnant, poignant qui n'épargne ni les travers de la société coréenne ni les ombres et forfaits d'un inconditionnel amour maternel (pléonasme ?) pour mieux encore en exalter la force renversante.
« Mother » a été présenté dans la section « Un Certain Regard » du Festival de Cannes 2009 et a été élu meilleur film au 30ème trophée « The Blue Dragon Awards » à Séoul.
Communiqué de presse du 64ème Festival de Cannes à propos de la présidence du jury de la caméra d'or.
Réalisateur et scénariste, Bong Joon-ho fait des études de sociologie et de cinéma avant de passer à la réalisation. Il attire l’attention de la critique dès son premier long métrage Barking Dog (Les chiens qui aboient ne mordent pas - 2000). Le suivant, Memories of Murder (2004), immense succès public en Corée (et 1er prix du Festival de Cognac) le consacre meilleur réalisateur. The Host, présenté en 2006 à la Quinzaine des réalisateurs va définitivement asseoir sa réputation à l’international comme auteur de film de genre qu’il élève au rang d’art.
Il est invité à Cannes en Sélection officielle avec Tokyo ! (2008), tryptique qui l’associe à Leos Carax et Michel Gondry. En 2009, il y présente Mother au Certain Regard, mélodrame intimiste et subtile analyse de la famille coréenne.
Bong Joon-ho succède à Bruno Dumont, Abbas Kiarostami, Pavel Lounguine ou Roschdy Zem et Gael Garcia Bernal.
La Caméra d’or est attribuée au meilleur premier film présenté en Sélection officielle, à la Semaine de la Critique ou à la Quinzaine des réalisateurs.
Le Prix sera remis par le président du jury lors de la cérémonie de clôture, le dimanche 22 mai.