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Par Sandra Mézière. Le 7ème art raconté avec passion depuis 2003. 4000 articles. Festivals de cinéma en direct : Deauville, La Baule, Cannes, Dinard...Critiques de films : avant-premières, à l'affiche, classiques. Actualité de romancière. Podcast.
Voici l'affiche du Festival International du Film Policier de Beaune 2017 (9ème édition) qui aura lieu du 29 mars au 2 avril et dont le président du jury sera Jean-Paul Rappeneau. Il succède ainsi à Claude Chabrol, Olivier Marchal, Régis Wargnier, Jean-Loup Dabadie, Pierre Jolivet, Cédric Klapisch, Danièle Thompson et Sandrine Bonnaire.
Ce festival est le cadre d'une des 16 nouvelles de mon recueil de nouvelles sur les festivals de cinéma "Les illusions parallèles" publié par les Editions du 38 en septembre 2016 (nouvelle intitulée "Comme dans un film noir", pour en savoir plus : http://www.editionsdu38.com/catalogue/littérature-page-38/les-illusions-parallèles/ )
L'annonce de la date de sortie du film en DVD, Blu-ray, VOD est pour moi l'occasion de vous parler de ce film magistral qui figure dans mon top 3 de l'année 2016, un top de 10 films (ou un peu plus) que je vous livrerai très bientôt...
Il y a des films, rares, qui possèdent ce supplément d’âme, qui exhalent cette magie indescriptible (la vie, au fond, cette « vitalité » que François Trufffaut évoquait à propos des films de Claude Sautet) qui vous touchent en plein cœur, qui vous submergent d’émotion(s). Au-delà de la raison. Oui, c’est cela : un tourbillon d’émotions dévastatrices qui emportent notre raison avec elles. Comme un coup de foudre…Un coup de foudre cinématographique est ainsi comme un coup de foudre amoureux. Il anesthésie notre raison, il emporte notre rationalité, nous transporte, nous éblouit, et nous procure une furieuse envie d’étreindre le présent et la vie.
Voilà ce que j’écrivais il y a deux ans à propos de Mommy en sortant de sa projection cannoise, film pour lequel Xavier Dolan avec obtenu le Prix du Jury du Festival de Cannes 2014. Voilà ce que je pourrais tout aussi bien écrire à propos Juste la fin du monde qui a reçu le Grand Prix du Festival de Cannes 2016 -dont vous pouvez lire mon bilan en cliquant ici- (mais aussi le prix du jury œcuménique dont le but est de récompenser des films « aux qualités humaines qui touchent à la dimension spirituelle »). « Cette récompense est inattendue et extrêmement appréciée » a ainsi déclaré Xavier Dolan à propos de son Grand Prix lors de la conférence de presse des lauréats après la clôture du festival.
Conférence de presse des lauréats du 69ème Festival de Cannes
Juste la fin du monde est déjà le sixième film du jeune cinéaste québécois et marque déjà sa cinquième sélection cannoise : après J’ai tué ma mère, son premier film, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs en 2009, après Les Amours imaginaires dans la sélection Un Certain Regard en 2010 puis en 2012 dans cette même sélection avec Laurence Anyways avant ses sélections en compétition officielle, en 2014 pour Mommy et en 2016 pour Juste la fin du monde (avant lequel il avait aussi sorti Tom à la ferme).
Adapté de la pièce de théâtre éponyme de Jean-Luc Lagarce, le film se déroule sur une après-midi. Un jeune auteur, Louis (incarné par Gaspard Ulliel), après 12 ans d’absence, retrouve sa famille pour lui annoncer sa mort prochaine. Il y a là sa mère (Nathalie Baye), son frère aîné (Vincent Cassel), sa petite soeur (Léa Seydoux) et sa belle-sœur qu’il rencontre pour la première fois (Marion Cotillard).
Dès les premiers plans, dans cet avion qui emmène Louis vers sa famille et dès les premières notes et la chanson de Camille (dont le titre résonne comme un poignant avertissement, Home is where it hurts), une fois de plus, Dolan m’a embarquée dans son univers si singulier, m’a happée même, m’a enfermée dans son cadre. Comment ne pas l’être quand à la force des images et de la musique s’ajoute celle des mots, avec la voix de Louis qui, off, nous annonce son funeste programme : « leur annoncer ma mort prochaine et irrémédiable. En être l’unique messager. […] Me donner, et donner aux autres, une dernière fois, l’illusion d’être responsable de moi-même et d’être‚ jusqu’à cette extrémité‚ mon propre maître. » Tout ce qu’il ne parviendra jamais à dire, une annonce qui place les 1H35 qui suivent sous le sceau de la fatalité, et nous mettent dans la situation rageuse et bouleversante de témoin impuissant.
J’ai eu la sensation de retenir mon souffle pendant 1H35, un souffle suspendu aux mots de Louis et de sa famille, et plus encore à leur silence, et de ne recommencer à respirer que bien après cette fin et ce dernier plan, sans aucun doute le plus beau de ce 69ème Festival de Cannes.
Louis est un auteur, un homme des mots et pourtant, ici, ses mots sont vains. Ils ne servent qu’à cacher, qu’à taire ce que les silences semblent crier avec éloquence. Sur le chemin qui mène Louis vers sa famille, une pancarte entrevue sur le côté de la route interroge « Besoin de parler ? ». Oui, certainement, mais comment quand les logorrhées des uns et des autres l’en empêchent, quand sa famille ne sait communiquer que dans l’ironie, la colère ou l’invective ?
Certains, peut-être, diront qu’il ne se passe rien. Sans doute n’auront-ils rien vu de tout ce que sous-entendent les regards, les silences, les excès, les cris, le bruit et la fureur. C’est pourtant hitchcockien. Un regard, un souffle, un mot de travers, un silence paralysant et tout semble pouvoir basculer dans l’irréversible. Le spectateur est à l’affut du moindre souffle, du moindre murmure, du moindre frémissement. Le MacGuffin, ce sont ces mots prononcés dans l’avion à l’attention du spectateur et qui attendent d’être délivrés et de s’abattre. Menace constante. « Le plus prenant c’est la nervosité et la prolixité de tous les personnages qui expriment des choses profondément superficielles, nerveuses, inutiles sauf ce qu’ils devinent être la raison de la venue de Louis » a ainsi expliqué Xavier Dolan lors de la conférence de presse des lauréats du festival.
Sa caméra, par les gros plans dont est majoritairement composé le film, entoure, enserre, emprisonne, englobe les visages, au plus près de l’émotion, pour capter le mensonge, le non dit, pour débusquer ce qui se cache derrière le masque, derrière l’hystérie. Elle les asphyxie, isole Louis dans sa solitude accablante, absolue, les met à nu, les déshabille de ces mots vains, déversés, criés qui ne sont là que pour empêcher l’essentiel d’être dit. Comme un écho au format 1:1 qui, dans Mommy, par ce procédé et ce quadrilatère, mettait au centre le visage -et donc le personnage-, procédé ingénieux, qui décuplait notre attention. Dans Les Amours imaginaires, la caméra de Xavier Dolan était aussi au plus près des visages, ignorant le plus souvent le cadre spatial à l’image de cet amour obsédant qui rendait les personnages aveugles au monde qui les entourait. La mise en scène non seulement y épousait déjà le propos du film mais devenait un élément scénaristique : puisque les protagonistes s’y « faisaient des films » (l’un se prenant pour James Dean, l’autre pour Audrey Hepburn), et étaient enivrés par leur fantasmagorie amoureuse, par ce destructeur et grisant vertige de l’idéalisation amoureuse, le film en devenait lui-même un vertige fantasmatique.
Mais revenons à Juste la fin du monde. Que de douleur, de beauté, de significations dans les silences comme lors de cette scène, sublime, quand Louis prend sa mère dans les bras, qu’il s’y blottit, et qu’une petite parcelle de lumière caresse son visage en grande partie dans la pénombre, et que la musique sublime l’instant, qu’il regarde le vent qui s’engouffre dans les rideaux comme un appel de la vie qui s’enfuit. Que de choses la sensible Catherine dit-elle aussi dans ses silences, dans son flot de phrases absconses, dans ses hésitations, dans ses répétitions, elle qui semble dès le début savoir, et implorer une aide, elle que tout le monde semble mépriser et qui a compris ce que tous ignorent ou veulent ignorer ? Marion Cotillard, dans un rôle radicalement différent de celui de cette femme sauvagement vivante, enfiévrée, en quête d’absolu, qu’elle incarne dans le film de Nicole Garcia Mal de pierres (également en compétition officielle de ce Festival de Cannes 2016), est une nouvelle fois parfaite et semble converser dans ses silences. « Sa parole était presque un silence sonore » a-t-elle dit lors de la conférence de presse, à propos de Catherine, son personnage, choisissant ses mots avec soin pour évoquer son rôle, toujours justes et d’une étonnante précision. "L'essentiel est que les gens entendent le murmure de la souffrance de chacun des personnages" a ainsi déclaré Xavier Dolan en conférence de presse. C’est indéniablement réussi. Cette souffrance étouffée tranche chacun des silences.
Nathalie Baye, comme dans Laurence Anyways incarne la mère, ici volubile, outrancièrement maquillée, comme pour mieux maquiller, masquer, cette vérité qu’il ne faut surtout pas laisser éclater. « Dans ces imperfections, j’ai vu l’occasion de travailler avec des acteurs que j’admire pour leur demander d’exprimer ces imperfections humaines », a ainsi expliqué Xavier Dolan en conférence de presse. Gaspard Ulliel, remarquable dans le rôle du « roi » Louis, quant à lui, apporte au personnage une infinie douceur, et dans la lenteur de chacun de ses gestes, dans la tendresse mélancolique de chacun de ses regards et dans chacun de ses silences semble crier sa détresse indicible.
Le langage est d’ailleurs au centre du cinéma de Xavier Dolan. Suzanne Clément, dans Mommy, mal à l’aise avec elle-même, bégayait, reprenant vie au contact de Diane et de son fils, comme elle, blessé par la vie, et communiquant difficilement, par des excès de violence et de langage, déjà. Et dans Laurence Anyways, Laurence faisait aussi de la parole et de l’énonciation de la vérité une question de vie ou de mort : « Il faut que je te parle sinon je vais mourir » disait-il ainsi.
Placé sous le sceau de la mort et de la fatalité, Juste la fin du monde n’en est pas moins parsemé de scènes étincelantes. Ainsi, quand Louis s’évade dans le passé, tout s’éclaire et rend le présent encore plus douloureux. La musique, de Gabriel Yared, somptueuse, apporte une note romanesque à l’ensemble, et des musiques judicieusement choisies et placées, souvent diégétiques, constituent des entractes musicaux et des échappées belles et lumineuses, presque oniriques, qui nous permettent de respirer comme cette chorégraphie de la mère et de la sœur de Louis sur un tube d’O-Zone ou lors de réminiscences d’un amour passé sublimé par le souvenir.
Une fois de plus Xavier Dolan nous envoûte, électrise, bouleverse, déroute. Sans doute le film le plus intense de ce Festival de Cannes 2016, mais aussi le plus intense de Xavier Dolan, dans lequel chaque seconde, chaque mot ou plus encore chaque silence semblent vitaux ou meurtriers. J’en suis ressortie épuisée, éblouie, en larmes, après une fin en forme de valse de l’Enfer qui nous embrasse dans son vertige étourdissant et éblouissant, un paroxysme sans retour possible. Comme une apothéose : une fin du monde. Comme le bouquet final d’une démonstration implacable sur la violence criminelle de l’incommunicabilité. Tellement symptomatique d’une société qui communique tant et finalement si mal, incapable de dire et d’entendre l’essentiel ( ce qu’avait aussi si bien exprimé un film primé du prix de la mise en scène à Cannes, en 2006, Babel).
Xavier Dolan se fiche des modes, du politiquement correct, de la mesure, de la tiédeur et c’est ce qui rend ses films si singuliers, attachants, bouillonnants de vie, lyriques et intenses. Que, surtout, il continue à filmer les personnages en proie à des souffrances et des passions indicibles, qu'il continue à les filmer ces passions (et à les soulever), à préférer leur folie à « la sagesse de l’indifférence », c’est si rare... Surtout qu’il continue à laisser libre cours à sa fougue contagieuse, à son talent éclatant et iconoclaste, à nous emporter, nous happer dans son univers, et à nous terrasser d’émotions dans ses films et sur scène, comme lors de son discours de clôture, grand et beau moment qui a marqué la fin de ce 69ème Festival de Cannes :
« L’émotion ce n’est pas toujours facile, il n’est pas toujours facile de partager ses émotions avec les autres. La violence sort parfois comme un cri. Ou comme un regard qui tue ». « J’ai tenté au mieux de raconter les histoires et les émotions de personnages parfois méchants ou criards mais surtout blessés et qui vivent comme tant d’entre nous dans le manque de confiance dans l’incertitude d’être aimé. Tout ce qu’on fait dans la vie on le fait pour être aimé, pour être accepté. » […] « Plus je grandis plus je réalise qu’il est difficile d’être compris et paradoxalement plus je grandis et plus je me comprends et sais moi-même qui je suis. Votre témoignage, votre compréhension me laissent croire qu’il faut faire des films qui nous ressemblent, sans compromis, sans céder à a facilité, même si l’émotion est une aventure qui voyage parfois mal jusqu’aux autres, elle finit toujours par arriver à destination. J’étais ici il y a deux ans et je vivais un événement déterminant dans ma vie et en voici un autre qui changera encore mon existence. La bataille continue. Je tournerai des films toute ma vie qui seront aimés ou non et comme disait Anatole France, je préfère la folie des passions à la sagesse de l’indifférence. »
Le film sortira en salles le 21 septembre 2016. Sans aucun doute y retournerai-je pour, à nouveau, être étourdie d’émotions par ce film palpitant. Merci Xavier Dolan et surtout continuez à oser, à délaisser la demi-mesure, la frilosité ou la tiédeur, à vous concentrer sur ceux qui voient ce que dissimulent le masque, la fantasmagorie, l’excès, la flamboyance et à ignorer ceux que cela aveugle et indiffère… et, surtout, continuez à nous foudroyer de vos coups que vous nous portez au cœur. En plein cœur.
Remarque : le film a été produit par Nancy Grant à qui on doit notamment la production de Mommy mais aussi du très beau Félix et Meirade Maxime Giroux.
J’ai vu ce film il y a une dizaine de jours et j’ai attendu pour vous en parler me disant que, peut-être, la magie qui n’a pas opéré lors de la projection se révèlerait à moi a posteriori… Alors ?
Le synopsis d’abord. «La La Land » nous emmène au cœur de Los Angeles, et suit deux personnages : une actrice en devenir prénommée Mia (Emma Stone) qui, entre deux castings, sert des boissons à des actrices dans la cafétéria où elle travaille, située dans les célèbres studios de la vil et Sebastian (Ryan Gosling), passionné de jazz et talentueux musicien, qui est contraint de jouer la musique d’ascenseur qu’il déteste pour assurer sa subsistance. Elle rêve de rôles sur grand écran. Lui de posséder son propre club de jazz. Elle aime le cinéma d’hier, lui le jazz qui, par certains, est considérée comme une musique surannée. Ces deux rêveurs mènent pourtant une existence bien loin de la vie d’artistes à laquelle ils aspirent… Le hasard les fait se rencontrer sans cesse, dans un embouteillage d’abord, dans un bar, et enfin dans une fête. Ces deux idéalistes tombent amoureux…
Le film débute par un plan séquence virevoltant, jubilatoire, visuellement éblouissant. Sur une bretelle d’autoroute de Los Angeles, dans un embouteillage qui paralyse la circulation, une musique jazzy s’échappe des véhicules. Des automobilistes en route vers Hollywood sortent alors de leurs voitures, soudain éperdument joyeux, débordants d’espoir et d’enthousiasme, dansant et chantant leurs rêves de gloire. La vue sur Los Angeles est à couper le souffle, la chorégraphie millimétrée est impressionnante et d’emblée nous avons envie de nous joindre à eux, de tourbillonner, et de plonger dans ce film qui débute par ces réjouissantes promesses. A ma grande déception, rien n’égalera ensuite cette scène époustouflante.
Après ses 7 récompenses aux Golden Globes, « La La Land » totalise 14 nominations aux Oscars : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur, meilleure actrice, meilleure chanson... Deux films seulement avaient auparavant atteint un tel nombre de nominations, « Titanic » de James Cameron en 1997 et « Eve » de Joseph L. Mankiewicz en 1951, un chef-d’œuvre passionnant, tableau cruel et lucide de la vie d’actrice. Décidément, les Oscars affectionnent les films sur le cinéma.
Le cinéma affectionne la mise en abyme, ce qui a d’ailleurs souvent produit des chefs d’œuvre. Il y a évidemment « La comtesse aux pieds nus » de Mankiewicz, « Etreintes brisées » de Pedro Almodovar « La Nuit américaine de Truffaut », « Sunset Boulevard » de Billy Wilder, « Une étoile est née » de George Cukor et encore « Chantons sous la pluie » de Stanley Donen et Gene Kelly, deux films auxquels « The Artist » de Michel Hazanivicius se référait également. Le film de Stanley Donen et Gene Kelly (comme beaucoup d’autres et comme le cinéma de Demy) est aussi largement cité dans « La la land » (comme dans la photo ci-dessous). Les points communs sont également nombreux entre La la land et « The Artist ».
« The Artist » raconte ainsi l’histoire de George Valentin (Jean Dujardin), une vedette du cinéma muet qui connait un succès retentissant…mais l’arrivée des films parlants va le faire passer de la lumière à l’ombre et le plonger dans l’oubli. Pendant ce temps, une jeune figurante, Peppy Miller (Bérénice Béjo) qu’il aura au départ involontairement placée dans la lumière, va voir sa carrière débuter de manière éblouissante. Le film raconte l’histoire de leurs destins croisés. Comme « La la land », « The Artist » est un hommage permanent et éclatant au cinéma. Hommage à ceux qui ont jalonné et construit son histoire, d’abord, évidemment. De Murnau à Welles, en passant par Borzage, Hazanavicius cite brillamment ceux qui l’ont ostensiblement inspiré. Hommage au burlesque aussi, avec son mélange de tendresse et de gravité, et évidemment, même s’il s’en défend, à Chaplin qui, lui aussi, lui surtout, dans « Les feux de la rampe », avait réalisé un hymne à l'art qui porte ou détruit, élève ou ravage, lorsque le public, si versatile, devient amnésique, lorsque le talent se tarit, lorsqu’il faut passer de la lumière éblouissante à l’ombre dévastatrice. Le personnage de Jean Dujardin est aussi un hommage au cinéma d’hier : un mélange de Douglas Fairbanks, Clark Gable, Rudolph Valentino, et du personnage de Charles Foster Kane (magnifiques citations de « Citizen Kane ») et Bérénice Béjo, avec le personnage de Peppy Miller est, quant à elle, un mélange de Louise Brooks, Marlène Dietrich, Joan Crawford…et nombreuses autres inoubliables stars du muet. Michel Hazanavicius signe là un hommage au cinéma, à sa magie étincelante, à son histoire, mais aussi et avant tout aux artistes, à leur orgueil doublé de solitude, parfois destructrice. Des artistes qu’il sublime, mais dont il montre aussi les troublantes fêlures et la noble fragilité. Parce qu’il est burlesque, inventif, malin, poétique, et touchant. Parce qu’il montre les artistes dans leurs belles et poignantes contradictions et fêlures. Rarement un film aura aussi bien su en concentrer la beauté simple et magique, poignante et foudroyante. Foudroyante comme la découverte de ce plaisir immense et intense que connaissent les amoureux du cinéma lorsqu’ils voient un film pour la première fois, et découvrent son pouvoir d’une magie ineffable, omniprésente ici.
Malheureusement je n’ai pas été foudroyée par « La La Land ». Bien sûr, les hommages à l’âge d’or de la comédie musicale se multiplient. Sebastian tournoie admirablement autour d’un lampadaire, référence revendiquée à « Singing in the rain ». Et les deux amoureux s’envolent dans les airs comme dans « Moulin rouge ». Deux exemples parmi tant d’autres. Chazelle, au-delà de la comédie musicale, rend aussi hommage à l’âge d’or hollywoodien tout entier notamment avec la scène de l’Observatoire Griffith, clin d’œil au chef-d’œuvre de Nicholas Ray, « La Fureur de vivre ». Et Mia cite « L’impossible Monsieur bébé », « Les Enchaînés », « Casablanca » sans parler de la réalisation qui rend elle aussi hommage au cinéma d’hier, fermeture à l’iris y comprise.
Si j’ai fait cette parenthèse, c’est en raison des nombreux points communs entre les deux films, deux films qui ont eu les honneurs des Oscars, et si le film de Michel Hazanavicius m’a transportée, emportée, enthousiasmée, même après de nombreux visionnages, celui de Damien Chazelle m’a souvent laissée au bord de l’autoroute…au point même (ce qui ne m’arrive quasiment jamais au cinéma) de parfois m’ennuyer. Paradoxalement, le film en noir et blanc de Michel Hazanavicius m’aura semblé plus étincelant que le film si coloré de Damien Chazelle. J’avais pourtant sacrément envie de les aimer ces deux rêveurs idéalistes, guidés par un amour et des aspirations intemporels.
C'est la troisième fois que Ryan Gosling et Emma Stone sont partenaires de jeu au cinéma après « Crazy, Stupid, Love » et « Gangster Squad ». Ici, c’est Emma Stone qui crève littéralement l’écran comme c’était d’ailleurs déjà le cas dans les films de Woody Allen « Magic in the moonlight » et « L’homme irrationnel ». Ici, elle est remarquable, notamment dans les scènes de casting, lorsqu’elle est écoutée d’une oreille distraite alors que le « casteur » regarde un assistant lui faire des signes derrière la porte tandis que face caméra elle passe d’une émotion à l’autre, et montre toute l’étendue de son talent, indéniable. Une des très belles scènes du film, d’ailleurs. Ryan Gosling réalise lui aussi une performance impressionnante ayant appris tous les morceaux de piano du film.
Damien Chazelle montre et transmet une nouvelle fois sa fascination pour le jazz, mais aussi pour les artistes qui endurent souffrances et humiliations pour tenter de réaliser leurs rêves. « Whiplash », le film précédent de Damien Chazelle, notamment couronné au Festival du Cinéma Américain de Deauville, est ainsi exemplaire dans sa précision et l’exigence à l’image de la musique qu’il exalte et sublime. Comme son personnage, Andrew Nieman (à une lettre près Niemand, personne en Allemand) qui semble avoir une seule obsession, devenir quelqu’un par la musique. Assouvir sa soif de réussite tout comme le personnage interprété par J.K Simmons souhaite assouvir sa soif d’autorité. Une confrontation explosive entre deux desseins, deux ambitions irrépressibles, deux folies. La réalisation s’empare du rythme fougueux, fiévreux, animal de la musique, grisante et grisée par la folie du rythme et de l’ambition, dévastatrice, et joue judicieusement et avec manichéisme sur les couleurs sombres, jusque dans les vêtements: Fletcher habillé en noir comme s’il s’agissait d’un costume de scène à l’exception du moment où il donne l’impression de se mettre à nu et de baisser la garde, Andrew habillé de blanc quand il incarne encore l’innocence puis de noir à son tour et omniprésence du rouge (du sang, de la viande, du tshirt d’un des « adversaires » d’Andrew) et des gros plans lorsque l’étau se resserre, lorsque le duel devient un combat impitoyable, suffocant. Le face à face final est un véritable combat de boxe (et filmé comme tel) où l’immoralité sortira gagnante : la dictature et l’autorité permettent à l’homme de se surpasser… La scène n’en est pas moins magnifiquement filmée transcendée par le jeu enfiévré et exalté des deux combattants.
Etrange critique me direz-vous que la mienne qui consiste à parler d’autres films pour donner mon opinion sur celui-ci. Peut-être, justement, parce que de là provient ma déception, après l’électrique et captivant « Whiplash » qui déjà évoquait -magnifiquement- les ambitions artistiques de ses personnages, et malgré tous les chefs-d’œuvre auxquels il se réfère ce « La La Land » ne m’a pas projetée dans les étoiles malgré la caméra virevoltante qui, constamment, cherche à nous étourdir et à nous embarquer dans sa chorégraphie.
Les personnages secondaires, comme le scénario, manquent à mes yeux de consistance pour être totalement convaincants. Sans doute me rétorquera-t-on que Mia et Sebastian sont tout l’un pour l’autre, et que le reste du monde n’existe pas pour eux et n’existe donc pas pour le spectateur. Si j’ai cru à l’amour de l’art de ces deux-là, je n’ai pas réussi à croire en leur histoire d’amour. Certes la sympathique mélodie composée par Justin Hurwitz nous trotte dans la tête longtemps après la projection. Certes le travail sur le son est intéressant et les transitions sont habiles (comme ce bruit de klaxon qui succède à celui du four qui siffle à nous percer les tympans). Certes certaines scènes sont particulièrement réussies (la scène d’ouverture, les castings de Mia, les plans de Sebastian jouant dans un halo de lumière, ou encore cet échange de regards chargés de regrets et, peut-être, de possibles).
Le film devient d’ailleurs intéressant vers la fin quand il évoque cette dichotomie entre les rêves et la réalité, les idéaux et les concessions à son idéalisme que nécessite souvent la concrétisation de ses rêves (dont on réalise alors qu’ils n’étaient qu’illusion d’un bonheur dont la réalisation des rêves en question a nécessité l’abandon comme le montre la séquence - déjà vue ailleurs mais efficace- de ce qu’aurait été la vie si…).
Sans doute la nostalgie d’une époque insouciante, l’utopie de revivre une période révolue où les spectateurs allaient au cinéma pour voir des "vedettes" glamours interprétant des personnages sans aspérités (dont les noms sur l’affiche suffisaient à inciter les spectateurs à découvrir le film en salles), évoluant dans un monde enchanté et enchanteur à la Demy (sans les nuances de ses personnages, plus complexes), sans doute le besoin de légèreté (dans les deux sens du terme), sans doute la rencontre entre une époque troublée, sombre, cynique, et un mélo coloré, léger, lumineux expliquent-ils le succès retentissant de ce film aussi bien en salles qu’aux Golden Globes et dans ses nominations aux Oscars. Comme un feu d'artifice qui nous éblouirait et, un temps, occulterait la réalité. Je n’ai pas succombé au charme, pourtant certain, de "La la land", peut-être parce que, à la joie feinte et illusoire, je préfère la mélancolie (qui y affleure un peu tard), mais ce n’est pas une raison suffisante pour vous dissuader d'aller le voir...
Alors que, au même moment, se déroulait au Lido la cérémonie des Globes de Cristal qui a semble-t-il été un véritable fiasco (ne manquez pas l'irrésistible vidéo de Fabrice Luchini), au Théâtre de la Madeleine avait lieu la 22ème cérémonie des Prix Lumières à laquelle j'ai eu le plaisir d'assister comme chaque année.
L’Académie des Lumières est composée d’une centaine de correspondants représentant plus de vingt pays.
Plus de 80 films concouraient pour les nominations aux Lumières. Après avoir incorporé la musique et le documentaire l’an passé, les Lumières de la presse internationale, créées en 1995 à l’initiative de Daniel Toscan du Plantier et du journaliste américain Edward Behr, ont réservé un prix pour la première fois au cinéma d’animation.
La cérémonie a rendu un hommage spécial à la comédienne Marion Cotillard et au délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, pour leur contribution au rayonnement mondial du cinéma français.
Les lauréats ont reçu une médaille en bronze florentin gravée, Toujours plus haut, sur le thème de l’envol et la liberté, offerte par la Monnaie de Paris.
En préambule de la cérémonie, présentée par Laurie Cholewa et Pierre Zeni, l’Académie a souhaité attirer l’attention, par la musique de Didier Lockwood et les portraits du photographe Etienne Chognard, sur la situation des migrants mineurs arrivés seuls à Calais, affrontant désormais un avenir plus qu’incertain.
Je dois avouer en revanche avoir été déçue du palmarès, notamment de l'absence de "Frantz" de François Ozon (également reparti bredouille des Globes de Cristal), pourtant LE film de l'année 2016 alors que "Elle", de Paul Verhoeven, a été plébiscité avec les prix du meilleur film, de la mise en scène et de la meilleure actrice, pour Isabelle Huppert. L'enthousiasme que suscite ce film me laisse totalement perplexe malgré la remarquable interprétation d'Isabelle Huppert.
Je me réjouissais également des nombreuses nominations pour "Mal de pierres" dont je vous avais dit tout le bien que j'en pensais lors de sa projection cannoise suite à laquelle le film avait été injustement méprisé. Là aussi, le film ést reparti bredouille.
Le prix du meilleur acteur est allé à Jean-Pierre Léaud, pour "La mort de Louis XIV", de Albert Serra, film primé également pour son image, signée Jonathan Ricquebourg.
Le film "Divines", de Houda Benyamina, a été distingué dans la catégorie du premier long métrage, et ses comédiennes Oulaya Amamra et Déborah Lukumuena se sont imposées comme révélations féminines. Damien Bonnard a été primé comme révélation masculine dans "Rester vertical", de Alain Guiraudie.
Bertrand Tavernier a été distingué pour son documentaire "Voyage à travers le cinéma français", et "Ma vie de Courgette", de Claude Barras, a reçu les prix de l’animation, qui été décerné cette année pour la première fois, et du scénario (Céline Sciamma).
Mon recueil de nouvelles vient de recevoir la note de 9/10 sur un blog littéraire. Merci au blog "Les livres de zélie" pour cette belle chronique dont figure un extrait ci-dessus, à lire en entier en cliquant ici.
Voilà qui fait plaisir après l'élogieuse chronique consacrée à mon premier roman sur le blog littéraire "Une femme et des livres" il y a quelques jours à retrouver en cliquant ici.
Merci aussi à ces deux blogueuses de m'avoir interviewée et permis d'évoquer notamment la genèse et les sujets de ces livres, deux interviews dans lesquelles je livre quelques confidences, à retrouver ici:
Etre publiée n'empêche pas de s'amuser à participer à des concours de nouvelles, comme celui-ci auquel j'ai tenté ma chance sur un coup de tête parce que j'aime le concept ludique du site qui l'organise et parce que la thématique me plaisait.
Les contraintes étaient les suivantes: le thème ("amour, c'est votre jour de chance") et la longueur du texte (poème ou nouvelle très très courte).
Avec ma nouvelle "L'être romanesque", je suis parmi les 60 finalistes (sur 630 participations) et parmi les 15 nouvelles sélectionnées pour être en finale par l'équipe éditoriale de Short Edition.
Les compteurs de votes repartent ainsi de zéro donc si le cœur vous en dit de lire et/ou de voter, c'est ici ou en cliquant sur l'image ci-dessus.