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CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE EN 2010 - Page 5

  • Critique de « Amore » (Io sono l’amore) de Luca Guadagnino: peinture sublime, haletante et bouleversante d'un cinéaste cinéphile

    « Amore » (Io sono l’amore) de Luca Guadagnino était projeté en avant-première du Festival Paris Cinéma 2010, un film sublime, haletant, bouleversant pour lequel j'ai eu un véritable coup de coeur. Il ne sort que mercredi prochain (22 septembre) en salles mais je tenais à vous en parler dès maintenant. Vous n'aurez aucune excuse pour passer à côté de ce petit bijou, déjà sélectionné à Sundance à Venise.

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    Pour la première avant-première publique du Festival Paris Cinéma 2010, les organisateurs nous avaient réservé une belle surprise avec ce film italien qui débute dans la demeure des Recchi, grande famille industrielle lombarde, à l’heure d’un tournant pour la famille puisque le fondateur de l’entreprise lègue l’affaire familiale à son fils Tancredi et à l’un de ses petits fils, Edouardo. Emma (Tilda Swinton), l’épouse de Tancredi, qui l’a épousé des années auparavant pour échapper à sa vie en Russie, rencontre Antonio, un cuisinier, ami de son fils par lequel elle va être immédiatement attirée…

    Dès les premiers plans : la ville de Milan alors inhabituellement grisâtre et enneigée, ce repas aux rituels et au rythme d’un autre temps, les plans silencieux et les couloirs interminables qui évoquent la monotonie suffocante de l’existence d’Emma…, Luca Guadagnino nous plonge dans une atmosphère d’une intemporelle étrangeté. Elégante, digne, laissant à peine affleurer sa  mélancolie, Emma semble être à la fois présente et absente, un peu différente (malgré son souci apparent des conventions sociales). Sa rencontre avec Edouardo, et d’abord avec sa cuisine filmée avec sensualité qu’elle déguste avec gourmandise, va progressivement la transformer. Une passion irrépressible va s’emparer d’elle : pour cette cuisine qui réveille ses sens et pour Antonio, le jeune cuisinier.

    « Amore » est un film foisonnant : de références, de sensations, d’intentions, de styles. Brillantes références puisque « Amore » cite ostensiblement  «Le  Guépard » de Visconti que ce soit par le nom d’un des personnages « Tancredi » qui rappelle Tancrède (le personnage d’Alain Delon dans « Le Guépard ») , la famille Recchi rappelant celle des Salina, mais aussi par l’opportunisme et la fin d’une époque que symbolise Tancredi qui vend son entreprise pour cause de globalisation à des Indiens pour qui « Le capitalisme c’est la démocratie » tout comme le Prince de Salina laissait la place à Tancrède et à une nouvelle ère dans « Le Guépard ». A ce capitalisme cynique et glacial s’oppose la cuisine généreuse et colorée par laquelle Emma est tellement séduite.

     Puis de Visconti nous passons à Hitchcock. Le film glisse progressivement vers un autre genre. La musique de John Adams se fait plus présente, la  réalisation plus nerveuse. Emma arbore un chignon rappelant celui de Kim Novak dans « Vertigo » auquel une scène fait explicitement référence. La neige laisse place à un éblouissant soleil. Emma est transfigurée, libérée, moins lisse mais enfin libre comme sa fille qui comme elle échappera aux archaïques principes familiaux et sera transformée par l’amour.

    Malgré ses maladresses (métaphore florale un peu trop surlignée à laquelle Jean Renoir –comme bien d’autres- avait déjà pensé dans « Une Partie de campagne »), ce film m’a littéralement happée dans son univers successivement étouffant puis lumineux, elliptique et énigmatique et même onirique. Il est porté par Tilda Swinton, qui interprète avec retenue et classe ce personnage mystérieux que la passion va faire revivre, renaitre, retrouver ses racines, sa personnalité enfouies et par la richesse de son personnage qui va se libérer peu à peu de toutes contraintes : vestimentaires, physiques, familiales, sociales.

    De chronique sociale, le film se transforme en thriller dont on sait le drame imminent mais qui ne nous surprend pas moins. Les dix dernières minutes sont réellement sublimes et d’une intensité inouïe. Riches de symboles (comme cette chaussure que Tancrèdi remet à Emma, la renvoyant à cette contrainte sociale, alors que Edouardo lui avait enlevé avec sensualité l’y faisant échapper),  de douleurs sourdes (d’Emma mais aussi du troisième enfant de la famille, que la caméra comme le reste de la famille tient à l’écart), de révoltes contenues que la musique (qui rappelle alors celle d’Hermann dans les films d’Hitchcock), les mouvements de caméra saccadés, les visages tendus portent à leur paroxysme, nous faisant retenir notre souffle.

    La caméra d’abord volontairement distante puis sensible puis sensuelle de Guadagnino épouse les atermoiements du cœur d’Emma et crée intelligemment une empathie du spectateur pour cette dernière. Un film de sensations (visuelles, sonores -que ce soit dans l’utilisation judicieuse de la musique ou des silences-, et presque gustatives) visuellement magnifique, envoûtant, sensible, sensuel, onirique,  prenant, l’œuvre d’un cinéphile et d’un cinéaste qui nous enserre dans son univers avec une rare maestria. A voir absolument.

    Sortie nationale : 22/09/2010

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  • "La rivière Tumen" de Zhang Lu et "Poetry" de Lee Chang-dong en salles ce mercredi

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    Deux films asiatiques dont je vous ai déjà parlé sortent en salles cette semaine: le coréen "Poetry" pour lequel Lee Chang Dong a reçu le prix du scénario au dernier Festival de Cannes et "La rivière Tumen", film sino-coréen de Zhang Lu  qui a reçu une mention spéciale à la Berlinale 2010 (présenté dans la section "Génération") ainsi que le prix du jury et le Prix des Etudiants du Festival Paris Cinéma 2010.

     Des deux, je vous recommanderais le second, trouvant le premier largement surestimé et valant essentiellement pour son actrice principale (voir plus bas les quelques mots publiés au sujet du film suite à la projection cannoise).

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     La Rivière Tumen est celle qui marque la frontière entre la Chine et la Corée du Nord. C’est dans cette région au climat rigoureux de laquelle ses habitants cherchent à fuir que les drames se confrontent, que les incompréhensions et les malheurs s’entrechoquent. Un film judicieusement glacial et glaçant qui nous fait appréhender l’âpreté de la vie de ses habitants. Une vie qui semble sans espoir et dont la puissance du hors champ (que ce soit celui de la situation politique qui n’est que brièvement évoquée par le prisme de l’écran de télévision ou celui de drames personnels) renforce encore le sentiment d’oppression politique, sociale, physique. La rigueur de la mise en scène fait écho à la vie rigoureuse des habitants. La violence, subite, terrifiante, éclate comme un terrible appel à l’aide et le hors-champ comme un appel au regard, celui du reste du monde qui détourne peut-être parfois trop facilement les yeux.

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    Lee  Chang-dong est un habitué de la Croisette puisque, en 2000, il y présentait déjà son deuxième long-métrage, « Peppermint candy » adapté de l'un de ses romans (il fut d'abord écrivain)et puisque l'actrice Jeon Do-yeon a reçu le prix d'interprétation féminine en 2007 pour « Secret sunshine ». C'est cette fois avec « Poetry » qu'il revient en compétition officielle.

    Dans une petite ville de la province du Gyeonggi traversée par le fleuve Han, Mija vit avec son petit-fils, qui est collégien. C'est une femme excentrique, pleine de curiosité, qui aime soigner son apparence, arborant des chapeaux à motifs floraux et des tenues aux couleurs vives. Le hasard l'amène à suivre des cours de poésie à la maison de la culture de son quartier et, pour la première fois dans sa vie, à écrire un poème.
    Elle cherche la beauté dans son environnement habituel auquel elle n'a pas prêté une attention particulière jusque-là. Elle a l'impression de découvrir pour la première fois les choses qu'elle a toujours vues, et cela la stimule. Cependant, survient un événement inattendu qui lui fait réaliser que la vie n'est pas aussi belle qu'elle le pensait.

    Un film à la fois doux et âpre, sensible et violent dans lequel la poésie devient une arme contre l'oubli et le désarroi et un moyen de supporter les épreuves de l'existence (et il faut dire que Mija en traverse un certain nombre : elle apprend que son petit-fils est l'auteur d'un viol et dans le même temps qu'elle est atteinte de la maladie d'Alzheimer sans compter qu'elle est seule et sans argent, qu'elle fait des ménages pour vivre et qu'elle doit « dédommager » la mère de la victime de son fils...).

    Bel hommage au pouvoir salvateur des mots. Dommage qu'il y ait quelques longueurs, que les malheurs soient un peu trop chargés et que certaines scènes manquent de crédibilité : la résignation de la mère qui accepte d'être simplement dédommagée par les parents des enfants qui ont violé sa fille et l'ont poussée au suicide, ou ce soudain oubli de Mija comme par hasard lorsqu'elle vient d'apprendre qu'elle est atteinte de la maladie d'Alzheimer et alors que rien ne le laissait présager auparavant.

    Grand retour de la comédienne Yoon Hee-jeong absente des plateaux de cinéma depuis 15 ans, sa présence, son jeu tout en nuances, sont néanmoins le grand atout de ce film qui aurait  bien lui pu valoir un prix d'interprétation, plus justifié à mes yeux que le prix du scénario que le film a finalement reçu. Lee Chang-dong : indéniablement un grand directeur d'acteurs et un grand amoureux des mots...

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  • "Les amours imaginaires" de Xavier Dolan : critique, bande-annonce et photos du film

    Je vous ai déjà parlé de ce film  découvert en avant-première dans le cadre du Festival Paris Cinéma. En plus de ma critique, vous trouverez ci-dessous, des photos et la bande-annonce du film. Sortie  en salles :  le 29 septembre.

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    Critique "Les Amours imaginaires" : une grisante fantasmagorie

    Après « Amore », changement d’univers avec la seconde avant-première de cette première journée de festival, le très attendu « Les Amours imaginaires » de Xavier Dolan (titre qui aurait d’ailleurs très bien pu convenir au premier film précité) après son arrivée explosive dans le monde du 7ème art avec «  J’ai tué ma mère », film qu’il avait réalisé à 17 ans, présenté l’an passé à Cannes, à la Quinzaine des Réalisateurs où il avait obtenu trois prix, film que j’avais ignominieusement manqué. La rencontre de ces amours imaginaires (présenté à Cannes cette année dans la section « Un Certain Regard ») était donc aussi pour moi celle avec l’univers de Xavier Dolan.

    Francis (Xavier Dolan) et Marie (Monia Chokri) sont tous deux amis et épris du même jeune homme rencontré lors d’une soirée, Nicolas (Niels Schneider), et tous les deux bien déterminés à le conquérir, analysant, interprétant, scrutant obsessionnellement le moindre geste ou comportement de leur (obscur) objet du désir.

    Dès les premiers plans se dégage de ce film un charme irrésistible et surtout un ton, un style qui font souffler un vent d’air frais et revigorant sur le cinéma actuel.  Xavier Dolan est un vrai cinéphile et son film regorge de références cinématographiques   (entre les ralentis langoureux et poétiques à la Wong Kar Waï, les couleurs chatoyantes et la fantaisie jubilatoire à la Almodovar,  les plans de dos à la Gus Van Sant, les références à la Nouvelle Vague, au « Mépris » de Godard, un trio à la « Jules et Jim » de Truffaut ou encore des confessions face caméra qui rappellent Woody Allen) mais aussi picturales (Boticelli, Michel Ange) ou littéraire (Musset…).

    Que de brillantes références me direz-vous.  Tout cela aurait pu donner un film présomptueux mais Xavier Dolan, d’une part, a su assimiler toutes ces références pour créer son propre univers et d’autre part, y apporter une légèreté masquant savamment la mélancolie sous-jacente (que ne faut-il pas avoir souffert en amour pour faire preuve d’une telle maturité et clairvoyance  à seulement 21 ans!), que ce soit par les dialogues, légèrement précieux, souvent hilarants, toujours caustiques ou le jeu des comédiens (à commencer par lui-même mais surtout celui de Monia Chokri absolument irrésistible).

    La caméra de Xavier Dolan est au plus près des visages, ignorant le plus souvent le cadre spatial à l’image de cet amour obsédant qui rend Marie et Francis aveugles au monde qui les entoure. La mise en scène non seulement épouse le propos du film mais devient un élément scénaristique : puisque Marie et Francis se « font des films » (l’un se prenant pour James Dean, l’autre pour Audrey Hepburn), et sont enivrés par leur fantasmagorie amoureuse, par ce destructeur et grisant vertige de l’idéalisation amoureuse, le film en devient lui-même un  vertige fantasmatique. Cette soirée aux images syncopées rappelle ce vertige à la fois grisant et déstabilisant, ce manège qui rend si floue la frontière entre enchantement et désenchantement, rêve et illusion. Marie et Francis sont amoureux d’une chimère, d’une image,  d’un idéal, d’une illusion, de l’amour même qui prend ici les traits d’un bellâtre ambigu aux allures de Dieu Grec. L’histoire de notre trio est entrecoupée de « témoignages » face caméra de style documentaire de victimes d’illusions amoureuses, là aussi irrésistibles.

    Xavier Dolan a aussi en commun avec quelques uns des plus brillants réalisateurs auxquels il se réfère une bande originale particulièrement soignée, à l’image du film, mêlant modernité, et titres plus anciens, et musique classique : de Dalida qui reprend « Bang Bang » à Indochine jusqu’à « The Knife », « Fever Ray », « Vive la fête » en passant par Bach qui rappelle mélodieusement la douleur de ces irrépressibles et irrationnels élans amoureux, de ces amours qui rongent et enragent.

    Xavier Dolan est un véritable chef d’orchestre qui mêle les couleurs, les références les arts, un prodige du cinéma (à la fois monteur, scénariste, producteur, acteur, s’occupant aussi des costumes) faisant à la fois preuve de l’inventivité et de l’audace de sa jeunesse mais aussi d’une étonnante maturité. Déclaration d’amour au cinéma, déclaration de désespoir d’un amoureux désillusionné sous des allures de fable burlesque et hilarante, « Les amours imaginaires » est un film mélancoliquement caustique.

    Xavier Dolan signe là une fantasmagorie pop, poétique sur la cristallisation amoureuse, sur ces illusions exaltantes et destructrices, sublimes et pathétiques un film enivrant et entêtant comme un amour imaginaire… sans les effets secondaires. A prescrire donc et à très haute dose !

     

     

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  • « Crime d’amour » d’Alain Corneau avec Kristin Scott Thomas, Ludivine Sagnier, Patrick Mille… : dommageables imperfections d’un crime presque parfait

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    Alain Corneau possède une filmographie assez clairsemée mais riche de grands films aussi différents que « Police python 357 », « Le choix des armes », « Tous les matins du monde », « Fort Saganne » ou « Stupeurs et tremblements ». C’est le polar qui l’a fait connaître, genre dans lequel il excelle, mais son adaptation du roman d’Amélie Nothomb « Stupeurs et tremblements » est elle aussi remarquable dans l’ironie sombre et la dissection de la hiérarchie méthodique et maniaque de l’entreprise japonaise.

    « Crime d’amour » promettait donc de réunir le meilleur de ces deux genres puisque l’intrigue se déroule principalement dans les bureaux d’une multinationale où travaille Isabelle (Ludivine Sagnier), jeune cadre en apparence revêche, avec chemisier bien fermé et chignon de rigueur. Cette dernière éprouve une admiration inconditionnelle pour sa patronne Christine (Kristin Scott Thomas), glaciale et séduisante, en tout cas pour Isabelle troublée par sa présence. Un trouble dont Christine va se servir pour manipuler Isabelle mettant sa perversité au service de son ambition vorace jusqu’à humilier la jeune femme en public. Un jeu dangereux qui va se retourner contre elle : Isabelle va se révéler encore plus machiavélique. Quand Christine est retrouvée assassinée, tout l’accuse pourtant…

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    Le film débute sans préambule dans l’appartement de Christine qui se joue de la séduction qu’elle exerce sur Isabelle. Arrive alors l’amant de Christine, Philippe (Patrick Mille). Isabelle est doucement évincée. Les présentations avec le trio de ce cercle infernal sont ainsi expédiées. Le duo/duel entre Kristin Scott Thomas (toujours remarquable) et Ludivine Sagnier (toujours dans son rôle de fausse ingénue, toujours en surjeu) est assez réjouissant, les dialogues sont plutôt tranchants et l’entreprise un cadre judicieusement froid et aseptisé pour les enfermer progressivement dans cette prison rigide dont elle est à la fois l’objet et le cadre.

    « Crime d’amour » ne prétend pas au réalisme et ressemble à un schéma, visuellement et scénaristiquement : schéma du film noir, schéma de l’entreprise mais un schéma (a priori volontairement car par définition) sans âme.  L’absence de réalisme que ce schéma a pour conséquence est une convention qui peut être facilement acceptée mais quand elle se transforme en invraisemblance, elle perd le spectateur en chemin à force de TOUT vouloir lui montrer et expliquer. Ainsi, de victime naïve et enamourée, (certes poussée par la soif de vengeance et la honte) Isabelle (qu’on prend néanmoins bien soin de nous montrer telle une prédatrice lorsqu’elle se jette sur Philippe) va alors se transformer en assassin machiavélique faisant preuve d’un redoutable sang froid. A l’image de l’entreprise qui l’a engendrée : maniaque, froide, aseptisée, rigide, mais ne perdant jamais de vue son objectif.  

    Non seulement c’est invraisemblable mais en plus la justice et la police sont totalement ridiculisés.  Dommage : se faire passer pour coupable pour s’innocenter était une bonne et hitchcockienne idée seulement pour que le crime soit presque parfait, aurait-il fallu que les preuves pour désigner le faux criminel soient crédibles. Mais tout cela encore aurait pu passer si la deuxième partie n’avait été explicative à outrance, nous montrant par flashbacks ce que nous pouvions déjà nous satisfaire d’avoir depuis longtemps deviné, rappelant alors davantage les ficelles des séries policières en prime time (mais déjà datées) qu’un maître du polar.

    Restent la photo d’Yves Angelo qui souligne la mise en scène volontairement glaciale, les airs de jazz étrangement en dissonance,  Kristin Scott Thomas incisive, troublante, redoutable, parfaitement odieuse et Guillaume Marquet (finalement le personnage le plus intéressant). Un film anachronique qui ne tient pas ses (belles) promesses et pas à la hauteur de ses brillantes références : Clément et Lang. Ne vous trompez pas dans « le choix des armes » et revoyez plutôt le film éponyme sauf si vous êtes amateurs de séries policières d’un autre temps qui, malgré leurs défauts, peuvent s’avérer divertissantes. C’est parfois déjà beaucoup et bien suffisant…

    A lire aussi : la critique du « Deuxième souffle » d’Alain Corneau.

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  • Mercredi, ne manquez pas "L'Arbre" de Julie Bertuccelli avec Charlotte Gainsbourg

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    Cliquez ici pour lire ma critique de "L'Arbre" de Julie Bertuccelli suite à sa projection en clôture du Festival de Cannes.

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  • Critique de « Eyes of war » de Danis Tanovic avec Colin Farrell… : l’indélébile reflet de l’enfer

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    Huit ans après le succès (mérité) de “No man’s land” qui mêlait habilement humour noir et gravité (prix du scénario au Festival de Cannes et Oscar du meilleur film étranger en 2002), Danis Tanovic revient au sujet qui l’a fait connaître, la guerre, cette fois plus en Bosnie mais au Kurdistan où Mark (Colin Farrell) et David (Jamie Sives), photographes de guerre, sont envoyés en mission. Le premier recherche avec obsession et avidité le cliché qui le rendra célèbre; le second dont la femme, Diane (Kelly Reilly) est enceinte, est las de toute cette violence et souhaite que cette mission soit la dernière…

    Ayant débuté comme documentariste en Bosnie dont il est originaire, Danis Tanovic connaît ce dont il parle : cette soif insatiable et irrépressible d’images, plus forte que le dégoût inspiré par le désespoir et la violence. Cette trompeuse sensation que l’appareil photo protège de la périlleuse réalité. Et sans doute ce sentiment de culpabilité qui ronge et rend si âpre le retour à la vie « normale ».

    « Eyes of war » n’est pourtant pas un documentaire mais bel et bien une fiction dont cette plongée dans les yeux de la guerre et de l’horreur ne constitue que la première demi-heure même si des flashbacks nous y ramèneront, la suite se déroulant dans la grisâtre ville de Dublin, comme un écho à l’état d’esprit tourmenté de Mark.  De la Bosnie où un médecin aux frontières de la folie est obligé de tuer pour sauver des vies après une sélection des survivants d’une cruauté innommable, à l’Afrique où Mark se retrouve confronté à des charniers humains en passant par le Liban où un enfant meurt en partie par sa faute et sous ses yeux, la guerre apparaît dans toute son horreur dramatiquement universelle. Une guerre qui ne quitte jamais tout à fait ceux qui l’ont eue devant les yeux, et qui ne s’arrête surtout pas à la porte de leur domicile.  Mark et le personnage de Joaquin Morales (Christopher Lee) incarnent deux visages de cette guerre, complexes et à jamais marqués, et dont les effets ne s’arrêtent pas  au temps et au terrain du déroulement des conflits.

    Ces yeux de la guerre, ce sont ceux de Colin Farrell, décharné, amaigri de 20 kgs, portant en lui les stigmates psychiques indélébiles des conflits auxquels il a assisté et que son regard reflète de manière saisissante.  Il porte le film sur ses épaules accablées et malgré certaines lourdeurs scénaristiques et malgré certains inutiles effets de mise en scène en contradiction avec la dureté du sujet (sans doute aussi là pour l’atténuer), par l’intensité de son jeu, il le rend terriblement touchant.

    Dommage que Danis Tanovic s’interroge sur les motivations de Mark sans vraiment y répondre, préférant s’attarder sur les conséquences et le poids de la culpabilité (comme Jim Sheridan dans l’excellent « Brothers » il y a quelques mois). Un hommage aux meurtris de la guerre à travers le portrait émouvant et lucide des reporters de guerre et de  celles qui partagent leurs vies (ici interprétées par Paz Vega et Kelly Reilly toutes deux très justes ) dont les faiblesses scénaristiques et de mise en scène sont occultées par l’interprétation magistrale de l’acteur principal qui dans son regard si expressif reflète toute l’horreur ineffable d’images ineffaçables.

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  • Critique de « L’illusionniste » de Sylvain Chomet (sur un scénario de Jacques Tati) : un conte d’une tendre mélancolie

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    28 ans déjà que Jacques Tati est décédé, rendu néanmoins immortel par son incomparable et inoubliable personnage de Monsieur Hulot avec son  élégance maladroite, sa poésie burlesque et parfois mélancolique. En reprenant ce scénario inédit de Jacques Tati (dont il dit n’avoir modifié que 30%) Sylvain Chomet lui rend un vibrant hommage. Le personnage ne s’appelle pas ici Hulot mais Tatischeff (du vrai nom de Jacques Tati) et la longue silhouette hésitante et nonchalante rappelle davantage ce dernier que son personnage de Monsieur Hulot.

     C’est la fin des années 50 et le début d’une révolution pour le music hall avec le succès grandissant et incroyable du rock et la fin des numéros traditionnels comme celui de  Tatischeff, magicien à l’ancienne avec lapin de rigueur. Son public s’est clairsemé et les propositions de contrat se raréfient. Il part tenter sa chance à Londres où il connaît le même échec. Il se retrouve finalement dans le pub d’un village écossais où il rencontre Alice, une jeune fille pauvre et seule qu’il va prendre sous aile pourtant déjà bien fragile…

    Cet « Illusionniste » n’a rien à voir avec le film de Neil Burger de 2006 ni d’ailleurs avec les films d’animation actuels. A l’heure de la 3D, Sylvain Chomet signe des films d’animation à l’ancienne (comme un écho à l’univers de son personnage de Tatischeff) desquels se dégage un charme nostalgique.

    C’est évidemment un bonheur de retrouver la silhouette longiligne, élégante et si singulière de Jacques Tati même si ici le burlesque caractéristique du cinéaste n’est présent que par petites touches pour laisser la place à la mélancolie, la nostalgie, la gravité, la solitude, le pessimisme. C’est le triste constat de la fin d’une époque où la magie n’a plus sa place, où les ventriloques se retrouvent à la rue, où les clowns se pendent, saltimbanques d’un autre temps dévorés par une société de consommation vorace et impitoyable. C’est la mélancolie qui domine renforcée par l’atmosphère sombre et brumeuse d’Edimbourg où Sylvain Chomet a choisi de situer l’intrigue. La fin d’une époque. La fin d’un rêve. La fin des illusions, dans tous les sens du terme. Même Alice ne peut plus croire au pays des merveilles.

    L’hommage à Tati ne s’arrête pas au nom et à l’allure du personnage : des cadrages  (de pied, jamais de gros plan comme chez Tati) au manège urbain qui rappelle  Playtime, en passant par l’absence de dialogues aux quelques images de « Mon oncle » aperçues dans un cinéma dans lequel se retrouve Tatischeff, Sylvain Chomet distille de nombreux clins d’œil au cinéaste.

    Vous le savez peut-être, je ne suis pas une grande adepte de l’animation et je me prends à rêver de ce qu’aurait été ce film, sans aucun doute poignant, si Tati l’avait tourné, dans lequel lui aussi, à la manière de Chaplin nous aurait parlé des « Feux de la rampe » et de cette douleur incommensurable lorsqu’ils s’éteignent mais lorsque le cinéma nous abreuve de films qui rivalisent de surenchère dans l’hypnotisme visuel et sonore (comme )  la poésie mélancolique et nonchalante de Tati alliée à l’univers joliment nostalgique de Sylvain Chomet  font de  cette fantaisie poétique et tendre teintée de mélancolie et tristement drôle une respiration salutaire, nous laissant à la fois abattus et heureux. Abattus par tant d’illusions perdues et heureux de voir les derniers sursauts d’un monde et d’un cinéaste, irremplaçables et eux aussi disparus.

    Retrouvez aussi mon article consacré à l’exposition « Deux temps, trois mouvements » à la Cinémathèque et ma critique de "PlayTime" de Jacques Tati.

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