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A VOIR A LA TELEVISION : CRITIQUES DE FILMS - Page 35

  • Critique de LES MISERABLES de Tom Hooper à 20H55 sur Canal +

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    « Les Misérables » par Tom Hooper, « Gatsby le magnifique » par Baz Luhrmann, « L’écume des jours » par Michel Gondry : 2013 sera l’année des chefs d’œuvre de la littérature adaptés au cinéma. Si les adaptations foisonnent chaque année, celles-ci présentent la particularité d’être particulièrement attendues, chacune pour des raisons différentes. Pour ce qui concerne « Les Misérables », il s’agira de la 42ème adaptation du roman de Victor Hugo, réalisée cette fois par Tom Hooper (dont le précédent film « Le Discours d’un roi » avait été 12 fois nommé aux Oscars et notamment récompensé de ceux du meilleur film et de meilleur réalisateur) mais aussi l’adaptation de la comédie musicale d'abord mise en scène par Robert Hossein à Paris en 1980, (re)créée au Barbican Theatre de Londres le 8 octobre 1985 mais qui surtout, 27 ans après sa création londonienne, détient un record de longévité et de popularité inégalés dans le monde entier. Le scénario est signé ici William Nicholson d'après la comédie musicale éponyme précitée de Claude-Michel Schönberg, Alain Boublil et Herbert Kretzmer.

    Une adaptation doit toujours relever d’une symbiose fragile : entre l’interprétation et le point de vue sur une œuvre et la fidélité à l’auteur. Alors, en l’occurrence, est-ce une réussite ? Tom Hooper est-il parvenu à traduire toute la puissance émotionnelle, le discours social, philosophique, romantique des « Misérables » sans trahir l’essence de l’œuvre de Victor Hugo ? Etant toujours inquiète quand un tel chef d’œuvre est adapté au cinéma, et pas vraiment une inconditionnelle des comédies musicales, c’est avec réticence que je suis allée à la rencontre des ces « Misérables »…

    1815. Après 19 ans de bagne, le prisonnier 24601, Jean Valjean (Hugh Jackman), est relâché en liberté conditionnelle par Javert (Russell Crowe) chargé de la main-d’œuvre carcérale. Huit ans plus tard, ayant brisé sa conditionnelle, Jean Valjean est devenu un Maire de village et directeur d’usine respecté. Fantine (Anna Hathaway), une de ses ouvrières, travaille durement pour que sa fille illégitime, Cosette, bénéficie d’une éducation décente. Renvoyée pour avoir refusé les avances du contremaitre de l’usine et suite à la révélation de son secret par les autres ouvrières, Fantine doit vendre ses cheveux, ses dents et son corps pour gagner de l’argent et en envoyer à sa fille. C’est parmi les prostituées que Valjean la retrouve et lui promet de sauver Cosette de son destin tragique. Cette dernière se trouve chez les Thénardier (Helena Bonham Carter et Sacha Baron Cohen), deux escrocs tenanciers d’une auberge qui l’exploitent impitoyablement. Valjean va alors l’emmener et la prendre sous sa protection tandis que Javert le poursuit inlassablement…

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    Dans « Le Discours d’un roi », Tom Hooper avait fait le judicieux choix de l’intime, le monde extérieur et ses rumeurs étant étouffés par l’atmosphère ouatée et non moins redoutable des allées du pouvoir, filmant ce roi à portée d’homme avec ses angoisses et ses failles. Il n’apparaissait alors pas comme le puissant lointain éloigné de nous historiquement et humainement mais comme un homme devant affronter ses faiblesses en lesquelles chacun pouvait se reconnaître, Hooper mettant ainsi l’accent sur la résonance universelle de ces dernières. Et c’est finalement le même parti pris que celui de Tom Hooper pour ces « Misérables ». Tout en n’oubliant jamais le souffle épique de l’œuvre d’Hugo, il met avant tout l’accent sur son universalité et son humanité. La parole (chantée certes) est donc ici aussi, comme dans « Le Discours d’un roi », au centre du film. La détresse, la combattivité, le courage, l’amour proclamés en chansons par les personnages, sont filmés en gros plan, ce qui renforce le caractère d’universalité et d’intemporalité de ce roman de 1862. Quel meilleur moyen pour rendre hommage à l’œuvre d’Hugo ?

    Plutôt que de faire des mouvements de caméra grandiloquents et permanents pour donner une illusion de sens et pour anticiper toute accusation de théâtre filmé comme en abuse par exemple Baz Luhrmann, Tom Hooper a compris que c’était en leurs âmes que se centraient les combats de ses personnages, en plus des combats pour la liberté et l’égalité qui se livrent sur les barricades, ce qui n’empêche d’ailleurs pas certains plans plus larges, d’autant plus magnifiques et significatifs qu’ils sont d’une rareté avisée, parfois d’ un souffle épique d’une beauté ravageuse.

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    Plutôt que de créer des décors strictement réalistes, Tom Hooper avec l’aide notamment de sa chef décoratrice Eve Stewart et du directeur de la photographie Danny Cohen, a auréolé ce réalisme de couleurs grisâtres, d’une théâtralité revendiquée et d’une poésie sombre qui ne sont pas sans rappeler la beauté désenchantée du réalisme poétique des films de Marcel Carné, procurant au film une vraie «gueule d’atmosphère ». Y évoluent des personnages vêtus de costumes avec des dominantes de bleu, blanc, rouge qui rappellent leur combat mais aussi le célèbre « La Liberté guidant le peuple », le tableau de 1830 d’Eugène Delacroix dont Hugo s’est lui-même inspiré pour l’écriture des « Misérables » et auquel certains plans font explicitement référence.

    Bien sûr, la comédie musicale et donc le film ont pris des libertés avec le roman notamment en oubliant Waterloo (là où aussi Thénardier rencontre le père de Marius), l’évasion des galères, et Gavroche (étonnant Daniel Huttlestone) n’est pas immédiatement identifié comme le fils des Thénardier mais l’essentiel, l’âme, la beauté des personnages, l’humanité, le courage et la force de Valjean sont là et les thématiques de l’œuvre subtilement et magnifiquement mises en exergue.

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    La force épique nous saisit d’ailleurs dès les spectaculaires premières secondes qui nous montrent Jean Valjean au bagne face à un Javert intraitable mais Hooper n’a pas oublié que, comme l’écrit Hugo, « Les grands dangers sont au dedans de nous». Alors, certes, il met en scène le combat social et politique (n’oublions pas que Hugo était avant tout un auteur engagé et qu’il fut contraint 20 ans à l’exil), le combat entre Javert et Valjean mais surtout le combat des âmes et des contradictions humaines. Le combat de Jean Valjean entre le bien et le mal, sa rédemption jusqu'à son abnégation. Le combat de Javert entre le respect obsessionnel de la loi et l’indulgence morale que lui inspirera finalement Valjean, entre le devoir et la morale. Le combat entre la politique et l’amour pour Marius. Le combat des amours contrariées de Fantine ou Eponine.

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    A l’intelligence de la mise en scène, la puissance de la musique (tant pis si certains esprits cyniques et sinistres la trouvent sirupeuse), s’allient des performances d’acteurs impressionnantes avec un Hugh Jackman exceptionnel conciliant qualité du chant et de l’interprétation et devenant un Valjean par exemple très différent de Jean Gabin dans le film de Le Chanois de 1958 ou de Belmondo dans le film de Lelouch de 1995, moins en force physiquement peut-être mais d’une humanité brute et poignante. Je suis plus réservée sur le choix de Helena Bonham Carter et surtout de l’insignifiant Sacha Baron Cohen en Thénardier, lâches, vénaux et égoïstes mais surtout ici habillés et traités comme des personnages clownesques sans doute pour créer une respiration mais ce qui les rend finalement plus ridicules que redoutables, et finalement moins méprisables que dans le roman. Parmi le reste de la distribution, Eddie Redmayne (découvert dans « My week with Marilyn » de Simon Curtis dont il était la révélation) est un excellent Marius passionné, idéaliste et amoureux de la jeune Cosette (lumineuse et naïve Amanda Seyfried).

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    Quelle judicieuse idée en tout cas que d’avoir demandé aux acteurs d’interpréter en direct leurs chansons sur le plateau, cela contrebalance l’aspect artificiel du chant, renouvelle la comédie musicale au cinéma et s’il faut quelques secondes pour s’accoutumer à ce que tout soit chanté et à ce que la musique ne s’interrompe jamais, on oublie rapidement qu’il ne s’agit pas là de dialogues classiques grâce à l’interprétation, la discrétion habile de la caméra qui sait s’envoler quand il le faut, et le texte qui réinterprète Hugo sans le trahir.

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    « Les Misérables » récoltent 8 nominations aux Oscars : meilleur film, meilleur acteur, meilleure actrice dans un second rôle meilleurs décors, meilleurs costumes, meilleurs maquillages et coiffures, meilleur mixage de son, meilleure chanson et il semblerait qu’Anne Hathaway, il est vrai ici Fantine époustouflante et bouleversante notamment dans son interprétation de « I Dreamed a Dream », soit favorite. Après « Django unchained » de Tarantino et « Lincoln » de Spielberg (également nommés, avec 12 nominations pour le second), et maintenant avec ces « Misérables », entre lesquels il me serait bien difficile de choisir (de même qu’il sera difficile de départager Hugh Jackman et Daniel Day-Lewis en Lincoln), quel début d’année cinématographique enthousiasmant, après une année 2012 cinématographiquement médiocre !

    Un film d’une force émotionnelle rare qui a eu l’intelligence de ne jamais sacrifier les fondements de l’œuvre à l’impératif du divertissement et qui rend hommage à l’œuvre d’Hugo, traduisant sans les trahir son intemporalité et son universalité, son caractère à la fois romanesque, réaliste et épique, mais surtout la beauté de ses personnages, les combats auxquels leurs âmes tourmentées et la triste fatalité et leurs rêves brisés les confrontent. J’ai été emportée par cette adaptation à la fois originale et respectueuse de l’essence et l’âme des « Misérables ». Ne manquez pas ce grand et beau spectacle qui, je l’espère, vous donnera envie de relire Hugo et, en attendant sa sortie, allez voir la magnifique adaptation de « L’homme qui rit » par Jean-Pierre Améris, un autre roman de Victor Hugo, certes moins connu mais qui a aussi énormément inspiré le cinéma, une histoire d’amour absolu, idéalisée, universelle traitée comme un enchantement mélancolique et comme un conte funèbre et envoûtant.

    Sortie en salles : le 13 février 2013

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  • Critique de SUR LA ROUTE DE MADISON de Clint Eastwood à 15H25 sur France 2 ce 30 décembre 2013

    L’éphémère peut avoir des accents d’éternité, quatre jours, quelques heures peuvent changer, illuminer et sublimer une vie. Du moins, Francesca Johnson (Meryl Streep)  et Robert Kincaid (Clint Eastwood) le croient-il et le spectateur aussi, forcément, inévitablement, après ce voyage bouleversant sur cette route de Madison qui nous emmène bien plus loin que sur ce chemin poussiéreux de l’Iowa. Caroline et son frère Michael Johnson  reviennent dans la maison où ils ont grandi pour régler la succession de leur mère, Francesca. Mais quelle idée saugrenue a-t-elle donc eu de vouloir être incinérée et d’exiger de faire jeter ses cendres du pont de Roseman, au lieu d’être enterrée auprès de son défunt mari ? Pour qu’ils sachent enfin qui elle était réellement, pour qu’ils comprennent, elle leur a laissé une longue lettre qui les ramène de nombreuses années en arrière, un été de 1965… un matin d’été de 1965, de ces matins où la chaleur engourdit les pensées, et réveille parfois les regrets. Francesca est seule. Ses enfants et son mari sont partis pour un concours agricole, pour quatre jours, quatre jours qui s’écouleront probablement au rythme hypnotique et routinier de la  vie de la ferme sauf qu’un photographe au National Geographic, Robert Kincaid, emprunte la route poussiéreuse pour venir demander son chemin. Sauf que, parfois, quatre jours peuvent devenir éternels.

    Sur la route de Madison aurait alors pu être un mélodrame mièvre et sirupeux, à l’image du best-seller de Robert James Waller dont il est l’adaptation. Sur la route de Madison est tout sauf cela. Chaque plan, chaque mot, chaque geste suggèrent l’évidence de l’amour qui éclôt entre les deux personnages. Ils n’auraient pourtant jamais dû se rencontrer : elle a une quarantaine d’années et, des années auparavant, elle a quitté sa ville italienne de Bari et son métier de professeur pour se marier dans l’Iowa et y élever ses enfants. Elle n’a plus bougé depuis. A 50 ans, solitaire, il n’a jamais suivi que ses désirs, parcourant le monde au gré de ses photographies. Leurs chemins respectifs ne prendront pourtant réellement sens que sur cette route de Madison. Ce jour de 1965, ils n’ont plus d’âge, plus de passé, juste cette évidence qui s’impose à eux et à nous, transparaissant dans chaque seconde du film, par le talent du réalisateur Clint Eastwood. Francesca passe une main dans ses cheveux, jette un regard nostalgico-mélancolique vers la fenêtre alors que son mari et ses enfants mangent, sans lui parler, sans la regarder: on entrevoit déjà ses envies d’ailleurs, d’autre chose. Elle semble attendre Robert Kincaid avant même de savoir qu’il existe et qu’il viendra.

    Chaque geste, simplement et magnifiquement filmé, est empreint de poésie, de langueur mélancolique, des prémisses de leur passion inéluctable : la touchante maladresse avec laquelle Francesca indique son chemin à Robert; la jambe de Francesca frôlée furtivement par le bras de Robert;  la main de Francesca caressant, d'un geste faussement machinal, le col de la chemise de Robert assis, de dos, tandis qu’elle répond au téléphone; la main de Robert qui, sans se retourner, se pose sur la sienne; Francesca qui observe Robert à la dérobée à travers les planches du pont de Roseman, puis quand il se rafraîchit à la fontaine de la cour; et c’est le glissement progressif vers le vertige irrésistible. Les esprits étriqués des habitants renforcent cette impression d’instants volés, sublimés.

    Francesca, pourtant, choisira de rester avec son mari très « correct » à côté duquel son existence sommeillait, plutôt que de partir avec cet homme libre qui « préfère le mystère » qui l’a réveillée, révélée, pour ne pas ternir, souiller, ces 4 jours par le remord d’avoir laissé une famille en proie aux ragots. Aussi parce que « les vieux rêves sont de beaux rêves, même s’ils ne se sont pas réalisés ». 

     Et puis, ils se revoient une dernière fois, un jour de pluie, à travers la vitre embuée de leurs voitures respectives. Francesca attend son mari dans la voiture. Robert est dans la sienne. Il suffirait d’une seconde… Elle hésite. Trop tard, son mari revient dans la voiture et avec lui : la routine, la réalité, la raison.  Puis, la voiture de Francesca et de son mari suit celle de Robert. Quelques secondes encore, le temps suspend son vol à nouveau, instant sublimement douloureux. Puis, la voiture s’éloigne. A jamais. Les souvenirs se cristalliseront au son du blues qu’ils écoutaient ensemble, qu’ils continueront à écouter chacun de leur côté, souvenir de ces instants immortels, d’ailleurs immortalisés des années plus tard par un album de photographies intitulé « Four days ». Avant que leurs cendres ne soient réunies à jamais du pont de Roseman.  Avant que les enfants de Francesca ne réalisent son immense sacrifice. Et  leur passivité. Et la médiocrité de leurs existences. Et leur envie d'exister, à leur tour. Son sacrifice en valait-il la peine ? Son amour aurait-il survécu au remord et au temps ?...

    Sans esbroufe, comme si les images s’étaient imposées à lui avec la même évidence que l’amour s’est imposé à ses protagonistes, Clint Eastwood filme simplement, majestueusement, la fugacité de cette évidence. Sans gros plan, sans insistance, avec simplicité, il nous fait croire aux« certitudes qui n’arrivent qu’une fois dans une vie » ou nous renforce dans notre croyance qu’elles peuvent exister, c'est selon. Peu importe quand. Un bel été de 1965 ou à un autre moment. Peu importe où. Dans un village perdu de l’Iowa ou ailleurs. Une sublime certitude. Une magnifique évidence. Celle d’une rencontre intemporelle et éphémère, fugace et éternelle. Un chef d’œuvre d’une poésie sensuelle et envoûtante

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  • Critique de AUSTRALIA de Baz Luhrmann à 20H45 ce 29 déembre sur France 2

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     L’histoire se déroule à la fin des années 30. Lady Sarah Ashley, une aristocrate anglaise hautaine, capricieuse et arrogante (Nicole Kidman) -qui ressemble à s’y méprendre à Meryl Streep lorsqu’elle arrive au Kenya dans « Out of Africa »- arrive au cœur des paysages sauvages de l’Australie pour rejoindre son mari qu’elle soupçonne d’adultère, lequel tente, en vain, de vendre l’immense domaine qu’ils possèdent sur place : Faraway Dones. Elle ne tarde pas à découvrir que l’exploitation est au bord de la ruine et menacée par son propre contremaître, Neil Fletcher (David Wenham). Pour sauver le domaine, Sarah n’a d’autre choix que de s’allier à un cow-boy local, plutôt rustre, connu sous le nom de « Drover » (Hugh Jackman), et de parcourir avec lui des milliers de kilomètres à travers les terres aussi magnifiques qu’inhospitalières du pays afin de mener jusqu’à Darwin 1500 têtes de bétail.

    fox8.jpgL’histoire nous est contée en voix off par un enfant aborigène  à travers le regard duquel, enfantin et naïf, nous voyons toute l’histoire mais ce qui marque d’abord ce n’est pas cette voix enfantine, ce sont ces paysages à couper le souffle, ces images flamboyantes, cette photographie majestueuse et ces amples panoramiques et divers mouvements de caméra qui nous embarquent avec eux dans cette Australie rude et somptueuse, inhospitalière et enchanteresse. C’est un fascinant et éblouissant tourbillon pour nos yeux davantage aguerris à un cinéma de plus en plus et essentiellement réaliste.

    Le film porte bien son nom : c’est un véritable spot publicitaire pour l’office de tourisme australien sans compter que les deux acteurs principaux et le réalisateur sont, eux aussi, australiens. C’est pourtant au cinéma de l’âge d’or hollywoodien que Baz Luhrmann fait ouvertement référence, notamment à « Autant en emporte le vent » mais aussi à des films plus récents comme « Out of Africa » de Sydney Pollack. Les points communs et les références ne manquent pas : des caractères des personnages (Lady Sarah Ashley ressemble beaucoup, dans ses traits de caractère, à l’impétueuse Scarlett d’ « Autant en emporte le vent » et le viril, sauvage et romantique « Drover » à Rhett Buttler), à l’attachement à la terre, au discours sur l’émancipation de populations opprimées, en passant par les paysages grandioses, les scènes à grand spectacle (l’incendie de Darwin rappelant ainsi celui d’Atlanta), le mélange d’aventure et de drame.

    Le projet est donc particulièrement ambitieux et cela fonctionne parfaitement dans la première partie. On se laisse d’abord emporter avec bonheur par cette aventure exotique, rafraichissante, délicieusement naïve, empreinte de magie aborigène. Les personnages sont certes stéréotypés mais Baz Luhrmann, joue de ces stéréotypes (notamment lors d’une scène avec Hugh Jackman au ralenti que je vous laisse découvrir), anticipant et désamorçant les ricanements et les reproches qui pourraient lui être adressés, et gagnant ainsi notre complicité. Ni lui ni nous ne sommes dupes.

    fox10.jpgCe film qui voulait s’inscrire dans la lignée des « Lawrence d’Arabie », « Ben Hur » et autres « Titanic » avait donc a priori tout pour me plaire, et c’était d’ailleurs très bien parti, malheureusement il lui manque ce petit supplément d’âme ensorcelant dont l’absence résulte d’abord essentiellement de la facilité avec laquelle le couple de protagonistes franchit les obstacles, à commencer par ceux qui les séparent, et du trop grand nombre d’ellipses (malgré la durée du film). Leurs personnages évoluent, et même changent radicalement, si soudainement que nous avons du mal à y croire et à croire à leur histoire d’amour. Lady Sarah Ashley est aussi capricieuse, arrogante, égoïste, matérialiste, superficielle (rappelant Katharine Hepburn au début d’ «  African Queen ») qu’elle devient altruiste, compréhensive, désintéressée et généreuse. Son personnage évolue ( elle est transformée par la beauté dévastatrice des paysages mais aussi par sa rencontre avec le petit orphelin aborigène) et c’est tant mieux mais d’une manière si radicale que nous avons peine à y croire. Sans compter que le méchant est trop méchant pour être crédible mais en même temps…en même temps c’est aussi ce qui contribue au charme de ce film et j’ai alors rappelé à la rescousse fox2.jpgmon regard d’enfant, toujours prompte à se rallumer, pour voir ce film différemment : comme un conte de noël. D’ailleurs, il nous parle de magie, de magie aborigène mais aussi du magicien d’Oz (du même Victor Fleming qu’ « Autant en emporte le vent »). D’ailleurs il sort un 24 décembre. D’ailleurs il est tout public. D’ailleurs c’est aussi une leçon de géographie et d’Histoire. D’Histoire parce que nous apprenons beaucoup, d’abord sur la société ségrégationniste de l’Australie des années 30 et 40 qui interdisait les mariages entre blancs et aborigènes et dont les enfants n’avaient le droit de vivre ni parmi les blancs ni parmi leurs familles aborigènes. Ces enfants étaient alors placés dans des institutions d’Etat ou des missions religieuses et furent appelés les Générations Volées. Mais nous apprenons aussi que la ville de Darwin dut faire face aux bombardements japonais. En effet, en février 1942, les avions de guerre japonais, la flotte même qui avait attaqué Pearl Harbour, a attaqué Darwin, tuant 243 personnes et détruisant presque toute la ville.

    fox11.jpgAlors évidemment, la fin à multiples rebondissements totalement improbables et  évidemment heureux  (si bien qu’un grand nombre de journalistes a quitté la salle au premier d’entre eux, croyant la projection terminée…ou estimant en avoir assez vu) s’inscrit dans cette lignée de conte qui,  certes, avec des regards d’adultes, paraît exagérément mélodramatique et prévisible. C’est sans doute ce qui rend aussi « Autant en emporte le vent », « Out of Africa » ou même « Titanic » crédibles et touchants : leurs fins ouvertes et/ou dramatiques. Mais, après tout, ce ne sont pas des contes de noël…

    On peut aussi regretter que Baz Luhrmann n’ait pas fait preuve ici de la même fantaisie et de la même excentricité que celles dont il avait fait preuve dans « Moulin Rouge » qui lui avait valu 8 nominations aux Oscar. Il en avait d’ailleurs remporté deux. Son épouse Catherine Martin avait en effet été oscarisée pour les décors et les costumes dont elle est aussi la créatrice dans « Australia » et pour lesquels elle mérite sans nul doute d’être à nouveau récompensée.

    Au final un film flamboyant (au budget, tout de même, de 130 millions de dollars, plus gros budget alloué à un film australien) qui a le mérite d’être particulièrement ambitieux, de mêler les genres (peut-être trop : à la fois comédie au début, film d’aventure, fresque romanesque, drame, western, comédie romantique, conte…), de nous faire découvrir l’Australie dont il exalte brillamment la magnificence et l’immensité vertigineuse des décors, une fresque grandiloquente et excessive, parfois mièvre et sirupeuse aux acteurs, aux paysages et à l’histoire trop beaux, lisses et héroïques pour être vrais ( mais après tout cherche-t-on ici à « être vrai » ?) à voir avec des yeux d’enfants, et avec le recul dont le réalisateur a lui-même su faire preuve.

    fox9.jpgUn film qui certes n’arrive pas à la hauteur des films auxquels il se réfère, par manque de complexité des personnages et de l’intrigue, mais qui, tout de même, nous fait oublier ses 2H35. Ce qui n’est déjà pas si mal. Et à voir ma voisine de salle (dont j’ignore malheureusement le media, j’aurais été curieuse de lire ou entendre sa critique…) qui, avant que la projection ne débute, disait avec désinvolture ne pas aimer « ce genre de film », a terminé la projection finalement complètement scotché à l’écran, je me dis qu’il n’a pas totalement échoué…

    « La seule chose que l’on possède c’est sa propre histoire. Alors vouloir en faire une bonne histoire, désirer avoir une existence bien remplie, vivre une belle aventure, accepter d’affronter la peur pour ne pas tourner le dos aux possibilités que vous offre la vie… ». Ainsi Baz Lurhmann résume-t-il « Australia ». A vous de voir si cette belle aventure vous embarquera « somewhere over the rainbow » ou en tout cas dans les décors majestueux de cette Australie qui donnent indéniablement envie de partir à la  découverte de son Outback qu’il amorce  et à laquelle il incite magistralement.

    Bonus: retrouvez également ma critique de "The great gatsby" de Baz Luhrmann en cliquant ici.

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  • Critique de CHEVAL De GUERRE de Steven Spielberg à 20H55 sur Canal plus

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    Dans « La Liste de Schindler » et « Il faut sauver le soldat Ryan », Spielberg avait déjà retranscrit l’horreur ineffable de la guerre mais aussi les lueurs d’espoir ou d’humanité qui pouvaient en jaillir. Dans « Cheval de guerre » c’est à une autre guerre à laquelle il s’intéresse (la grande guerre) et à un autre style auquel il recourt (celui du conte) pour nous y plonger mais nous y retrouvons ces caractéristiques. C’est aussi d’une certaine manière une rencontre du troisième type, ou la rencontre avec un « ET » qu’il faut apprivoiser et qui recèle plus d’humanité que beaucoup d’hommes et qui, surtout, devient alors l’observateur de cette (in)humanité. Une morale simple avec laquelle Spielberg, pourtant, une fois de plus, parvient à emporter l’adhésion et l’émotion.

    Spielberg semblait donc être destiné à adapter le roman éponyme de  Michael Morpurgo, publié en 1982. « Cheval de guerre » est l’histoire d’une amitié à la fois exceptionnelle et universelle entre un jeune homme, Albert (Jeremy Irvine), et le cheval qu’il a dressé, Joey. La Première Guerre Mondiale va les séparer. Le père d’Albert (Peter Mullan) va devoir vendre Joey à un soldat de la cavalerie britannique. C’est à travers les aventures extraordinaires de Joey que nous allons alors suivre la guerre. Au cours de son périple, il croisera de nombreux destins et autant de regards sur la guerre, des destins que cet animal hors du commun changera : soldats de la cavalerie britannique, combattants allemands, un fermier français et sa petite-fille… Pendant ce temps, Albert, s’engage dans la guerre…ne désespérant pas de croiser un jour la route de Joey…

    Tout commence dans une magnifique campagne anglaise, celle du Devon, dans une chaumière qui semble tout droit sortie d’un conte de fées. C’est là que se déroulent les 45 premières minutes du film  (d’une durée totale de 2H27) qui servent d’exposition pour laisser le temps au lien exceptionnel entre Joey et Albert de se tisser. Même si je ne fais pas partie de ceux qui crient aveuglément au génie à chaque film de Spielberg, il faut lui reconnaître un incontestable talent de conteur qui n’en est que plus flagrant quand le conte est justement le genre choisi.

    Certains s’offusqueront ou se sont déjà offusqués du fait que la guerre y soit édulcorée. D’une part, ce n’est pas totalement vrai, d’autre part, c’est nier le parti pris entièrement assumé par Spielberg, celui d’un film familial (n’oublions pas que le roman a été publié chez Gallimard jeunesse et que le film est distribué par Disney). Et si ce n’est pas totalement vrai, c’est parce que si le film est certes destiné aussi à un jeune public, le génie de Spielberg (ne pas crier au génie à chaque fois ne m’empêche pas de le lui reconnaître de temps à autre, même souvent) est de nous faire comprendre toute l’horreur de la guerre, et de celle-là en particulier, notamment dans une scène d’une redoutable ingéniosité, celle où deux frères sont fusillés par les Allemands, deux enfants encore, fauchés en pleine innocence, ou comment l’aile d’un moulin dissimule l’horrible scène mais ne la rend pas moins effroyable. Alors, certes, il n’y a pas de bains de sang, ni même vraiment de sang, visibles, mais l’horreur des tranchées n’en est pas moins représentée. L’approche de l’ensemble est d’ailleurs délibérément plus picturale que réaliste.

    Après la longue exposition le film se divise alors en saynètes au gré des rencontres de Joey qui en est le fil conducteur et si cette exposition peut paraître un peu longue, sa nécessité apparaît alors pour nous faire comprendre la force du lien entre ces deux êtres, une amitié indéfinissable et inconditionnel. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que Richard Curtis ait participé à l’écriture. Le schéma pourrait être ainsi celui d’une de ses comédies romantiques : deux êtres que tout oppose apriori et sépare mais qui finiront (peut-être ) par se retrouver. La fin est d’ailleurs un magnifique hommage revendiqué à celle de la quintessence du film d’aventures romantique : « Autant en emporte le vent », avec lequel le film de Spielberg partage aussi cet hymne à la terre, cette terre que le héros n’aspire qu’à retrouver. Le héros, c’est ici ce « cheval de guerre », animal noble et fier, dans le regard duquel semblent passer une foule d’émotions, et une humanité poignante, la bonne idée étant de ne jamais tomber dans l’écueil de l’anthropomorphisme.

    Alors sans doute les éternels cyniques reprocheront-ils au film sa naïveté, d’ailleurs plus qu’une naïveté, une candeur totalement assumée, et ses bons sentiments. Loyauté, espoir, courage, amitié, ténacité sont ainsi à l’honneur. Malgré quelques longueurs (j’avoue avoir regardé ma montre dans la première partie), la deuxième partie de cette Odyssée au souffle épique qui la justifie d’ailleurs et la fait oublier, m’a totalement embarquée parce que si Spielberg est un talentueux conteur, il a aussi un talent incontestable pour faire naitre l’émotion (la musique de John Williams y est aussi pour beaucoup) qui culmine au dénouement et dans les dix dernières minutes, certes prévisibles, mais non moins réussies, et d’autant plus que Spielberg parvient une fois de plus à nous émouvoir avec le prévisible (là où, par exemple, Baz Luhrmann échoue dans un film d’aventures comme « Australia », et dire que ce dernier va faire une nouvelle adaptation d’un des plus grands chefs d’œuvre de la littérature quand la première était une telle réussite, je redoute le pire…).

    « Cheval de guerre » mériterait d’être vu rien que pour cette « chevauchée fantastique » (d’ailleurs on ressent toute l’admiration que Spielberg porte au cinéma du réalisateur du film éponyme) au cours de laquelle Joey va traverser les tranchées et la ligne de front, en emportant avec lui les barbelés, scène d’une terrible beauté à laquelle en succèdera une autre.  Une scène de paix, de courage et d’espoir bouleversante où deux hommes retrouvent leur humanité pour sauver un animal en plein chaos et en plein « No man’s land ».

    A noter les présences fortes de Peter Mullan et Niels Arestrup, deux figures paternelles. Le seul vrai bémol concerne le choix de la langue anglaise pour tous les acteurs qui aboutit parfois à des répliques alors ridicules quand un Anglais félicite un Allemand pour son Anglais, alors que tout le monde dans le film (Anglais, Allemands, Français) parle Anglais.

    « Cheval de guerre » n’en reste pas moins un grand spectacle familial au dénouement poignant, un hymne à la beauté de la nature mais aussi aux films d’aventures dont Spielberg est le maître incontestable nous le prouvant à nouveau ici nous laissant bouleversés, suscitant une émotion imprévisible avec le prévisible, nous faisant croire à l’impossible, et surtout à la force épique et émotionnelle du cinéma, ici agréablement dévastatrice, qu’il manie et suscite mieux que nul autre, par une mise en scène ample et flamboyante, et non moins à hauteur d’hommes, et par un don de conteur qui fait de cette fable une réalité plausible.

     6 nominations aux Oscars.

    Sortie en salles : le 22 février 2012

    Retrouvez également cette critique sur mon nouveau blog http://inthemoodlemag.com .

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  • Télévision - Critique de PLAYTIME de Jacques Tati à 20H45 sur Ciné + Classic

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    « Playtime », tourné entre 1964 et 1967 et sorti en 1967, est organisé en six séquences qui nous emmènent successivement à Orly, dans un dédale de bureaux, au salon des arts ménagers,  dans des appartements ultramodernes, au royal garden et dans un manège urbain. Ces scènes sont reliées entre elles grâce à l'utilisation de deux personnages qui se croiseront au cours du récit : Barbara, une jeune touriste américaine en visite à Paris et M. Hulot (Jacques Tati), qui a un rendez-vous avec un personnage important.

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    Si le film a été un retentissant échec à sa sortie et un véritable gouffre financier pour Tati   (il dut hypothéquer sa propre maison ainsi que les droits des « Vacances de Monsieur Hulot » et de « Mon oncle » ), il est aujourd'hui considéré comme un chef d'œuvre de l'histoire du cinéma qui a par ailleurs influencé de nombreux cinéastes : : de Truffaut (qui lui rend hommage dans « Domicile conjugal » reprenant le gag du fauteuil de « PlayTime ») à Lynch ou Kaurismaki.  Prévu pour 2,5 millions de francs, le budget de Playtime est ainsi passé de 6 millions en 1964 à plus de 15 millions en 1967. Pour l'occasion Tati avait fait reconstituer une ville moderne entière « Tativille ».

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    Peut-être comme moi la première fois où je l'ai vu serez-vous déconcertés par le refus de la narration classique, par cette sollicitation permanente de l'ouïe et surtout du regard, par cette responsabilisation du spectateur mais le monde de Tati mérite un deuxième voyage, une deuxième chance et surtout un deuxième regard.

    « PlayTime » qui est pourtant sorti en 1967, il y a donc plus de 40 ans, pourrait ainsi avoir été réalisé aujourd'hui tant il reflète notre époque contemporaine : une époque avide de transparence, d'exhibition (« nous appartenons à une génération qui éprouve le besoin de se mettre en vitrine » disait-il déjà) et souvent aveugle à ce qui l'entoure. Une époque tonitruante et sourde. Une époque utra « communicationnel » et parfois tellement égocentrique voire égoïste. Une époque ouverte et cloisonnée. Une époque où les technologies compliquent parfois les rapports humains alors qu'elles devraient les faciliter. Une époque d'une modernité  aliénante (de l'uniformisation de l'architecture au rôle de la télévision en passant par l'influence de la société de consommation), déshumanisante et parfois inhumaine. C'est tout ce que Tati savait déjà si bien tourner en dérision et envelopper dans un vaste manège parfois (contrairement à ce qu'on pourrait croire) plus désenchanté qu'enchanté, en tout cas enchanteur. Le premier plan sur l'immeuble gigantesque, en contre-plongée est ainsi le reflet, à la fois inquiétant et fascinant, de ce que représente la modernité pour Tati.

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    Quelle clairvoyance, quand il y a plus de 40 ans, Tati nous montre une société aseptisée, uniformisée, qui perd son identité et sa convivialité mais qui perd aussi la notion d'intimité (même si ici la transparence est un leurre, au propre comme au figuré), des vies standardisées, une société monochrome, un monde moderne qui aliène dans lequel « la vedette est avant tout le décor ». Les corps et décors sont alors pareillement soumis à la standardisation et à la répétition. « Playtime » a ainsi été tourné en 70mm pour montrer la démesure de l'architecture par rapport à l'homme.

     Quel cinéaste arrive aujourd'hui à construire des plans (souvent des plans séquence et des plans d'ensemble) d'une telle richesse, d'une  telle densité, d'une telle polysémie avec un tel travail sur le son, les couleurs, l'organisation en apparence désorganisée de l'espace, créant un univers tellement singulier à la fois absurde et clairvoyant, tendre et mélancolique ?

      PlayTime est un bijou burlesque, héritier de Keaton mais aussi de Chaplin avec ses objets métonymiques (canne, chapeau),  d'une beauté inégalée et qui nous embarque dans son univers aussi gris que fantaisiste, aussi absurde que réaliste : Tati met ainsi en lumière les paradoxes de notre société par un cinéma lui-même en apparence paradoxal, mais savamment orchestré.

    Ah, la séquence du Royal Garden! Quelle lucidité. Quelle drôlerie ! Quel discernement ! Quelle folie savante et poétique ! Quel sens du détail ! 45 minutes d'une inventivité et d'une intelligence jubilatoires et incomparables ! Et quelle confiance accordée au spectateur qu'on cherche si souvent aujourd'hui à infantiliser et quelle confiance accordée à son regard qu'on cherche si souvent à dicter... Un tourbillon spectaculaire, une récréation savoureuse dont le spectateur fait partie intégrante.

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     Tati se fait chorégraphe et maître de ballet de son univers labyrinthique si particulier et fascinant, tout en folie, déplacement et transparence, avec ses mouvements qui épousent d'abord les lignes architecturales puis qui prennent leur liberté, leur envol et deviennent plus audacieux comme une invitation à ne pas se laisser emprisonner par les lignes du décor et donc à se désaliéner de la modernité dans laquelle Paris n'est plus qu'un reflet inaccessible et nostalgique. L'artiste prend alors le pas sur les lignes rectilignes et glaciales de l'architecture. Tati s'inspire lui-même de plusieurs peintres : Mondrian, Klee, Bruegel...Il tente alors de décloisonner et perturber l'espace.

    Au milieu de cette modernité intrigante, inquiétante, faîte de tant d'incongruités,  le spectateur est en permanence sollicité, surtout responsabilisé. Tati nous déconcerte et nous ensorcelle, nous interpelle et nous responsabilise, donc, et nous invite à voir la poésie, certes parfois désespérée, qui se cache derrière (et parfois émane de)  l'absurdité de la société et de l'existence modernes. Une invitation à un ballet de la modernité, lucide et ludique, d'une drôlerie burlesque et caustique, auquel vous pourrez assister au ciné club des Cinoches dimanche 13 juin à 21H.

    Le film a été restauré en 2002 pour plus de 800000 euros...

    BANDE ANNONCE DE PLAYTIME DE TATI

     

     FILMOGRAPHIE DE JACQUES TATI

     Né Jacques Tatischeff, le 9 octobre 1908 à Le Pecq (Yvelines ) et décédé le 5 novembre 1982 à Paris d’une embolie pulmonaire. Il a obtenu l’Oscar du meilleur film étranger pour « Mon Oncle » en 1959 et un César pour l’ensemble de son œuvre en 1977.

     En tant qu’acteur :

    Parade (1974), de Jacques Tati

    Trafic (1971), de Jacques Tati

     Playtime (1967), de Jacques Tati

     Mon oncle (1958), de Jacques Tati

     Les Vacances de M. Hulot (1953), de Jacques Tati

     Jour de fête (1949), de Jacques Tati

    Le Diable au corps (1947), de Claude Autant-Lara

     L'Ecole des facteurs (1947), de Jacques Tati

     Sylvie et le Fantôme (1945), de Claude Autant-Lara

     En tant que réalisateur :

     Parade (1974)

     Trafic (1971)

     Play Time (1967)

     Mon oncle (1958)

     Les Vacances de M. Hulot (1953)

     Jour de fête (1949)

     L'Ecole des facteurs (1947)

     Gai Dimanche (1936)

     Les Courts métrages de Jacques Tati

     En tant que scénariste :

     L'Illusionniste (2009), de Sylvain Chomet

     Parade (1974), de Jacques Tati

    Trafic (1971), de Jacques Tati

     Play Time (1967), de Jacques Tati

     Mon oncle (1958), de Jacques Tati

     Les Vacances de M. Hulot (1953), de Jacques Tati

     Jour de fête (1949), de Jacques Tati

      L'Ecole des facteurs (1947), de Jacques Tati

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  • Télévision - Critique de POLISSE de Maïwenn à 20H45 sur Ciné + Club

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    « Polisse » est le troisième long métrage de Maïwenn après « Pardonnez-moi » (2006) et « Le bal des actrices » (2009). J’étais restée particulièrement sceptique devant «Le Bal des actrices » , film sur les masques et les mensonges des actrices dans lequel Maïwenn nous impose sa propre vérité, un bal dont elle est la reine et la manipulatrice, un bal dans lequel le cinéma est montré comme un théâtre masqué, un monde de faux-semblants dans lequel les actrices sont toutes malheureuses, narcissiques, prétentieuses et pour se dédouaner de s'être attribuée le beau rôle, Maïwenn lors d'une scène finale (lors de laquelle toutes les actrices sont réunies pour voir son documentaire) devance toutes les critiques, ses actrices lui adressant les reproches que pourrait lui faire la critique. Bref, je craignais le pire avec le sujet ô combien sensible de ce troisième long métrage.

     

    Synopsis : « Polisse » suit le quotidien des policiers de la BPM (Brigade de Protection des Mineurs) : gardes à vue de pédophiles, arrestations de pickpockets mineurs, auditions de parents maltraitants, dépositions des enfants, les dérives de la sexualité chez les adolescents, mais aussi la solidarité entre collègues et les fous rires incontrôlables dans les moments les plus impensables. En parallèle, Maïwenn montre les répercussions sur la vie privée de chacun de ces policiers et l’équilibre précaire entre leur vie professionnelle et leur vie privée. Mélissa ( Maïwenn) est mandatée par le Ministère de l’Intérieur pour réaliser un livre de photos sur la brigade. Ce regard va révéler les fêlures de Fred (Joeystarr), le plus écorché vif de la brigade.

    Les premières minutes nous montrent une petite fille décrivant avec sa candeur enfantine les attouchements que son père lui a ou aurait fait subir (nous ne saurons pas vraiment). Quelques scènes plus tard, nous retrouvons les policiers de la BPM qui, à la cantine, racontent leurs histoires de couples, avec une certaine crudité, à la fois pour désamorcer la violence de ce qu’ils entendent au quotidien, mais aussi parce que cette violence a des répercussions inévitables sur leur vie privée.

    C’est avant tout eux que la caméra de Maïwenn va suivre, nous immergeant dans leur douloureux quotidien. Douloureux parce que difficile d’entendre des horreurs toute la journée et de ne pas en ressortir écorché, voire blessé, ou même meurtri. Douloureux parce que la vie privée devient chaotique quand la vie professionnelle est aussi rude et vorace, et exige un tel dévouement dont il est impossible de ressortir indemne. Douloureux parce que les blessures des autres ravivent les leur.

    Lors de la première projection à Cannes, je vous avais dit avoir été partagée entre émotion et scepticisme, agacement et admiration mais j’avoue que cette fois l’émotion et l’admiration ont dominé. Emotion parce que la caméra de Maïwenn capte et esquisse admirablement des portraits de pères, de mères, d’hommes, de femmes, d’enfants, désemparés face à la douleur indicible mais aussi la glaçante épouvante de ceux qui avouent les pires horreurs avec le sourire et une terrible « innocence », inconscients de celle qu’ils ont bafouée (Terrifiante déclaration du personnage d’Audrey Lamy inspirée comme tous les autres faits de ce film, de faits réels). Emotion parce qu’il est impossible de rester insensible devant, par exemple, cette scène douloureusement réaliste de cet enfant arraché à sa mère parce qu’il est impossible de leur trouver un foyer à tous deux. Emotion lorsque par un frôlement de main, une danse d’abandon, surgit une tendresse si longtemps contenue. Emotion parce que la scène finale d’une logique tragiquement implacable vous saisit d’effroi.

    Admiration parce que Maïwenn en quelques plans, parfois juste le temps d’une déclaration à la police, nous raconte toute une histoire, un passé sombre et un avenir compromis. Admiration parce qu’elle tire des acteurs et surtout actrices, le meilleur d’eux-mêmes : Sandrine Kiberlain bouleversante, Karin Viard insaisissable, touchante puis presque effrayante, et que dire de Marina Foïs, remarquable dans le rôle de ce personnage de policier, le plus intéressant, abimé, fragile, désorienté. Même Joeystarr dont la prestation dans « Le bal des actrices » ne m’avait pas convaincue, est ici particulièrement touchant dans son rôle de flic bourru au cœur tendre qui s’implique émotionnellement dans chaque « cas ».

    Alors pourquoi étais-je aussi sceptique et agacée suite à la projection cannoise ? Sceptique parce que le personnage qu’incarne Maïwenn qui se cache derrière ses grandes lunettes, son chignon, qui passe des beaux quartiers aux quartiers plus populaires, semble une nouvelle fois une manière de se dédouaner, de se donner le beau rôle, de se mettre en scène sans que cela soit forcément nécessaire. Il faut avouer que, suite à cette deuxième projection, j’ai trouvé que son personnage qui certes parfois sourit un peu trop béatement, apporte une certaine fraîcheur, un regard extérieur et est une vraie trouvaille scénaristique pour permettre au personnage de Joeystarr d’évoluer et de révéler une autre facette de sa personnalité. C’est aussi un moyen d’explorer à nouveau la mise en abyme. C'est d’ailleurs après avoir vu un documentaire à la télévision sur le travail des policiers chargés de protéger les mineurs, qu'elle a eu l'idée d'en faire un film.

    Agacée par ce style faussement réaliste (Lors de la conférence de presse des lauréats à Cannes, Maïwenn s’est énervée suite à la question d’un journaliste qui, à propos de son film, parlait de style semi-documentaire) qui recrée une réalité et forcément l’édulcore pour faire surgir une réalité qui forcément n’en est pas totalement une. Agacée parce que Maïwenn par moments semble nous refaire « Le bal des actrices » et plus soucieuse de leurs performances que du réalisme (peut-être aurait-il été plus judicieux d’utiliser uniquement des comédiens inconnus) mais après cette deuxième projection, je reconnais que tous les acteurs sans exception, sont absolument remarquables et que Maïwenn est incontestablement douée pour la direction d’acteurs sachant tirer ici le meilleur de chacun (les « témoignages » d’anonymes sont saisissants).

    Agacée parce que parfois la caméra s’attarde un peu trop, et nous prend en otage, ou parce que parfois elle semble privilégier ou du moins hésiter entre l’effet de style ou l’émotion et le réalisme (comme la scène des enfants qui dansent dans le bus). Agacée parce que, à l’image de son titre, cela frôle alors l’artificiel. Polisse écrit par un enfant. Polisse mais surtout pas « policé ». Polisse parce qu’il y avait déjà le PoliCe de Pialat.

    Avec ce troisième film, Maïwenn veut à nouveau faire surgir la vérité, « peindre les choses cachées derrière les choses » pour reprendre une célèbre réplique d’un non moins célèbre film de Marcel Carné. En voulant parfois trop mettre en valeur ses actrices (ou elle-même), elle nuit justement à cette vérité nous rappelant trop souvent que « c’est du cinéma », alors qu’elle retranscrit malheureusement surtout une sombre réalité. Il n’en demeure pas moins que c’est un bel hommage à ces policiers de la BPM, à leur dévorant métier et leur dévouement, un constat effroyable sur la noirceur humaine, et il n’en demeure pas moins que la fin est bouleversante de beauté tragique et de lyrisme dramatique : ces deux corps qui s’élancent, et font éclater ou taire la vérité, inadmissible, et éclater ou taire l’espoir. Un film agaçant, intense, marquant, bouleversant, parfois même (sombrement) drôle.

    A cette deuxième vision, la qualité de la réalisation (caméra nerveuse qui épouse la tension palpable), et surtout l’écriture m’ont particulièrement marquée, sans doute la raison pour laquelle Maïwenn condamnait cette définition de semi-documentaire. Le film est extrêmement construit, les dialogues sont particulièrement efficaces et sans doute certains les trouveront trop écrits, en contradiction avec l’impression de réalisme auquel ils ne nuisent néanmoins pas. Chaque scène de chaque personnage, qu’il soit au premier ou au second plan, dit quelque chose du dénouement concernant ce personnage et il faut dire que Maïwenn et sa coscénariste Emmanuelle Bercot manient brillamment le film choral aidées par un brillant montage qui fait alterner scènes de la vie privée et scènes de la vie professionnelle, les secondes révélant toujours quelque chose sur les premières, ces deux familles se confondant parfois. Pialat, Tavernier, Beauvois, Marchal avaient chacun à leur manière éclairer une facette parfois sombre de la police. Il faudra désormais compter avec le « Polisse » de Maïwenn dont le prix du jury cannois était en tout cas entièrement justifié.

    Cliquez ici pour lire le compte rendu de la conférence de presse cannoise de « Polisse ».

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  • Télévision - Critique de SLUMDOG MILLIONAIRE de Danny Boyle à 20H40 sur Paris Première

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    Jamal Malik (Dev Patel), 18 ans, orphelin vivant dans les taudis de Mumbai (Bombay), est sur le point de remporter la somme colossale de 20 millions de roupies lors de la version indienne de l'émission Qui veut gagner des millions ? Il n'est plus qu'à une question de la victoire lorsque la police l'arrête, celui-ci étant soupçonné de tricherie, dénoncé par le présentateur du jeu qui le méprise parce que son ascension et ses origines le renvoient aux siennes et surtout parce qu’il lui vole peu à peu la vedette. Devant alors justifier chacune de ses bonnes réponses, Jamal raconte son histoire, chacune des bonnes réponses étant liée à un souvenir, le plus souvent à un drame de son existence : de son enfance errante avec son frère en passant par sa rencontre avec cette petite fille dont il tombera amoureux et qu’il a perdue de vue… Les images de son interrogatoire alternent alors avec celles des flash-backs sur le jeu et sur son enfance…

     « Slumdog millionaire » est l’adaptation britannique du roman indien de Vikas Swarup intitulé « Les Fabuleuses aventures d’un Indien malchanceux qui devient milliardaire. »

     Un film qui déborde d'espoir et nous le transmet avec talent. C’est probablement ce qui explique le succès  de ce film (public et critique sans compter les nombreux prix qu’il a reçus comme les prix du meilleurs film, meilleur réalisateur et meilleur second rôle au British Film Award sans compter les Golden Globes dont il est ressorti grand vainqueur en remportant  4 prix : meilleur réalisateur, meilleur film, meilleur scénario, meilleur musique ) : son optimisme forcené et sa morale selon laquelle « tout est écrit » et selon laquelle les évènements les plus désespérés et désespérants de l’existence peuvent trouver une explication, une issue, et même contribuer à la chance et à l’espoir. Dans « Slumdog millionaire » rien n’est inexorable même d’accoler ces deux mots antinomiques (slumdog signifie littéralement chien des taudis).

      Ce film est en effet à l’image de l’oxymore qui lui sert de titre, plein de contrastes et de contradictions, qui, au lieu de nous agacer, nous charment et nous embarquent dans ce conte de fée hommage au cinéma de Bollywood.

     Dany Boyle, qui démontre une nouvelle fois son éclectisme, par une mise en scène, une musique, un montage nerveux, rythmés et même frénétiques transforme ce qui aurait pu être une guimauve  bollywoodienne (et cela, il faut l’avouer, malgré la psychologie parfois simpliste des personnages, les ellipses  et les revirements de situation abracadabrantesques) en une fable moderne et universelle, énergique et poignante, parfois drôle, qui ne nous laisse pas une seconde de répit et fait passer ces deux heures beaucoup trop vite.

     C’est parfois excessivement mélodramatique comme un film bollywoodien (surtout restez pour le générique de fin dans lequel il y est ouvertement rendu hommage) mais cela fonctionne parfaitement grâce au talent de Dany Boyle et à la force d’interprétation de ses jeunes comédiens, et grâce au cadre bouillonnant et coloré de Bombay mais aussi grâce à un scénario trépidant que certains ont trouvé répétitif mais dont la répétition constitue finalement  l’originalité initiale qui fait que nous ne relâchons pas notre attention une seule seconde.

     Et puis en toile de fond, véritable personnage du récit, il y a l’Inde, l’Inde inique et sublime, l’Inde aux couleurs si chatoyantes et photogéniques et l’Inde parfois si morose, l’Inde si colorée et parfois si sombre, l’Inde de tous les désespoirs et de tous les espoirs,  l’Inde intemporelle et l’Inde s’industrialisant à une vitesse phénoménale, les quartiers d’affaires remplaçant  les bidonvilles, l’Inde majestueuse et l’Inde où les enfants sont livrés à eux-mêmes et odieusement exploités : l’Inde, terre de contrastes et de contradictions elle aussi. L’Inde dont Dany Boyle met en lumière la magnificence mais aussi les failles et les injustices révoltantes.

     Dany Boyle exploite de nouveau les thèmes qui lui sont chers : l’argent et l’amour, le parcours de Jamal étant avant tout guidé par son histoire d’amour avec Latika (Freida Pinto) qui le conduit à vivre toutes ces aventures rocambolesques, à surmonter les obstacles, à croire en la chance et à nous convaincre que rien n’est impossible, que « Yes we can ».

     Tant pis pour les aigris que son rythme et son optimisme effrénés, peut-être même sa revigorante naïveté, auront laissé sur le bord de la route. Ce film, malgré ses défauts qui en font finalement aussi les qualités, m’a émue, emmenée dans un voyage époustouflant, touchant, drôle, universel et porteur d’un espoir communicatif et rien que cela, déjà, vaut vraiment le voyage. Un voyage, dont, je vous le promets, vous ressortirez émus et joyeux, en croyant que même deux réalités ou deux mots a priori inconciliables, comme Slumdog et millionaire, peuvent s’assembler.

     Bonus: cliquez ici pour voir Amitabh Bachchan, une des réponses au questionnaire de Jamal, véritable Dieu vivant du cinéma Indien (vous allez le voir et l’entendre, c’est impressionnant…) , que j’ai pu filmer lors de l’inauguration de feu Salon du Cinéma, lequel Salon rendait hommage au cinéma indien. Sur ce même article vous trouverez également un extrait de danses bollywoodiennes…

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