Avant-première – Critique de « L’Agence tous risques » de Joe Carnahan
L'adaptation des séries cultes est un exercice aussi difficile que désormais incontournable... et cela peut parfois donner d'excellents résultats comme pour « Mission impossible » ou un résultat désastreux comme pour « Drôles de dames ». Les années 80 constituent un véritable vivier pour producteurs en mal d'idées. Avec ses 96 épisodes tournés entre 1983 et 1987 et ses quatre lascars charismatiques il est même étonnant que « L'Agence tous risques » n'ait pas été adaptée plus tôt au cinéma tant cette série contenait tous les ingrédients d'un sympathique divertissement.
Dans l'adaptation cinématographique, nos quatre mercenaires ne sont plus des vétérans du Vietnam mais de la guerre en Irak emprisonnés pour un crime qu'ils n'ont pas commis. Ils s'évadent de prison et tentent de blanchir leurs noms auprès de l'armée américaine.
La comédie d'action, catégorie dans laquelle s'inscrit cette adaptation, est un genre périlleux puisqu'il faut savoir jongler entre deux genres a priori assez incompatibles. Il faut avouer que les scènes de comédie s'insèrent plutôt bien dans celles d'action, et permettent une salutaire respiration dans cette cavalcade effrénée, aveuglante et vaine de cascades et explosions.
L'autre principale difficulté consistait sans doute à faire oublier les quatre acteurs de la série, pari à moitié gagné...Si Liam Neeson, impressionnant colonel Hannibal Smith, parvient à faire oublier Georges Peppard ; si Bradley Cooper est plutôt convaincant dans le rôle de Futé ; le rôle du pilote fou tenu par Dwight Schultz dans la série et qui échoit à Sharlto Copley est en-deçà de son modèle même si son duo/duel avec Quinton Johnson (Barracuda) fonctionne plutôt bien, ce dernier étant néanmoins moins impressionnant que Mister T (Mais où sont passées toutes ses chaînes en or ?) et le contraste étant par conséquent moins saisissant entre les deux personnalités.
Comme toute adaptation de série télévisée qui se respecte, il faut d'abord présenter les personnages, scène expédiée en quelques plans dans une autre récente adaptation de série quand ici cela prend environ une vingtaine de minutes tandis que se déroule le générique le plus étiré de l'histoire du cinéma... Tout cela pour nous présenter nos quatre héros et prétexter des scènes d'action plus improbables et abracadabrantesques les uns que les autres.
Le problème avec ce genre de films c'est que la moindre tentative d'esquisse de début de commencement de réflexion du spectateur est totalement annihilée par un rabâchage explicatif teinté d'autosatisfaction avec petit flashback démonstratif de rigueur (ah vous avez vu l'imagination que nous avons déployée pour vous épater...). Quant au seul potentiel rebondissement, il est terriblement prévisible et tout est fait pour que le spectateur soit anesthésié par cet amas d'images hypnotiques et pour qu'il ne cherche pas à savoir ce qui se déroulera après.
Les scènes d'action sont donc certes spectaculaires, bruyantes et nous en mettent plein la vue mais elles semblent finalement n'être là que pour noyer notre attention dans un flot successif et indigeste et nous faire oublier la vacuité affligeante du scénario.
Enfin comme dans toute adaptation de série, la fin (qui aurait été d'ailleurs plus intéressante comme début) laisse place à une potentielle suite qui ne manquera pas de sortir sur nos écrans dans quelques années avec une nouvelle surenchère de scènes d'action ...
Bref, revoyez la série... délicieuse madeleine de Proust des années 80 et oubliez cette adaptation finalement anachronique... ou alors allez-y pour Liam Neeson qui parvient miraculeusement à nous épater et à rester digne, même là, encore et toujours !
Sortie en salles : le 16 juin 2010