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Par Sandra Mézière. Le 7ème art raconté avec passion depuis 2003. 4000 articles. Festivals de cinéma en direct : Deauville, La Baule, Cannes, Dinard...Critiques de films : avant-premières, à l'affiche, classiques. Actualité de romancière. Podcast.
Pour la 3ème année consécutive, j’aurai le plaisir de partager avec vous mes pérégrinations dans un festival qui mérite la palme de la convivialité avec, toujours, une remarquable sélection (j’y ai découvert de vraies pépites comme « J’enrage de son absence », « Les Voisins de Dieu », « Une bouteille à la mer », « Syngué Sabour », « Louise Wimmer » etc ).
Les 18 ans du Festival International des Jeunes Réalisateurs de Saint-Jean-de-Luz seront ainsi célébrés du 8 au 12 octobre 2013, au cinéma Le Select. Cette année encore, le public pourra découvrir les nouveaux talents du cinéma à travers une compétition de 1ers et 2èmes films, courts et longs-métrages, et d’avant-premières nationales.
Les équipes des films concernés viendront à la rencontre des spectateurs et un jury de personnalités partagera ses coups de cœur lors de la remise des prix, les Chisteras, en fin de festival.
Le programme s’annonce à nouveau réjouissant cette année avec deux films forts en ouverture et en clôture qui témoignent d’ailleurs déjà de la diversité de la programmation de ce festival. Je vous laisse les découvrir ci-dessous.
Découvrez aussi, ci-dessus, l’affiche avec la très belle Sarah Kazemy, (mémorable dans « En secret », projeté il y a 2 ans en compétition au festival), très glamour, une invitation au rêve, à l’évasion…et évidemment au cinéma.
Mardi 8 Octobre – Soirée d’ouverture- Hors Compétition
en présence de l’équipe du film
Synopsis
Yann Kermadec voit son rêve se réaliser quand il remplace au pied levé, son ami Franck Drevil, au départ du Vendée Globe, le tour du monde à la voile en solitaire.
Habité par une farouche volonté de gagner, alors qu’il est en pleine course, la découverte à son bord d’un jeune passager va tout remettre en cause.
Avec : François Cluzet, Samy Seghir, Virginie Efira, Guillaume Canet, Arly Jover…
Produit par Les Films Du Cap et Gaumont
Distribué par Gaumont
Sortie nationale : 6 novembre 2013
LA MARCHE
de Nabil Ben Yadir
Samedi 12 Octobre Soirée de remise des prix et de Clôture – Hors Compétition
en présence de l’équipe du film
Synopsis
En 1983, dans une France en proie à l’intolérance et aux actes de violence raciale, trois jeunes adolescents et le curé des Minguettes lancent une grande Marche pacifique pour l’égalité et contre le racisme, de plus de 1000 km entre Marseille et Paris. Malgré les difficultés et les résistances rencontrées, leur mouvement va faire naître un véritable élan d’espoir à la manière de Gandhi et Martin Luther King. Ils uniront à leur arrivée plus de
100 000 personnes venues de tous horizons, et donneront à la France son nouveau visage.
Avec : Olivier Gourmet, Tewfik Jallab, Vincent Rottiers, M’Barek Belkouk, Nader Boussandel, Lubna Azabal, Hafsia Herzi, Charlotte Le Bon, Philippe Nahon, Jamel Debbouze…
Produit par Chi-Fou-Mi Productions (Hugo Sélignac)
Sa programmation est toujours diversifiée et de qualité, son ambiance particulièrement conviviale…et cette année ne devrait pas déroger à la règle.
Cette 24ème édition aura lieu du 2 au 6 octobre 2013 avec, en prime, le Balneum, une nouvelle salle (de 250 places) pour accueillir les projections.
Le Président du jury de cette édition 2013 sera Eric Cantona.
J’en profite aussi pour vous annoncer que vient de sortir mon recueil de nouvelles sur les festivals de cinéma « Ombres parallèles » (éditeur : Numeriklivres) dont une nouvelle, intitulée « A l’ombre d’Alfred » se déroule dans le cadre de ce beau festival et vous avez de la chance car c'est la seule nouvelle du recueil qui est à télécharger gratuitement, ici, en espérant que cela vous donnera envie de découvrir les autres...
L’AFFICHE
Après l’artiste peintre Mariano Otéro qui avait réalisé le visuel de l’affiche du Festival l’année dernière, c’est au tour de Jean-François Rauzier de signer celui de la 24 ème édition.
La Compétition du Festival du Film Britannique de Dinard 2013
Les chemins de deux paumés se croisent par hasard dans un restaurant : Ray, un homme au passé (et malheureusement au présent) assez louche, et Mélanie, une jeune allemande cérébrale coincée loin de chez elle avec un fiancé fantomatique, forment un duo drôle, sensible et maladroit.
Carter est au bout du rouleau… En l’espace d’un an, il a perdu son appartement, sa copine et son travail. Dans sa quête désespérée pour retrouver et reconquérir son ex, il se lance dans une folle course à travers Londres, embarquant avec lui les plus improbables complices.
C’est bientôt la fin de l’école pour les membres du groupe Shadowcaster, cinq jeunes fans des Stones Roses de Manchester. Rien ne pourra empêcher Tits, Dodge, Zippy, Little Gaz et Peach de voir leurs idoles sur scène, lors du légendaire concert du 27 mai 1990 des Stone Roses à Spike Island. Les 72 heures précédant l’événement seront décisives pour l’avenir de la bande de copains.
Suite au décès de son épouse, Max Morden, historien de l’art, retourne dans le village en bord de mer d’Irlande où, enfant, il passait ses vacances. Cette visite fait resurgir des souvenirs, tantôt romantiques, tantôt dramatiques, d’un été qui vit son éveil à la sexualité ainsi qu’une terrible tragédie…
Arbor, 13 ans, et son meilleur ami Swifty habitent un quartier populaire de Bradford, dans le nord de l’Angleterre. Renvoyés de l’école, les deux garçons rencontrent Kitten, un ferrailleur local. Ils commencent à collecter des métaux usagés pour lui en charrette à cheval. Kitten joue de leurs différences pour creuser un fossé entre eux. Leur amitié saura-t-elle résister au géant égoïste ?
Titus est une légende du jazz noir américain. Rattrapé par les années, il vit aujourd’hui dans la banlieue londonienne aux crochets de Marina, qui n’a jamais cessé de le soutenir. Il souffre d’avoir perdu le feu sacré qui le liait à la musique, son énergie vitale.
EVENEMENTS
Voici les premiers évènements annoncés pour cette 24ème édition (source: site officiel du Festival du Film Britannique de Dinard):
Événements
En plus de l’attrayante programmation que le Festival vous prépare pour cette 24ème édition, des séances « événements » seront organisées du 2 au 6 octobre 2013.
> Carte Blanche à un invité prestigieux : le directeur de la photographie Philippe Rousselot
Un grand nom du cinéma international avec une brillante carrière, il a été auréolé de l’Oscar de la meilleure photographie en 1992 pour Et au milieu coule une rivière de Robert Redford ainsi que de trois Césars : en 1982 pour Diva de Jean-Jacques Beineix, en 1987 pour Thérèse de Alain Cavalier et en 1995 pour La Reine Margot de Patrice Chéreau.
Il a travaillé avec les plus grands cinéastes : Tim Burton, Bertrand Blier, Neil Jordan… La liste est longue et impressionne. Pour le Festival, il a choisi de nous parler de 3 de ses collaborations avec des réalisateurs britanniques :
- Hope and Glory (La Guerre a 7 ans) de John Boorman – Les Liaisons dangereuses de Stephen Frears – Sherlock Holmes : jeu d’ombres de Guy Ritchie
Une masterclass aura lieu à l’issue de la projection des Liaisons dangereuses.
> La compétition de courts-métrages entre la NFTS (UK) et La fémis (France)
le Festival accueille tous les ans deux prestigieuses écoles de cinéma qui s’affrontent par courts métrages interposés. La NFTS (National Film and Television School) et La fémis (École Nationale Supérieure des Métiers de l’Image et du Son) présenteront chacune des courts métrages et se retrouveront à Dinard face au public.
> Un Ciné concert : Charlot fait son cirque !
Le duo constitué de Sylvain Mollard à la guitare et de Vincent Surjous au violon escorte Charlie Chaplin dans ses aventures rocambolesques. Venez assister à la diffusion de L’Émigrant et Charlot policier sur fond de jazz manouche ainsi qu’une prestation de nos compères qui revisitent les standards du style.
> La leçon d’images d’AGM Factory : Les coulisses de la fabrication d’un film
Que se passe-t-il après un tournage ? La question sera posée à Yann Legay, directeur d’AGM Factory à Rennes. Il donnera une réponse en présentant sous forme d’ateliers les différentes étapes de la post-production d’un film. Du mixage son au bruitage en passant par le doublage ou encore l’étalonnage, ce rendez-vous permettra de découvrir l’envers du décor.
> L’Atelier de Technicolor : l’Ultra Haute Définition ou la révolution de la 4K.
Technicolor est à nouveau le parrain officiel de cette édition. A cette occasion, le spécialiste nous fait découvrir la 4K, une image captée en Ultra Haute Définition, bénéficiant d’une fluidité sans précédent avec une utilisation de fréquence 2 à 6 fois plus rapide et d’une nette augmentation de la couleur pour un rendu exceptionnel !
> La séquence J’écoute le cinéma
En prolongement de la thématique sur les séries télévisées, la maintenant traditionnelle séquence « J’écoute le cinéma ! » mettra à l’honneur les génériques des séries TV mythiques. Dans un transat face à la mer, les festivaliers profiteront d’un programme sonore et pourront tester leur culture télévisuelle.
MON ARTICLE PUBLIE DANS FLASHBACK, LE LIVRE DES 20 ANS DU FESTIVAL (pour vous convaincre de venir, si vous hésitez encore).
Avant 1999, Dinard représentait pour moi ce lieu délicieusement intemporel magnifié par cette incomparable couleur émeraude de la côte éponyme, exhalant un paradoxal parfum d’enfance et d’éternité, et sur lequel veillait, de son œil malicieux, la statue de mon réalisateur favori : le grand Alfred Hitchcock. En septembre 1999, je tombai sur une annonce dans un journal local annonçant un concours qui permettait de devenir membre du jury du Festival du Film Britannique. Je gardais de mon expérience dans le jury jeunes du Festival du Film de Paris, l’année précédente, un souvenir inaltérable et la féroce envie de renouveler cette expérience. Particulièrement passionnée par le cinéma britannique, le défi était d’autant plus passionnant et exaltant. Je rédigeai donc la lettre de motivation, la page exigée me semblant néanmoins bien trop courte pour exprimer mon amour inconditionnel pour le cinéma, et le cinéma britannique en particulier, et pour cette ambivalence qui en constitue la richesse et la particularité, cette influence a priori inconciliable de cinéma européen et américain ; j’exprimai mon admiration pour le réalisme social de Ken Loach ou pour celui du Free cinema, pour le lyrisme épique de David Lean, pour la sensible appréhension des atermoiements et des « ombres du cœur » de Richard Attenborough, et par-dessus tout pour « Les liaisons dangereuses » de Stephen Frears, « Les Virtuoses » de Mark Herman et pour le cinéma saisissant de vérité de Mike Leigh. Cinq jours avant le festival, on m’annonçait la bonne (et déstabilisante !) nouvelle : ma candidature avait été sélectionnée parmi plus de deux cents autres et j’allais intégrer le jury du 10ème Festival du Film Britannique de Dinard, alors présidé par Jane Birkin. Qui n’a jamais fait partie d’un jury ne peut imaginer à quel point une telle expérience est trépidante, enrichissante, singulière, à quel point elle cristallise tant d’émotions, cinématographiques et pas seulement, à quel point elle abolit la fragile frontière entre cinéma et réalité qui s’y défient et entrechoquent, nous emportant dans un troublant et ensorcelant tourbillon, suspendant le vol du temps. Alors jeune étudiante, écartelée entre mes études de cinéma et de sciences politiques, je me retrouvai dans cette réalité titubante et dans un jury avec des artistes que j’admirais (et d’autant plus désormais) comme Jane Birkin, présidente à l’empathie incomparable et à l’excentricité aussi joyeuse que nostalgique et mélancolique, Etienne Daho, Julian Barnes, Daniel Prévost et je faisais la connaissance de Tom Hollander et Mark Addy dont je constatais avec plaisir que, à l’image du festival, ils avaient tous l’humilité, l’affabilité et la simplicité des grands. Je n’ai jamais vraiment eu l’occasion de les remercier, ni le festival et son directeur Hussam Hindi, pour l’accueil chaleureux qui m’a alors été réservé, ce livre me donne l’occasion de le faire aujourd’hui, dix ans après ces quatre jours hors du temps et de la réalité. Non seulement, je découvrais un festival de cinéma sous un angle différent, ses débats exaltés et exaltants mais aussi un cinéma dont je soupçonnais la richesse et l’inventivité et dont cette compétition me fit mesurer l’étendue à l’image des deux films qui partagèrent les suffrages de notre jury cette année-là : le palpitant thriller magnifiquement sombre, premier long métrage d’un certain Christopher Nolan « Following » (qui remporta le Hitchcock d’argent) qui révélait un cinéaste avec un univers d’une originalité sidérante qu’il a confirmé deux ans plus tard avec « Memento » et le déjanté et burlesque « Human Traffic » de Justin Kerrigan qui remporta le Hitchcock d’or. De mémoire de festivaliers, cette dixième édition fut la plus mémorable. En tout cas pour moi qui depuis ai été dix fois jurés dans divers festivals de cinéma et en ai parcouru de nombreux autres de Deauville à Cannes, cela reste sans aucun doute un souvenir indélébile et la cause du caractère incurable d’une triple passion dont deux étaient déjà ardentes : pour le cinéma en général, pour le cinéma britannique en particulier, et pour le Festival du Film Britannique de Dinard. J’eus alors un véritable coup de foudre pour le Festival de Dinard et si je le découvrais dans des conditions étranges et privilégiées, cette impression ne s’est jamais démentie par la suite : celle d’un festival convivial dont les festivaliers et le cinéma, et non ses organisateurs, sont les véritables stars, où la diversité du cinéma britannique s’exprime aussi dans le choix de ses invités, qui deviennent souvent des habitués (et pour cause…), et dans le choix de ceux qu’il a honorés ou révélés, et non des moindres : Danny Boyle, Peter Cattaneo, Stephen Daldry, Paul Greengrass, Peter Webber, Shane Meadows…. ! Retourner à Dinard chaque fois que j’en ai l’occasion signifie toujours pour moi une douce réminiscence de ces instants magiques ( et lorsque je ne peux pas me donne l’impression d’un rendez-vous manqué) qui ont déterminé la voie que je me suis enfin décidée à emprunter, celle de la passion irrépressible ; c’est aussi la perspective de découvrir ou redécouvrir de grands auteurs, une image de la société britannique avec tout ce qu’elle reflète de fantaisie désenchantée et enchanteresse, de pessimisme enchanté, de romantisme sombre, d’élégance triste, d’audace flegmatique et de réjouissants paradoxes et oxymores… et la perspective de jubilatoires frissons cinéphiliques . Dinard a priori si sombre et pourtant si accueillante, auréolée de sa très hitchcockienne et resplendissante noirceur facétieuse, est à l’image de ce cinéma qui possède à la fois le visage tourmenté et attendrissant de Timothy Spall et celui robuste et déterminé de Daniel Craig, un cinéma qui excelle dans les comédies romantiques (de Richard Curtis, de Mike Newell…) mais aussi dans des films ancrés dans la réalité sociale, un cinéma qui, récemment encore, à Dinard, nous a fait chavirer avec la complainte mélancolique de John Carney dans « Once » ou qui nous a ouvert les yeux sur les plaies de la société contemporaine avec le percutant « It’s a free world » de Ken Loach ou le tristement intemporel « Pierrepoint » d’Adrian Shergold, bref un cinéma éclectique qui sait concilier Histoire et contemporanéité, « raisons et sentiments », une fenêtre ouverte sur des mondes, garanties d’un avenir que je souhaite aussi lucide et radieux au Festival du Film Britannique de Dinard, incomparable antre de passions et découvertes cinématographiques qui a fait chavirer le cours de mon destin.
Before 1999, Dinard for me was a deliciously timeless place magnified by the wonderful emerald colour of its coastline, and a paradoxical odour of childhood and eternity watched over maliciously by the statue of my favourite director, the great Alfred Hitchcock.
In September 1999 I noticed a call for candidates in a local newspaper, to enter a competition which could lead to being a member of the jury of the British Film Festival. I already had wonderful memories of being one of the young jury members of the Paris Film Festival the previous year and was very keen to renew the experience. Since I am particularly interested in British cinema the challenge was even greater. So I applied thinking that the single page requested seemed far too short a space in which to express my absolute passion for film and for British films in particular as they represent a bridgehead between American and European cinema. I described my admiration for Ken Loach’s style of realism and its origins in Free Cinema. I also referred to the poetry to be found in David Lean’s films, to the prevariactions in Richard Attenborough’s « Shadowlands » but above all « Dangerous Liasions » by Stephen Frears, Mark Herman’s « Brassed Off » and for the remarkable truthfulness in Mike Leigh’s films. Five days before the festival started I received the good (and scary) news that I had been chosen out of some two hundred other applicants and was to become a member of the jury of the 10th British Film Festival of Dinard presided by Jane Birkin.
Impossible for someone who has never sat on a jury to imagine what an exciting, rewarding, exceptional experience it is and the extent to which so many emotions can be encompassed in such activity somehow banishing the fragile barrier between film and real life takiing us into a strange and betwitching whirlwind while time stood still. At the time I was torn between studying cinema and political sciences and I was staggered to find myself a part of a jury of artists I admired (even more so now) starting with the president, Jane Birkin, a person of incomparable sympathy yet full of joyful excentricity mixed with nostalgia and sadness, then there were Etienne Daho, Julian Barnes, Daniel Prévost. I came to know Tom Hollander and Mark Addy. I also discovered with pleasure that in common with all great people and like the festival itself, they shared the qualities of modesty, simplicity and friendliness. I have never really had the chance to thank either them or the Festival Director, Hussam Hindi, for the warm welcome I received. Thanks to this book, published ten years later, I am now given the opportunity to do so. Not only did I discover a film festival from a different angle with high minded and exhilarating discussions but I also discovered wider aspects to British cinema than I had expected through the films selected in competition. This is characterised by the two films singled out by the jury. « Following » a magnificient dark thriller by a certain Christopher Nolan (which was awarded the silver Hitchcock) first feature from a film maker who was soon to make his mark two years later with « Memento » and the crazy burlesque « Human Traffic » by Justin Kerrigan which was awarded the Golden Hitchcock.. This tenth edition was the most memorable one so far to the minds of regular festival goers. Since then I have served as a jury member in ten other festivals and have attended many others from Deauville to Cannes, but my special memory of Dinard will never fade because of my triple passion for cinema in general, British cinema in particular and for the Dinard Festival itself. I fell in love with this festival, which I discovered under strange and privileged conditions, and this impression has not changed since: a user-friendly festival where guests and festival goers are the real stars – not tthe organisers. The diversity of British cinema is also made apparent through the choice of the guests, many of whom, subsequently and understandably, become regulars. Also must be mentioned the judicious choices of people receiving tributes and new talents soon to become well known names: Danny Boyle, Peter Cattaneo, Stephen Daldry, Paul Greengrass, Peter Webber, Shane Meadows…. ! Going back to Dinard whenever I can always brings back the sweet memories of those magic moments (and the years I can’t attend it always seems to me that I have missed something important) and which led me to follow the course I am on today following a real passion. It is also the occasion to discover or rediscover established ‘auteurs’, a vision of British society with all it projects in the way of disenchanted yet enchanting fantasy, of pessimism, dark romanticism, sad elegance, phlegmatic daring and joyful pardoxes and oxymorons with the prospect of enjoyable film loving shivers. Dinard seems so sober yet is so welcoming, under the star of supreme film-maker Hitchcock , reflecting this cinema which has both the features of Timothy Spall (tormented and moving) and those of Daniel Craig, (rugged and determined). A cinema that excells in romantic comedies (by Richard Curtis or Mike Newell) but also in films anchored in social reality as was the case recently in Dinard with John Carney’s film « Once » or Ken Loach’s « It’s a Free World » which opened our eyes to the wounds of contemporary society.
I wish the British Film Festival of Dinard a radiant future and thank it for having dictated my destiny.
Adapter un fait divers aussi médiatique soit-il (ou justement parce qu’il est aussi médiatique) n’est jamais facile, d’abord parce qu’il faut respecter les droits des parties en cause, ensuite parce que réussir à susciter et maintenir l’intérêt du public avec des faits connus de tous nécessite une certaine maîtrise du récit.
C’était ici d’autant plus difficile que le fait divers est relativement récent et toujours très présent dans les esprits puisqu’il remonte au 24 juin 1991 avec l’assassinat de Ghislaine Marchal retrouvée morte dans sa villa de Mougins. Des lettres tracées avec le sang de la victime accusent : « Omar m’a tuer ». Quelques jours plus tard, Omar Raddad (Sami Bouajila), son jardinier, est écroué à la prison de Grasse. Il parle peu et comprend mal le français. Dès lors, il est le coupable évident….et idéal. Il n’en sortira que 7 ans plus tard, gracié, mais toujours coupable aux yeux de la justice. En 1994, révolté par le verdict, Pierre-Emmanuel Vaugrenard (Denis Podalydès), écrivain convaincu de l’innocence d’Omar Raddad ou du moins trouvant une belle opportunité dans la défense de son innocence, s’installe à Nice pour mener sa propre enquête et rédiger un ouvrage sur l’affaire…
C’est Rachid Bouchareb qui devait initialement réaliser ce film consacré à « L’affaire Raddad ». Le succès d’« Indigènes » en a décidé autrement. Après s’être vu proposer le rôle d’Omar, Roschdy Zem a finalement décidé de diriger lui-même le film, son second long-métrage après l’excellent « Mauvaise foi » en 2006. Le scénario originel a ainsi été écrit par Rachid Bouchareb et Olivier Lorelle. Le scénario s'inspire de deux ouvrages : « Pourquoi moi ? » dans lequel Omar Raddad livre son témoignage sur cette épreuve et « Omar : la construction d'un coupable » du romancier Jean-Marie Rouard, un livre-enquête qui dénonce les défaillances de la justice au moment de cette affaire criminelle et le lynchage médiatique dont a alors été victime Omar Raddad.
Afin d’apporter du rythme à l’histoire, les scénaristes ont eu la bonne idée de montrer les destins croisés de l’accusé Omar Raddad et de l’écrivain dandy qui écrit un livre sur ce dernier, sans doute pas seulement pour de nobles raisons, épris au moins autant d’ambition que de justice, mais cela permet en tout cas de révéler les multiples zones d’ombre de l’enquête : aucune trace de sang détectée sur les vêtements qu'Omar Raddad portait au moment du crime, ses empreintes n'apparaissent nulle part sur les lieux du crime, les gendarmes se sont débarrassés de l'appareil photo qui contenait des clichés pris par la victime peu avant son décès, son corps a été incinéré moins d'une semaine après le meurtre, alors que de nouvelles autopsies auraient dû être effectuées…sans oublier les deux phrases "Omar m'a tuer" et "Omar m'a t" écrites de manière lisible, avec les lettres bien détachées alors que Mme Marchal était dans l’obscurité…et avec cette faute d’orthographe reprise dans le titre du film, d’autant plus étrange lorsqu’on sait que Ghislaine Marchal était férue de littérature et en particulier de Sagan, le nom de sa villa étant même inspiré de celui du roman « La Chamade » (que je vous recommande vivement par ailleurs).
Plutôt que de s’attaquer aux médias et à la justice et à leur violence aveugle (traiter de l’implacable machine médiatique et judiciaire aurait d’ailleurs été un autre point de vue intéressant), Roschdy Zem a préféré réaliser un film à hauteur d’homme et dresser le portrait d’un homme simple démuni face à l’implacable machine judiciaire sans nier qu’il dépensait beaucoup au jeu (on l’a aussi accusé de dépenser pour des prostituées…mais personne n’est jamais parvenu à le prouver). Démuni parce que ne possédant pas la maîtrise du langage et son premier interrogatoire par des gendarmes montre de manière flagrante l’incompréhension, l’angoisse qui le saisissent, dans toute son humanité désarmée. Ce film est aussi un plaidoyer pour les mots, la maîtrise du langage, véritable arme (celle dont se sert l’écrivain et celle dont Omar est démuni) et instrument de pouvoir. Les mots qui l’accuseront, aussi.
Comme souvent dans les films réalisés par des acteurs, l’interprétation est remarquable pas seulement grâce à la direction d’acteurs de Roschdy Zem mais évidemment aussi grâce à l’interprétation de Sami Bouajila qui interprète Omar Raddad avec sobriété, sans jamais en faire trop, mais interprétant l’homme dans toute sa dignité bafouée, sa fragilité, presque sa candeur. Dans un regard ou un silence, il parvient ainsi à exprimer toute la détresse d’un homme, sans parler évidemment de la performance physique (perte de poids, apprentissage du marocain).
Roschdy Zem a eu l’intelligence de mettre en avant le coupable (devenu la seconde victime de cette histoire) plutôt que sa réalisation qui se contente de poser sa caméra sur pied ou sur des rails pour les scènes de l’écrivain qui « maîtrise » (sa situation, le langage) et de porter la caméra à l’épaule pour filmer les scènes plus fébriles liées à Omar Raddad (désarmé, perdu). Il n’oublie pas non plus la victime initiale en en dressant le portrait d’une femme libre, plutôt iconoclaste dont on ne souhaitait visiblement pas voir le passé révélé au grand jour !
Un film de compassion, d’humanité poignante qui témoigne autant de celle de celui dont il raconte l’histoire que de celle de celui qui se trouve derrière la caméra, comme c’était d’ailleurs déjà le cas dans son premier film « Mauvaise foi ».
Denis Podalydès est juste dans le rôle de cet écrivain parisien à mille lieux de l’univers de celui qu’il prétend défendre et Maurice Bénichou dans celui de l’avocat Vergès qui trouvera en Omar son « premier innocent ».
En attendant, le mystère demeure : les deux ADN masculins retrouvés sur les lieux du crime et qui ne correspondent ni l'un ni l'autre à celui d'Omar Raddad demeurent non identifiés. La Cour de révision, en charge du dossier a malgré cela décidé en 2002 de ne pas rejuger l'homme, qui reste toujours coupable aux yeux de la justice tout en ayant bénéficié de la grâce présidentielle de Jacques Chirac. Et surtout demeure l’honneur bafoué d’Omar Raddad, un homme physiquement libre et mentalement emprisonné. A défaut de plaider ouvertement pour son innocence, le film plaide, avec compassion, pudeur et sobriété, pour une réouverture de l’enquête et une réhabilitation d’un homme privé du pouvoir des mots, que le pouvoir de quatre mots à a jamais enfermé et à qui le pouvoir d’un seul mot pourrait rendre la liberté.
Ce soir, sur France 3, à 20H45, je vous recommande "Les Emotifs anonymes" de Jean-Pierre Améris, l'occasion aussi de vous inciter à (re)voir le dernier film du cinéaste, "L'homme qui rit" dont vous pourrez également retrouver ma critique, ci-dessous.
Critique - "Les émotifs anonymes" de Jean-Pierre Améris
La comédie française se porte bien : après le réjouissant « Tout ce qui brille », le pétillant « De vrais mensonges », le romantique « L’Arnacoeur », le décalé « La reine des pommes », le sucré acide « Potiche » cette année 2010 s’achève par une comédie qui n’est pas la plus clinquante ni la plus formatée mais sans aucun doute la plus attachante à des années lumière d’une « comédie » désolante, démagogique et opportuniste comme « Fatal ».
Le gérant d’une chocolaterie au prénom aussi improbable que ses costumes démodés est un grand émotif. Jean-René (Benoît Poelvoorde) donc, puisque tel est ce fameux prénom suranné, cherche à employer une nouvelle commerciale. Angélique (Isabelle Carré) est la première à se présenter. Chocolatière de talent, elle est au moins aussi émotive que Jean-René, participant même à des séances des «Emotifs anonymes ». Entre eux le charme opère immédiatement, malgré leurs maladresses, leurs hésitations, leurs regards fuyants. Seulement leur timidité maladive tend à les éloigner…
Quant la mode est aux cyniques célèbres, un film qui s’intitule « Les Emotifs anonymes » est déjà en soi rafraîchissant et j’avoue avoir d’emblée beaucoup plus de tendresse pour les seconds. Cela tombe bien : de la tendresse, le film de Jean-Pierre Améris en regorge. Pas de la tendresse mièvre, non. Celle qui, comme l’humour qu’il a préféré judicieusement employer ici, est la politesse du désespoir. Jean-Pierre Améris connaît bien son sujet puisqu’il est lui-même hyper émotif. J’en connais aussi un rayon en émotivité et évidemment à l’entendre je comprends pourquoi son film (me) touche en plein cœur et pourquoi il est un petit bijou de délicatesse.
La première grande idée est d’avoir choisi pour couple de cinéma Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré déjà réunis dans « Entre ses mains », le très beau film d’Anne Fontaine. Poelvoorde donne ici brillamment corps (mal à l’aise, transpirant, maladroit), vie (prévoyante et tétanisée par l’imprévu) et âme (torturée et tendre) à cet émotif avec le mélange de rudesse involontaire et de personnalité à fleur de peau caractéristiques des émotifs et Isabelle Carré, elle aussi à la fois drôle et touchante, sait aussi nous faire rire sans que jamais cela soit aux dépends de son personnage. L’un et l’autre sont pour moi parmi les plus grands acteurs actuels, capables de tout jouer et de nous émouvoir autant que de nous faire rire. Ici ils font les deux, parfois en même temps. Poelvoorde en devient même beau à force d’être touchant et bouleversant, notamment lorsqu’il chante, dans une scène magnifique que je vous laisse découvrir. Le film de Jean-Pierre Améris est ainsi à l’image de l’entreprise de chocolaterie vacillante de son personnage principal : artisanal mais soigné, à taille humaine, et terriblement touchant.
La (première) scène du restaurant est un exemple de comédie et symptomatique du ton du film, de ce savant mélange de sucreries, douces et amères, de drôlerie et de tendresse. Cette scène doit (aussi) beaucoup au jeu des acteurs. Leur maladresse dans leurs gestes et leurs paroles (leurs silences aussi), leurs mots hésitants, leurs phrases inachevées, leurs regards craintifs nous font ressentir leur angoisse, l’étirement du temps autant que cela nous enchante, nous amuse et nous séduit.
Le deuxième est le caractère joliment désuet, intemporel du film qui ne cherche pas à faire à la mode mais qui emprunte ses références à Demy ou à des pépites de la comédie comme « The shop around the Corner » de Lubitsch avec ses personnages simples en apparence, plus compliqués, complexes et intéressants qu’il n’y paraît sans doute à ceux qui préfèrent les cyniques célèbres précités.
Avec son univers tendrement burlesque, avec ses couleurs rouges et vertes, Jean-Pierre Améris nous embarque dans ce conte de noël qui se déguste comme un bon chocolat à l’apparence démodée mais qui se révèle joliment intemporel. Un film tout simplement délicieux, craquant à l’extérieur et doux et fondant à l’intérieur qui vous reste en mémoire...comme un bon chocolat à la saveur inimitable.
Jean-Pierre Améris m’avait déjà bouleversée avec « C’est la vie » et « Poids léger », maintenant en plus il nous fait rire. Vivement le prochain film du cinéaste et vivement le prochain film avec Isabelle Carré ET Benoît Poelvoorde ! Si vous n’avez pas encore vu ce film allez-y de préférence le 25 décembre, vous ferez en plus une bonne action. Un film qui fait du bien comme celui-ci, c'est vraiment l'idéal un jour de noël et vous auriez tort de vous en priver.
En bonus, regardez le clip de "Big jet lane" d'Angus et Julia Stone, très belle bo qui prolonge le film.
Critique de "L'homme qui rit" de Jean-Pierre Améris
Comme étais-je passée à côté de ce roman de Victor Hugo ? Mystère… La sortie du film a pour moi été l’occasion de cette magnifique découverte, d’un texte ardu mais passionnant, riche de multiples digressions, d’une langue admirable (évidemment), et surtout d’un personnage monstrueusement séduisant auquel tous ceux qui se sont un jour sentis différents pourront s’identifier : Gwynplaine sur lequel Jean-Pierre Améris a eu la bonne idée de centrer son film.
Alors que la tempête de neige fait rage, Ursus (Gérard Depardieu), le forain en apparence revêche mais généreux, recueille deux orphelins dans sa roulotte. Le premier de ces deux orphelins, c’est Gwynplaine, un jeune garçon dont une cicatrice qui ressemble à un rire insolemment triste barre le visage, l’œuvre des Comprachicos (un mot qui est une invention de Victor Hugo provenant de l'espagnol comprar -qui signifie acheter- et chicos -qui signifie enfant- signifiant donc «acheteurs d’enfants»), spécialisés dans le commerce d'enfants, qu'ils achètent ou volent et revendent après les avoir mutilés. L’autre enfant, c’est Déa une petite fille aveugle que ce dernier a trouvée sur son chemin. Quelques années plus tard, ils sillonnent toujours les routes et présentent un spectacle dont Gwynplaine (Marc-André Grondin) alors adulte, est devenu la vedette, accompagné de Déa (Christa Théret), également sur scène. Partout, on souhaite voir « L’homme qui rit » celui qui fait rire et émeut les foules mais un autre théâtre, bien plus redoutable, celui de l’aristocratie, va l’éloigner de ceux qu’il aime et qui l’aiment…
Hugo a écrit « L’homme qui rit » entre 1866 et 1869 durant son exil politique dans les îles Anglo-Normandes. Adapter les 750 pages de ce roman était un véritable défi tant le roman est foisonnant, allégorique aussi, et tant l’auteur digresse sur la politique, la philosophie et même l’architecture. Jean-Pierre Améris et Guillaume Laurant (notamment scénariste de films de Jean-Pierre Jeunet dont « Le fabuleux destin d’Amélie Poulain ») ont réalisé un incroyable travail d’adaptation et ont eu l’excellente idée de transposer le roman qui se déroule dans l’Angleterre du XVIIème sicèle dans un lieu et une époque imprécis (le film a été tourné en studios à Prague) et surtout d’en faire un conte sombre, et ainsi fascinant. Pour rendre l’histoire plus moderne et accessible, Jean-Pierre Améris a volontairement utilisé des éléments plus contemporains, pour les dialogues mais aussi pour les costumes, comme l'avaient fait Baz Luhrmann pour "Roméo et Juliette" ou Sofia Coppola pour "Marie-Antoinette".
Dès les premiers plans dans la neige et la tempête, la poésie lugubre et la féérie sombre des images captivent. Du roman baroque d’Hugo Jean-Pierre Améris a fait une fable intemporelle d’une beauté triste mais ensorcelante. C’est un magnifique roman (et film) sur la différence, la dualité, entre blancheur et noirceur, entre beauté et laideur, entre théâtre et réalité, entre aveuglement et clairvoyance, des contrastes que l’esthétique du film souligne magnifiquement et dont elle souligne aussi les paradoxes. « Qu’est-ce que ça veut dire être laid ? Laid c’est faire le mal ! Toi tu me fais du bien », résume si bien l’aveugle et sensible Déa.
La vie est à la fois sublimée et plus réelle sur les planches comme elle peut l’être dans « Le Carrosse d’or », « Les enfants du paradis », « Le dernier métro » et c’est là que l’amour impossible de Déa (la jeune aveugle qui voit la beauté de l’âme, allégorie simple et tellement magnifique) et Gwynplaine est le plus éclatant. La monstruosité, le théâtre, la noirceur se situent finalement dans la réalité et du côté de l’aristocratie comme dans le « Ridicule » de Patrice Leconte. « Ne quitte jamais les planches. Ici les gens t’aimeront, mais dans la vie réelle, ils te feront souffrir » le prévient pourtant Ursus mais pour son plus grand malheur, Gwynplaine ne l’écoutera pas…
Jean-Pierre Améris (dont j’ai découvert le cinéma avec « C’est la vie » et « Poids léger » que je vous recommande vivement et dont le dernier film « Les Emotifs anonymes » était une comédie très réussie), pour son 12ème film, est une nouvelle fois attiré par une histoire de marginaux qu’il sait si bien comprendre et pour lesquels il sait si bien susciter de l’empathie. Il a ainsi fait de Gwynplaine un personnage éminemment séduisant : innocent, révolté, libre, d’une laideur attrayante. Gwynplaine est moins connu que Quasimodo et pourtant sa belle monstruosité a énormément inspiré les artistes, à commencer par Tim Burton pour « Edward aux mains d’argent ». Le film de Jean-Pierre Améris, sans jamais le singer, m’a d’ailleurs beaucoup fait penser à l’univers du cinéaste américain par sa beauté baroque, entre rêve et cauchemar, par ses personnages d’une beauté étrange et fascinante (très felliniens, aussi), par sa mise en scène inspirée. Tim Burton n’était d’ailleurs pas le seul à avoir été inspiré par Gwynplaine. Les dessinateurs Jerry Robinson et Bob Kane reconnaissaient ainsi volontiers s’être inspirés de Gwynplaine pour le personnage du Joker, dans les comics Batman. Et le roman d’Hugo est longuement évoqué dans « Le Dahlia noir » de James Ellroy, présent également dans l'adaptation cinématographique de Brian De Palma.
C’est aussi un très bel hymne à la différence, et à ceux qui se battent pour les autres (Hugo était un écrivain engagé, Jean-Pierre Améris, l’est aussi à sa manière dans chacun de ses films ou même teléfilms comme « Maman est folle »). Magnifique scène de la tirade au Parlement ! Il s’agit d’un discours exalté dans lequel Marc-André Grondin met beaucoup d’éloquence et de conviction : « Ce qu’on fait à ma bouche, c’est ce qu’on fait au peuple. On le mutile » dit-il notamment (le texte, magnifique, est là repris de Hugo). Marc-André Grondin apporte toute sa beauté, sa fraîcheur à ce homme bouleversant caché derrière ce masque tragiquement rieur, se mettant ainsi à nu, dévoilant son visage mais surtout sa belle âme, face à la vraie monstruosité.
Le film bénéficie aussi d’un casting impeccable : outre Marc-André Grondin, Gérard Depardieu impose sa force tranquille et sa générosité (au passage, que les pseudo-politiquement corrects laissent tranquille cet homme terriblement libre, vivant, cet immense artiste, plutôt que d’utiliser sa vie personnelle pour, probablement, exprimer une certaine rancœur, voire jalousie, et qu’ils s’engagent et mettent leur énergie vindicative au service de causes qui en sont vraiment). J’espère que cela permettra aussi à certains de découvrir Swann Arlaud que j’avais découvert au Festival de Cabourg dans le court-métrage « Alexis Ivanovich vous êtes mon héros » de Guillaume Gouix dans lequel il incarne admirablement un personnage radieux et joyeusement désinvolte qui, en une fraction seconde, blessé dans son orgueil, va tout remettre en question, découvrant ne pas être le héros qu’il aurait aimé être aux yeux de son amoureuse. Emmanuelle Seigner est une incarnation sublime de la tentation diabolique et finalement, malgré tout, touchante (comme chez Hugo, même ou car monstrueux, ses personnages restent humains), et comme elle le dit elle-même, le visage de Gwynplaine est le reflet de son âme sombre. Enfin, Christa Théret dont le visage est si expressif (à voir aussi absolument dans « Renoir », dans un rôle très différent dans lequel elle excelle également) est la tentation angélique, incarnation du mélange de force et de fragilité, d’aveuglement et de clairvoyance.
Mon seul reproche concerne le montage, et la durée, l’impression que la fin est un peu brusque…et que sans digresser autant que le fait Hugo dans son livre, le film aurait encore gagné en densité en gagnant un peu en longueur.
Ce film est néanmoins vraiment un enchantement, un enchantement mélancolique, la forme reflétant ainsi le fond et toutes les sublimes dualités que l’histoire recèle. C’est aussi un opéra moderne ( la musique a été enregistrée à Londres avec un orchestre de 65 musiciens et elle apporte une force lyrique au film) . C’est également une histoire d’amour absolu, idéalisée, intemporelle (elles sont trop rares au cinéma pour s’en priver). C’est enfin un film universel au dénouement bouleversant. N’ayez pas peur de l’humour grinçant, la noirceur, la tragédie, ils sont sublimés par un personnage émouvant qui à la fois nous ressemble si peu et tellement (pour peu que nous nous sentions un tout petit peu différents) et un univers fascinant, poignant : celui d’un conte funèbre et envoûtant. La très belle surprise de cette fin d’année.
Quelques citations extraites du livre « L’homme qui rit » de Victor Hugo, pour terminer :
« Les aristocrates ont pour orgueil ce que les femmes ont pour humiliation, vieillir. » « De telles innocences dans de telles ténèbres, une telle pureté dans un tel embrassement, ces anticipations sur le ciel ne sont possibles qu'à l'enfance, et aucune immensité n'approche de cette grandeur des petits. » « Ca doit se fourrer dans des trous, le bonheur. Faites-vous encore plus petits que vous n'êtes, si vous pouvez. Dieu mesure la grandeur du bonheur à la petitesse des heureux. Les gens contents doivent se cacher comme des malfaiteurs. » « Deux coeurs qui s'aiment, n'allez pas chercher plus loin la poésie; et deux baisers qui dialoguent, n'allez pas chercher plus loin la musique. »
L’homme qui rit a été présenté en clôture de la 69ème Mostra de Venise.
J'ai aujourd'hui le plaisir de vous faire gagner 5x2 places pour "Ma vie avec Liberace" de Steven Soderbergh, film d'ouverture du 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville, également en compétition du dernier Festival de Cannes. Je vous dis tout le bien que je pense de ce film plus bas dans mon article sur l'ouverture du 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville, en copie dans cet article.
Vous avez jusqu'au 18 septembre à minuit pour envoyer vos réponses à inthemoodforcinema@gmail.com avec, pour intitulé de votre email " Concours Liberace" en n'oubliant pas de joindre vos coordonnées nécessaires pour l'envoi des places. Les places seront offertes aux plus rapides à bien répondre aux questions suivantes et comme c'est la rentrée je vous propose (pour une fois) des questions très faciles, tout en vous rappelant également que vous pouvez toujours gagner vos places pour un autre excellent film de cette rentrée, "Elle s'en va" d'Emmanuelle Bercot, ici.
1. Qui interprète le chirurgien esthétique?
2. Quelle musique termine le film?
3. Qui présidait le 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville?
4. Quel est le nom du distributeur français de "Ma vie avec Liberace"?
L'étincelante et éblouissante ouverture du 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville
Avec un peu de retard, voici quelques mots sur le film d’ouverture « Ma vie avec Liberace » de Steven Soderbergh (je vous en reparlerai évidemment) et le récit de l’ouverture du festival alors que, depuis, les évènements se sont enchaînés (je ne manquerai pas, bien entendu, de vous les raconter prochainement):
-les films en compétition, déjà 4 desquels se dégage une thématique commune, un personnage seul, blessé, fou même parfois, épris de vengeance, et des armes à feu omniprésentes
- l’avant-première du dernier film de Woody Allen « Blue Jasmine » à l’occasion de l’hommage à Cate Blanchett (à nouveau, le cinéaste américain y fait preuve d’une étonnante jeunesse et modernité, et m’a surprise une fois de plus avec une film qui mêle ingénieusement légèreté et cruauté)
- l’avant-première du dernier blockbuster (« White house down » de Roland Emmerich) pour lequel il est fortement recommandé de laisser les neurones et son esprit critique au vestiaire sous peine de colère incontrôlable et constante, en présence de ses acteurs Jamie Foxx et Channing Tatum qui ont assuré le spectacle sur scène et lors de la conférence de presse
- mais encore l’avant-première du très réussi « Le Majordome » de Lee Daniels avec une salle, un acteur principal (Forest Whitaker, l’invité surprise de ce festival) et un réalisateur particulièrement émus.
En attendant de vous raconter tout cela donc, et plus encore, retour sur l’ouverture de ce 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville.
C’est sous un soleil et les paillettes étincelants de « Ma vie avec Liberace » de Steven Soderbergh que s’est ouvert ce 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville. L’un comme l’autre nous ont éblouis et enthousiasmés après une ouverture mémorable grâce, notamment, à l’implication du président du jury Vincent Lindon qui, après les traditionnels discours du Maire de Deauville et de Lionel Chouchan, a tenu à faire un discours (ce qui n’arrive jamais habituellement, les présidents de jury, lors de l’ouverture, restant sagement assis sur leurs sièges) et à évoquer chacun des membres de son jury, ce qu’il a fait avec une rare élégance, avec beaucoup d’humour aussi, présentant chacun d’entre eux et livrant son admiration pour ceux-ci, évoquant également sa passion pour le cinéma américain ( se disant « amoureux du cinéma français et américain »), son bonheur (« fou de joie d’être ici ») de présider le jury, terminant son discours avec autant d’humour qu’il l’avait commencé en évoquant son « homologue » Obama. Pour le plus grand bonheur des festivaliers (et le mien), il a d’ailleurs récidivé le lendemain lors de l’hommage à Cate Blanchett. Il n’en a pas non plus oublié de parler de son admiration pour Michael Douglas et pour Steven Soderbergh, réalisateur du film d’ouverture « que le monde entier devrait voir ».
Le ton était donc donné. Cette 39ème édition sera sous le signe des paillettes mais aussi de la cinéphilie, de la bonne humeur, de l’enthousiasme, le tout sous un soleil presque irréel. L’irréalité est d’ailleurs une impression constante dans un festival, en particulier ici mais de cela je vous parle plus longuement et différemment ici et aussi là.
Michael Douglas et Steven Soderbergh sont ensuite montés sur scène, le premier visiblement encore très ému et « éternellement reconnaissant » que le second ait attendu que son cancer soit guéri pour le faire tourner (ce qu’il a à nouveau répèté lors de la conférence de presse). L’enthousiasme était d’ailleurs visiblement contagieux vendredi soir: « Le festival du film américain, c’est le plus beau cadeau que la France a donné aux Etats-Unis après la statue de la Liberté. »
« Ma vie avec Liberace » était sans aucun doute le film idéal pour une ouverture de festival. Une sorte de mise en abyme qui, au-delà d’une histoire d’amour, et le portrait d’un artiste exubérant et extravagant, est aussi le reflet de ce qui se passe derrière le candelabre (le titre anglophone « Behind the Candelabra » est d’ailleurs à mon sens beaucoup plus parlant) . Derrière les paillettes. Derrière l’écran. Derrière le masque de « The Artist ».
Michael Douglas incarne en effet ici Liberace un pianiste virtuose qui se mettait en scène autant sur scène que dans la vie « quotidienne ». Un jour de l’été 1977, le bel et jeune Scott Thorson ( Matt Damon) qui aspirait à devenir vétérinaire, pénétra dans sa loge et, malgré la différence d’âge et de milieu social, les deux hommes entamèrent une liaison secrète qui allait durer cinq ans. « Ma Vie avec Liberace » narre les coulisses de cette relation orageuse, de leur rencontre au Las Vegas Hilton à leur douloureuse rupture publique.
Le film est une adaptation du livre de Scott Thorson, « Behind the Candelabra ». C’est Richard LaGravenese qui a écrit le scénario. Si ce nom ne vous dit rien, sachez qu’il est notmment l’auteur du scénario de « Sur la route de Madison ».
Le film commence dans un bar. Scott est de dos, face à un miroir. Toute l’intelligence de la mise en scène de Soderbergh réside déjà dans ce premier plan, lui qui sera avant tout un reflet pour le narcissique (et non moins fascinant) Liberace destiné à l’accompagner un peu dans la lumière, mais surtout dans l’ombre.
Le film, finalement intimiste, va se centrer sur cette relation ambivalente (Scott sera pour Liberace son -énième- « protégé », son amant, mais il a aussi émis le souhait de l’adopter), sur ces deux personnages, à ce que la caméra les étouffe parfois comme cette relation exclusive. Il y a d’ailleurs très peu de scènes en extérieur, si ce n’est dans ou autour de la piscine située dans la propriété de Liberace. Nous voilà dans l’envers du décor qui en est lui-même un d’une scintillante excentricité et que n’aurait oser imaginer le plus fou des décoracteurs hollywoodiens.
La réalisation de Soderbergh est fluide et éblouissante sans non plus chercher à nous en mettre plein la vue, ce qui aurait d’ailleurs été superflu et redondant puisqu’il met déjà en scène un homme qui se mettait lui-même en scène.
Michel Douglas (au regard tristement absent lors de la conférence de presse) incarne magistralement ce personnage atypique, narcissique, cruel (il se déclare ainsi « libre » suite au décès de sa mère), constamment en représentation, mais surtout enfermé dans son image, sa course contre le temps, contre la vérité aussi, jusqu’à faire perdre à Scott son visage, son identité pour satisfaire ceux qu’il s’était forgés. Il n’en est que plus bouleversant au dénouement, le visage et les émotions à nu. Sans masque. Sans paillettes. Sans miroir. Cette fin est d’autant plus bouleversante quand on sait l’épreuve que vient de traverser Michael Douglas mais aussi que Steven Soderbergh a déclaré que ce serait son dernier film. On se demande qui mieux que Michael Douglas aurait pu incarner ce rôle tant il est parfait, n’en faisant jamais trop (ce qui aurait été forcément une faute de goût, le personnage étant déjà lui-même dans l’excès), drôle, cruel, et parfois touchant, quand le masque tombe.
Face à lui Matt Damon, pour sa septième collaboration avec Steven Soderberghn, après The Informant !, Contagion, Che, Ocean’s Eleven, Ocean’s Twelve, Ocean’s Thirteen ! a ici un rôle qui, je l’espère, finira par faire taire ceux qui doutaient de son talent. Si son personnage est dans l’ombre, c’est en revanche lui qui, grâce à sa justesse, permet à Michael Douglas, de nous éblouir ainsi. Signalons aussi Rob Lowe est irrésistible dans le rôle du chirurgien esthétique
Jugé « trop gay », le film n’a pas trouvé de distributeur aux Etats-Unis, et a donc été diffusé fin mai sur la chaîne HBO qui l’a produit, réalisant une audience record pour une production de la chaîne, avec 2,4 millions de téléspectateurs. « Je voulais faire un film qui (…) montre les progrès de l’espèce humaine, de notre pays, du monde entier, par rapport à cette question. Dans certains endroits, les unions entre personnes du même sexe sont aujourd’hui reconnues et admises. Etre gay n’est plus autant stigmatisé », a déclaré le producteur Jerry Weintraub. « Ma vie avec Liberace » n’est pas non plus un film militant mais avant tout une histoire d’amour, de masques qui tombent, de ce que dissimule le candelabre et ce visage qui cherchent à défier, masquer la vérité et le temps. En vain.
Eblouissant et mélancolique, cette vie « derrnière le Candelabre » s’achève par un final rêvé par Scott, aussi déchirant de beauté et de tristesse que « La quête » de Brel qui l’accompagne. Poignant et étincelant. The show must go on. Celui du festival aussi.
Je vous laisse pour d’autres découvertes cinématographiques, pour peut-être découvrir d’autres verités derrière la lumière éblouissante du soleil deauvillais et du « candelabre » festivalier avant de vous parler des évènements de ces derniers jours.
Cet article sera prochainement complété avec l'ajout de vidéos (notamment celle du discours du Président du jury du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2013, Vincent Lindon, sans aucun doute le meilleur discours d'un président de jury de festival de cinéma!) et de mes commentaires sur ce palmarès ainsi que de très nombreuses photos, ainsi que du bilan de cette édition. En attendant, pour les plus impatients, voici le palmarès complet:
PALMARÈS - AWARDS
Le Jury de la 39e édition du Festival du Cinéma Américain de Deauville, présidé par Vincent Lindon, entouré de Lou Doillon, Jean Echenoz, Hélène Fillières, Xavier Giannoli, Famke Janssen, Pierre Lescure, Bruno Nuytten et Rebecca Zlotowski a décerné les prix suivants :
GRAND PRIX
NIGHT MOVES de Kelly Reichardt
PRIX DU JURY ex-aequo
ALL IS LOST deJ.C. Chandor
&
STAND CLEAR OF THE CLOSING DOORS de Sam Fleischner
Le Jury Révélation Cartier de la 39e édition du Festival du Cinéma Américain de Deauville, présidé par Valérie Donzelli, entourée de Laurence Arné, Vincent Lacoste, Géraldine Maillet et Woodkid a décerné son Prix de la Révélation Cartier à:
PRIX DE LA RÉVÉLATION CARTIER
FRUITVALE STATION de Ryan Coogler
Le Jury de la Critique Internationale, composé de journalistes internationaux, a décerné le prix suivant :
PRIX DE LA CRITIQUE INTERNATIONALE
THE RETRIEVAL de Chris Eska
Le Prix du Public de la ville de Deauville a été remis au film suivant :
PRIX DU PUBLIC DE LA VILLE DE DEAUVILLE -
FRUITVALE STATION de/by Ryan Coogler
PRIX LITTÉRAIRE LUCIEN BARRIÈRE
Richard FORD pour son roman "Canada"/ for his novel "Canada" (Éditions de l’Olivier)
PRIX MICHEL D’ORNANO
LES GARCONS ET GUILLAUME, À TABLE ! de Guillaume Gallienne
C'est le 18 septembre que sortira en salles "Elle s'en va" d'Emmanuelle Bercot, ce qui est pour moi pour l'instant le meilleur film de cette année 2013 (que j'avais découvert dans le cadre du Champs-Elysées Film Festival où il était présenté en avant-première), à ne manquer sous aucun prétexte donc. Pour achever de vous en convaincre, je vous propose ma critique ci-dessous et la bande-annonce du film. Vous pouvez également rejoindre sa page Facebook officielle.
Pour faire partie des heureux gagnants, il vous suffit de répondre aux questions suivantes avant le 22 septembre, de les envoyer à inthemoodforcinema@gmail.com, avec pour intitulé de votre email "Concours Elle s'en va", et en n'oubliant pas de joindre vos coordonnées nécessaires pour l'envoi des places. Seuls les gagnants seront contactés. Tirage au sort parmi les participants ayant envoyé les bonnes réponses.
CONCOURS
1/ Quel(s) prix Emmanuelle Bercot a-t-elle reçu à Cannes avec son premier film?
2/ Pour quel film ai-je eu le plaisir d'interviewer Catherine Deneuve (vous trouverez aisément la réponse sur mes blogs)?
3/ Quel est le rapport entre le film dont a été extraite l'image (modifiée) ci-dessous et Emmanuelle Bercot?
4/ Visionnez la bande-annonce et donnez-moi le nom du petit-fils du personnage de Catherine Deneuve dans le film?
CRITIQUE - ELLE S'EN VA d'Emmanuelle Bercot avec Catherine Deneuve
Un film avec Catherine Deneuve est en soi déjà toujours une belle promesse, une promesse d’autant plus alléchante quand le film est réalisé par Emmanuelle Bercot dont j’avais découvert le cinéma avec « Clément », présenté à Cannes en 2001, dans le cadre de la Section Un Certain Regard, alors récompensé du Prix de la jeunesse dont je faisais justement partie cette année-là, l’histoire poignante et délicate (et délicatement traitée) de l’amour d’un adolescent pour une femme d’âge plus mûr (d’ailleurs interprétée avec beaucoup de justesse par Emmanuelle Bercot). Une histoire intense dont chaque plan témoignait, transpirait de la ferveur amoureuse qui unissait les deux protagonistes. Puis, il y a eu « Backstage », et l’excellent scénario de « Polisse » dont elle était coscénariste.
L’idée du road movie avec Catherine Deneuve m’a tout d’abord fait penser au magistral « Je veux voir » de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige dans lequel le dernier regard de Catherine Deneuve à la fois décontenancé et ébloui puis passionné, troublé, troublant est un des plus beaux plans qu’il me soit arrivé de voir au cinéma contenant une multitude de possibles et toute la richesse de jeu de l’actrice. « Elle s’en va » est un road movie centré certes aussi sur Catherine Deneuve mais très différent et né du désir « viscéral » de la filmer (elle n’est sans doute pas la seule mais nous comprenons rapidement pourquoi l’actrice a accepté ici) comme l’a précisé la réalisatrice avant la projection.
L’actrice incarne ici Bettie (et non Betty comme celle de Chabrol), restauratrice à Concarneau, veuve (je vous laisse découvrir comment…), vivant avec sa mère (Claude Gensac !) qui la traite encore comme une adolescente. L’amant de Bettie vient de quitter sa femme… pour une autre qu’elle. Sa mère envahissante, son chagrin d’amour, son restaurant au bord de la faillite vont la faire quitter son restaurant, en plein service du midi, pour aller « faire un tour » en voiture, puis pour acheter des cigarettes. Le tour du pâté de maisons se transforme bientôt en échappée belle. Elle va alors partir sur les routes de France, et rencontrer toute une galerie de personnages dans une France qui pourrait être celle des « sous-préfectures » du « Journal de France » de Depardon. Et surtout, son voyage va la mener sur une voie inattendue…et nous aussi tant ce film est une surprise constante.
Après un premier plan sur Catherine Deneuve, au bord de la mer, éblouissante dans la lumière du soleil, et dont on se demande si elle va se « jeter à l’eau » (oui, d’ailleurs, d’une certaine manière), se succèdent des plans montrant des commerces fermées et des rues vides d’une ville de province, un chien à la fenêtre, une poésie décalée du quotidien aux accents de Depardon. Puis Bettie apparaît dans son restaurant. Elle s’affaire, tourbillonne, la caméra ne la lâche pas…comme sa mère, sans cesse après elle. Bettie va ensuite quitter le restaurant pour ne plus y revenir. Sa mère va la lâcher, la caméra aussi, de temps en temps : Emmanuelle Bercot la filme sous tous les angles et dans tous les sens ( sa nuque, sa chevelure lumineuse, même ses pieds, en plongée, en contre-plongée, de dos, de face, et même à l’envers) mais alterne aussi avec des plans plus larges qui la placent dans des situations inattendues dans de « drôle[s] d’endroit[s] pour une rencontre », y compris une aire d’autoroute comme dans le film éponyme.
Si l’admiration de la réalisatrice pour l’actrice transpire dans chaque plan, en revanche « Elle s’en va » n’est pas un film nostalgique sur le « mythe » Deneuve mais au contraire ancré dans son âge, le présent, sa féminité, la réalité. Emmanuelle Bercot n’a pas signé un hommage empesé mais au contraire un hymne à l’actrice et à la vie. Avec son jogging rouge dans « Potiche », elle avait prouvé (à ceux qui en doutaient encore) qu’elle pouvait tout oser, et surtout jouer avec son image d’icône. « Elle s’en va » comme aurait pu le faire craindre son titre (le titre anglais est « On my way ») ne signifie ainsi ni une révérence de l’actrice au cinéma (au contraire, ce film montre qu’elle a encore plein de choses à jouer et qu’elle peut encore nous surprendre) ni un film révérencieux, mais au contraire le film d’une femme libre sur une autre femme libre. Porter une perruque improbable, se montrer dure puis attendrissante et s’entendre dire qu’elle a dû être belle quand elle était jeune » (dans une scène qui aurait pu être glauque et triste mais que la subtilité de l’écriture et de l’interprétation rendent attendrissante )…mais plus tard qu’elle sera « toujours belle même dans la tombe. » : elle semble prendre un malin plaisir à jouer avec son image.
Elle incarne ici un personnage qui est une fille avant d’être une mère et une grand-mère, et surtout une femme libre, une éternelle amoureuse. Au cours de son périple, elle va notamment rencontrer un vieil agriculteur (scène absolument irrésistible tout comme sa rencontre d’une nuit, belle découverte que Paul Hamy qui incarne l’heureux élu). Sa confrontation avec cette galerie de personnages incarnés par des non professionnels pourrait à chaque fois donner lieu à un court-métrage tant ce sont de savoureux moments de cinéma, mais une histoire et un portrait se construisent bel et bien au fil de la route. Le film va ensuite prendre une autre tournure lorsque son petit-fils l’accompagnera dans son périple. En découvrant la vie des autres, et en croyant fuir la sienne, elle va au contraire lui trouver un nouveau chemin, un nouveau sens, être libérée du poids du passé.
Si le film est essentiellement interprété par des non professionnels (qui apportent là aussi un naturel et un décalage judicieux), nous croisons aussi Mylène Demongeot (trop rare), le peintre Gérard Garouste et la chanteuse Camille (d’ailleurs l’interprète d’une chanson qui s’intitule « Elle s’en va » mais qui n’est pas présente dans le film) dans le rôle de la fille cyclothymique de Bettie et enfin Nemo Schiffman, irréprochable dans le rôle du petit-fils. Ajoutez à cela une remarquable BO et vous obtiendrez un des meilleurs films de l’année 2013.
Présenté en compétition officielle de la Berlinale 2013 et en compétition du Champs-Elysées Film Festival 20013, « Elle s’en va » a permis à Catherine Deneuve de recevoir le prix coup de cœur du Festival de Cabourg 2013.
« Elle s’en va » est d’abord un magnifique portrait de femme sublimant l’actrice qui l’incarne en la montrant paradoxalement plus naturelle que jamais, sans artifices, énergique et lumineuse, terriblement vivante surtout. C’est aussi une bouffée d’air frais et d’optimisme qui montre que soixante ans ou plus peut être l’âge de tous les possibles, celui d’un nouveau départ. En plus d’être tendre (parfois caustique mais jamais cynique ou cruel grâce à la subtilité de l’écriture d’Emmanuelle Bercot et le jeu nuancé de Catherine Deneuve), drôle et émouvant, « Elle s’en va » montre que , à tout âge, tout peut se (re)construire, y compris une famille et un nouvel amour. « Elle s’en va » est de ces films dont vous ressortez émus et le sourire aux lèvres avec l’envie d’embrasser la vie . Un bonheur ! Et un bonheur rare. Le film sort en salles le 18 septembre. Ne le manquez pas.