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« Inside Llewyn Davis » raconte une semaine de la vie d’un jeune chanteur de folk, Llewyn Davis (interprété par Oscar Isaac) dans l’univers musical de Greenwich Village en 1961. Seul avec sa guitare, sans logement, il lutte pour gagner sa vie comme musicien tandis qu’un hiver rigoureux sévit sur New York. Il survit de petits cachets et en étant hébergé chez des amis ou des inconnus. Son périple le conduira jusqu’à Chicago où il auditionnera pour le géant de la musique Bud Grossman (John Goodman)…
Cela commence en musique. Llewyn Davis chante au Gaslight Café, à New York. La scène est d’une beauté mélancolique déjà captivante. Le son est enregistré en direct. Oscar Isaac prête réellement sa voix à cette magnifique complainte folk. La caméra des Coen se glisse discrètement parmi les spectateurs. Nous prenons d’ores et déjà fait et cause pour Llewyn avant même de connaître ses malheurs qu’il collectionne : le chanteur avec qui il formait un duo s’est suicidé, il se fait tabasser, il n’a pas de logement, la femme de son meilleur ami (Carey Mullingan et Justin Timberlake) attend un enfant de lui, et il enregistre une chanson sur Kennedy qui fera un succès et dont il ne touchera pas les droits d’auteur sans parler du chat des amis qui l’hébergent qui s’échappe par sa faute…
Inside Llewyn Davis est largement inspiré de la vie du chanteur Dave Van Ronk, chanteur de folk à New-York qui a aussi vécu au sein de la classe ouvrière et a partagé sa vie entre sa passion pour la musique et un travail dans la marine marchande. Quelques-uns de ses titres figurent d’ailleurs dans le film. Majoritairement composée de reprises, la bande-originale d’ « Inside Llewyn Davis » est produite par le musicien T-Bone Burnett. Deuxième film des Coen sur la musique après « O’Brother », « Inside Llewyn Davis » a néanmoins un ton et une tonalité très différents.
Le Llewyn du film est un perdant attachant, intègre, vibrant de passion pour la musique. A l’image du chat qui va lui échapper, sa vie lui échappe. Ce chat esseulé et attendrissant qui va s’enfuir pour revenir à la maison est d’ailleurs un peu son double. Un chat qui s’appelle (évidemment pas innocemment) Ulysse. Le périple de Llewyn sera beaucoup plus bref que celui du héros de l’Odyssée. Plus bref mais d’une certaine manière héroïque, si on considère l’intégrité comme un héroïsme dans un monde où on propose sans cesse à l’artiste de vendre son âme au diable. Seulement l’intégrité ne mène nulle part. Malgré son talent, Llewyn sera condamné à jouer sur de petites scènes, à survivre, à être parfois -souvent- méprisé, y compris par sa propre soeur.
Chaque interprétation musicale par Oscar Isaac est un moment de grâce. De chaque morceau et de la mise en scène des Coen jaillit une mélancolie bouleversante. Des plans de toute beauté aussi comme celui de Llewyn seul avec sa guitare avançant dans des rues ternes et enneigés sous une lumière grisâtre.
Même si ce film se classe donc plutôt dans la catégorie des films plus sérieux et mélancoliques des Coen, il nous offre également quelques moments de comédie burlesque irrésistibles, comme l’enregistrement de cette chanson sur Kennedy. On retrouve également l’humour grinçant des Coen lors du voyage de Llewyn pour Chicago avec un inénarrable duo de jazzmen dont l’un des personnages est interprété par John Goodman, incontournable acteur des films des Coen, d’une misanthropie réjouissante, sans parler de son chauffeur aux dialogues mémorables. La scène de l’audition est également tristement magique, ou quand le talent éclate face à un cynique et sinistre personnage totalement indifférent. Son parcours est ainsi jalonné de désillusions, ses rêves de gloire se transforment en cauchemar.
Oscar Isaac et Carey Mulligan se retrouvent à nouveau dans une relation difficile après « Drive » dans lequel ils étaient mari et femme. Ici, elle est constamment en colère et méconnaissable. Oscar Isaac est quant à lui prodigieux et apporte tout ce qu’il faut d’humanité, de mélancolie, de voix envoûtante, à ce personnage de perdant talentueux et attachant.
« Inside Llewyn Davis » est avant tout un magnifique hommage aux artistes, à ceux qui ne vivent et vibrent que pour leur art, au-delà de celui rendu à la musique folk. Un film porté par des comédiens magnifiques, une musique ensorcelante, un scénario habile, une mise en scène brillante. Bref, un des meilleurs films des frères Coen. Un enchantement mélancolique assaisonné d’une note de burlesque. Un film qui transpire de l’amour des deux frères pour les artistes et l’art et qui leur permet de porter le leur à son paroxysme.
Je vous parle chaque année de ce festival qui se distingue d’abord par sa sélection, toujours remarquable. C’est aussi un des très rares festivals à permettre encore à des cinéphiles d’intégrer son jury sur concours (d’hilarantes vidéos appelaient cette année à concourir et à réaliser son autoportrait de spectateur, je vous invite à les découvrir sur l’excellent site officiel du festival et sur sa page Facebook, notez que le festival possède aussi depuis peu son compte twitter) et de vivre ensuite pleinement le festival.
Ce festival est un événement particulièrement convivial (équipes de films détendues et très accessibles) dirigé avec passion et professionnalisme et je peux vous le garantir pour avoir eu le plaisir de faire partie du jury il y a quelques années. A l’image de sa magnifique affiche qui est un hommage à « L’arrivée d’un train en gare de La Ciotat » (une affiche signée Emilie Verdier), le festival met autant à l’honneur le cinéma d’hier que le cinéma contemporain et cette 33ème édition (oui, déjà!) ne dérogera pas à la règle. L’affiche de ce film pionnier du cinéma (dont la légende raconte que sa projection effraya des spectateurs) souligne aussi la principale caractéristique du festival qui met les premiers films à l’honneur…
Cette 33ème édition aura lieu du 5 au 15 février 2016. Les heureux élus du jury délibéreront en compagnie de Baya Kasmi et Michel Leclerc. Le jury de lycéens sera présidé par la comédienne Solène Rigot.
Parmi les nombreux invités de cette édition: Patrice Leconte, Julien Rappeneau, Thierry Frémaux (qui viendra présenter « Lumière, le film! », à ne manquer sous aucun prétexte, cf mon article ci-dessous suite son inoubliable projection cannoise présentée par ce même Thierry Frémaux et par Bertrand Tavernier), Dominique Besnehard, Swann Arlaud…
Au programme: 125 séances durant les 11 jours du Festival : 50 longs métrages, 2 moyens-métrages, 8 courts-métrages… 9 films inédits en France, 6 films en avant-première, 21 nationalités différentes représentées… L’occasion rêvée de (re)voir les meilleurs films de l’année mais aussi les talents de demain dont le festival est un incontestable découvreur comme le prouve la section « ils sont passés par ici »à l’exemple du très talentueux Swann Arlaud (à l’affiche des Anarchistes en 2015, un film pour lequel il est nommé aux prix Lumières 2016).
Parmi les pépites à découvrir cette année, en voici quelques-unes que je vous recommande:
Lumière, le film!
Cela restera indéniablement un de mes plus beaux souvenirs de mes 15 années de Festival de Cannes. Quel bonheur d’entendre les spectateurs du Grand Théâtre Lumière rire éperdument devant les images des frères Lumière… 120 ans plus tard, lors de cette séance spéciale en hommage aux 120 ans du Cinématographe Lumière dans le cadre du 68ème Festival de Cannes.
A l’occasion des 120 ans du Cinématographe, les films restaurés des Lumière ont en effet été projetés aux festivaliers, le tout avec les commentaires cinéphiliques et inénarrables de Thierry Frémaux et avec la traduction (qui l’était tout autant) de Bertrand Tavernier.
C’est le 28 décembre 1895 qu’eut ainsi lieu la première séance de cinéma publique payante au Grand Café à Paris, Boulevard des Capucines, dans le Salon indien, quelques mois après la première projection aux scientifiques, en mars de la même année. S’y trouve aujourd’hui le café Lumière de l’hôtel Scribe. Seuls 33 spectateurs étaient présents pour assister à ce moment historique. Le Cinématographe, machine qui permet à la fois d’enregistrer et de projeter des images, se trouve aujourd’hui à l’Institut Lumière. Ce jour-là, en donnant à un public la possibilité de voir des films sur grand écran, les frères Louis et Auguste Lumière inventaient le spectacle de cinéma moderne, dernière étape d’une longue chaîne de découvertes. Ainsi le 28 décembre dernier avons-nous célébré les 120 ans du cinéma.
C’est un film de 93 minutes qui nous a été projeté à Cannes, en réalité un montage de 114 films restaurés réalisés par Louis Lumière et ses opérateurs entre 1895 et 1905, de la « Sortie de l’usine Lumière » , « L’Arroseur arrosé » (la première fiction de l’Histoire du cinéma) à des films aussi méconnus qu’étonnants, cocasses, maîtrisés avec, déjà, les prémisses du langage cinématographique, du gros plan au travelling, un véritable voyage qui nous a emmenés dans les origines du cinéma mais aussi sur d’autres continents et qui a suscité l’hilarité générale mais aussi l’admiration devant des films d’une qualité exceptionnelle dont chacun démontrait à quel point déjà les Lumière pratiquaient et maîtrisaient l’art de la mise en scène et qu’il s’agissait bien là de fictions et non de simples documentaires.
Une projection cannoise que je ne souhaitais manquer sous aucun prétexte (c’est même LA projection de ce festival que je ne voulais absolument pas manquer), et à laquelle je suis arrivée in extremis, après des péripéties dignes du plus burlesque des films Lumière mais c’est là une autre histoire…en tout cas, je ne le regrette pas car ce fut un moment de rare exultation cinéphilique, le tout en présence de nombreux « frères du cinéma » comme l’avait souligné Thierry Frémaux : Taviani, Coen, Dardenne mais aussi en présence de Claude Lanzmann et Claude Lelouch (je vous signale au passage que, du 6 janvier au 17 février, l’Institut Lumière consacre une rétrospective à ce dernier et que vous pouvez encore voir UN+UNE actuellement en salles que je vous recommande et dont vous pouvez retrouver ma critique, ici) parmi un prestigieux parterre d’invités. Un grand moment qui prouvait une fois de plus à quel point le cinéma est un spectacle mais surtout la modernité des films des frères Lumière. Fascinant!
Ces 114 films restaurés en 4k sont désormais visibles en DVD et Blu-ray (édités par l’Institut Lumière et France TV). Comme le dit Bertrand Tavernier « tout le monde devrait avoir ce DVD chez soi » alors vous savez ce qu’il vous reste à faire! Vous pouvez le retrouver sur le site de l’Institut Lumière, en cliquant ici. C’est aussi le film que le Festival d’Annonay vous permettra de découvrir:
A PEINE J’OUVRE LES YEUX de Leyla Bouzid (nommé aux prix Lumières 2016 et grand lauréat du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2015)
C’est le portrait d’une femme libre que nous dresse Leyla Bouzid dans ce film qui a remporté l’Ibis d’or du meilleur film, de la meilleure musique et de la meilleure actrice ex-aequo au dernier Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule (dont vous pouvez retrouver ma compte rendu, ici) après avoir également déjà reçu trois prix au dernier Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz, des prix amplement mérités pour ce film magistral.
La Tunisie, dont les représentants du dialogue national ont cette année reçu le Prix Nobel de la Paix, a aussi été victime du terrorisme avec les attentats du Bardo à Tunis et de Sousse et récemment à nouveau à Tunis, un cauchemar qui a succédé à un autre, celui de la Tunisie de Ben Ali dans laquelle la corruption gangrénait la société et dans laquelle les libertés étaient restreintes et réprimées. Je n’oublierai jamais ce 14 janvier 2011, jour où Ben Ali a été chassé du pouvoir. Jour historique.
Tunis, été 2010, quelques mois avant la Révolution, Farah, (Baya Medhaffar), 18 ans passe son bac et sa famille l’imagine déjà médecin… mais elle ne voit pas les choses de la même manière. Elle chante au sein d’un groupe de rock engagé. Elle vibre, s’enivre, découvre l’amour et sa ville de nuit contre la volonté d’Hayet (Ghalia Benali), sa mère, qui connaît la Tunisie et ses interdits.
Dès les premières minutes, j’ai été captivée, estomaquée par la beauté furieuse de ce film. Par la vitalité, la force, la fougue de la mise en scène et de la jeune Farah (et de son interprète principale d’une maturité, d’une justesse sidérantes) qui dévore la vie et qui doit lutter pour exercer sa passion : chanter. Les textes qu’elle chante sont ouvertement opposés au régime et malgré sa volonté et son désir forcenés, progressivement le piège va se refermer sur elle jusqu’à ce que sa voix soit étouffée. Littéralement.
Non seulement la manière dont la réalisatrice démontre les restrictions imposées par le régime est aussi passionnante qu’édifiante, mais elle raconte avec autant de précision et sensibilité la relation amoureuse (Farah va aussi découvrir l’amour et la trahison) et la relation mère/fille. Ghalia Benali qui interprète la mère de Farah est elle aussi bouleversante, et sa dureté ne dissimule que sa lucidité et ses craintes pour sa fille qui lui ressemble finalement tant. La scène lors de laquelle la mère pousse sur l’accélérateur de sa voiture pour effrayer sa fille et lui faire promettre de ne pas sortir chanter est d’une force rare, poignante et redoutable, à la hauteur de la peur ressentie par la mère pour sa fille.
Ces yeux qui s’ouvrent du titre, ce sont à la fois ceux de Farah sur la vie, la réalité du monde qui l’entoure, mais aussi ceux de sa mère sur ce que veut et doit faire sa fille mais aussi l’éveil d’une Tunisie trop longtemps réprimée et condamnée à la soumission et au silence par vingt années de dictature. Farah représente finalement la Tunisie et cette jeunesse qui crie sa colère, sa révolte et son désir de se délivrer de ses chaînes malgré les risques encourus. La musique, fiévreuse, transcrit les élans de la jeunesse et devient un opposant incontrôlable, une arme de liberté et de paix.
Un film engagé, fiévreux, fougueux, poétique, porté par deux actrices exceptionnelles, une réalisation d’une force et d’une intensité rares, des textes et des musiques remarquables et qui montrent la puissance de liberté de la musique, plus que jamais vitale. C’est aussi une histoire d’amour. L’amour d’un pays. L’amour de la musique et de son pouvoir. L’amour de la liberté. L’amour d’une mère pour sa fille qui explose dans ce dernier plan d’une douceur et d’une émotion ravageuses. (Le jury du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule ne s’y est pas trompé en primant, ex-aequo, les deux actrices). Un grand film. Un chant de liberté. Un film à l’image de sa jeune actrice : incandescent et brûlant de vie.
Lors de la clôture du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule, Baya a lu un message de la réalisatrice Leyla Bouzid. Elle a rappelé les attentats qui ont touché Tunis et Sousse avant Paris (la clôture du festival a eu lieu aux lendemains des effroyables attentats de Paris et quelques jours avant ceux de Tunis) :
« Un triste lien de mort unit la France et la Tunisie. Il s’agit d’un film d’un élan de vie vif et inaliénable. C’est bien d’être ici pour cet élan de vie malgré ce qui s’est produit. J’ai envie de vous dire que notre élan de vie est inaliénable. Vive la vie, la musique, et la liberté. Personne n’arrivera à les tuer. »
LE FILS DE SAUL de Laszlo Nemes
Difficile de parler immédiatement après la projection tant ce fut un choc. Ce film DOIT être vu, montré, dans les écoles et ailleurs, parce que c’est plus que jamais nécessaire de ne pas oublier jusqu’à quelle inimaginable ignominie la haine de l’autre a pu mener.
Un film dont je suis sortie avec le sentiment d’avoir vu un grand film, ce film dont Thierry Frémaux en conférence de presse du Festival de Cannes avait parlé comme d’un « film qui fera beaucoup parler », le premier premier film à figurer en compétition depuis 4 ans.
L’action se déroule en Octobre 1944, à Auschwitz-Birkenau. Saul Ausländer est membre du Sonderkommando, ce groupe de prisonniers juifs isolé du reste du camp et forcé d’assister les nazis dans leur plan d’extermination. Il travaille dans l’un des crématoriums où il est chargé de « rassurer » les Juifs qui seront exterminés et qui ignorent ce qui les attend, puis de nettoyer… quand il découvre le cadavre d’un garçon en lequel il croit ou veut croire reconnaître son fils. Tandis que le Sonderkommando prépare une révolte (la seule qu’ait connue Auschwitz), il décide de tenter l’impossible : offrir une véritable sépulture à l’enfant afin qu’on ne lui vole pas sa mort comme on lui a volé sa vie, dernier rempart contre la barbarie.
La profondeur de champ, infime, renforce cette impression d’absence de lumière, d’espoir, d’horizon, nous enferme dans le cadre avec Saul, prisonnier de l’horreur absolue dont on a voulu annihiler l’humanité mais qui en retrouve la lueur par cet acte de bravoure à la fois vain et nécessaire, son seul moyen de résister. Que d’intelligence dans cette utilisation du son, de la mise en scène étouffante, du hors champ, du flou pour suggérer l’horreur ineffable, ce qui nous la fait d’ailleurs appréhender avec plus de force encore que si elle était montrée. László Nemes s’est beaucoup inspiré de « Voix sous la cendre », un livre de témoignages écrit par les Sonderkommandos eux-mêmes. Ce film a été développé à la résidence de la Cinéfondation du Festival de Cannes 2011. Aussi tétanisant et nécessaire que Shoah de Claude Lanzmann. C’est dire…
-Béliers
-Je suis un soldat
-Les Cowboys
-les films de Patice Leconte
…et tous les excellents films que je n’ai pas encore eu le plaisir de découvrir
Parmi les événements du festival à ne pas manquer :
-le marathon : 48 heures pour réaliser un court-métrage de 3 minutes selon le défi proposé…
-la soirée d’ouverture avec le réalisateur Julien Rappeneau. Ainsi, vendredi 5 février 21h au Théâtre, Julien Rappeneau sera l’invité de la soirée d’ouverture pour accompagner son premier film ; ROSALIE BLUM, projection en avant-première à Annonay !
-Séance spéciale Ciné Mix’t : séance spéciale en direction des jeunes avec les 2 moyens-métrages GUY MOQUET, de Demis Herenger et HARAMISTE, d’Antoine Desrosières, en présence des 2 réalisateurs
-Nouveaux talents du cinéma français : rendez-vous le week-end du 6 et 7 février pour découvrir les films de la section Nouveaux Talents 2016 et leurs invités. Dominique Besnehard, producteur et acteur français, anciennement agent artistique de nombreux comédiens au sein de la société Artmedia, sera l’ambassadeur de cette section Nouveaux Talents. Il accompagnera plusieurs œuvres qu’il a récemment produites : le long métrage JE SUIS UN SOLDAT, la série DIX POUR CENT et quelques courts-métrages issus des Talents Cannes Adami.
Les autres invités du week-end :
◦Doria Achour pour le film PAPA WAS NOT A ROLLING STONE et pour le court-métrage LAISSE-MOI FINIR
◦Swann Arlaud pour les films LES ANARCHISTES et NI LE CIEL NI LA TERRE
◦Maud Baecker pour le court-métrage CE SERA TOUT POUR AUJOURD’HUI
◦Stéfi Celma pour la série DIX POUR CENT
◦Karim Leklou pour les films LES ANARCHISTES et COUP DE CHAUD
◦Adélaïde Leroux pour le film LE CHANT DU MERLE
◦Fanny Sydney pour la série DIX POUR CENT
◦Karolyne Leibovici, agent, ainsi que Laurent Larivière, réalisateur du film JE SUIS UN SOLDAT.
Outre lors des séances de leurs films, tous ces invités seront présents à la table ronde du dimanche 7 février à 10h au Domaine de Saint-Clair.
-Séance dédicaces : venez acheter et vous faire dédicacer le livre de Dominique Besnehard, Casino d’hiver, le dimanche 7 février à l’issue de la table ronde au Domaine de Saint-Clair ou à 16h au premier étage du Théâtre. En partenariat avec la libraire La Hulotte.
-Carte blanche au TorinoFilmLab : Le TorinoFilmLab est un laboratoire international qui, tous les ans, contribue à l’émergence de nouveaux cinéastes du monde entier et les aide à réaliser leur premier ou deuxième long métrage. Ses actions s’articulent autour de trois axes : la formation, le développement et la recherche de financements.
-Lundi 8 février, Matthieu Darras, directeur des programmes du TorinoFilmLab, présentera 5 films de la programmation du Festival (dont 1 en séance scolaire), qui ne sont autres que des premiers films développés au sein du TorinoFilmLab et sortis en salle en 2015 : ADAMA, NI LE CIEL NI LA TERRE, 3000 NUITS, LE FILS DE SAUL, MEDITERRANEA.
-Séance spéciale Patrimoine : Lumière, le Film ! : Lundi 8 février 21h au Théâtre, séance spéciale : édition restaurée d’une série de films des frères Lumière réalisés entre 1895 et 1905. La séance sera accompagnée par Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière à Lyon. Possibilité de se procurer le coffret DVD à l’issue de la séance.
-Journée Collège au Cinéma avec Patrice Leconte : Mardi 9 février, le réalisateur Patrice Leconte sera présent toute le journée pour rencontrer les collégiens. Cette journée sera marquée par plusieurs rendez-vous dont quelque-uns auxquels les festivaliers sont conviés :
◦14h au Théâtre : Master class de Patrice Leconte autour de sa filmographie (entrée libre et gratuite),
◦16h au 1er étage du Théâtre : séance de signature autour de ses livres. En partenariat avec la librairie La Parenthèse.
◦18h30 au Théâtre, un premier film « coup de cœur » choisi par Patrice Leconte : FIDÉLIO, L’ODYSSÉE D’ALICE, en présence de sa réalisatrice Lucie Borleteau
◦21h au Théâtre : Projection du film de Patrice Leconte, LES GRANDS DUCS.
-Carte blanche aux Rencontres des Cinémas d’Europe d’Aubenas
-Sélection de films ACID
-Mercredi 10 février 21h : la projection du nouveau film de Bouli Lanners, LES PREMIERS LES DERNIERS, programmé dans la section Ils sont passés par ici, sera accompagnée par la comédienne Aurore Broutin, invitée en 2013 à Annonay pour parler de son métier de directrice de casting sur le film AUGUSTINE.
-Pour chacun des 9 premiers film en compétition, une invitation est lancée aux réalisateurs ou autre personne représentante du film. Les séances programmées les vendredi 12, samedi 13 et dimanche 14 février sont donc accompagnées de rencontres avec :
◦Maï Masri, réalisatrice de 3000 NUITS
◦Lisa Carlehed, comédienne dans IN YOUR ARMS
◦Xavier Seron, réalisateur de JE ME TUE À LE DIRE
◦un comédien du film KEEPER (sous réserve).
◦Hooman Behmanesh, directeur de la photo de MELBOURNE
◦Joseba Usabiaga, comédien dans PIKADERO
◦Andrew Cividino, réalisateur de SLEEPING GIANT
◦la co-productrice exécutive de THEEB
◦Nitzan Gilady, réalisateur de WEDDING DOLL.
-Dimanche 14 février 10h30 à la MJC : à ne pas manquer la traditionnelle rencontre avec tous les invités des films de la compétition.
-Nuit du 48h tout court : Samedi 13 février au Théâtre 23h30, tous les films réalisés dans le cadre du 48h tout court seront projetés en présence de leurs équipes. Entrée libre.
-Soirée de clôture le dimanche 14 février au Théâtre : 19h45 : Cérémonie de remise des prix ludique et conviviale au cours de laquelle les bénévoles de la Commission Cinéma, aidés par la Compagnie d’À Côté, se mettent en scène pour une soirée de remise des prix enlevée.
21h30 : Michel Leclerc présentera son dernier film LA VIE TRÈS PRIVÉE DE MONSIEUR SIM.
Vous le savez: le palmarès des Golden Globes préfigure souvent celui des Oscars. Je vous laisse découvrir ci-dessous les noms des lauréats de cette édition qui a (enfin!) couronné Leonardo DiCaprio. Notons également que le bouleversant film qui a tant ému et secoué la Croisette en Mai dernier "Le fils de Saul" de Laszlo Nemes (ma critique, ici) a reçu le Golden Globe du meilleur film étranger. La 73ème cérémonie des Golden Globes a eu lieu cette nuit et a été retransmise en clair avec Canalsat, sur le site de Ciné +.
Les films ayant pour cadre le milieu du cinéma se sont multipliés dans le cinéma américain des années 1950, avec d'ailleurs également une commune structure en flash back comme dans les deux chefs d'œuvre de Mankiewicz (« Eve » et « La Comtesse aux pieds nus ») qui, avec « Les Ensorcelés » de Minelli, sont les films sur ce thème que je préfère.
Synopsis : Le producteur Harry Pebel (Walter Pidgeon) convoque dans son bureau Georgia Lorrison (Lana Turner), une grande actrice, Fred Amiel (Barry Sullivan), un jeune réalisateur, et James Lee Bartlow (Dick Powell), un écrivain. Pebel attend un coup de téléphone du producteur Jonathan Shields (Kirk Douglas) qui a permis à ces trois personnes d'accéder au rang de star mais s'est parfois mal comporté avec elles. Aujourd'hui en difficulté, il leur demande de l'aider. Avant d'accepter ou refuser, chacun d'eux raconte comment il les a rencontrés et comment il les a déçus, voire blessés...
« The Bad and The Beautiful ». Tel est le titre original en vo des "Ensorcelés" et qui résume parfaitement la sublime et subtile dualité du personnage de Jonathan et du film tout entier. Dualité entre son altruisme apparent et son ambition tueuse et ravageuse dont il est le masque. Lorsque le masque tombe, Minelli a à chaque fois la judicieuse idée de le filmer en gros plan frontalement, le réduisant alors à son égoïsme, alors que le reste du temps il est souvent filmé en plan plus large et rarement de face.
Dualité aussi des sentiments du spectateur face à ce personnage complexe, digne successeur d'un père diabolique à la personnalité pour son fils aussi fascinante qu'écrasante dont il suivra finalement le modèle et face à ce personnage qui, au nom de la gloire et l'ambition, sacrifiera ceux qu'il aime ou qu'il est incapaboe d'aimer ... même si finalement ils y gagneront tous aussi la gloire.
La gloire, cela pourrait aussi d'ailleurs être elle « The bad and the beautiful ». Etincelante en surface, au regard des autres mais qui a nécessité combien de « bad » compromis et de trahisons inavouables ?
Dualité aussi entre la sincère Georgia (the beautiful) et le manipulateur Jonathan (the bad).
Dualité entre la forme et le fond. Le fond qui critique le monde du cinéma : son hypocrisie, l'arrivisme, la superficialité, la déchéance, le commerce qu'il est souvent, les trahisons, les manipulations. La forme qui est un des plus beaux hommages qu'on puisse lui rendre avec des plans d'une virtuosité admirable (Ah, cette scène où Georgia, époustouflante et lumineuse Lana Turner ici terrifiante tant elle semble réellement terrifiée, fuit en voiture et où le spectateur a la sensation de ressentir sa suffocation cauchemardesque), un scénario d'une construction astucieuse, une photographie envoûtante et somptueuse, et des acteurs au sommet de leur art et leur beauté. Dualité entre le rêve que représente le monde du cinéma et la réalité que dépeint Minelli.
« Les Ensorcelés » est à la fois une magnifique déclaration d'amour au cinéma et un regard lucide sur ses travers s'inspirant de la réalité, notamment de David O.Selznick (le producteur et créateur d' « Autant en emporte le vent ») ou encore de « La Féline » de Jacques Tourneur pour le script du « Crépuscule des hommes chats » que Jonathan produit.
Les Ensorcelés : ce sont Georgia, Fred et James, ensorcelés et aveuglés par Jonathan. C'est Jonathan, ensorcelé par le cinéma, prêt à tout au nom de celui-ci. Et c'est surtout le spectateur, ensorcelé par la magie du cinéma, de ce cinéma que Minelli magnifie tout en le montrant dans toute son ambiguïté, d'une cruelle beauté. De ce cinéma qui finalement sort vainqueur. Malgré tout. Plus important que tout.
« Les Ensorcelés » (1952) remporta 6 Oscars : celui de la meilleure interprétation pour Kirk Douglas, du meilleur second rôle féminin pour Gloria Grahame, de la meilleure photographie, de la meilleure direction artistique, des meilleurs costumes et du meilleur scénario.
A la différence près que le rôle du producteur n'est aujourd'hui plus le même que celui du producteur du cinéma d'Hollywood des années 30, 40, 50 « Les Ensorcelés » est un film intemporel qui pourrait presque être tourné aujourd'hui. L'ambitieux Jonathan pourrait être le même aujourd'hui. Il se pourrait même que vous croisiez quelques Jonathan Shields, et surtout bien pire, à Hollywood ou ailleurs. Alors si vous voulez découvrir Hollywood, son univers impitoyable, voir un film ensorcelant et éblouissant, un personnage aussi manipulateur qu'amoureux du cinéma bien fait, et fascinant, et surtout si vous aimez le cinéma et forcément les films sur le cinéma, alors laissez-vous ensorceler par ce film qui porte si bien son nom.
Puisque j'ai eu le plaisir la semaine dernière de vous parler à la radio des 120 ans du Cinématographe, je ne pouvais pas ne pas évoquer à nouveau ici ce DVD indispensable, a fortiori quelques jours après cette date anniversaire. Si vous ne deviez en avoir qu'un dans votre DVDthèque, peut-être serait-ce celui-ci...
Cela restera indéniablement un de mes plus beaux souvenirs de mes 15 années de Festival de Cannes. Quel bonheur d’entendre les spectateurs du Grand Théâtre Lumière rire éperdument devant les images des frères Lumière… 120 ans plus tard, lors de cette séance spéciale en hommage aux 120 ans du Cinématographe Lumière dans le cadre du 68ème Festival de Cannes.
A l’occasion des 120 ans du Cinématographe, les films restaurés des Lumière ont en effet été projetés aux festivaliers, le tout avec les commentaires cinéphiliques et inénarrables de Thierry Frémaux et avec la traduction (qui l’était tout autant) de Bertrand Tavernier.
C’est le 28 décembre 1895 qu’eut ainsi lieu la première séance de cinéma publique payante au Grand Café à Paris, Boulevard des Capucines, dans le Salon indien, quelques mois après la première projection aux scientifiques, en mars de la même année. S'y trouve aujourd'hui le café Lumière de l'hôtel Scribe. Seuls 33 spectateurs étaient présents pour assister à ce moment historique. Le Cinématographe, machine qui permet à la fois d'enregistrer et de projeter des images, se trouve aujourd'hui à l'Institut Lumière. Ce jour-là, en donnant à un public la possibilité de voir des films sur grand écran, les frères Louis et Auguste Lumière inventaient le spectacle de cinéma moderne, dernière étape d'une longue chaîne de découvertes. Ainsi le 28 décembre dernier avons-nous célébré les 120 ans du cinéma.
C’est un film de 93 minutes qui nous a été projeté à Cannes, en réalité un montage de 114 films restaurés réalisés par Louis Lumière et ses opérateurs entre 1895 et 1905, de la "Sortie de l’usine Lumière" , « L’Arroseur arrosé » (la première fiction de l’Histoire du cinéma) à des films aussi méconnus qu’étonnants, cocasses, maîtrisés avec, déjà, les prémisses du langage cinématographique, du gros plan au travelling, un véritable voyage qui nous a emmenés dans les origines du cinéma mais aussi sur d’autres continents et qui a suscité l’hilarité générale mais aussi l’admiration devant des films d’une qualité exceptionnelle dont chacun démontrait à quel point déjà les Lumière pratiquaient et maîtrisaient l’art de la mise en scène et qu’il s’agissait bien là de fictions et non de simples documentaires.
Une projection cannoise que je ne souhaitais manquer sous aucun prétexte (c'est même LA projection de ce festival que je ne voulais absolument pas manquer), et à laquelle je suis arrivée in extremis, après des péripéties dignes du plus burlesque des films Lumière mais c’est là une autre histoire…en tout cas, je ne le regrette pas car ce fut un moment de rare exultation cinéphilique, le tout en présence de nombreux « frères du cinéma » comme l’avait souligné Thierry Frémaux : Taviani, Coen, Dardenne mais aussi en présence de Claude Lanzmann et Claude Lelouch (je vous signale au passage que, du 6 janvier au 17 février, l'Institut Lumière consacre une rétrospective à ce dernier et que vous pouvez encore voir UN+UNE actuellement en salles que je vous recommande et dont vous pouvez retrouver ma critique, ici) parmi un prestigieux parterre d’invités. Un grand moment qui prouvait une fois de plus à quel point le cinéma est un spectacle mais surtout la modernité des films des frères Lumière. Fascinant!
Ces 114 films restaurés en 4k sont désormais visibles en DVD et Blu-ray (édités par l'Institut Lumière et France TV). Comme le dit Bertrand Tavernier "tout le monde devrait avoir ce DVD chez soi" alors vous savez ce qu'il vous reste à faire! Vous pouvez le retrouver sur le site de l'Institut Lumière, en cliquant ici. Je précise aux esprits mal tournés que ceci n'est pas un article sponsorisé mais la simple expression d'un immense coup de cœur cinématographique...
A lire aussi: mon compte rendu du Festival Lumière de Lyon 2014 (un festival qu'organise chaque année l'Institut Lumière de Lyon). C'est à Lyon que les frères Lumière tournèrent leur premier film "Sortie d'Usine"...là où se trouve aujourd'hui l'Institut Lumière.
C’est dans le cadre du 1er Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz 2014 que j’ai eu le plaisir de découvrir le film dont la réalisatrice avait déjà obtenu le prix du public à Saint-Jean-de-Luz, trois ans auparavant, pour son premier long métrage en tant que réalisatrice, « Les Adoptés». Elle avait alors également reçu le prix du jury.
Cette séance fut riche en émotions et pas seulement parce que ce fut la dernière d’un film en compétition de ce 1er Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz mais aussi parce que la réalisatrice avait fait le voyage, entre deux scènes avec Angelina Jolie pour qui elle tourne actuellement, pour parler (avec passion) de son film après la projection mais aussi parce que Dany Boon, alors en tournage à Saint-Jean-de-Luz du dernier film de Julie Delpy « Lolo » était présent, ce qui a donné lieu à de savoureux échanges. La vidéo (ci-dessus) de présentation du film avant la projection témoigne de la convivialité et la bonne humeur communicatives qui règnaient dans ce festival.
Mélanie Laurent fait partie de ceux que certains aiment détester parce qu’elle a « le malheur » d’être une jeune femme polyvalente, déterminée et talentueuse dans chacun des domaines auxquels elle s’attèle : elle chante, joue, réalise. Une artiste à part entière guidée par le désir de créer. En est une nouvelle preuve la vidéo la mettant en scène, vidéo d’une méchanceté stupide, lâche et abjecte (qui avait pour seul mérite de démontrer, si besoin était, la puissance du montage cinématographique qui peut étayer n’importe quelle démonstration et orienter n’importe quel discours) qui avait circulé en 2014 dans tous les médias qui l’ont repris comme si cela avait valeur d’information, les mêmes médias parfois qui, lors du Festival de Cannes de la même année, avaient encensé « Respire » qui dénonce finalement cette perversité dont cette vidéo est une forme de manifestation. La société, a fortiori médiatique, avide de cynisme et de détestation, et de détruire ceux qu’elle envie ou a encensé probablement dans un moment d’égarement, n’est pas à un paradoxe près.
Ce film qui fut aussi présenté en séance spéciale à Cannes dans le cadre de la Semaine de la Critique 2014 est aussi sans aucun doute guidé par cet désir de créer, et de dire. Mélanie Laurent portait en effet ce projet de « Respire » depuis la parution du livre dont il est la libre adaptation, un premier roman éponyme d’Anne-Sophie Brasme de 2001.
A cet âge où tout est essentiel, à la fois dérisoire et grave, passionné et viscéral, Charlie (Joséphine Japy), une jeune fille de 17 ans rencontre Sarah (Lou de Laâge). Sarah, c’est la nouvelle du lycée, celle que tout le monde « adopte » et adore immédiatement, celle qui fascine, éblouit. La star immédiate du lycée. Sarah va choisir Charlie. Cette rencontre va peu à peu priver Charlie de souffle, l’enfermer dans une histoire étouffante d’amitié perverse…
Dès le premier plan, Mélanie Laurent témoigne de sa parfaite maîtrise de son sujet et de sa caméra, franchissant encore une étape après « Les Adoptés ». L’évolution est flagrante dès le début du film. Ce premier plan nous montre des toits tristement identiques de pavillons de province. Lui succède celui d’une adolescente qui se lève avec, hors-champ, les cris de ses parents qui se déchirent. Le décor est planté. L’apparente tranquillité n’est qu’un leurre. Tout peut exploser, la tranquillité peut se briser, à tout instant.
Au lycée, en cours, Charlie apprend les excès de la passion. Il suffisait de trouver un objet à celle-ci. Ce sera Sarah. Peu à peu l’étau va se refermer sur Charlie, sa prison dans laquelle elle va elle-même s’enfermer. Mélanie Laurent distille progressivement des indices qui témoignent de la perversité de Sarah, créant un malaise et une empathie croissantes du spectateur pour Charlie. La tension est accentuée par une caméra à l’épaule, qui ne laisse pas de répit, suggère la survenance possible d’un drame. A tout moment. Comme un serpent prêt à surgir et étouffer sa proie.
Comme sa mère qui pardonne toujours à son père, Charlie pardonnera toujours comme aveuglée, emprisonnée dans cette pseudo-amitié, dans sa fascination. Mélanie Laurent ne lâche ni ses actrices ni le spectateur, pas une seconde, tout comme Sarah ne lâche pas Charlie grâce à la qualité et la précision de son écriture (pas de plan superflu ou vain), la beauté froide ou lumineuse des images ( comme ces plans de bord de mer dont la luminosité contraste intelligemment avec la noirceur de ce que commence alors à vivre Charlie) et le talent de ses deux comédiennes (sans doute aussi très bien dirigées) qui crèvent littéralement l’écran. Va s’opérer un glissement progressif du drame social vers le thriller. Planent les ombres de Chabrol, Hitchcock, Gus Van Sant, Sofia Coppola (sans les tics parfois mode-rne-s de cette dernière) mais surtout celle d’une nouvelle cinéaste qui ne cite pas les autres mais construit sa propre filmographie et ses propres codes : Mélanie Laurent.
Le film est aussi jalonné de moments de grâce comme lorsque les deux jeunes filles dansent sur « You and Me » de Disclosure, exacerbant encore la noirceur de ce qui suivra et le sentiment de prison sans échappatoire pour Charlie.
Après la projection, Mélanie Laurent a raconté avoir découvert Lou de Laâge dans « J’aime regarder les filles », le magnifique premier film de Frédéric Louf qui avait révélé un autre immense comédien, Pierre Niney. Je me réjouis encore d’avoir fait partie du jury qui avait récompensé Lou de Laâge au Festival International du Film de Boulogne-Billancourt pour « Nino, une adolescence imaginaire de Nino Ferrer » de Thomas Bardinet. Ici, elle excelle une nouvelle fois dans ce rôle de manipulatrice qui, sous des abords au départ particulièrement affables, va se révéler venimeuse, double, perverse. Face à elle, Joséphine Japy est époustouflante, interprétant avec beaucoup de nuances, notamment grâce à d’éloquents silences, sa souffrance indicible. C’est d’autant plus impressionnant qu’une vingtaine de séquences ont été improvisées. Mélanie Laurent a ainsi passé 4 mois à travailler avec ses actrices pour seulement 6 semaines de tournage.
Un film à la fois intemporel (Mélanie Laurent ne situe d’ailleurs pas vraiment l’intrigue dans une époque précise) et dans l’air du temps (mais qui ne cherche pas à l’être) qui peut-être en aidera certain(e)s à fuir et ne pas se laisser enfermer par ces « ami(e)s » toxiques qui, avancent masqué(e)s, séduisent tout le monde avec une habileté et une ingénuité fourbes, pour mieux exclure la proie choisie, se l’accaparer, puis la détruire. Un film dont la brillante construction met en lumière la noirceur et la détermination destructrices de ces êtres, nous plongeant avec Charlie dans cet abyme mental en apparence inextricable.
Un film d’une remarquable maîtrise et justesse, au parfum pernicieusement envoûtant, prenant, parfaitement maîtrisé du premier au dernier plan qui est d’une logique aussi violente qu’implacable. Le dénouement apparaît en effet finalement comme la seule respiration et la seule issue possibles. Un film qui m’a laissée à bout de souffle, longtemps après le générique de fin.
Et si vous n’en êtes pas encore convaincus, voici les mots de Dany Boon à la fin de la projection qui auront pour vous peut-être plus de poids que les miens : « J’ai trouvé le film très maîtrisé, incroyable. La fin est très prenante. Film bouleversant, d’une justesse incroyable, je suis très impressionné ».