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CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE EN 2008 - Page 7

  • "Le code a changé" de Danièle Thompson

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    Dans le cinéma de Danièle Thompson, on retrouve souvent les mêmes "codes" : un film choral (« La bûche », « Fauteuils d’orchestre »…) qui voit se croiser les destins de plusieurs personnages, des personnages le plus souvent parisiens ou du moins vivant à Paris (Paris étant souvent un personnage à part entière) engoncés dans des conventions sociales ou dans leurs masques sociaux factices censés voler en éclats au cours du film. Le cadre de son nouveau film (le quatrième en temps que réalisatrice) est idéal pour ce jeu des apparences puisqu’il s’agit d’un dîner donné par ML (Karin Viard), avocate redoutable spécialisée dans les divorces, et son mari Piotr (Dany Boon), chômeur, le soir de la fête de la musique. Il y a là aussi : Jean-Louis (Laurent Stocker) qui a conçu la cuisine où se déroule le dîner et amant de ML, Juliette (Marina Hands), la sœur de ML accompagnée de son ami qui a l’âge d’être son père (Patrick Chesnais), son père justement (Pierre Arditi) à qui cette dernière n’adresse plus la parole depuis 2 ans caché dans une chambre de la maison pour ne pas croiser sa fille, Lucas, (Christopher Thompson) le futur collaborateur de ML et sa femme Sarah (Emmanuelle Seigner), Alain (Patrick Bruel) et Mélanie (Marina Foïs), le couple de médecins, lui cancérologue et elle gynécologue et enfin Manuela (Blanca Li), le professeur de flamenco de ML invitée au dernier moment.  Les angoisses et les secrets de chacun sont dissimulés par l’humour et les éclats de rires, par le rôle que chacun joue dans ce manège mondain. Le code c’est celui de l’hypocrisie, la bonne humeur, la cordialité… mais aussitôt le dîner terminé et le chemin du retour emprunté, les masques tombent…

    Qui n’est jamais allé à un dîner auquel il avait autant envie d’assister que de se pendre ? Qui n’a jamais jouer la comédie, sociale, donner le change pour sauver les apparences ? Sur une situation convenue à laquelle chacun peut s’identifier, Danièle Thompson fait du spectateur le 12ème invité, celui qui, voyeur, sait ce qui se trame derrière les masques souriants et derrière les plaisanteries qui ne sont finalement là que pour détourner l’attention.

    Danièle Thompson aime ses acteurs et le leur rend bien s’attachant à donner à chacun sa scène, son bon mot,  sa réplique qui fait mouche  au premier rang desquels Pierre Arditi (qui donne au film ses plus belles scènes dans son duo irrésistible avec Patrick Chesnais), Patrick Bruel, crédible et touchant en cancérologue jouant aux bons vivants en réalité dévoré par la souffrance à laquelle il fait face et face aux malheurs qu’il ne sait plus annoncer, Christopher Thompson et Emmanuelle Seigner en couple finalement plus mélancolique que réellement cynique et désabusé, chacun parvenant à sortir du stéréotype auquel le grand nombre de personnages et donc la nécessité de les rendre facilement identifiable aurait pu les réduire.  Les personnages sont finalement tous plutôt attachants et leurs fêlures plutôt attendrissantes.

     Le tout est particulièrement rythmé et nous fait passer un très agréable moment, seulement…seulement  les masques glissent et vacillent plus qu’ils ne tombent réellement, alors qu’on aurait parfois aimé les voir exploser (on n’est certes pas dans « Festen » ou dans « Pardonnez-moi »), chacun restant finalement retranché derrière ses codes, et la morale étant toujours sauve, finalement un peu trop. Le drame affleure, l’émotion parfois aussi, mais on reste finalement toujours dans la comédie et le vaudeville. A vouloir aborder trop de thèmes ( la maladie, le deuil, le mensonge, la rancœur, la vie, la mort…) dans un temps trop court, les ellipses sont inéluctables et parfois frustrantes, faisant perdre de l’épaisseur à certains personnages et à certaines situations.

     Pour ne pas donner un sentiment de théâtre filmé et pour renforcer cette impression de manège et de valse des apparences, la caméra de Danièle Thompson virevolte habilement  entre les invités nous faisant passer d’une conversation à une autre, jonglant savoureusement entre les répliques, et entre les temporalités, ne laissant aucun temps mort, et mettant ainsi en exergue les contradictions de chacun, l’absurdité que le code social donne parfois aussi à la situation.

     Dommage que la fin nous laisse un sentiment d’inachevé. Dommage aussi que la fête de la musique propice à apporter un élément poétique ne soit ici qu’un élément perturbateur.  Voilà un film qui ferait une excellente pièce de théâtre dont on quitte finalement ses personnages à regret.

  • « Doute » de John Patrick Shanley

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    L’intrigue se déroule en 1964, dans une école catholique du Bronx. Le père Flynn (Philip Seymour Hoffman), un prêtre de la paroisse, est soupçonné par la Sœur Aloysius (Meryl Streep), directrice de l’école, d’avoir fait subir des attouchements à un garçon noir de 12 ans. Malgré ses doutes sur la moralité du prêtre, cette dernière n’arrive pas à réunir les preuves nécessaires à son renvoi. Quand la naïve sœur James (Amy Adams) vient lui raconter un évènement impliquant le père Flynn et un garçon de l’école, pour la Sœur Aloysius, c’est là la confirmation à ses soupçons qu’elle attendait pour forger définitivement son intime conviction. Entre le père Flynn et la sœur Aloysius va alors s’engager une véritable bataille, une bataille où s’affronteront aussi doute et certitudes, les leurs, ceux de l'influençable sœur James partagée entre les deux...et les nôtres.

    « Doute » est le deuxième film de John Patrick Shanley et une adaptation de la pièce intitulée « Doute :  A Parable » qu’il avait lui-même écrite et qui avait remporté le prix Pulitzer en 2005.

     A priori, le doute est un sujet éminemment cinématographique, le cinéma étant aussi un art de la manipulation, jonglant avec la vérité, avec notre perception, avec nos certitudes. Si le sujet aurait rapidement néanmoins pu s’avérer ennuyeux, notamment grâce à une mise en scène (certes relativement théâtrale, mais qui sied ici parfaitement au sujet et au duel entre le prêtre et la soeur) essentiellement destinée à mettre en valeur le jeu des comédiens, et ce qui les oppose, et grâce à une réalisation judicieusement glaciale à l’image de l’austérité des lieux , nous sommes rapidement captivés par ce combat en huis-clos sans merci dont la vérité ne surgira pas forcément.  Avec beaucoup d’austérité et de pudeur, « Doute » aborde plusieurs thèmes que l’Eglise est plutôt réticente à aborder. Ce ton aride ne donne que plus de force au propos. 

    Tout est fait pour ébranler nos certitudes.  Le père Flynn apparaît d’abord comme un prêtre progressiste (il fume, les repas sont gais et animés etc) et altruiste et la sœur Aloysius, par opposition, comme une religieuse rigide et intolérante (les repas se font en silence, et une institutrice qui a des sucreries dans son bureau est déjà pour elle la pire des pécheresses). Quelques éléments nous laissent néanmoins penser que la revêche sœur Aloysius n’est pas aussi impitoyable qu’elle le laisse croire, notamment par l’intérêt qu’elle porte à une sœur âgée et presque aveugle. (La scène du repas est de ce point de vie très réussi, nous montrant ses deux visages, le doute commençant ainsi à s’immiscer dans l’esprit du spectateur). La sœur Aloysius s’humanise peu à peu  et le père Flynn commence à ne plus nous paraître aussi irréprochable. Alors, le père Flynn est-il la victime innocente de l’intime conviction quasiment fanatique et obsessionnelle de la sœur Aloysius ou est-il réellement coupable des atrocités dont elle le soupçonne ?

    Chaque geste, chaque parole, mêmes les plus simples et anodins révèlent alors leur ambiguïté et détruisent la moindre certitude à peine esquissée, démontrant les dangers et la relativité de l’intime conviction. Le spectateur est alors balloté entre les certitudes de la sœur Aloysius et les certitudes que lui inspirait tout d’abord le père Flynn.

    John Patrick Shanley, signant un véritable plaidoyer contre les ravages de l’intime conviction, a ainsi choisi de ne jamais prendre parti, nous laissant sur notre faim, mais allant finalement ainsi jusqu’au bout de son idée et de son thème. Toutes les scènes qui auraient pu nous donner de véritables indices sont ainsi éludées, l’ellipse renforçant le doute. Alors que le cinéma prend de plus en plus le spectateur par la main, lui dictant ce qu’il doit voir, ce qu’il doit penser, c’est finalement plutôt agréable d’être ainsi responsabilisé,  d’affronter seul ses propres doutes.

    « Doute » vaut à Meryl Streep sa 15ème nomination aux Oscars. (Philip Seymour Hoffman est également cité comme meilleur acteur ainsi que Amy Adams et Viola Davis comme meilleures actrices dans un second rôle. Enfin, John Patrick Shanley est nommé pour le meilleur scénario adapté). Elle prouve ici une nouvelle fois l’énorme étendue de son jeu après « Mamma mia », un rôle aux antipodes de celui-ci, même si, en l’espèce, son jeu et le doute y auraient peut-être gagnés avec un peu plus de nuance. Philip Seymour Hoffman, quant à lui, remarquable instille juste ce qu’il faut de trouble et de troublant  pour faire naître le doute dans notre esprit.

    Certes, la deuxième partie n’est pas à la hauteur du début qui instaure une tension, un suspense, un climat de suspicion très prometteurs et palpitants mais pas suffisamment pour que je ne vous recommande pas ce film. Sans aucun doute.

    Sandra.M

  • "La petite fille de la terre noire" de Jeon Soo-il: le Grand Prix du Festival du Film Asiatique de Deauville 2008 en salles cette semaine

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    Mercredi est sorti en salles le film " La petite fille de la terre noire" de Jeon Soo-il, un film présenté en compétition du Festival du Film Asiatique de Deauville 2008 où il a obtenu le Grand Prix et dont je vous avais parlé alors.

    Cliquez ici pour voir ma courte (festival oblige!) critique de "La petite fille de la terre noire".

    Cliquez ici pour voir le palmarès en photos  et vidéos du 10ème Festival du Film Asiatique de Deauville.

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  • "L'étrange histoire de Benjamin Button" de David Fincher

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    L’existence de Benjamin Button (Brad Pitt) débute à la Nouvelle Orléans à l’âge auquel elle s’achève pour certains : à 80 ans. Il nait avec le corps d’un vieillard rabougri et il rajeunit progressivement sans que rien ne puisse arrêter l’impitoyable course du temps. Sa mère meurt en lui donnant la vie. Son père (Jason Flemyng), effrayé par cet être étrange, le dépose sur les marches d’une maison de retraite (ce n’est évidemment pas anodin) où il sera recueilli par la charmante Queenie (Taraji P.Henson), il grandira au contact des autres pensionnaires.

     

     Son histoire est lue dans une chambre d’hôpital par une fille (Julia Ormond) à sa mère Daisy (Cate Blanchett), une vieille dame à l’agonie qui possède le journal intime de Benjamin. Cette vieille dame est la femme dont Benjamin est tombé amoureux dès qu’il l’a vue, alors qu’elle n’était qu’une petite fille, la petite fille d’une des pensionnaires de la maison de retraite.

     

    Tandis qu’à l’extérieur de l’hôpital l’ouragan Katrina gronde, la lecture déroule le cours de cette étrange vie à rebours, de 1918 à nos jours…

     

    Adaptée d’une nouvelle de Scott Fitzgerald écrite en 1922, « L’étrange histoire de Benjamin Button »  (elle-même inspirée d’une pensée de Mark Twain : «  La vie serait bien plus heureuse si nous naissions à 80 ans et nous approchions graduellement de nos 18 ans ») est avant tout une idée prodigieuse, une métaphore magistrale sur la course-évidemment perdue d'avance- contre le temps, contre la mort, une brillante allégorie sur l’effroyable écoulement de temps. En cela, la très alléchante bande-annonce est à la fois fidèle et trompeuse. Fidèle en ce qu’elle reflète le sujet du film. Trompeuse en ce qu’elle n’en reflète que partiellement l’atmosphère, violemment mélancolique.

     

    Plus que quiconque, Benjamin se sait condamné par l’inéluctable compte à rebours mais aussi condamné à profiter intensément de chaque instant. Son existence est jalonnée de rencontres insolites, touchantes, marquantes (parmi lesquelles celle avec le troublant personnage  incarné par la talentueuse Tilda Swinton) inéluctablement tragiques car prisonnières de l’emprise du temps.

     

    Le film aurait pu être outrancièrement mélodramatique mais l’écueil est brillamment évité : toutes les morts surviennent hors-champ. Benjamin grandit et rajeunit pourtant entouré par la mort comme si un autre cyclone balayait son entourage. David Fincher n’a pas réalisé de ces films caricaturalement hollywoodiens qui usent et abusent du gros plan suréclairé et de la musique à outrance.  Le film est essentiellement en clair-obscur, la musique, judicieuse, d’Alexandre Desplat souligne sans surligner et laisse le plus souvent place au tic-tac récurrent, obsédant, omniprésent, terrifiant de l’horloge, symbole de ce temps que rien ne peut arrêter, même une horloge qui fonctionne à rebours, métaphore qui résonne d’autant plus dans une industrie hollywoodienne où rien ne semble arrêter la course effrénée et souvent ridicule au jeunisme.

     

    Malgré son sujet qui relève du conte (finalement plus philosophique que fantastique) costumes, décors, époques savamment reconstituées, tout concourt au réalisme (option finalement aussi courageuse que judicieuse), de même que les réactions ou plutôt la relative absence de réactions à la particularité de Benjamin contre laquelle personne, pas même lui-même, ne cherche à lutter. En cela, c’est un hymne à la différence, de surcroît parce que Queenie qui l’adopte, est une jeune femme noire qui adopte donc un enfant blanc né dans des circonstances très étranges, à une époque où le racisme régnait.

     

    « L’étrange histoire de Benjamin Button » est aussi et avant tout une magnifique histoire d’amour entre Benjamin et Daisy, une histoire qui défie les apparences, la raison, le temps et même la mort. L’histoire de deux destins qui se croisent, que les fils, tortueux, impitoyables et sublimes, du destin finissent toujours pas réunir, malgré le fracas du temps, de leurs temps, s’écoulant irrémédiablement dans deux directions opposées.

     

    C’est encore une formidable prouesse technique (qui a nécessité 150 millions de dollars et 150 jours de tournage) qui l’est d’autant plus qu’elle n’est jamais là pour épater mais pour servir admirablement l’histoire. Ainsi, il fut un temps question de Robert Redford pour incarner Benjamin Button vieux. C’est finalement Brad Pitt qui interprète Benjamin Button tout au long de sa vie. L’impact dramatique et visuel à le voir ainsi rajeunir sublimement jusqu’à incarner la jeunesse dans toute sa ténébreuse splendeur, puis dramatiquement à redevenir un enfant ayant tout oublié, n’en est que plus fort. Sa nomination aux Oscars en tant que meilleur acteur est amplement méritée (le film est nommé 13 fois) et doit davantage à sa performance d’acteur qu’au maquillage, prouvant après « Babel » et « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford » (cliquez sur le lien ci-contre pour voir ma vidéo de la conférence de presse au Festival du Cinéma Américain de Deauville 2007 ainsi que la présentation du film) la très vaste palette de son jeu mais aussi l’intelligence de ses choix d’acteur. Face à lui Cate Blanchett incarne parfaitement cette femme finalement presque plus irréelle que lui, qui irradie, danse avec la vie, la dévore et la savoure.

     

    Certes, le film comporte quelques longueurs (L’épisode de la guerre était-il vraiment nécessaire ?) sans pour autant être jamais ennuyeux, tout concourant à servir son thème principal et à rappeler le temps qui s’écoule tragiquement. Le temps de la séance (2H44) épouse ainsi judicieusement le thème du film incitant à ne pas vouloir aller à tout prix contre le temps et à apprendre à l’apprivoiser, à laisser le temps au temps, profiter de chaque rencontre et chaque instant sans pour autant vouloir tout obtenir, réussir, immédiatement.

     

     Ce film est comme ces personnes (et comme son personnage principal) qui ne vous sont pas immédiatement sympathiques parce qu’elles ne cherchent pas à plaire à tout prix et par tous les moyens mais qui, quand vous les découvrez, progressivement et vraiment, vous procurent  une impression, émotion même, qui n’en sont que plus profondes et intenses. Le charme est alors plus durable que celui, volatile, d’une beauté éphémère et incandescente.

     

    « L’étrange histoire de Benjamin Button », malgré la singularité de son protagoniste, est un film à portée universelle sur la perte d’être chers,  la cruelle et inexorable fuite du temps, l’amour inconditionnel et intemporel.

     

     Au-delà de sa mélancolie, c’est aussi un magnifique hymne à la vie, dont chaque plan (une danse dans la nuit, un lever de soleil, une bouchée ou une gorgée dont ils se délectent…) chaque réplique incitent à « savourer » chaque instant, à croire en l’avenir, malgré tout, parce qu’ « on ne peut jamais savoir ce que l’avenir nous réserve ».

     

    Ce n’est peut-être pas le chef d’œuvre auquel je m’attendais, mais à l’image de l’existence il n’a peut-être que plus de mérite et ne  recèle que plus de beauté à sortir des sentiers battus et à charmer plus insidieusement, en cela c’est un beau et grand film qui porte et/ou hante bien après l’ouragan. Un film mélancolique , et  donc, malgré tout sombre, tendre aussi, un hymne à la vie dont on ne ressort en tout cas pas indemne tant il bouscule en soi (en moi en tout cas) tout ce qui constitue l’essence même de l’existence, de son sens et de son temps, inéluctablement destructeur et fatal.

     

     

    Sandra.M

  • Rappel, à ne pas manquer mercredi: "Puisque nous sommes nés" de Jean-Pierre Duret et Andrea Santana

    puisque nous sommes nés 2.jpgJe vous rappelle que "Puisque nous sommes nés" de Jean-Pierre Duret et Andrea Santana dont je vous parlais en avant-première il y a quelques semaines sort après-demain en salles. Je vous le recommande!

    Cliquez ici pour accéder à ma critique de "Puisque nous sommes nés" de Jean-Pierre Duret et Andrea Santana (Vous pourrez également visionner la bande-annonce)

  • "Les Noces rebelles" de Sam Mendes (avec Leonardo Di Caprio et Kate Winslet)

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    Lorsqu’ils se rencontrent, April (Kate Winslet) et Frank Wheeler (Leonardo Di Caprio) en sont persuadés : ils sont différents, exceptionnels même. Certes ils ont emménagé sur Revolutionary road,  dans une banlieue tranquille comme il y en a tant d’autres, où les conventions sociales et la vie routinière règnent mais ils en sont certains : ils ne se laisseront pas piéger. Oui, ils sont différents et le prouveront.

    Actrice sans talent, April consacre  pourtant bientôt tout son temps à sa maison et ses enfants, en rêvant d’une vie trépidante loin de Revolutionary road.  Frank, quant à lui, fait un travail sans intérêt dans un bureau dans la même entreprise que celle où son père travaillait, et finit par tromper sa femme avec une secrétaire terriblement insignifiante et stupide.

    Un jour, celui-là même ou Frank commence à la tromper, en fouillant dans sa boîte à souvenirs, April trouve une photo de Frank à Paris et se souvient de leurs aspirations.  Elle reprend brusquement goût à la vie, surtout espoir en la vie et en l’avenir. C’est décidé : leur avenir est à Paris, elle convainc Franck de partir y vivre quelques mois plus tard. Ils l’annoncent alors à leurs proches avec l’insolence du bonheur.

    L’intrigue se déroule dans le Connecticut, dans les années 50 mais ce n’est finalement qu’un détail… tant ce film a une portée intemporelle et universelle.

    Si ces « Noces rebelles » font l’effet d’un coup de poignard dont il faudra un temps certain pour se remettre, c’est autant pour son dénouement terriblement fort et magnifiquement cruel que pour les questionnements que ce film suscite et auxquels chacun a forcément été confronté, un jour ou l’autre. Le schisme potentiel entre ce que l’on est, ce que l’on voudrait devenir ou ce que l’on a rêvé de devenir. Les idéaux de jeunesse face à la réalité de la vie familiale. Le courage d’échapper à une vie médiocre, confortable et conformiste ou la  facilité, la lâcheté même, de s’y conformer. La facilité de suivre une existence tracée ou le courage de se rebeller contre celle-ci.

    Revolutionary Road, le nom de leur rue : voilà bien tout ce que leur vie a finalement de révolutionnaire tant ils vont se faire enfermer par cette vie si éloignée pourtant de celle à laquelle ils aspiraient, tant ils vont devenir semblables aux autres, malgré tout, tant ils vont être happés par ce « vide désespérant » de l’existence qu’ils méprisent par-dessus tout.

     Avec son costume et son chapeau grisâtres, chaque matin, sur le quai de la gare Frank est anonyme et perdu dans une foule indifférenciée d’hommes vêtus de la même manière, sinistrement semblables. Son bureau est carré, gris, terne comme la cellule d’une prison. Et chaque matin April le regarde partir derrière une vitre aux lignes carcérales. Cette prison d’uniformité, de médiocrité va bientôt se refermer sur eux … jusqu’au point de non retour.

    La rencontre n’occupe qu’une très petite partie du film : le pré-générique au cours duquel April jette son dévolu sur Frank, parce qu’il porte en lui toutes les espérances d’une vie exceptionnelle, parce qu’il a l’arrogance et la beauté prometteuses, prometteuses d’un futur différent de celui des autres, d’une vie où on « ressent » les choses et où on ne les subit pas. Puis, on les retrouve mariés, se disputant suite à une représentation théâtrale dans laquelle jouait April et où son manque de talent a éclaté. Générique. Le temps du bonheur est terminé. Le reste n’en sera que le vain  espoir.

    La suite est à la fois d’une déchirante cruauté mais aussi d’une déchirante beauté : la beauté du regard aiguisé d’un cinéaste au service de ses acteurs, au service du scénario, au service de cet enfermement progressif. La justesse des dialogues, ciselés et incisifs, auxquels notre attention est suspendue. La beauté de certains plans, de certaines scènes, brefs moments de bonheur qui portent déjà en eux son impossibilité et qui les rend d’autant plus éblouissants : April lumineuse, irréelle et déjà évanescente, dans l’embrasure d’une porte  ou une danse sensuelle exprimant autant la vie que la douleur de son renoncement… Et cette scène qui succède à une dispute où tout semble devenu irrévocable et irrémédiable. Cette scène (que je ne vous décrirai pas pour vous la laisser découvrir) à la fois d’une atroce banalité et d’une rare intensité où le contraste avec la précédente et où les enjeux sont tels que notre souffle est suspendu comme lors du plus palpitant des thrillers. Quel(s) talent(s) faut-il avoir pour faire passer dans une scène en apparence aussi insignifiante autant de complexité, de possibles, d’espoir, d’horreur ? Cette scène est magistrale.

    Alors, non…la route ne les mènera nulle part. Si : en enfer peut-être.  Au grand soulagement des voisins qui raillaient hypocritement leur départ, qui redoutaient en réalité qu’ils échappent à cette vie qu’ils se sont condamnés à accepter et à suivre sans rechigner.  Le piège va se refermer sur eux. La rébellion sera étouffée. La médiocrité remportera la bataille contre la vie rêvée et idéalisée.

    La musique de Thomas Newman est parfois douloureusement douce et ne fait qu’exacerber ce sentiment de regret, de bonheur à jamais insaisissable, de même que la photographie qui, tantôt (plus rarement) d’une lumière éclatante, tantôt d’une obscurité presque inquiétante épouse les espoirs et les déchirements, les désillusions du couple.

    Onze ans après « Titanic » le couple Di Caprio / Winslet se reforme (de nouveau accompagnés de Kathy Bates) donc pour ce film qui en est l’antithèse, une adaptation du roman « Revolutionnary Road » (La Fenêtre panoramique) de Richard Yates publié en 1961. Ce choix de casting est judicieux  et très malin, non seulement parce qu’ils auraient pu choisir un blockbuster beaucoup plus « facile » et qu’avec ce sujet ce n’était pas gagné d’avance (au contraire des protagonistes du film, ils ont donc  fait preuve d’audace) mais aussi parce qu’ils représentaient alors le couple romantique par excellence, les voir ainsi se déchirer n’en est d’ailleurs que plus fort. Kate Winslet, par son jeu trouble et troublant, n’a ainsi pas son pareil pour faire passer la complexité et la douleur de ses tourments, l’ambivalence de cette femme que le conformisme étouffe progressivement et pour que chacune de ses expressions contienne une infinitude de possibles, contribuant à ce suspense et cette sensation de suffocation intolérable.  On étouffe, subit, souffre avec elle. C’est à la fois jubilatoire et insoutenable. Avec son air d’éternel adolescent maladroit, ne sachant prendre sa vie en mains, Leonardo Di Caprio, quant à lui, trouve là un de ses meilleurs rôles et prouve une nouvelle fois l’étendue de son jeu.

     Le film leur doit beaucoup tant ils rendent ce couple à la fois unique et universel et extrêmement crédible. Dommage que les seules nominations pour les Oscars ( même si Kate Winslet a obtenu le Golden Globe pour ce rôle ) soient pour Michael Shannon comme meilleur acteur dans un second rôle (qui le mérite néanmoins, qui interprète un fou de la bouche duquel sortira pourtant la vérité , rassurant finalement les voisins hypocrites qui préfèrent ne pas entendre-au sens propre comme au sens figuré, cf le mari de Kathy Bates au dénouement- qui refusent de l’admettre puisque n’étant pas sain d’esprit il aurait donc tort et eux auraient raison d’avoir choisi, plutôt suivi cette vie. C’est aussi le seul à être d’accord et à comprendre réellement les Wheeler), pour le meilleur costume et pour le meilleur décor (Kristi Zea, la chef décoratrice dit s’être inspirée des œuvres du peintre Edward Hopper donc ce film porte la beauté laconique et mélancolique).

     Un film intemporel et universel, d’une force et d’une cruauté aussi redoutables qu’admirables, servi par deux comédiens exceptionnels et une réalisation virtuose. Un film palpitant qui est aussi une réflexion sur le mensonge, l’espoir, les idéaux de jeunesse, la cruauté de la réalité, la médiocrité, l’hypocrisie et le conformisme de la société. Les vingt dernières minutes sont d’une intensité rare et font atteindre des sommets de perspicacité, de complexité à ce film dont on ressort touchés en plein cœur avec cette envie aussi de le faire battre encore plus vite et plus fort. Le pouvoir des grands films dont « Les Noces rebelles » fait indéniablement partie. Je vous invite vivement à faire un tour sur cette « revolutionary road », autre "sentier de la perdition". Vous n’en reviendrez pas indemnes… et je vous le garantis : cette rue-là vous bousculera, vous portera et vous hantera bien après l’avoir quittée. 

     Sandra.M

  • « Slumdog millionaire » de Danny Boyle

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    Jamal Malik (Dev Patel), 18 ans, orphelin vivant dans les taudis de Mumbai (Bombay), est sur le point de remporter la somme colossale de 20 millions de roupies lors de la version indienne de l'émission Qui veut gagner des millions ? Il n'est plus qu'à une question de la victoire lorsque la police l'arrête, celui-ci étant soupçonné de tricherie, dénoncé par le présentateur du jeu qui le méprise parce que son ascension et ses origines le renvoient aux siennes et surtout parce qu’il lui vole peu à peu la vedette. Devant alors justifier chacune de ses bonnes réponses, Jamal raconte son histoire, chacune des bonnes réponses étant liée à un souvenir, le plus souvent à un drame de son existence : de son enfance errante avec son frère en passant par sa rencontre avec cette petite fille dont il tombera amoureux et qu’il a perdue de vue… Les images de son interrogatoire alternent alors avec celles des flash-backs sur le jeu et sur son enfance…

     « Slumdog millionaire » est l’adaptation britannique du roman indien de Vikas Swarup intitulé « Les Fabuleuses aventures d’un Indien malchanceux qui devient milliardaire. »

     Ce 20 janvier historique et porteur de tant d’espoirs est le jour idéal pour évoquer ce film qui en déborde et nous le transmet avec talent. C’est probablement ce qui explique le succès actuel de ce film (public et critique sans compter les nombreux prix qu’il a reçus comme les prix du meilleurs film, meilleur réalisateur et meilleur second rôle au British Film Award sans compter les Golden Globes dont il est ressorti grand vainqueur en remportant  4 prix : meilleur réalisateur, meilleur film, meilleur scénario, meilleur musique ) : son optimisme forcené et sa morale selon laquelle « tout est écrit » et selon laquelle les évènements les plus désespérés et désespérants de l’existence peuvent trouver une explication, une issue, et même contribuer à la chance et à l’espoir. Dans « Slumdog millionaire » rien n’est inexorable même d’accoler ces deux mots antinomiques (slumdog signifie littéralement chien des taudis).

      Ce film est en effet à l’image de l’oxymore qui lui sert de titre, plein de contrastes et de contradictions, qui, au lieu de nous agacer, nous charment et nous embarquent dans ce conte de fée hommage au cinéma de Bollywood.

     Dany Boyle, qui démontre une nouvelle fois son éclectisme, par une mise en scène, une musique, un montage nerveux, rythmés et même frénétiques transforme ce qui aurait pu être une guimauve  bollywoodienne (et cela, il faut l’avouer, malgré la psychologie parfois simpliste des personnages, les ellipses  et les revirements de situation abracadabrantesques) en une fable moderne et universelle, énergique et poignante, parfois drôle, qui ne nous laisse pas une seconde de répit et fait passer ces deux heures beaucoup trop vite.

     C’est parfois excessivement mélodramatique comme un film bollywoodien (surtout restez pour le générique de fin dans lequel il y est ouvertement rendu hommage) mais cela fonctionne parfaitement grâce au talent de Dany Boyle et à la force d’interprétation de ses jeunes comédiens, et grâce au cadre bouillonnant et coloré de Bombay mais aussi grâce à un scénario trépidant que certains ont trouvé répétitif mais dont la répétition constitue finalement  l’originalité initiale qui fait que nous ne relâchons pas notre attention une seule seconde.

     Et puis en toile de fond, véritable personnage du récit, il y a l’Inde, l’Inde inique et sublime, l’Inde aux couleurs si chatoyantes et photogéniques et l’Inde parfois si morose, l’Inde si colorée et parfois si sombre, l’Inde de tous les désespoirs et de tous les espoirs,  l’Inde intemporelle et l’Inde s’industrialisant à une vitesse phénoménale, les quartiers d’affaires remplaçant  les bidonvilles, l’Inde majestueuse et l’Inde où les enfants sont livrés à eux-mêmes et odieusement exploités : l’Inde, terre de contrastes et de contradictions elle aussi. L’Inde dont Dany Boyle met en lumière la magnificence mais aussi les failles et les injustices révoltantes.

     Dany Boyle exploite de nouveau les thèmes qui lui sont chers : l’argent et l’amour, le parcours de Jamal étant avant tout guidé par son histoire d’amour avec Latika (Freida Pinto) qui le conduit à vivre toutes ces aventures rocambolesques, à surmonter les obstacles, à croire en la chance et à nous convaincre que rien n’est impossible, que « Yes we can ».

     Tant pis pour les aigris que son rythme et son optimisme effrénés, peut-être même sa revigorante naïveté, auront laissé sur le bord de la route. Ce film, malgré ses défauts qui en font finalement aussi les qualités, m’a émue, emmenée dans un voyage époustouflant, touchant, drôle, universel et porteur d’un espoir communicatif et rien que cela, déjà, vaut vraiment le voyage. Un voyage, dont, je vous le promets, vous ressortirez émus et joyeux, en croyant que même deux réalités ou deux mots a priori inconciliables, comme Slumdog et millionaire, peuvent s’assembler.

    2009_0115salon20090014.JPG Dans l’article ci-dessous, retrouvez la bande-annonce du film et, en bonus, cliquez ici pour voir Amitabh Bachchan, une des réponses au questionnaire de Jamal, véritable Dieu vivant du cinéma Indien (vous allez le voir et l’entendre, c’est impressionnant…) , que j’ai pu filmer lors de l’inauguration du Salon du Cinéma, jeudi dernier, lequel Salon rendait hommage au cinéma indien. Sur ce même article vous trouverez également un extrait de danses bollywoodiennes…

     Sandra.M 

     

     

    Photo ci-dessus: Amitabh Bachchan et Jean-Pierre Jeunet au Salon du cinéma 2009,  inthemoodforcinema.com