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Par Sandra Mézière. Le 7ème art raconté avec passion depuis 2003. 4000 articles. Festivals de cinéma en direct : Deauville, La Baule, Cannes, Dinard...Critiques de films : avant-premières, à l'affiche, classiques. Actualité de romancière. Podcast.
photos ci-dessus: Présentation du Film par l'équipe à Cannes
Présenté au Festival de Cannes 2012 dans la sélection Un Certain Regard dans le cadre de laquelle je l’ai découvert, puis en avant-première au Festival Paris Cinéma où je l’ai revu (avec la même émotion), « A perdre la raison » est un des grands chocs cinématographiques de cette année 2012, et même sans doute le seul film de cette année auquel sied le substantif « choc ». Peut-être équivalent à celui éprouvé à la fin de « Melancholia « , l’année précédente. C’est dire ! Même si le film de Joachim Lafosse ne va pas jusqu’à relever de l’expérience comme celui de Lars Von Trier, il vous laisse avec une émotion dévastatrice et brutale, une réflexion aussi, qui vont bien au-delà de la salle de cinéma.
Murielle (Emilie Dequenne) et Mounir (Tahar Rahim) s’aiment passionnément. Elle est belle, féminine, joyeuse, lumineuse. Il est incontestablement charmant. Depuis son enfance, le jeune homme vit chez le Docteur Pinget (Niels Arestrup), qui lui assure une vie matérielle aisée après s’être marié avec la sœur marocaine de celui-ci, pour lui permettre d’avoir des papiers. Murielle et Mounir décident de se marier. D’abord, réticent, le Docteur accueille la jeune femme chez lui. Le jeune couple n’en déménagera jamais, pas plus à la suite des 4 grossesses de la jeune femme. Une dépendance s’installe. Le climat affectif devient irrespirable. L’issue tragique est alors inéluctable…
Joachim Lafosse ne laisse d’ailleurs planer aucun doute sur celle-ci. Dès les premiers plans, Murielle est à l’hôpital et demande à ce qu’ils soient « enterrés au Maroc ». Puis, 4 petits cercueils descendent d’un avion sur le territoire marocain. Entre ces deux plans, Mounir et le Docteur Pinget s’étreignent chaleureusement. La succession de ces trois scènes est d’autant plus cruelle, terrible et bouleversante, a posteriori.
Le film, lui aussi, vous étreint dès ces premiers plans pour ne plus vous lâcher, pourtant Joachim Lafosse ne recourt à aucune facilité pour cela : aucun sensationnalisme, pas plus qu’une photographie sombre annonciatrice du drame à venir. Non, il a eu l’intelligence de recourir à une mise en scène sobre, baignée d’une lumière crue, parfois éblouissante, qui rend d’autant plus terrible la noirceur dans laquelle se retrouve plongée Murielle, et celle du geste qu’elle accomplira. Seul le cadre légèrement chancelant (avec ces plans de portes en amorce, comme si quelqu’un, constamment, dominait, surveillait, instillant une impression malsaine mais impalpable), les gros plans qui enserrent les personnages, les plans séquences qui suggèrent le temps qui s’étire, et quelques plans significatifs comme celui de Murielle en Djellaba, hagarde, à l’extérieur mais filmée derrière une fenêtre à barreaux, laissent entendre qu’elle est emmurée, oppressée, que l’étau se resserre.
Il en fallait du talent, de la délicatesse, pour réussir un film, sur un tel sujet, rendre envisageable l’impensable, sans doute le crime le plus terrible qui soit : l’infanticide. Nous faire comprendre comment cette femme va perdre sa liberté, une raison d’être, et la raison. Du talent dans l’écriture d’abord : le scénario de Joachim Lafosse, Matthieu Reynaert et Thomas Bidegain qui avait nécessité 2 ans et demi d’écriture pour adapter très librement ce fait divers survenu en Belgique en 2007, l’affaire Geneviève Lhermitte, est particulièrement habile, maniant les ellipses et se centrant sur ses trois personnages principaux, aussi passionnants que, chacun à leur manière, terrifiants. Les dialogues sont concis et précis, comme les phrases assénées par Pinget à Murielle qui peuvent sembler tendrement réprobatrices ou terriblement injustes et cruelles selon la perception de la jeune femme. Tout est question de point de vue, de perception, et la nôtre est subtilement amenée à être celle de Murielle, ce qui rend la scène finale (judicieusement hors-champ) d’autant plus brutale. Dans la réalisation évidemment, évoquée précédemment. Dans le choix de la musique qui intervient à chaque transgression.
Dans l’interprétation enfin. Et quelle(s) interprétation(s) ! D’abord, le duo Arestrup- Rahim reformé trois ans après un « Prophète », et leurs prix d’interprétation respectifs. Niels Arestrup est parfait en père de substitution à la présence envahissante, à la générosité encombrante, d’une perversité insidieuse, sachant obtenir tout ce qu’il veut, comme un enfant capricieux et colérique.
Face à lui, Tahar Rahim prouve une nouvelle fois que ses deux prix aux César (meilleur acteur, meilleur espoir) n’étaient nullement usurpés, toujours ici d’une justesse remarquable; il prouve aussi une nouvelle fois l'intelligence de ses choix artistiques. D’abord charmant, puis irascible, un peu lâche, velléitaire, sans être vraiment antipathique, il est lui aussi emmuré dans la protection et le paternalisme ambigu de Pinget, ne voyant pas ou préférant ne pas voir la détresse dans laquelle s’enferme sa femme. (cf aussi ma critique de "Or noir" et celle du film "Les hommes libres").
Que dire d’Emilie Dequenne ? Elle est sidérante, époustouflante, bouleversante en Médée moderne. Il faudrait inventer des adjectifs pour faire l’éloge de sa prestation. D’abord si lumineuse, elle se rembrunit, s’enlaidit, s’assombrit, se renferme sur elle-même pour plonger dans la folie. Ce n’est pas seulement une affaire de maquillage comme cette scène où elle est à un spectacle de sa fille, outrageusement maquillée, et où ses réactions sont excessives. Non, tout en elle incarne sa désincarnation progressive, cette raison qui s’égare : sa démarche qui en devient presque fantomatique, son regard hagard, ses gestes hâtifs ou au contraire si lents, en tout cas désordonnés. Elle parvient à nous faire croire à l’incroyable, l’impensable ; comment ce personnage lumineux peut s’aliéner et accomplir un acte aussi obscur. Et puis il y a cette scène dont tout le monde vous parlera, mais comment ne pas en parler, tant elle y est saisissante d’émotion : ce plan-séquence où elle chante et pleure en silence, dans sa voiture sur la musique de Julien Clerc. Elle a reçu le prix d’interprétation Un Certain Regard pour ce film. Gageons que ce ne sera pas le dernier.
Lafosse dissèque les rapports de pouvoir entre ces trois êtres, fascinants et terrifiants, métaphore d’un colonialisme dont l’aide est encombrante, oppressante, rendant impossible l’émancipation. La famille devient un Etat dictatorial si bien que le Maroc dont ont voulu absolument fuir Mounir et sa famille apparaît comme le paradis pour Murielle, et ressemble à un Eden onirique dans la perception qui nous est donnée, la sienne. Il y a un soupçon de Dardenne dans cette empathie pour les personnages dont Lafosse tente de comprendre et d’expliquer tous les actes, même les inexplicables, même le pire, même l’ignominie. Du Chabrol aussi dans cette plongée dans les travers de la bourgeoisie, ses perversions, sa fausse affabilité. Et même du Clouzot dans ce diabolisme insidieux. Mais surtout une singularité qui fait que Joachim Lafosse, aucunement moralisateur, est un vrai cinéaste avec son univers et son point de vue propres.
Si vous ne deviez voir que trois films cette année, celui-ci devrait sans aucun doute en faire partie. Bouleversant, il vous hantera et questionnera longtemps après cette plongée étouffante, palpitante et brillante dans cette cellule familiale (la bien nommée) et dans la complexité des tourments de l’âme humaine et vous laissera avec le choc de ce dénouement annoncé mais non moins terrassant.
Les jours et les nuits, les projections et les soirées, les moments irréels et irréels se succèdent et se confondent dans une sorte de brouillard éblouissant et le temps me manque pour vous raconter ces journées bien et très agréablement remplies mais, comme chaque année, vous pourrez bien entendu retrouver mon compte-rendu très détaillé après le festival. En attendant, je vais vous parler (trop) brièvement d’un des trois films à m’avoir particulièrement marquée ces derniers jours, avec « A perdre la raison » de Joachim Lafosse, « Trois mondes » de Catherine Corsini » : « J’enrage de son absence » de Sandrine Bonnaire. Dans les trois cas, des personnages enfermés dans leurs drames et leurs solitudes. Dans les trois cas, des films d’une extrême sensibilité, poignante dans les films de Joachim Lafosse et Sandrine Bonnaire.
Sandrine Bonnaire nous avait déjà bouleversés avec son documentaire consacré à sa sœur autiste « Elle s’appelait Sabine » (alors présenté à la Quinzaine des Réalisateurs), un documentaire ni larmoyant ni complaisant, deux écueils dans lesquels il aurait été si facile de tomber. Véritable plaidoyer pour la mise en place de structures d’accueil pour les handicapés, hommage à ceux qui les encadrent, c’est aussi une véritable déclaration d’amour de Sandrine Bonnaire à sa sœur, un cri du cœur déchirant pour celle que 5 années d’hôpital psychiatrique ont changé à jamais mais qui joue un prélude de Bach avec la même facilité sidérante que des années auparavant. Elle parvient à nouveau, magistralement, à nous bouleverser avec son premier long-métrage, inspiré d’une histoire vraie.
Ce film nous raconte l'histoire d'un couple, Jacques (William Hurt) et Mado (Alexandra Lamy), dont le fils est décédé accidentellement il y a une dizaine d’années. Lorsqu'ils se retrouvent, le père devient obsédé par le petit garçon de 7 ans qu'elle a eu d'une autre union. Entre cet homme et ce petit garçon, un lien fort et inquiétant se crée dans le secret d’une cave.
Sandrine Bonnaire pour son premier film, dès la première seconde, fait preuve d’une maitrise étonnante, d’une manière de nous « impliquer » dans son drame, avec intensité et empathie. La tension est croissante. Le regard à la fois doux et perdu, un peu fou mais surtout fou d’amour et de la rage de l’absence de William Hurt auquel sa caméra s’accroche souvent, y est pour beaucoup. Sa prestation est une des plus magistrales qu’il m’ait été donné de voir. Son personnage un des plus bouleversants de tendresse, de détresse, d’humanité, aux portes de la folie. Il va peu à peu s’enterrer, se recroqueviller au propre comme au figuré, pour aller au bout de cette détresse. Jamais Sandrine Bonnaire ne tombe dans le pathos, toujours à hauteur de ses personnages, de leur cauchemar dans lequel elle nous enferme peu à peu, créant une tension croissante, bientôt suffocante. Elle ne juge jamais ses personnages mais les comprend, les suit pas à pas dans cette descente aux enfers. Deux appréhensions du deuil. L’un tait et l’autre fait exploser sa douleur, descend jusqu’au plus profond de celle-ci. Deux personnages abîmés par les terribles vicissitudes de l’existence et d’autant plus humains et touchants.
Sandrine Bonnaire, si elle a certainement appris beaucoup avec tous les grands cinéastes avec lesquels elle a tournés (le prénom de Mado fait ainsi songer à Claude Sautet, d’ailleurs ce mélange des genres peut aussi faire penser à « Quelques jours avec moi » de ce même cinéaste dans lequel Sandrine Bonnaire était d’ailleurs magistral), elle impose, dès son premier film, un style bien à elle, et surtout un regard et un univers propres aux grands cinéastes. En plus d’être une grande comédienne, Sandrine Bonnaire s’affirme ici comme une grande cinéaste en devenir. Elle filme la violence de la couleur avec une rage à la fois douce et âpre, sans jamais lâcher ses personnages tout comme cette douleur absolue ne les lâche jamais. Paradoxalement, un film qui fera du bien à tous ceux qui ont connu ou connaissent la douleur ineffable, étouffante et destructrice du deuil.
Avec ce film dramatique, absolument bouleversant, entre drame familial et thriller, Sandrine Bonnaire met des images sur l’indicible douleur et donne à William Hurt et Alexandra Lamy leurs meilleurs rôles (un premier rôle et une nouvelle fois un beau personnage de mère qui montre une nouvelle fois toute l’étendue de l’immense talent de cette dernière) et signe une première fiction palpitante, poignante, d’une maîtrise étonnante qui vous fera chavirer d’émotion pour ces beaux personnages enragés de douleur.
Critique – « Vous n’avez encore rien vu » d’Alain Resnais (Compétition officielle du Festival de Cannes 2012) : la palme d’or 2012 ?
Disons-le d’emblée, le film d’Alain Resnais est mon énorme coup de cœur de cette édition 2012 (pour l’instant) avec « A perdre la raison » de Joachim Lafosse (section Un Certain Regard) et « J’enrage de son absence » de Sandrine Bonnaire (Semaine de la Critique). Bien sûr, il est difficile d’évincer (et de comparer) avec « Amour » et « De rouille et d’os » qui m’ont également enthousiasmée mais ce film a (et a suscité) ce quelque chose en plus, cet indicible, cet inexplicable que l’on pourrait nommer coup de foudre.
Après tant de grands films, des chefs d’œuvres souvent même, Alain Resnais prouve une nouvelle fois qu’il peut réinventer encore et encore le dispositif cinématographique, nous embarquer là où on ne l’attendait pas, jouer comme un enfant avec la caméra pour nous donner à notre tour ce regard d’enfant émerveillé dont il semble ne s’être jamais départi. A bientôt 90 ans, il prouve que la jeunesse, l’inventivité, la folie bienheureuse ne sont pas questions d’âge.
Antoine, homme de théâtre, convoque après sa mort, ses amis comédiens ayant joué dans différentes versions d’Eurydice, pièce qu’il a écrite. Il a enregistré, avant de mourir, une déclaration dans laquelle il leur demande de visionner une captation des répétitions de cette pièce: une jeune troupe lui a en effet demandé l'autorisation de la monter et il a besoin de leur avis.
Dès le début, la mise en abyme s’installe. Les comédiens appelés par leurs véritables noms reçoivent un coup de fil leur annonçant la mort de leur ami metteur en scène. Première répétition avant une succession d’autres. Puis, ils se retrouvent tous dans cette demeure étrange, presque inquiétante, tel un gouffre un peu morbide où leur a donné rendez-vous Antoine. Cela pourrait être le début d’un film policier : tous ces comédiens réunis pour découvrir une vérité. Mais la vérité qu’ils vont découvrir est toute autre. C’est celle des mots, du pouvoir et de la magie de la fiction.
Puis, se passe ce qui arrive parfois au théâtre, lorsqu’il y a ce supplément d’âme, de magie, lorsque ce pouvoir des mots vous embarque ailleurs, vous hypnotise, vous fait oublier la réalité, tout en vous ancrant plus que jamais dans la réalité, vous faisant ressentir les palpitations de la vie. En 1942, Alain Resnais avait ainsi assisté à une représentation d’ « Eurydice » de Jean Anouilh de laquelle il était sorti bouleversé à tel point qu’il avait fait deux fois le tour de Paris à bicyclette. C’est aussi la sensation exaltante que m’a donné ce film.
Chaque phrase prononcée, d’une manière presque onirique, magique, est d’une intensité sidérante de beauté et de force et exalte la force de l’amour. Mais surtout Alain Resnais nous livre ici un film inventif et ludique. Il joue avec les temporalités, avec le temps, avec la disposition dans l’espace (usant parfois aussi du splitscreen entre autres « artifices »). Il donne à jouer des répliques à des acteurs qui n’en ont plus l’âge. Cela ne fait qu’accroître la force des mots, du propos, leur douloureuse beauté et surtout cela met en relief le talent de ses comédiens. Rarement, je crois, j’aurais ainsi été émue et admirative devant chaque phrase prononcée quel que soit le comédien. A chaque fois, elle semble être la dernière et la seule, à la fois la première et l’ultime. Au premier rang de cette distribution (remarquable dans sa totalité), je citerai Pierre Arditi, Lambert Wilson, Anne Consigny, Sabine Azéma mais en réalité tous sont extraordinaires, aussi extraordinairement dirigés.
C’est une des plus belles déclarations d’amour au théâtre et aux acteurs, un des plus beaux hommages au cinéma qu’il m’ait été donné de voir et de ressentir. Contrairement à ce qui a pu être écrit ce n’est pas une œuvre posthume mais au contraire une mise en abyme déroutante, exaltante d’une jeunesse folle, un pied-de-nez à la mort qui, au théâtre ou au cinéma, est de toutes façons transcendée. C’est aussi la confrontation entre deux générations ou plutôt leur union par la force des mots. Ajoutez à cela la musique de Mark Snow d’une puissance émotionnelle renversante et vous obtiendrez un film inclassable et si séduisant (n’usant pourtant d’aucune ficelle pour l’être mais au contraire faisant confiance à l’intelligence du spectateur).
Ce film m’a enchantée, bouleversée, m’a rappelé pourquoi j’aimais follement le cinéma et le théâtre, et les mots. Ce film est d’ailleurs au-delà des mots auquel il rend pourtant un si bel hommage. Ce film mériterait un prix d’interprétation collectif, un prix de la mise en scène…et pourquoi pas une palme d’or ! Ces quelques mots sont bien entendu réducteurs pour vous parler de ce grand film, captivant, déroutant, envoûtant, singulier, sur lequel je reviendrai plus en détails. Malgré tout ce que je viens de vous en dire, dîtes-vous que de toutes façons, « Vous n’avez encore rien vu ». C’est bien au-delà des mots. Et espérons que nous aussi nous n’avons encore rien vu et qu’Alain Resnais continuera encore très longtemps à nous surprendre et enchanter ainsi. Magistralement.
Critique – « Amour » de Michael Haneke avec Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva (Compétition officielle du Festival de Cannes 2012)
J’ai choisi aujourd’hui de vous parler de mes deux coups de cœur d’hier, « Amour » de Michael Haneke et « J’enrage de son absence » de Sandrine Bonnaire, non dénués de points communs, bien que le premier soit en compétition officielle, le second projeté dans le cadre de la Semaine de la Critique bien qu’ils soient très différents dans la forme, c’est d’abord parce que leurs titres pourraient être interchangeables et ensuite parce que j’ai été submergée par l’émotion par ces deux films. Enfin, l’un et l’autre parlent d’amour inconditionnel et de la violence de l’absence, du départ, du silence. L’amour qui était également au centre de « De rouille et d’os », mon premier coup de cœur de cette édition 2012 dont je vous ai parlé le premier jour du festival, mais aussi de « In another country » de Hong Sangsoo, conte léger et délicieusement mélancolique à l’humour fantaisiste, décalé et irrésistible (des applaudissements ont même ponctué la projection officielle) avec une Isabelle Huppert radieuse dont je vous reparlerai ultérieurement (un film qui mériterait un prix du scénario).
Mais revenons à « Amour », film au titre à la fois sobre, sibyllin et prometteur, dans lequel Isabelle Huppert est également présente et, comme toujours, quelle présence. Elle y interprète la fille de Georges et d’Anne, deux octogénaires, des gens cultivés, professeurs de musique à la retraite. Leur fille, également musicienne, vit à l’étranger avec sa famille. Un jour, Anne est victime d’une petite attaque cérébrale. Lorsqu’elle sort de l’hôpital et revient chez elle, elle est paralysée d’un côté. L’amour qui unit ce vieux couple va être mis à rude épreuve.
Dès le début, la gravité, l’austérité, le dénouement inéluctable s’imposent. La caméra explore les pièces d’un appartement pour arriver dans une chambre où une femme âgée git, paisible, morte. Puis, flashback, le couple rentre d’un concert de musique classique dont on ne voit d’ailleurs que les spectateurs comme un miroir de ce que nous allons être pendant tout ce film, les spectateurs de l’envers du décor, de ce que la société préfère habituellement cacher, dissimuler. Lorsqu’ils rentrent, ils constatent que leur porte a été vraisemblablement forcée. Les prémisses d’une tragédie, d’un huis-clos dramatique. Un étranger s’est immiscé dans leur doux quotidien. La mort qui va peu à peu tisser sa toile.
La tendresse de leurs gestes, la manière dont ils s’excusent constamment, se considèrent, se regardent, semblent se découvrir encore, ne s’être pas tout raconté, avoir encore des secrets et plus que jamais des égards l’un pour l’autre, tout dit un amour qui n’a pas pris une ride mais qui s’est renforcé face aux épreuves de la vie. Notre souffle est suspendu, notre attention est captée, capturée, par ces gestes a priori anodins qui témoignent de leur amour indéfectible et magnifique. Leurs visages rayonnent, nous font oublier le poids des ans. Cela pourrait être le couple d’ « Un homme et une femme », 46 ans plus tard (Emmanuelle Riva s’appelle d’ailleurs Anne comme Anouk Aimée dans le film de Claude Lelouch). Bien entendu, le cinéma d’Haneke, si épuré, est très différent de celui de Lelouch, si lyrique, mais ces détails qui disent tant et auxquels notre souffle est suspendu les rapprochent ici (au risque d’en heurter certains). L’opposé du couple du « Chat » de Granier-Deferre.
Jusqu’où peut-on aller par amour ? L’amour, le vrai, ne consiste-t-il pas à tout accepter, même la déchéance, à aider l’être aimé jusqu’au dernier souffle ? Le sujet était ô combien périlleux. Si Haneke ne nous épargne rien de ces moments terribles comme lorsque cette femme belle et fière se transforme peu à peu en enfant sans défense, il place sa caméra toujours avec pudeur.
Nous ne quitterons alors plus cet appartement pour un face à face douloureux, cette lente marche vers la déchéance puis la mort. Seules quelques visites comme celles de leur fille, d’un ancien élève, de voisins qui les aident, ou d’infirmières viennent ponctuer ces terribles instants, témoignant à chaque fois de maladresses, voire de cruauté involontaires. La scène de l’infirmière qui, avec une voix mielleuse, s’adresse à Anne comme à une enfant, la forçant avec une douce et d’autant plus terrible condescendance à se regarder dans le miroir est redoutablement juste et absolument terrible.
Que dire de Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva qui seraient à la hauteur de leurs bouleversantes prestations ? Le premier, qu’il raconte une anecdote sur son enfance, ou s’occupe d’Anne dans ses derniers instants avec une tendresse infinie (comment ne pas être bouleversé quand il lui raconte une histoire, lui caressant doucement la main, pour faire taire sa douleur, qu’elle hurle), est constamment juste, là, par un jeu d’une douce intensité. Ses gestes, sa voix, son regard, tout traduit et trahit son émotion mais aussi la digne beauté de son personnage qu’il dit être son dernier, ce qui rend ce rôle encore plus troublant et tragique. Quant à Emmanuelle Riva, elle fait passer dans son regard l’indicible de la douleur, de la détresse, après avoir fait passer la fierté et la force de cette femme debout, cette âme forte qui se transforme peu à peu en un corps inerte, pétri de douleurs.
Un film tragique, bouleversant, universel qui nous ravage, un film lucide, d’une justesse et d’une simplicité remarquables, tout en retenue. «Je ne me souviens plus du film, mais je me souviens des sentiments» dit Jean-Louis Trintignant en racontant une anecdote à son épouse. C’est aussi ce qu’il nous reste de ce film, l’essentiel, l’Amour avec un grand a, pas le vain, le futile, l’éphémère mais l’absolu, l’infini.
Trois ans après sa palme d’or pour « Le ruban blanc », Michael Haneke sera à nouveau et sans aucun doute au palmarès pour ce film éprouvant et sublime, d’une beauté tragique et ravageuse que vous hante et vous habite longtemps après la projection, après ce dernier plan d’une femme seule dans un appartement douloureusement vide. Un film d’Amour absolu, ultime. Et puis il y a la musique de Schubert, cet Impromptu que j’ai si souvent écouté et que je n’entendrai sans doute plus jamais de la même manière. Je crois qu’il me faudra un peu de temps encore pour appréhender pleinement ce film. Les mots me manquent encore. J’y reviendrai.
« Amour » sortira en salles le 24 octobre 2012.
Ce soir, je vous parlerai de « J’enrage de son absence » de Sandrine Bonnaire (le temps me manque malheureusement et là aussi ce film mérité qu’on s’y attarde), un énorme coup de cœur. En guise de mise en bouche, découvrez ci-dessous ma vidéo de la présentation du film par l’équipe. Je n’oublie pas non plus de vous parler prochainement de « Reality » et de la projection des 65 ans du festival. A suivre !
Dans « Un homme et une femme » de Claude Lelouch, film si indissociable de l’histoire du Festival de Cannes, Jean-Louis (Jean-Louis Trintignant, d’ailleurs à l’honneur hier mais j’y reviendrai dans ma critique de « Amour » de Michael Haneke dans lequel il interprète un des deux rôle principaux), citant Giacometti, demande «Qu'est-ce que vous choisiriez : l'art ou la vie? ». C’est un peu le cruel dilemme du festivalier: choisir l’art ou la vie, choisir la réalité ou sa retranscription aussi, même si, ici plus qu’ailleurs, l’un et l’autre son étrangement imbriqués à se confondre parfois comme hier, lors de la projection du 65ème anniversaire du Festival, celle du documentaire de Gilles Jacob « Une journée particulière » pour laquelle 18 des 35 cinéastes de « Chacun son cinéma » (le film anniversaire du 60ème festival) sont montés sur scène. Un générique inouï! Un de ces moments magiques qui vous font frissonner d’émotion (oui, comme la musique de Saint-Saëns dont je parlais à l’ouverture) et dont je vous reparlerai plus tard ainsi que du dîner du 65ème anniversaire auquel j’ai eu le privilège et plaisir d’être invitée.
J’espère néanmoins que tout cela n’était pas le fruit de mon imagination un peu trop débordante comme celle de Luciano dans l’excellent « Reality » de Matteo Garrone, une imagination et surtout un désir de reconnaissance qui lui font prendre ses rêves (des rêves d'ailleurs cauchemardesques vus par le prisme de la raison) pour la réalité.
Plus qu’un article, ceci est donc un teaser pour vous annoncer : le récit de la projection des 65 ans et de son dîner, ma critique de « Reality » et de « Lawless » mais en attendant j’ai choisi à la fois l’art et la vie en allant voir ce matin en séance du lendemain « Amour » de Michael Haneke, un des films de cette 65ème édition que j’attends avec le plus d’impatience et dont je vous promets également la critique très rapidement.
Quelques photos de la projection de « Une journée particulière », ci-dessus, pour vous faire patienter, en en attendant également d'autres.
Critique de "Tess" de Roman Polanski - Projection Cannes Classics 2012 en sa présence et celle de Nastassja Kinski
La projection, aujourd'hui de "Tess" de Roman Polanski, dans la section "Cannes Classics" est un des évènements de ce 65ème Festival de Cannes à ne pas manquer (ce lundi, à 19H30, en salle du 60ème) d'autant que le cinéaste et son actrice Nastassja Kinski seront présents, Roman Polanski était ainsi déjà présent hier pour la projection du documentaire "Une journée particulière" de Gilles Jacob, documentaire dans lequel il fait par ailleurs des apparitions remarquées.
Chaque année, les projections cannoises de classiques du cinéma dans le cadre de Cannes Classics sont l’occasion de revoir de grands films, voire des chefs d’œuvre, mais aussi l’occasion de grands moments d’émotion, l’histoire du cinéma côtoyant le présent du Festival de Cannes, et cinéma et réalité se rejoignant et se confondant même parfois dans ce tourbillon d’émotions. Ce fut ainsi le cas avec la projection en version restaurée du « Guépard », il y a deux ans.
Depuis 2004, le Festival de Cannes présente ainsi des films anciens et des chefs-d’œuvre de l’histoire du cinéma dans des copies restaurées. La plupart des films sélectionnés sont projetés dans le Palais des Festivals, salle Buñuel ou salle du Soixantième, en présence de ceux qui ont restauré ces films et, parfois, de ceux qui les ont réalisés.
Cette année, Pathé présente ainsi « Tess », le film de Roman Polanski sorti en 1979 ( durée de 171 minutes), dans une restauration qu’il a lui-même supervisée, il s’est dit « épaté » par le travail des laboratoires. Cette projection se déroulera en présence de Roman Polanski et de Nastassja Kinski. Une restauration Pathé, exécutée par Éclair Group pour la partie image et Le Diapason pour la partie sonore.
Un film que je vous engage vivement à (re)voir lors de sa projection cannoise le 21 mai 2012, salle du Soixantième, a fortiori dans ce cadre splendide et en présence de ses protagonistes. Une projection qui s’annonce émouvante. Pour achever de vous en convaincre, retrouvez ma critique du film, ci-dessous.
Photographie Bernard Prim - Collection Fondation Jérôme Seydoux-Pathé
Dans l'Angleterre du XIXème siècle, un paysan du Dorset, John Durbeyfield (John Collin) apprend par le vaniteux pasteur Tringham qu'il est le dernier descendant d'une grande famille d'aristocrates. Songeant au profit qu'il pourrait tirer de cette noblesse perdue, Durbeyfield envoie sa fille aînée, Tess (Nastassja Kinski), se réclamer de cette parenté chez la riche famille d'Urberville. C’est le jeune et arrogant Alec d'Urberville (Leigh Lawson) qui la reçoit. Immédiatement charmée par « sa délicieuse cousine » et par sa beauté, il propose de l’employer, s’obstinant ensuite à la séduire. Il finit par abuser d’elle. Enceinte, elle retourne chez ses parents. L’enfant meurt peu de temps après sa naissance. Pour fuir son destin et sa réputation, Tess s'enfuit de son village. Elle trouve un emploi dans une ferme où personne ne connaît son histoire. C’est là qu’elle rencontre le fils du pasteur : Angel Clare (Peter Firth). Il tombe éperdument amoureux d'elle mais le destin va continuer à s’acharner et le bonheur pour Tess à jamais être impossible.
Photographie Bernard Prim - Collection Fondation Jérôme Seydoux-Pathé
Roman Polanski étant, à l’époque du tournage, accusé de viol sur mineur aux États-Unis et étant alors menacé d'extradition depuis l'Angleterre, bien que le film se déroule en Angleterre, il a été tourné en France : en Normandie, (Cap de la Hague, près de Cherbourg), mais aussi en Bretagne, à Locronan (Finistère), au Leslay (Côtes-d'Armor), au Château de Beaumanoir, et enfin à Condette , dans le Pas-de-Calais). Quant au site mégalithique de Stonehenge, il été reconstitué dans une campagne en Seine-et-Marne.
Le film est dédié à Sharon Tate. La mention « To Sharon » figure ainsi au début du film. Celle-ci, avant d’être assassinée en 1969 par Charles Manson avec l’enfant qu’elle portait, avait ainsi laissé sur son chevet un exemplaire du roman de Thomas Hardy « Tess d’Urberville», dont le film est l’adaptation, avec un mot disant qu’il ferait un bon film.
« Tess d'Urberville » dont le sous-titre est "Une femme pure, fidèlement présentée par Thomas Hardy" est un roman publié par épisodes à partir de 1891, dans divers journaux et revues. Son adaptation était donc un véritable défi d’autant que jusqu’alors Roman Polanski n’avait pas encore signé de film d’amour.
Deux adaptations cinématographiques, toutes deux intitulées « Tess Of d'Urbervilles » avaient déjà été tournées, l’une mise en scène en 1913 par J. Searle Dawley et l’autre par Marshall Neilan en 1924. David O. Selznik en racheta les droits mais il fallut attendre Claude Berri qui racheta les droits à son tour avant que l'œuvre ne tombe dans le domaine public, pour que le film puisse enfin voir le jour.
Polanski a entièrement réussi ce défi et nous le comprenons dès le début qui nous plonge d’emblée dans l’atmosphère du XIXème siècle, un impressionnant plan séquence qui semble déjà faire peser le sceau de la fatalité sur la tête de la jeune Tess. Tandis qu’arrive un cortège de jeunes filles au sein duquel elle se trouve, tandis qu’est planté le décor mélancolique sous un soleil d’été, tandis qu’est présentée l'innocence de la jeune Tess, le pasteur vaniteux croise son père et lui annonce la nouvelle (celle de son ascendance noble) qui fera basculer son destin. C’est aussi là qu’elle verra Angel pour la première fois. Toute sa destinée est contenue dans ce premier plan séquence qui, par une cruelle ironie, fait se croiser ces routes. Les personnages se rencontrent à un carrefour qui est aussi, symboliquement, celui de leurs existences.
Si la scène est lumineuse, dans ces deux routes qui se croisent, ces destins qui se rencontrent, la fatalité de celui de Tess et son ironie tragique semble ainsi déjà nous être annoncée. Tout le film sera à l’image de cette première scène magistrale. Aucun didactisme, aucune outrance mélodramatique alors que le sujet aurait pu s’y prêter. Polanski manie l’ellipse temporelle avec virtuosité renforçant encore la mélancolie de son sujet et sa beauté tragique. Comme cet insert sur le couteau et ces deux plans sur cette tache de sang au plafond qui s’étend qui suffisent à nous faire comprendre qu’un drame est survenu, mais aussi sa violence. Le talent se loge dans les détails, dans la retenue, jamais dans la démonstration ou l’outrance. Par exemple, les costumes de Tess en disent beaucoup plus long que de longues tirades comme cette robe rouge, couleur passion qu’elle porte dans la dernière partie du film et qui contraste avec les vêtements qu’elle portait au début. Un rouge qui rappelle celui de cette fraise que lui fera manger Alec, combattant ses réticences qui en annoncent d’autres, avant de l’initier (la forcer) à d’autres gourmandises. Subtilement encore, en un plan qui laisse entrevoir un vitrail représentant une scène inspirée de Roméo et Juliette, Polanski, comme il l’avait fait dans le plan séquence initial nous rappelle que l’issue ne peut être tragique. Un dénouement aussi magnifique que tragique, la frontière étant toujours très fragile chez Polanski entre le réalisme et une forme de fantastique ou de mysticisme, Tess apparait alors au milieu de ce site mégalithique de Stonehenge, au décor presque irréel, aux formes géométriques et inquiétantes, comme surgies de nulle part, comme sacrifiée sur un autel.
Photographie Bernard Prim - Collection Fondation Jérôme Seydoux-Pathé
Le spectateur éprouve immédiatement de l’empathie pour Tess, personnage vulnérable et fier malmené par le destin qui semble s’y résigner jusqu’à la révolte finale fatale. Le film doit aussi beaucoup au choix de la trop rare Nastassja Kinski (fille de l'acteur Klaus Kinski), à la fois rayonnante et sombre, naturelle et gracieuse, si triste malgré sa beauté lumineuse et surtout d’une justesse constante et admirable. Elle porte en elle les contraires et les contrastes de ce film dans lequel le destin ne cesse de se jouer d’elle. Contraste entre la tranquillité apparente des paysages (magistralement filmés et mis en lumière, rappelant les peintures du XIXème comme notamment « Des Glaneuses » de Millet ou certains paysages de Courbet, la nature emblème romantique par excellence, le passage des saisons, des paysages symbolisant les variations des âmes ) et les passions qui s’y déchaînent, contraste entre la bonté apparente d’Angel (à dessein sans doute ainsi nommé) qui a « Le Capital » de Marx pour livre de chevet mais qui agit avec un égoïsme diabolique finalement presque plus condamnable que le cynisme et l’arrogance d’Alec. Même lorsqu’elle apparait en haut de cet escalier, transformée, sa tenue et sa coiffure suffisant à nous faire comprendre qu’elle est devenue la maitresse d’Alec, Tess garde cette candeur et cette fragilité si émouvantes.
Photographie Bernard Prim - Collection Fondation Jérôme Seydoux-Pathé
Nommé six fois aux Oscars (pour 3 récompenses), récompensé d’un Golden Globe et par trois César dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur, « Tess » est un très grand film empreint de mélancolie poétique, d’une beauté formelle envoûtante, un film tout en retenue grâce à des ellipses judicieuses. Le film nous captive avec toute la douceur de son personnage principal, lentement mais sûrement, par une mise en scène sobre. L’impact dramatique n’en est que plus fort et bouleversant. On y retrouve le thème de l’enfermement (ici dans les conventions) si cher à Polanski, un thème également dans les deux films dont je vous livre les critiques en bonus après celle de « Tess », ci-dessous.
Ce mélange d’imprégnation de la peinture du XIXème, ce romantisme tragique qui rappelle les plus grands écrivains russes et cette fresque lente et majestueuse sur la déchéance d’un monde qui rappelle Visconti (dont le cinéma était aussi très imprégné de peinture), sans oublier cette photographie sublime, l’interprétation magistrale de Nastassja Kinski et sa grâce juvénile, lumineuse et sombre, et la musique de Philippe Sarde, en font un film inoubliable. Au-delà de la peinture du poids des conventions (morales et religieuses) et d’une critique des injustices sociales, « Tess » est un film universel d’une poésie mélancolique sur l’innocence pervertie, sur les caprices cruels du destin, sur la passion tragique d’une héroïne intègre, fier et candide, un personnage qui vous accompagne longtemps après le générique de fin.
« J'ai toujours voulu tourner une grande histoire d'amour. Ce qui m'attirait également dans ce roman, c'était le thème de la fatalité : belle physiquement autant que spirituellement, l'héroïne a tout pour être heureuse. Pourtant le climat social dans lequel elle vit et les pressions inexorables qui s'exercent sur elle l'enferment dans une chaîne de circonstances qui la conduisent à un destin tragique. » Roman Polanski
"Une journée particulière" de Gilles Jacob: le Festival de Cannes célèbre aujourd'hui ses 65 ans!
En attendant de vous livrer mes dernières critiques des films en compétition, notamment de l'excellent "Reality" de Matteo Garrone, et le récit de ces deux dernières journées, je vous rappelle que le Festival de Cannes célèbre aujourd'hui ses 65 ans et que, à cette occasion, cet après-midi, en salle Debussy, à 17H30 sera projeté le documentaire de Gilles Jacob "Une journée particulière" en présence de 18 des 35 cinéastes de "Chacun son cinéma"...notamment. Une séance à ne surtout pas manquer. Retrouvez ma critique ci-dessous.
Lors de la conférence de presse du Festival de Cannes (pour lire mon article détaillé sur la sélection officielle 2012, cliquez ici), Gilles Jacob annonçait la projection de « ce petit travail d’artisan», cette Histoire de Festival numéro 4, son quatrième documentaire sur l’histoire du festival, un documentaire sur l’anniversaire des 60 ans du festival qui sera présenté le jour de l’anniversaire du festival (65 ans, cette fois), en séance spéciale, le 20 mai, en salle Debussy (et diffusé le 20 mai, à 22H10, sur Canal + cinéma et le 27 mai, à 16H20, sur Arte) sous le titre « Une journée particulière », un documentaire que j’ai découvert avec plaisir vendredi dernier, d’autant plus que j’avais vécu cette journée en tant que festivalière dans le grand Théâtre Lumière. Je me souviens avoir été submergée par l’émotion (je crois bien n’avoir pas été la seule) lors de cette journée indéniablement particulière, sans aucun doute un de mes plus beaux souvenirs en 12 ans de Festival de Cannes.
Il était en effet difficile de rester insensible face à ces 34 déclarations d’amour au cinéma ( « Chacun son cinéma » regroupe 33 courts-métrages pour 35 cinéastes –puisqu’il y a les frères Coen et les frères Dardenne- auxquels il faut ajouter le court-métrage de David Lynch présenté en ouverture du festival), ces mises en abymes qui avaient achevé de détruire la mince frontière qui sépare le cinéma de la réalité, si mince à Cannes plus qu’ailleurs. Le cinéma d'hier y côtoie celui d'aujourd'hui, le cinéma d'aujourd'hui célèbre celui d'hier, après une montée des marches rythmée par la voix de Frédéric Mitterrand, voix off intemporelle, réminiscence si symbolique de l'âge d'or du festival, ballet magique où le Cannes d'hier semblait brusquement ressurgir, avec son aura mythique, avant qu’une autre voix inimitable, celle de l’éblouissante Juliette Binoche, n’annonce tous ces grands cinéastes sur scène. Je me souviens de la folie paradoxalement joyeuse et presque solennelle qui a régné ce soir-là. Je me souviens que le couple lui aussi mythique du chef d’œuvre de Visconti «Le Guépard », Angelica et Tancrède, Claudia Cardinale et Alain Delon, était reconstitué et fut le plus applaudi, 44 ans plus tard (« Le Guépard » fut d’ailleurs projeté en copie restaurée à Cannes, il y a deux ans, en leur présence, autre moment magique et unique). Ce soir-là, sur les marches, sous mes yeux, éblouis, par le soleil, par la magie du cinéma, s'était déroulé un pan de l'histoire du cinéma en accéléré.
Ce soir-là, le palais des festivals avait réuni un plateau unique et exceptionnel. Un générique inouï. Et l’émotion provenait autant de ce générique, tous ces créateurs rassemblés dont tant étaient à l’origine de ma passion pour le cinéma, dans ce lieu qui l’a exacerbée, que de ce film qui, justement, rendait hommage à cette passion, montrant à quel point, Cannes est "une fenêtre ouverte sur le monde"…et sur le cinéma (et inversement), un monde dont ce festival met si bien en lumière les ombres et les blessures.
Comme l’a dit Gilles Jacob, lors de la conférence du festival, jeudi, « ce qui n’a pas changé et ne changera pas, c’est ce que sont les créateurs qui font Cannes et non pas l’éphémère ni l’écume des choses ». En effet, si Cannes est parfois versatile, prompte à magnifier ou détruire, à déifier ou piétiner, si des rêves y achoppent, des illusions s’y brisent, des projets s'y esquissent, des carrières s'y envolent, si des films nous y éblouissent, l’essentiel est que des cinéastes émergent, se révèlent au monde, nous révèlent un monde. Le leur. Le nôtre. Cannes, c’est le miroir grossissant et informant du monde, déroutant parfois aussi. Le reflet de ses colères, de ses blessures, de sa poésie.
J’étais donc curieuse de me remémorer ces instants et de découvrir un peu de l’envers du décor de cette journée si « particulière » dont Gilles Jacob avait été l’initiateur, projet fou, ambitieux, audacieux me rappelant cette phrase de son livre « La vie passera comme un rêve », « Il faut être vraiment fou pour continuer à relever ce défi : révéler, surprendre, faire rêver ». Une folie bienheureusement douce, et même salutaire.
Le titre est bien entendu un clin d’œil à Ettore Scola mais aussi à la particularité de cette journée pour laquelle les 35 réalisateurs de « Chacun son cinéma » (et non des moindres !) étaient venus à Cannes en 2007. Gilles Jacob avait en effet commandé (et produit) l’œuvre collective « Chacun son cinéma » à trente-cinq des plus grands cinéastes internationaux, sur le thème de la salle de cinéma.
Cette journée particulière est celle au cours de laquelle ces trente-cinq réalisateurs ont été suivis dans les différents rites cannois : arrivée, photocall, conférence de presse, montée des marches, répétition de leur parcours sur la croisette, cuisines, feu d’artifice… S’y côtoient, entre autres : David Lynch, Aki Kaurismäki, Roman Polanski, Nanni Moretti, Ken Loach, Raymond Depardon, Olivier Assayas, Alejandro Gonzalez Iñárritu, Michael Cimino, Wong Kar-wai, Manoel de Oliveira, les frères Dardenne, Amos Gitaï, Youssef Chahine, David Cronenberg et Jane Campion. 35 réalisateurs venus de 25 pays différents et signant un film de 3 minutes chacun (avec 25000 euros de budget). Nous les suivons ainsi dans les rituels cannois, des rituels futiles et nécessaires, dérisoires et essentiels.
Dédié à Theo Angelopoulos et Raoul Ruiz, ce film possède la simplicité, l’élégance et l’humilité de son auteur défini comme un « gentleman old school » par un des cinéastes ou comme le « chef de village » d’un “petit port de pêcheurs isolé au sud de la France ”, dans le film (très drôle) de Walter Salles. Ce qui en émane, c’est son amour immodéré pour les créateurs. Son documentaire possède le même atout que ses ouvrages : il en dit beaucoup sans écorner le mystère, sans jamais être impudique ou indiscret. Et surtout il témoigne d’un amour fou et communicatif pour le cinéma et, peut-être plus encore, pour ceux qui le font. Ainsi débute-t-il : « Mon nom est Gilles Jacob. Petit, je rêvais d’être capitaine de pompiers, ado j’ai été projectionniste au Festival de Cannes, c’est moi qui passais les films en tombant amoureux des belles actrices, dans ce palais où l'on célèbre les réalisateurs du monde entier. »
Gilles Jacob, en voix off, explique aussi que « Etourdiment, nous visions le record du film le plus prestigieux, de la photo de groupe la plus mirobolante. Mais obtenir l’accord d’autant de grands artistes ne fut pas mince affaire. Finalement, c’est la séduction cannoise qui l’emporta. » Cette voix off se superpose sur les images de l’un de ces films, celui de Gus Van Sant. Une autre histoire de séduction… et s’il est bien un festival séduisant, irrésistible, aussi périlleux que prestigieux, c’est Cannes...
Les images des films (18 extraits) alternent avec celles de cette journée hors du commun. La caméra débusque subrepticement les sourires, une mélancolie qui affleure, un instant insolite, mais surtout le plaisir d’être ensemble et la complicité de ces « 35 mousquetaires ». Elle s’attarde sur les regards et les mains, la beauté de « la géographie d’un visage », des visages, ceux des artistes. Bel écho avec les extraits des films qui eux-mêmes se concentrent surtout sur les visages et les rites cinématographique comme une mise en abyme de la mise en abyme. Au détour d’un plan, on devine la malice juvénile de Gilles Jacob comme dans la façon de filmer ce mimétisme burlesque dans les gestes des frères Dardenne ou dans la manière de filmer des spectatrices en bas des marches mais le regard est toujours tendre, bienveillant, jamais méprisant ou condescendant. Une malice juvénile qui me fait penser à celle de Woody Allen qu’il a cité en présentant le film mais aussi à Alain Resnais qui, il y a trois ans, à Cannes avait présenté le film finalement le plus jeune, fou et audacieux de cette édition, « Les herbes folles » et qui , je l’espère, continuera de m’enchanter et me surprendre cette année avec son « Vous n’avez encore rien vu » que j’attends avec énormément d’impatience.
Quel dommage d’ailleurs que Woody Allen ne figure pas dans ces courts-métrages lui, qui avec sa « Rose pourpre du Caire », nous avait justement si bien parlé de la magie du cinéma et de cette fragile frontière entre cinéma et réalité.
C’est un bonheur de revoir ces images, de constater une nouvelle fois ce qui caractérise un grand cinéaste, un auteur : le caractère immédiatement identifiable de son regard sur le monde et de son univers comme celui de Wong Kar-Wai, avec sa langueur poétique, envoûtante, sensuelle aux couleurs chatoyantes. Celui d’Elia Suleiman avec son humour burlesque. Comme la façon inimitable de Lelouch de filmer et faire jouer les acteurs (dans un film émouvant qui rend sublimement hommage au cinéma, et à ses parents). Comme la composition des plans et la manière de filmer la jeunesse si reconnaissable de Gus Van Sant... Et quand Atom Egoyan filme deux jeunes filles qui dialoguent par SMS tout en regardant des films et notamment « La Passion de Jeanne d'Arc » de Dreyer, la passion du cinéma s’allie subtilement à une dénonciation des dérives de notre époque (le meilleur film sur le sujet de ce monde qui n’a jamais communiqué aussi vite et mal restant d’ailleurs pour moi « Babel » de Inarritu ).
Le film s’achève par la musique de « La vie est belle » de Roberto Benigni (dont vous pouvez d’ailleurs retrouver ma critique ici, un film tellement indissociable de Cannes), une excellente idée en guise de conclusion et qui aurait d’ailleurs aussi pu être le titre de ce film. Si, comme le disait Gilles Jacob dans « La vie passera comme un rêve », « Cannes n’est pas un paradis pour les âmes sensibles », il l’est pour les amoureux du cinéma. Si Cannes peut encenser, broyer, magnifier, dévaster et en a perdu certains et tant à force de les éblouir, les fasciner, les aliéner ; si, là plus qu'ailleurs, les personnalités peuvent prendre des reflets changeants, finalement éclairants, révélant le portrait de Dorian Gray en chacun ; si Cannes s'enivre de murmures, se grise de lumières éphémères, s'en étourdit oubliant presque celles du Septième Art ; si le cinéma est parfois éclipsé derrière tous ceux qui font le leur, Cannes reste le plus grand festival de cinéma au monde, la plus grande déclaration d’amour au cinéma (et aux cinéastes) qui y règne en maître, lequel finalement toujours sort vainqueur comme dans ce documentaire, bel hommage à Cannes, au cinéma, aux créateurs.
A n’en pas douter ce 20 mai sera à nouveau une journée exceptionnelle et il se pourrait que, à nouveau, un générique exceptionnel vienne saluer cette projection que je vous recommande (et que je ne manquerai pas). Seul regret : que ces 53 minutes en compagnie de ces grands cinéastes et de leurs univers soient trop courtes mais, à peine la projection terminée, cela nous donne finalement envie de revoir « Chacun son cinéma » (disponible en DVD). Alors, rendez-vous le 20 mai pour les festivaliers et pour les abonnés de Canal plus, et le 27 mai sur Arte. Vous n’aurez aucune excuse pour l’avoir manqué… Et surtout, pour paraphraser le titre du film d’Alain Resnais « Vous n’avez encore rien vu… ».
J’en profite également pour vous recommander le dernier ouvrage de Gilles Jacob «Le Fantôme du Capitaine », une correspondance imaginaire, une soixantaine de lettres comme autant de nouvelles que j’ai dévorées comme un roman une évasion pleine de fantaisie dans le cinéma et la cinéphilie, la littérature, l'imaginaire, et en filigrane une réflexion sur l'art, qui réjouira tous ceux qui aiment passionnément le cinéma et la littérature, et aiment s'y perdre délicieusement, au point parfois de les confondre ou même les préférer à la réalité, un livre dans lequel Gilles Jacob, vous fait voyager avec élégance, avec savoureuse et malicieuse (auto)dérision, entre mensonge et vérité, imaginaire et réalité qu'il interroge et manipule, et qui exhale un enivrant parfum de vérité, la plus troublante et réjouissante des illusions, une illusion rassurante pour l'incurable rêveuse que je suis. (suite de mon article à ce sujet ici)
Critique « Paradis :Amour » de Ulrich Seidl – Compétition officielle du Festival de Cannes 2012
L’amour est décidément au centre de cette compétition 2012, du moins à en croire ses titres éponymes. Après l’histoire d’amour de Jacques Audiard, « De rouille et d’os » qui a bouleversé la Croisette (une des plus longues standing ovation de ces dernières années selon Thierry Frémaux, retrouvez ma critique dans l’article précèdent), en attendant le film de Michael Haneke au titre aussi sibyllin qu’explicite « Amour », film que j’attends avec une impatience grandissante, hier après-midi également en compétition était projeté « Paradis : amour » de l’Autrichien Ulrich Seidl, pour la deuxième fois en compétition à Cannes (d’ailleurs en présence de son compatriote Michael Haneke. )
C’est l’histoire de Teresa, une Autrichienne qui part au Kenya, non pas pour un safari, quoique… puisque le tourisme sexuel est l’objectif de son voyage et qu’elle traite les jeunes Africains, avec une condescendance abjecte, comme des animaux… tout en cherchant à être regardée dans le cœur, dans les yeux, bref le véritable amour qu’elle commencera par acheter et qu’elle finira par implorer, l’exploiteur devenant alors l’exploité.
La dénonciation d’une nouvelle forme de colonialisme, d’un racisme sans complexes, passe par des scènes humiliantes et difficilement soutenables pour le spectateur qui se retrouve soudain malgré lui presque complice. Certes, ce sont aussi elles qui sont humiliées en montrant sans fards leurs corps exposés sans pudeur mais une impudeur qui n’est rien face à la vulgarité de leurs mots indécents, insultants, inconscients et de leur égoïsme, ces dernières ne songeant qu’à leur quête effréné, vaine, vorace de plaisir mais finalement d’amour. Teresa n’est guère plus subtile avec sa fille dont elle ne se soucie vraiment que lorsque celle-ci oublie son anniversaire, implorant là aussi un amour en retour de son égoïsme.
Ce qui est drôle au début (Ulrich Seidl sait avec un cynisme redoutable les tourner en ridicule) devient gênant et lourd au fil du film. La quête insatiable d’un « amour » qui passe par l’humiliation de l’autre et finalement de soi-même nous est montré par des scènes répétitives et de plus en plus embarrassantes pour le spectateur et qui finissent par frôler la complaisance.
Il ne faut néanmoins pas écarter ce film d’emblée pour une récompense, bien au contraire. La réalisation inspirée contribue fortement à cette dénonciation comme ce dernier plan d’une nature sublime et impassible qui dissimule une « humanité » hideuse, celle de ces femmes pathétiques. Comme ces plans, à la fois magnifiques et terribles, beaux et tellement tristes, de corps d’Européens allongés sur des transats séparés par un fil de ces jeunes Africains, debout, qui les regardent depuis la plage, comme deux mondes qui ne se comprennent pas, qui se confrontent, qui se font face sans se voir. D’autres font songer à du Botero comme ce plan du corps de Teresa sous une moustiquaire et un instant, Ulrich Seidl, comme un hommage à une forme de beauté souillée par la bêtise et un égoïsme aveugle. Le cadrage exacerbe aussi bien souvent leur ridicule et met l’accent davantage encore sur leur mépris et leur condescendance comme lorsque Teresa et sa compatriote parlent des jeunes Africains, accoudées au bar, tandis que l’un d’entre eux est en arrière-plan, invisible et inexistant pour elles.
Certaines métaphores sont aussi très (trop) appuyées. Au plan d’un crocodile succède ainsi celui d’un jeune Africain pour bien nous faire comprendre que l’amour qu’il semble témoigner n’est que fallacieux et que Teresa n’est qu’une proie parmi tant d’autres. Au-delà de sa réalisation, ce « Paradis : Amour » aura également le « mérite » de mettre l’accent sur des pratiques tristement banalisées, et sur un racisme tristement et dramatiquement ordinaire. Si Ulrich Seidl regarde ces femmes sans complaisance, il semble néanmoins plus les plaindre que les mépriser sans pourtant les épargner, laissant Teresa, seule, vaincue, humiliée, en larmes, sur son lit.
Ce soir, je vous parlerai d’un autre film, « Reality » de Matteo Garrone que l’on peut d’ailleurs rapprocher (si, si) de celui-ci en ce qu’il montre aussi la quête effrénée d’amour ou du moins de bonheur d’un homme dans le regard d’une multitude d’autres croyant que là réside le bonheur et qui y trouvera finalement la folie. Cette journée s’est achevée par mon deuxième film d’animation en 12 ans de Festival de Cannes, « Madagascar », après une montée des marches avec un casting éblouissant. Récit également à suivre ce soir.
Ouverture et 1er jour du Festival de Cannes 2012 : entre ombres et lumières, bruits et silences…
C’est avec une ignominieuse journée de retard que je reviens sur l’ouverture de ce 65ème Festival de Cannes, préférant ne pas me laisser happer par cette course vaine et vorace à l’information, au risque de formules expéditives, faciles et hasardeuses, pour plutôt retranscrire avec justesse mes impressions et émotions et me laisser en revanche happer par le lumineux gouffre des salles obscures. Préférant toujours le silence éloquent au bruit insignifiant, aussi. Cela tombe bien, c’est justement de bruit(s) et de silence(s) dont il fut question lors de cette ouverture et dans le film qui est mon premier coup de cœur (qui, de battre, s’en serait presque arrêté) mais n’allons pas trop vite…
Avant cela, il a fallu entreprendre un trajet Paris-Cannes de 9H aussi absurde qu’un film de Tati (le talent en moins) et aussi rocambolesque que le pire (ou le meilleur) des blockbusters dont je vous épargnerai néanmoins le récit, certainement plus ennuyeux que les films précités. Arrivée une heure à peine avant la montée des marches, je suis miraculeusement parvenue à temps pour la réjouissante ascension ; je pense que j’aurais fait un parfait personnage dans un film d’Hitchcock, vous savez dans ces histoires extraordinaires qui arrivent à des hommes ou des femmes ordinaires transcendés par l’excitation et/ou la peur du danger. Le danger en l’espèce était tout de même très relatif.
A peine avais-je donc eu le temps de réaliser que j’étais à Cannes, après m’être transformée en une festivalière avec une allure digne de monter les marches, après avoir récupéré badge et invitation, je me retrouvai donc sur les mythiques marches tout en constatant qu’elles n’étaient toujours pas au nombre de 39 (hitchcockienne jusqu’au bout) mais 24 parait-il. Mais sans doute est-ce la magie de Cannes, une fois sur le tapis rouge, plus rien d’autre n’existait que le bonheur d’être là (si ce ne sont les dizaines de regards qui me font toujours redouter le faux pas, et les gravir comme si je m’entraînais pour le marathon de New York, meilleure manière de faire un faux pas d’ailleurs, vous saurez ainsi de qui il s’agit la prochaine que vous y verrez passer une marathonienne en robe de soirée), sur le point d’entrer dans ce lieu qui est l’antre du 7ème art. A chaque fois, je repense à l’enfant que j’étais qui regardait cette cérémonie comme un cénacle inaccessible, les yeux brillants et rêveurs, bien loin de m’imaginer que quelques années plus tard, un concours (le prix de la jeunesse, qui existe toujours et permet à de jeunes cinéphiles de découvrir le festival) me permettrait d’y assister et d’y retourner, chaque année, quoiqu’il arrive, par la suite. « On » a donc bien fait plaisir à l’enfant que j’étais et à la cinéphile que je suis devenue en m’invitant et me permettant d’y assister, cette fois aux premières loges.
Après ce double marathon (depuis la gare puis sur le tapis rouge, donc), j’avais tellement redouté d’être en retard que je pensais l’être…et que je suis finalement entrée la première dans l’orchestre du Grand Théâtre Lumière. Avec la même émotion que les autres fois, comme une réminiscence de la première où je suis entrée dans cette salle (c’était en 2001, c’était pour « Marie-Jo et ses deux amours » de Guédiguian, cette année-là un certain Nanni Moretti avait obtenu la palme d’or pour « La chambre du fils ») songeant à tous les films qui y ont été présentés, à tous les cinéastes qui ont émergé aux yeux du monde, à toute l’émotion contenue ou déployée dans cette salle depuis tant d’années, à tant d’applaudissements qui si souvent m’ont donnée la chair de poule, la réalité rejoignant le cinéma, se confondant presque avec celui-ci lorsque la lumière se rallume et que l’écran laisse entrevoir les visages qui y figuraient quelque secondes plus tôt, dans une autre réalité.
Et puis, une nouvelle fois, il y a eu « le Carnaval des animaux » de Saint-Saëns qui clôt la/les marche(s) et qui me fait à chaque fois frissonner comme la bande-originale de mes souvenirs cannois. Puis, la lumière s’est éteinte. Et la petite fille, une nouvelle fois, s’est réveillée.
Ensuite ELLE est apparue, dans une robe rouge dont la flamboyance n’aurait pas déplu à Pedro Almodovar. Tentant de prendre un air exagérément assuré masquant mal son trac, si touchant pourtant. Peppy Miller. Bérénice Béjo. Un an après « The Artist », film que ne peut pas ne pas aimer tout amoureux du cinéma, mais surtout film sur l’orgueil doublé de solitude des artistes, sublimés mais aussi révélés dans leurs nobles fragilités. Elle était là grâce à Peppy Miller, un peu elle aussi, sans doute hier soir. Elle a d’ailleurs remercié le festival « où tout a commencé pour moi et pour le film l’année dernière ». J’ai même cru qu’elle avait vu mes yeux d’enfant éblouie lorsqu’elle a dit « Tais-toi, toi qui dis à ton enfant qu’il ne faut pas rêver, que ce n’est pas possible. » D’ailleurs, la référence aux « soupirs des personnages de Wong Kar Wai » n’étaient-elle pas une référence explicite à ce blog « in the mood » ? (Le Marathon est épuisant pour les neurones et la lucidité, je le crains). Je crois pouvoir dire avec un peu plus de certitude qu’elle a fait référence à ce qui existe, aussi, à Cannes : ceux qui ne sont JAMAIS contents pour bien marquer leur supposée supériorité sur la masse de cinéphiles enthousiastes (imaginez-vous, s’enthousiasmer pour un film, c’est forcément ne pas avoir d’esprit critique) quand elle a dit « Tais-toi, toi qui cherches la petite bête, toi qui râles ».
Et puis la musique a presque tout emporté dans mes souvenirs, du moins leur chronologie. Mais pas les frissons toujours bel et bien là. La musique de Saint-Saëns donc. La voix assurée de Beth Ditto rendant hommage à Marilyn (égérie de l’affiche 2012 , finalement ce festival est à l’image de Marilyn, un mélange de force et de fragilité, d’ombre et de lumière, de glamour masquant la mélancolie) en reprenant la chanson d’Elton John. La petite musique de la voix si émue de Bérénice Béjo. La Sérénade de Schubert qui n’a fait que renforcer mon envie ardente de voir « Amour » de Michael Haneke. La musique de « Like someone in love » qui n’a fait que renforcer mon envie, tout aussi ardente, de découvrir le film de Kiarostami. Et puis tous ces extraits de films à donner le tournis, plus que la plus échevelée des valses. Tant d’instants rares de cinéma contenus déjà dans ces quelques bribes de films, formidable mise en bouche (parfois en abyme comme chez Resnais), réponse cinglante et incontestable à ceux qui reprochent tout et n’importe quoi à la sélection (les râleurs précités par Bérénice Béjo doivent bien les connaître). Entretemps le jury est monté sur scène : Emmanuelle Devos, Raoul Peck, Hiam Abbas, Ewan McGregor, Alexander Payne, Andrea Arnold, Jean-Paul Gautier (vêtu d’une de ses remarquables créations) et Diane Kruger. Un astucieux montage de films de Nanni Moretti a été présenté. En deux phrases, ce dernier nous a rappelé son humour décalé mais aussi qu’il est un cinéaste engagé « Je veux remercier dès maintenant mes merveilles jurés, merci à votre talent, à votre compétence, à votre bonne humeur. Merci au Festival de Cannes et à ce pays qui a contrairement à d’autres réserver toujours un rôle important au cinéma dans la société ».
Et puis, jusqu’au bout suspendue au souffle coupé de Bérénice Béjo, je l’ai entendu dire dans un souffle (si redouté qu’on aurait dit le dernier, redouté par elle en tout cas, un peu aussi soulagée sans doute) : « Et maintenant je vais suivre mon conseil et me taire à mon tour pour laisser parler le cinéma car c’est toujours lui qui a le dernier mot ». (précisons que son discours a été écrit par Kyan Khojandi et Bruno "Navo" Muschio, les auteurs de la mini-série Bref diffusée sur Canal +).
Oui, le cinéma qui, de toutes façons, sortira vainqueur, quel que soit le lauréat de la palme d’or. Quels que soient le tumulte ou le silence qu’elle suscitera, qu’elle nous éclaire sur le monde ou nous en révèle les ombres (ou qu’elle nous éclaire en nous en révélant les ombres). Et peut-être une petite fille aux yeux éblouis qui aura acquis la certitude qu’il ne faut jamais faire taire ses rêves en sortira-t-elle, elle aussi, victorieuse…
Plutôt que de vous parler du film de Wes Anderson, le film d’ouverture, conte mélancolique et tendrement déjanté sur lequel je reviendrai ultérieurement, puisque le bruit et le silence étaient à l’honneur lors de cette ouverture, je ne pouvais pas ne pas vous parler d’abord du film de Jacques Audiard (brièvement, j’y reviendrai également dans une critique digne de ce nom après le festival) qui nous raconte justement l’histoire d’un homme qui va acquérir les mots…
Cet homme, c’est Ali (Matthias Schoenaerts) qui se retrouve avec Sam, 5 ans son fils qu’il connaît à peine. Sans domicile, sans argent et sans amis, Ali trouve refuge chez sa sœur (Corine Masiero) à Antibes. Elle les héberge dans le garage de son pavillon, elle s’occupe du petit. A la suite d’une bagarre dans une boîte de nuit, son destin croise celui de Stéphanie (Marion Cotillard). Il la ramène chez elle et lui laisse son téléphone. Stéphanie est dresseuse d’orques au Marineland. Il faudra que le spectacle tourne au drame, que Stéphanie perde ses jambes, pour qu’un coup de téléphone dans la nuit les réunisse à nouveau. Lors de la conférence de presse Jacques Audiard a ainsi évoqué des « destins simples magnifiés par les accidents », « une histoire d’amour des années de crise », « deux personnages qui tentent de s’extraire de leurs conditions. »
Jacques Audiard revient ainsi sur la Croisette et en compétition officielle avec « De rouille et d'os », adapté d’une nouvelle de Craig Davidson après avoir remporté le prix du Meilleur Scénario pour « Un héros très discret » lors de l'édition 1996 du festival, et le Grand Prix du Jury pour « Un prophète », il y a 3 ans. Cette fois, il revient avec une histoire d’amour entre deux êtres blessés (mais les personnages d’Audiard le sont finalement toujours), et comme toujours chez Audiard, pas forcément immédiatement aimables mais emportant progressivement notre adhésion. Son cinéma est à l’image de ce film et de ces deux personnages : un mélange habile et poignant de rudesse et de délicatesse. C’est un film de sensations, de chair, de corps, de sang. Le corps meurtri de Stéphanie face à celui presque animal d’Ali. Le corps brutalisé et filmé avec délicatesse, caressé presque par la caméra de Jacques Audiard (comme par le regard de Stéphanie). La dureté sublimée par une douce lumière et une chaleureuse atmosphère qui atténuent la violence (sociale) ravageuse du film. « J’ai horreur de la violence. Curieux de dire que j’ai horreur de la violence et d’y revenir tout le temps » a ainsi déclaré Jacques Audiard, ce midi, en conférence de presse.
Bien qu’ils soient très différents dans leurs manières de filmer, ce film d’Audiard en particulier m’a fait penser au cinéma des Dardenne qui, eux aussi, mettent en scène des êtres cabossés par la vie et la société (avec certes beaucoup plus de réalisme, évidemment), dont les enfants sont souvent les involontaires victimes, et ils ont bien sûr en commun une remarquable direction d’acteurs, et une force de la mise en scène, aussi différentes soient-elles.
C’est un film de contrastes et d’évolutions. De l’arrogance, ou du moins du contrôle à l’abandon. De l’impossibilité de s’exprimer à la possibilité de dire les plus beaux mots qui soient. Et surtout de la solitude à la réconciliation avec leurs proches (sœur, enfant) et avec eux-mêmes.
Un film âpre et plein d’espoir. De rouille et d’os. De chair et de sang. De rudesse et de délicatesse. De douceur et de violence. De troublants paradoxes pour un troublant film. Des contrastes à l’image de ceux de l’esthétique du film. Le (magnifique montage) met en exergue et oppose les sons, les silences, les corps, le contrôle, l’abandon. Ajoutez à cela une bande originale réussie, de la musique de Desplat à « Firework » de Katy Perry. Deux acteurs extraordinaires et extraordinairement dirigés. Comme dans « Bullhead », c’est l’animalité de son personnage que fait ressortir ici Matthias Schoenaerts, mais ici, au contraire de son personnage dans le film qui l’a révélé, il va aller vers la parole, l’humanité. Son personnage concentre aussi les contrastes du film, de même que celui de Marion Cotillard. Tous deux sont bouleversants de justesse, de dureté et de douceur, d’humanité et d’animalité, et en tout cas de fragilité masquée.
Marion Cotillard était ainsi visiblement très heureuse d’être à Cannes. Lors de la conférence de presse, elle a ainsi déclaré : « C’est ma première fois dans un film en compétition officielle à Cannes. Je ne pensais pas que ça allait me rentre si joyeuse. C’est un festival mythique qui a vu tellement de grandes histoires, de grands acteurs, de grands artistes et je suis particulièrement heureuse d’y être avec le film de Jacques» tandis que Matthias Schoenaerts a déclaré à son propos « C’est une comédienne exceptionnelle. On va dans l’absolu ». Pour Jacques Audiard, « Marion est une actrice très virile et sensuelle en même temps. Elle a une autorité dans le jeu. Elle est capable de passer de l’autre côté du mur ». Signalons enfin la présence de Corinne Masiero (dans le rôle de la sœur d’Ali), révélée par le personnage de Louise Wimmer dans le film éponyme de Cyril Mennegin.
Prix d’interprétation masculine ou féminine, prix de la mise en scène, grand prix du jury… Le festival commence très fort avec ce film qui pourrait prétendre à tous les prix, ou presque. Un film coup de poing qui est aussi mon premier coup de cœur de cette édition 2012. Un film sensoriel magistralement monté, joué, pensé et mis en scène.
C’est avec plus d'une journée de retard que je reviendrai sur l’ouverture de ce 65èmeFestival de Cannes préférant ne pas me laisser happer par cette course vaine et vorace à l’information, au risque de formules expéditives, faciles et hasardeuses pour plutôt retranscrire avec justesse mes impressions et émotions et pour me laisser en revanche happer par les salles obscures. Préférant toujours le silence éloquent au bruit insignifiant. Cela tombe bien, c’est justement de bruit et de silence dont il fut question lors de cette ouverture et dans un film qui mon premier coup de cœur de cette compétition 2012 ... je vous raconterai tout (l'ouverture et le film en question) demain matin. Patience... et, justement, pour patienter, une photo de la conférence de presse du film en question.
Comment suivre le Festival de Cannes 2012 et me suivre en direct du 65ème Festival de Cannes : rendez-vous quotidiennement sur inthemoodforcannes.com et…
Pour mon 12ème Festival de Cannes, vous pourrez me suivre sur mes blogs comme les années passées, néanmoins avec quelques changements mais aussi avec de nouveaux partenariats.
BLOGS: Tous mes articles consacrés au festival et publiés en direct le seront sur http://www.inthemoodforcannes.com quotidiennement (et non en parallèle sur http://www.inthemoodforcinema.com comme d’habitude même si certains articles pourront y être repris ) avec des articles sur la sélection officielle, les conférences de presse, des interviews etc. Je vous donne donc quotidiennement rendez-vous ici pour mes articles quotidiens du 16 au 28 Mai.
Vous trouverez aussi quelques articles consacrés au Festival de Cannes sur mon nouveau blog http://inthemoodlemag.com .
TWITTER: Pour connaître mes commentaires encore plus régulièrement, vous pouvez aussi me suivre sur twitter : http://twitter.com/moodforcinema (@moodforcinema) et http://twitter.com/moodforcannes (@moodforcannes ). Mes twitts sont également en direct sur ce blog (colonne de gauche).
J’essaierai aussi de prendre quelques photos d’ambiance sur twitter notamment via instangram (@moodforcinema ).
Le rythme du festival ne me permettra pas de parler ici de tous les films que je verrai et aussi longuement que le reste de l’année mais, bien entendu, je vous ferai au retour un compte-rendu complet et détaillé.
Comme chaque année, j’aurai également divers PARTENARIATS :
Quoiqu’il en soit, la passion, la liberté et l’enthousiasme restent les maîtres mots…
Et pour ceux qui découvriraient ce blog à cette occasion, je vous renvoie vers l’édito dans l’article ci-dessus pour en savoir plus sur l’auteur de ces lignes, mais aussi sur mes attentes et « pronostics » pour cette 65ème édition.
Bon festival à tous et pour ceux qui n’auront pas la chance de le vivre en direct, j’essaierai de vous le relater le mieux possible pour vous donner l’impression d’être réellement « in the mood for Cannes ".
Pour en savoir plus, retrouvez aussi les rubriques "A propos" et "Dans les médias" d' In the mood -Le Magazine.
Découvrez aussi mon recueil de nouvelles sur le cinéma pour lequel je recherche un éditeur (4 sur 13 nouvelles sont en ligne): http://mymajorcompanybooks.com/meziere . A bons entendeurs!
Editorial - En attendant l'ouverture du 65ème Festival de Cannes: mes attentes pour ce Festival de Cannes 2012
Comme je vous le disais dans l’article précèdent, cette année, mes blogs seront à nouveau partenaires (notamment, cf le prochain article pour la liste des partenariats) du blog Live Orange pour lequel on m’a demandé de me présenter (ici), ainsi que mes attentes et « pronostics » pour cette 65ème édition du Festival de Cannes. Voici à nouveau l’article en question dans une version plus longue et ceux qui découvrent les blogs inthemood à cette occasion en sauront ainsi plus sur celle qui rédige ces lignes (désolée pour les autres pour qui le début sera sans doute un peu rébarbatif voire présomptueux). Et en attendant l’ouverture à laquelle j’espère pouvoir assister (rien de certain pour le moment), retrouvez mon compte-rendu de l’ouverture du Festival de Cannes 2011 en cliquant ici.
Sans aucun doute, en 2001, lors de mon premier Festival de Cannes auquel j’avais assisté grâce au concours du prix de la jeunesse, n’imaginais-je pas y retourner, quoiqu’il arrive, chaque année, et y être encore en 2012. Après 5 blogs (dont le premier créé il y a 9 ans et dont un consacré à ce festival), 13 participations à des jurys de festivals de cinéma (dont 10 sur concours d’écriture), 10 années de passionnantes études (droit, sciences politiques, médiation culturelle, cinéma) ; ma passion viscérale du cinéma et de l’écriture, cette envie irrépressible de les partager (notamment dans un recueil de 13 nouvelles sur le cinéma pour lequel je recherche un éditeur -à bons entendeurs !- mais aussi par l’écriture de scénarii) sont plus que jamais vivaces. 11 ans plus tard, après tant de pérégrinations, j’y vais avec le même enthousiasme, la même curiosité insatiable que cette première fois où je découvrais, fascinée, le vertigineux et mythique Grand Théâtre Lumière, ses rituels dérisoires et sublimes. C’est en effet ce festival, la plus grande des « fenêtres ouvertes sur le monde », tourbillon enivrant d’images, qui a exacerbé ma passion pour le cinéma.
Bien sûr, je connais les pièges et revers de ce théâtre des vanités, cette comédie humaine fascinante et terrifiante, la versatilité des personnalités et avis pour un sursaut de vanité. Je sais que tant d’illusions s’y fracassent, que Cannes peut encenser, broyer, magnifier, dévaster et en a perdu certains et tant à force de les éblouir, les fasciner, les aliéner, que le cinéma est parfois éclipsé derrière tous ceux qui font le leur mais Cannes reste la plus grande déclaration d’amour au cinéma et aux cinéastes qui y émergent, se révèlent au monde, nous révèlent un monde. Le leur. Le nôtre.
Comme chaque année, la compétition reflète ainsi la diversité du cinéma mondial (contrairement à ce que certains prétendent, chaque année), mais aussi les colères, les blessures, les ombres et les lumières du monde, parfois sa poésie. Certainement cela sera-t-il le cas de « Like someone in love » de Kiarostami, le film de cette compétition que j’attends le plus. Pour sa 5ème sélection en compétition, le cinéaste iranien qui avait obtenu la palme d'or en 1997 pour "Le goût de la cerise", nous emmène au Japon. Je lui dois ainsi un de mes plus grands chocs cinématographiques cannois avec « Copie conforme », film de questionnements plus que de réponses si ludique, unique, jubilatoire dans lequel le jeu si riche et habité de Juliette Binoche, lumineuse et sensuelle, se prête à plusieurs interprétations, à l'image de l'art évoqué dans le film dont l'interprétation dépend du regard de chacun, comme une illustration pratique de la théorie énoncée. Brillante réflexion sur l'art et l'amour.
« Amour », tel est justement le titre simple et sibyllin du film de Michael Haneke, de retour en compétition trois ans après sa palme d’or pour l'œuvre austère à la cruauté tranchante, dérangeante, à la mise en scène fascinante qu’est « Le Ruban blanc ». Il devrait à nouveau nous dérouter avec ce film que je suis particulièrement curieuse de découvrir, également pour le retour de Jean-Louis Trintignant.
J’attends également beaucoup du dernier film, aussi en compétition, d’un réalisateur dont le cinéma semble paradoxalement de plus en plus juvénile et inventif : « Vous n’avez encore rien vu » d’Alain Resnais, une adaptation très libre d’"Euridyce" de Jean Anouilh qui s'apparente vraisemblablement à un hommage au cinéma et au théâtre.
C’est avec la même avidité que je dégusterai un autre des trois films français en compétition : « De rouille et d’os » de Jacques Audiard, trois ans après le Grand prix pour « Un Prophète », une histoire entremêlant amour et brutalité de l’existence dont la mise en scène, le sujet et l’interprétation semblent particulièrement prometteurs.
Parmi mes attentes encore : le film de Catherine Corsini à Un Certain Regard que Thierry Frémaux a défini comme un " film policier qu'on pourrait dire inspiré par Claude Sautet », lequel est un de mes cinéastes de prédilection : argument imparable.
J’attends également beaucoup de « Reality » de Matteo Garrone ; de « The Hunt » de Vinterberg dans lequel le mensonge se métamorphose en vérité dans l'esprit de ceux qui le reçoivent, un film sur la rumeur qui, à Cannes, si souvent atteint son paroxysme.
Il faudrait encore citer « Killing them soflty » qui signe le retour d’Andrew Dominik après le western crépusculaire et magistral « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford » ; « Cosmopolis » qui(ré)concilie vraisemblablement glamour et film d’auteur ; « Laurence anyways » de Xavier Dolan après sa grisante fantasmagorie « Les amours imaginaires » ; « Confession d’un enfant du siècle » étant curieuse de voir comment l’œuvre de Musset a pu être adaptée, de même que celle de Kerouac (« Sur la route ») par Walter Salles.
J’aimerais revoir « Lawrence d’Arabie », « Cléo de « 5 à 7 », « Tess », chefs d’œuvre dont les projections des copies restaurées dans le cadre de Cannes Classics promettent de grands moments d’émotion.
Je retournerai voir « Une journée particulière » de Gilles Jacob que j’ai découvert récemment, documentaire sur les 60 ans du festival qui sera projeté pour le 65ème anniversaire en présence de 18 des cinéastes de « Chacun son cinéma ». Un film qui s’attarde sur « la géographie d’un visage », des visages, ceux des artistes. Bel écho avec les extraits des films qui le jalonnent et qui eux-mêmes se concentrent surtout sur les visages et les rites cinématographiques comme une mise en abyme de la mise en abyme. Au détour d’un plan, on devine la malice juvénile de Gilles Jacob ; le regard est toujours tendre, bienveillant. Son documentaire met en lumière ce qui caractérise un grand cinéaste, un auteur : le caractère immédiatement identifiable de son regard sur le monde et de son univers.
Etablir des pronostics revient à s’interroger sur les caractéristiques d’une palme d’or. Un film qui justement témoigne d’un regard sur le monde ? Un film avec une portée sociale, politique, philosophique ? Un film intemporel ? Un film qui porte l’art cinématographique et ses composantes à leur firmament ? Un film qui nous transporte, nous éblouit, nous émeut ? Un film qui nous questionne ? Un film qui nous apporte des réponses ?
Nanni Moretti, cinéaste « engagé », pourrait primer un film en résonance avec l’actualité comme celui de Yousri Nasrallah. Ou celui de Kiarostami à qui il a consacré un court-métrage et qui lui doit en partie la palme d’or en 1997 (il faisait alors partie du jury.) Marion Cotillard ou Matthias Schoenaerts pourraient recevoir un prix d’interprétation, manière détournée de récompenser Jacques Audiard qui aura tant de concurrents pour la mise en scène. Je ne peux m’empêcher de souhaiter un prix du scénario pour Resnais, l’écriture de ses films étant toujours remarquable mais, à vrai dire, je préfère ne rien présager, laisser place au vertige de la surprise et la découverte cinématographiques.
Je ne prends guère de risques, en revanche, en pronostiquant 11 jours de chocs et d’éblouissements cinématographiques, d’exquise et troublante confusion entre fiction et réalité enlacées en un tango langoureux annihilant frontières et repères, où la vie sera alors exaltante, palpitante, grisante. Comme au cinéma…
David Lisnard et Thierry Frémaux ont eu la gentillesse d'accueillir quelques blogueurs pour un petit-déjeuner sur la terrasse du palais des festivals, dans le salon où sont reçues les équipes de films, tandis que, en contrebas, se déroulait le photocall de "The paperboy" de Lee Daniels (Nicole Kidman, Zac Efron, John Cusack). Voici le discours de Thierry Frémaux qui, comme souvent, a fait preuve de beaucoup d'humour pour nous accueillir et nous parler de twitter. (vous pouvez le suivre sur twitter @THIERRYFREMAUX ainsi que Gilles Jacob (@jajacobbi) et bien sûr toujours me suivre (@moodforcinema , @moodforcannes, @moodfdeauville , @moodforluxe et surtout sur le premier pour les nouvelles quotidiennes).
Un bon festival c’est souvent comme un grand film, il vous laisse heureux et exténué, joyeusement nostalgique et doucement mélancolique, riche d’émotions et de réflexions, souventcontradictoires , et il faut souvent un peu de recul pour appréhender ces multiples réflexions et émotions qu’il a suscitées, pour découvrir quelles images auront résisté à l’écoulement du temps, aux caprices de la mémoire, à ce flux et flot d’informations ininterrompues. C’est donc délibérément une semaine après cette joyeuse tornade d’émotions, d’images, de rencontres, de retrouvailles et parfois de rendez-vous manqués (parfois cinématographiques, en ayant vu une vingtaine de films dont 17 films de la compétition sur 22 et en ayant manqué 4 films figurant au palmarès) que j’ai décidé d’établir le bilan de ce 65ème Festival de Cannes avant de revenir, dans les semaines qui viennent, sur les films les plus marquants de cette édition.
Même s’il était forcément difficile, voire impossible, de rivaliser avec l’édition 2011 (pour moi, la meilleure en 12 ans avec notamment « Melancholia » sans aucun doute un de mes plus grands chocs cinématographiques), quoiqu’en disent certains observateurs, cette édition 2012, si elle nous a proposé un cinéma particulièrement morose et pessimiste mais aussi des œuvres exprimant une quête d’amour(s) effrénée et souvent désespérée fut, comme chaque année, le révélateur ou la confirmation de grands films et auteurs et le reflet clairvoyant et souvent terrible de la société, une société en perte et quête de repères.
Ecrire ce bilan c’est un peu mettre le mot fin sur 11 jours dont je rechigne à m’éveiller mais c’est aussi s’y replonger un peu, oublier un temps la réalité, retourner dans cette « bulle au milieu du monde dans laquelle on se réfugie, on se cache blottie contre un siège rouge dans le noir d’une grande salle » pour reprendre les propos de Bérénice Béjo à la clôture. Si cette bulle nous isole du monde, nous plonge dans une irréalité étourdissante, et cette année n’a pas dérogé à la règle, en revanche elle nous a aussi paradoxalement ramenés à ce monde, ses doutes, ses désespoirs, une parenthèse enchantée qui a mis en lumière les ombres d’un monde désenchanté, des films dans lesquels les sursauts de l’histoire (« Après la bataille ») mais surtout la crise étaient présents au premier plan ou en arrière-plan (« Killing them softly ») avec des personnages anesthésiés en quête d’une ivresse (« L’ivresse de l’argent »), de désirs (« Cosmopolis »), d’un rêve (« Reality ») ou parfois simplement d’un quotidien meilleur mais surtout d’amour(s). Un monde enragé « à en perdre la raison », avide d’amour(s), qui a du mal à communiquer, symboliquement enfermé dans l’habitacle aseptisé et clinique d’une voiture (« Holy motors », « Cosmopolis »). Des œuvres pessimistes dont la mort était bien souvent la seule issue et paradoxale respiration. Des œuvres qui s’opposaient aussi dépeignant tantôt un monde sur papier glacé, glaçant, glacial, tantôt des êtres de chair et de sang, ou « de rouille et d’os ». Tantôt des œuvres formellement radicales et des œuvres plus classiques (« Sur la route », « Mud »…). Ou des œuvres qui montraient des mondes qui s’opposaient : deux Egypte dans « Après la bataille », « Trois mondes » dans le film éponyme de Catherine Corsini. Subtile alliance et confrontation de force et de fragilité, de glamour et de cinéma d’auteur que résumait si bien l’affiche de cette 65ème édition. Marilyn, les yeux baissés, comme une invitation douce et langoureuse au rêve. A la fois sophistiquée et simple. Fragile et complexe. Moderne et intemporelle. Elégante et à fleur de peau. Le symbole idéal pour le Festival de Cannes qui concilie si bien ces beaux paradoxes. Et puis Marilyn souffle une bougie, une manière de nous rappeler que ce festival, un autre mythe, fête ses 65 ans, et qu’il découvre et célèbre le cinéma d’aujourd’hui aussi bien que celui d’hier.
Comme souvent les films cannois ont aussi affectionné la mise en abyme comme l’avaient fait les magnifiques « Etreintes brisées », « The Artist », « Minuit à Paris » les années précédentes et cette année « Holy motors » et « Vous n’avez encore rien vu ». Le film d’Alain Resnais m’a autant éblouie et fascinée que celui de Leos Carax m’a agacée (mais je suis minoritaire, je l’admets, combien de journalistes ai-je entendu crier au génie, rares sont en revanche ceux ayant été capables de m’expliquer les raisons de leur admiration), le premier m’a semblé aussi généreux que le second m’a parue égocentrique. Et puis le documentaire de Gilles Jacob qui s’attarde sur la géographie des visages était aussi une mise en abyme d’une mise en abyme puisqu’il raconte le 60ème anniversaire du Festival et la projection de « Chacun son cinéma » dont chaque segment avait pour sujet la salle de cinéma. Projeté à l’occasion de l’anniversaire du festival qui célébrait cette année ses 65 ans, il a donné lieu au plusimprobable et magnifique générique du festival, un de ces moments cannois qui retiennent le temps et font que cinéma et réalité se rejoignent dans une joyeuse, émouvante et troublante confusion (une projection suivie d’un dîner signé Pierre Gagnaire avec un générique tout aussi impressionnant auquel j’ai eu le grand plaisir d’être conviée).
Si je devais moi aussi m’attarder sur la géographie des visages, je retiendrais pêle-mêle : celui de William Hurt dans le film de Sandrine Bonnaire, enragé de douleur indicible, d’amour massacré, de folie désespérée ; le beau visage de Raphaël Personnaz, ravagé par la culpabilité dans « Trois mondes » ; celui d’Isabelle Huppert, fantaisiste et mélancolique à souhait dans le film ludique et rohmerien de Hong Sang-Soo. Celui de Robert Pattinson, judicieusement cynique et sinistre, présent dans tous les plans de « Cosmopolis », une vraie révélation. Celui de Mahmoud, le cavalier de la place Tahrir, dans le sublime et significatif dernier plan de « Après la bataille » ; ceux d’Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant douloureusement enlacés dans leur tendre et ultime amour jusqu’au dernier souffle dans le film d’Haneke. Celui d’Emilie Dequenne sur la musique de Julien Clerc, saisissant de douleur et d’émotion (au passage, signalons que face à elle une autre révélation de Cannes, Tahar Rahim est sidérant de justesse et Niels Arestrup plus inquiétant que jamais). Si je devais retenir une musique, ce serait un Impromptu de Schubert que j’aimais déjà tant désormais indissociable du film d’Haneke, infiniment triste et beau. La voix puissante de Beth Ditto à l’ouverture. La musique de Mark Snow d’une puissance émotionnelle renversante dans « Vous n’avez encore rien vu ». Et puis tant de regards. Trop souvent désabusés. Heureusement aussi souvent passionnés. Des regards de cinéastes si incisifs et tristement lucides sur notre époque. Des bruits aussi. Ceux d’une Croisette insomniaque. Ceux d’une presse vengeresse. Ceux de ces médias carnassiers qui ne laissent pas le temps à la pensée de s’exprimer alors que, justement, la richesse de Cannes est de nous faire découvrir des œuvres exigeantes qui nécessitent un peu de recul et un peu plus que ces réactions passionnelles et souvent brutales. Ceux des applaudissements, parfois conventionnels ou de politesse, parfois ne pouvant plus arrêter leur course folle à vous faire chavirer de bonheur et d’émotion comme ce fut le cas pour « De rouille et d’os », « Amour », « A perdre la raison », « J’enrage de son absence ».
Je retiendrai encore que ce festival a couronné l’ « Amour » d’une palme d’or, « Reality » d’un grand prix. Paradoxe cannois que de primer deux films qui sont pour le premier d’une certaine manière l’antithèse de Cannes, pour le second une sorte de miroir. Dans le premier : l’Amour absolu, un cri d’amour ultime et désespéré qui montre ce qui est « caché » avec une infinie pudeur et délicatesse alors que tant, à Cannes, s’enivrent de rencontres et plaisirs éphémères. Dans le second, le rêve d’un homme qui ne voit le bonheur possible que dans le regard d’une multitude d’autres, fut-ce au mépris de sa dignité, une fable qui aboutit à la désillusion, sorte de miroir de Cannes, aussi. Et comme Luciano, le personnage principal, qui finit par imaginer qu’un criquet l’espionne, l’omniprésence médiatique à Cannes fait parfois perdre le sens des réalités et imaginer être dans un immense Truman show.
Lors de la conférence de presse du jury à laquelle j’ai eu le plaisir d’assister Nanni Moretti a déclaré que tous les prix auraient pu revenir à « Amour » (le règlement ne permet pas à un film d’avoir un autre prix en plus de la palme d’or) et qu’aucun prix n’avait fait l’unanimité du jury. « Amour », trois ans après la palme d’or pour « Le Ruban blanc » fait ainsi entrer Michael Haneke dans le cercle très fermé des cinéastes doublement palmés. En plus de sa maitrise formelle incontestable, « Amour » est un film tragique, bouleversant, universel qui nous ravage, un film lucide, d’une justesse et d’une simplicité remarquables, tout en retenue. Un film éprouvant et sublime, d’une beauté tragique et ravageuse que vous hante et vous habite longtemps après la projection, après ce dernier plan d’une femme seule dans un appartement douloureusement vide.
«Je ne me souviens plus du film, mais je me souviens des sentiments» dit Jean-Louis Trintignant en racontant une anecdote à son épouse dans le sublime film « Amour » de Michael Haneke. C’est aussi ce que je pourrais dire de mon film du Festival de Cannes. Je serais incapable de vous raconter ces 11 jours, en revanche m’en restent des sentiments forts : la fascination devant le long premier plan-séquence de « Reality » ; l’admiration devant ce premier plan de « Like Someone in love », cette manière de capter notre attention, de laisser le spectateur libre, la richesse, la force et la douceur du cinéma de Kiarostami envoûtant et pluriel comme un air de jazz ; l’admiration encore devant la beauté froide et triste et la richesse du scénario de « Dans la brume » de Sergei Loznitsa (qui a d’ailleurs obtenu le prix de la critique internationale) ; le bouleversement devant la fin de « A perdre la raison » et sa violence absolue hors-champ qui m’a rappelée ce plan de « Tess » projeté à Cannes Classics cette année, cette tâche de sang qui s’étend et en dit plus que n’importe quelle démonstration de force et violence ; un sentiment fugace et salvateur de légèreté devant « In another country » ; les frissons devant la poésie étourdissante des premières images du prochain film de Wong Kar Wai (séance surprise du festival avec projections de bandes-annonces) ; le vertige sensoriel devant « De rouille et d’os », mélange habile et poignant de rudesse et de délicatesse, qui culmine dans ces derniers mots, cri d’amour et d‘espoir poignant et dévastateur.
Ce même vertige sensoriel devant le film d’Alain Resnais dont je ne peux m’empêcher de vous parler longuement à nouveau qui a suscité ce qui arrive parfois au théâtre, cette émotion presque irrationnelle, lorsqu’il y a ce supplément d’âme, de magie, lorsque ce pouvoir des mots vous embarque ailleurs, vous hypnotise, vous fait oublier la réalité, tout en vous ancrant plus que jamais dans la réalité, vous faisant ressentir les palpitations de la vie. Chaque phrase prononcée, d’une manière presque onirique, magique, est d’une intensité sidérante de beauté et de force et exalte la force de l’amour. Mais surtout Alain Resnais nous livre ici un film inventif et ludique. Il joue avec les temporalités, avec le temps, avec la disposition dans l’espace (usant parfois aussi du splitscreen entre autres « artifices »). Il donne à jouer des répliques à des acteurs qui n’en ont plus l’âge. Cela ne fait qu’accroître la force des mots, du propos, leur douloureuse beauté et surtout cela met en relief le talent de ses comédiens. Rarement, je crois, j’aurais ainsi été émue et admirative devant chaque phrase prononcée quel que soit le comédien. A chaque fois, elle semble être la dernière et la seule, à la fois la première et l’ultime. C’est une des plus belles déclarations d’amour au théâtre et aux acteurs, un des plus beaux hommages au cinéma qu’il m’ait été donné de voir et de ressentir. Contrairement à ce qui a pu être écrit ce n’est pas une œuvre posthume mais au contraire une mise en abyme déroutante, exaltante d’une jeunesse folle, un pied-de-nez à la mort qui, au théâtre ou au cinéma, est de toutes façons transcendée. C’est aussi la confrontation entre deux générations ou plutôt leur union par la force des mots. Ajoutez à cela la musique de Mark Snow et vous obtiendrez un film inclassable et si séduisant (n’usant pourtant d’aucune ficelle pour l’être mais au contraire faisant confiance à l’intelligence du spectateur). Ce film m’a enchantée, bouleversée, m’a rappelé pourquoi j’aimais follement le cinéma et le théâtre, et les mots. Ce film est d’ailleurs au-delà des mots auquel il rend pourtant un si bel hommage. Malgré tout ce que je viens de vous en dire, dîtes-vous que de toutes façons, « Vous n’avez encore rien vu ». C’est bien au-delà des mots et cela fait un bien fou dans un lieu comme Cannes où ils sont tant galvaudés …
Je retiendrai encore des retrouvailles trop brèves, des émotions intenses, des hasards et coïncidences troublants. Ce sentiment aussi d’avoir vécu un film de 11 jours déroutant, souvent enthousiasmant, parfois une histoire sans fin et puis cette impression que si Cannes est un paradis pour les cinéphiles, il ne l’est pas pour les âmes sensibles comme le disait Gilles Jacob dans son livre « La vie passera comme un rêve », la mienne ayant été souvent mise à rude épreuve.
Cannes, c’est la vie en concentré. Plus belle et plus violente. Plus déconcertante et exaltante. Plus dérisoire et urgente. Comme sur l’écran, tout y est plus triste, plus tragique, plus intense, tellement excessif. Chacun se pare d’un masque, souvent de vanité, parfois d’hypocrisie, me faisant songer à cette citation de Molière tellement à propos à Cannes « L’hypocrisie est un vice à la mode et tous les vices à la mode passent pour vertu ». Cannes, « c’est une joie et une souffrance » , pourrais-je dire en paraphrasant Truffaut. La joie de vivre au rythme de sa passion. La souffrance de voir des passions moins nobles l’emporter. La joie de faire taire la réalité. La joie de voir la vie ressembler à du cinéma. La joie d’être immergée dans un monde de cinéma et de se plonger dans des regards et des univers de cinéastes captivants, dérangeants, en tout cas éminemment talentueux. La joie de partager sa passion, de passer ses journées au rythme du cinéma. Oui, la joie l’emporte forcément.
Une certitude subsiste : que j’aime Cannes et le cinéma à la folie, toujours et encore et malgré tout, ce vertige émotionnel et cinématographique qui vous enivre, mais beaucoup moins ceux qui font le leur et le prennent pour prétexte à l’expression de leurs frustrations, beaucoup moins ceux qui se gavent et se grisent, beaucoup moins ceux qui piétinent les autres et leur orgueil pas même pour un quart d’heure cher à Warhol. Je déplore la présence voire l’omniprésence des marques pour qui Cannes n’est qu’une vitrine et plus un festival de cinéma.
J’en retiens un voyage dans les cinématographies, les espoirs et les tourments du monde entier exigeant, passionnant, instructif; l’envie toujours et plus que jamais viscérale d’écrire et de partager cette passion qui ne s’étiole pas avec les ans. Enfin, je précise (suite à quelques réflexions à ce sujet) que, comme chaque année, je ne devais mon accréditation et ma présence à Cannes à aucun sponsor, que ma contribution pour d’autres sites a été réalisée à titre gracieux. L’occasion aussi de souhaiter conserver cette indépendance mais aussi de faire évoluer mes blogs, d’écrire ou m’exprimer pour d’autres médias, la prise de conscience de l’utilisation par certaines marques des écrits des blogueurs comme une matière indifférenciée, simplement dictée par l’audience et la visibilité, et non la qualité.
Alors, sans aucun doute serai-je à Cannes pour la treizième fois l’an prochain, revenant à mes premières amours, à cette émotion qui ne manque pas de m’étreindre quand je pénètre chaque année pour la première fois dans le Grand Théâtre Lumière, a fortiori cette année, aux premières loges pour l’ouverture. Non, jamais je n’oublierai cette émotion dont j’éprouve chaque année la douce et violente réminiscence, jamais je n’oublierai ces moments exaltants de cinéma qui vous élèvent et qui éclairent et illuminent la réalité.
Remerciements à ceux qui ont lu quotidiennement mes articles en direct du festival, surtout à un « gentleman old school » à la curiosité et la jeunesse d’esprit réjouissantes et inaltérées et qui fait de ce festival cette magnifique et inégalable manifestation cinématographique et qui a fait qu’ « une journée particulière » l’était encore plus pour moi, à ceux que j’y croise trop rarement, chaque année, de façon éphémère etjoliment irréelle, mais que je n’oublie pas pour autant, aux passionnés de cinéma avec qui j’ai eu le plaisir d’échanger pendant ce festival…
Je vous donne rendez-vous dans les semaines à venir pour de nouveaux articles sur ce 65ème Festival de Cannes mais aussi cette semaine pour mes articles en direct du Champs-Elysées Film Festival, du 6 au 12 juin, et dont ce sera cette année la première édition, avant le Festival Paris Cinéma, fin juin, à suivre ici comme chaque année. Retrouvez également d’autres articles et visions du Festival de Cannes sur mes autres blogs http://www.inthemoodforcannes.com , http://www.inthemoodforcinema.com et http://www.inthemoodforluxe.com et pour ceux qui m’ont suivie sur twitter pendant le festival sur @moodforcannes, vous pouvez également me suivre toute l’année sur mon compte twitter principal et quotidien @moodforcinema .
Ci-dessous en vidéos et en images, quelques autres de mes meilleurs moments en attendant de revenir en critiques sur mes coups de cœur de cette édition (« Amour », « A perdre la raison », « J’enrage de son absence », « Après la bataille », « Vous n’avez encore rien vu », « De rouille et d’os », « Dans la brume », « Reality »…).
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Toutes les photos de cet article sont la propriété d’ http://inthemoodlemag.com . Les photos du jury sont celles de la conférence de presse du clôture du festival. Le menu est celui du dîner des 65 ans du Festival de Cannes.
Après 11 jours d’émotions cinématographiques intenses, alors que la Croisette sur laquelle je me trouve encore efface à une vitesse fulgurante les traces de ce qui, comme chaque année, me semble n’avoir été qu’un songe (Et quel songe ! Dans celui-ci, je n’ai vécu qu’au rythme du cinéma pendant 11 jours, sur un écran sur lequel tout a semblé plus grand, plus tragique, plus noble et une fois la lumière rallumée, il m’a aussi bien semblé que tout était d’une étrangeté parfois fellinienne ), hier, déjà le jury de cette 65ème édition a livré son palmarès. Cela fait 11 jours déjà que j’ai frissonné en entendant pour la première fois en 2012, la musique de Saint-Saëns, cela fait 11 jours que j’étais pour la première fois cette année dans le Grand Théâtre Lumière, parmi les invités de l’ouverture, le cœur battant, comme pour un rendez-amoureux, à la fois doucement inquiète, et exaltée à l’idée de cet état second dans lequel je savais déjà que cette immersion cinématographique me plongerait. En 11 jours, Bérénice Béjo est passée d’une robe rouge flamboyante à une robe blanche immaculée. 11 jours de rencontres, de retrouvailles, de chocs et d’émotions cinématographiques. 11 jours à être déroutée, aimantée inexorablement vers ce Grand Théâtre Lumière, cette « bulle au milieu du monde dans laquelle on se réfugie, on se cache blottie contre un siège rouge dans le noir d’une grande salle » comme l’a si bien dit Bérénice Béjo. Une bulle qui nous isole du monde (quoi, il existerait un monde en dehors de Cannes ?), bulle délicieusement égocentrique, bulle qui paradoxalement nous éloigne du monde même si les films, justement, nous en rappellent l’état, cette année souvent désorienté, sur fond de crise, en quête d’un amour désespéré. Une parenthèse enchantée qui nous plonge pourtant dans un monde désenchanté. J’ai délibérément moins écrit cette année, ne souhaitant pas tomber dans cette course folle à l’information, mais préférant vous livrer un compte-rendu réfléchi (sans doute en fin de semaine, avec mes meilleurs moments du festival et de nombreux films sur lesquels je reviendrai). En 11 jours, il m’a semblé vivre des années en accélérés, avec tant de drames, de détresse, de péripéties sur l’écran qui, aussi, parfois donnaient à la réalité une couleur plus intense, douloureuse ou étincelante, jamais fade en tout cas. Il faut avouer que ce n’est pas de chance : je n’ai manqué que 5 films sur 22 de la compétition et 4 de ces films figurent au palmarès. J’ai néanmoins vu et été bouleversée par « Amour » le film pour lequel Michael Haneke a obtenu la palme d’or qui le fait entrer dans le cercle fermé et envié des cinéastes l’ayant obtenue deux fois (il avait reçu la première il y a trois ans pour l’austère, dérangeant et magistral « Le ruban blanc »).
« Amour » est un film tragique, bouleversant, universel qui nous ravage, un film lucide, d’une justesse et d’une simplicité remarquables, tout en retenue. «Je ne me souviens plus du film, mais je me souviens des sentiments» dit Jean-Louis Trintignant en racontant une anecdote à son épouse dans le film. C’est aussi ce qu’il nous reste de ce film, l’essentiel, l’Amour avec un grand a, pas le vain, le futile, l’éphémère mais l’absolu, l’infini. Un film éprouvant et sublime, d’une beauté tragique et ravageuse que vous hante et vous habite longtemps après la projection, après ce dernier plan d’une femme seule dans un appartement douloureusement vide. Un film d’Amour absolu, ultime. Et puis il y a la musique de Schubert, cet Impromptu que j’ai si souvent écouté et que je n’entendrai sans doute plus jamais de la même manière.
Avant de revenir sur ce festival dans quelques jours, je vais terminer avec la phrase du bouleversant Jean-Louis Trintignant (sur scène et sur l’écran) empruntée à Prévert : « et si on essayait d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple ». Oui, si on essayait…
Mes photos ci-dessous sont issues des conférences de presse du jury et des lauréats auxquelles j'ai assistées. Je vous en parlerai également prochainement...
PALMARES
LONGS METRAGES
Palme d'Or
AMOUR (Love) réalisé par Michael HANEKE
Grand Prix
REALITY réalisé par Matteo GARRONE
Prix de la mise en scène
Carlos REYGADAS pour POST TENEBRAS LUX
Prix du Jury
THE ANGELS’ SHARE (La Part des anges) réalisé par Ken LOACH
Prix d'interprétation masculine
Mads MIKKELSEN dans JAGTEN (La Chasse) réalisé par Thomas VINTERBERG
Prix d'interprétation féminine
Cristina FLUTUR & Cosmina STRATAN dans DUPÃ DEALURI (Au-Delà des Collines) réalisé par Cristian MUNGIU
Prix du scénario
Cristian MUNGIU pour DUPÃ DEALURI (Au-Delà des Collines)
COURTS METRAGES
Palme d'Or
SESSIZ-BE DENG (Silencieux) réalisé par L. Rezan YESILBAS
CAMERA D'OR
BEASTS OF THE SOUTHERN WILD réalisé par Benh ZEITLIN présenté dans le cadre de la Sélection Officielle Un Certain Regard
Accaparée par les projections et le trépidant rythme cannois, mes articles ont été cette année moins nombreux et plus courts que d’habitude, ayant préfèré vous livrer un compte-rendu a posteriori du festival, fidèle à mes impressions, plutôt que quelques lignes maladroites, confuses et imprécises. Le temps de trier toutes ces émotions, pas seulement cinématographiques, mes nombreux clichés, et vous retrouverez donc ici le compte-rendu complet habituel ainsi que des articles supplémentaires sur http://inthemoodlemag.com et http://www.inthemoodforcannes.com . En attendant, même si je rattrape encore deux films aujourd’hui (« Mud » et « Like someone in love »), et même si j’en aurai manqué quelques uns, je voulais vous livrer mon palmarès. Est-il besoin de préciser que cette sélection était d’une très grande qualité, un voyage déroutant et fascinant dans les cinématographiques, les espoirs et les blessures du monde entier ?
Quête d’amour (parfois désespérée ), mise en abyme, et arrière-plan de crise économique sont sans doute les points commun des films en compétition de cette édition 2012. Cinq films dominent pour moi la compétition de cette année : « Vous n’avez encore rien vu » d’Alain Resnais (ma palme d’or), « De rouille et d’os » de Jacques Audiard (sans doute un prix d’interprétation pour un des deux acteurs principaux ou un prix du scénario), « Amour » de Michael Haneke (un grand prix ? Un prix d’interprétation pour Jean-Louis Trintignant ou Emmanuelle Riva ?), « Reality » de Matteo Garrone (prix du jury ? prix d’interprétation ? prix du scénario ?), « Après la bataille » de Yousry Nasarallah (pourquoi pas une palme d'or ou un grand prix ou un prix du scénario?) … à moins que les deux films que je verrai aujourd’hui modifient ce top 5.
Mais il faudrait aussi citer « In another country » de Hong Sangsoo (prix du scénario ? prix d’interprétation pour Isabelle Huppert ?), "Dans la brume" de Loznitsa (un grand prix?), « Cosmopolis » de Cronenberg (prix d’interprétation pour Robert Pattinson qui m’a bluffée et qui est vraiment étonnant dans ce film sur lequel je reviendrai également). Quant au prix de la mise en scène, difficile d’établir un pronostic tant les films de cette édition témoignent de regards de cinéastes (y compris "Paradis: amour" que je n'ai pas encore cité) et surtout de regards de grands metteurs en scène, peut-être Alain Resnais s’il n’obtient pas la palme d’or que je lui souhaite.
Quoiqu’il en soit, il serait étonnant, cette année, à nouveau, que le cinéma français ne figure pas au palmarès. Que ce soit le très beau film de Jacques Audiard dont je vous ai parlé le premier jour « De rouille et d’os », ou mon coup de cœur 2012 « Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais » (toute la distribution mériterait un prix d’interprétation collectif…pourquoi pas le prix du 65ème anniversaire ?), sans oublier les acteur français du film de Michael Haneke, en revanche j’avoue être restée totalement hermétique au film de Leos Carax « Holy motors » ( sur lequel je reviendrai également) dont le caractère égocentrique et présomptueux m'a empêché de l'apprécier pleinement. Nombreux sont ceux qui lui prédisent cependant une palme d’or (alors que je souhaiterais qu'il ne figure pas au palmarès, Denis Lavant qui y interprète une dizaine de rôles est aussi cependant un prétendant sérieux pour le prix d'interprétation)…
Réponse ce soir en attendant le compte-rendu complet de mes palpitantes pérégrinations et découvertes cinématographiques. Je reviendrai sur les thématiques du festival, vous livrerai de nombreuses autres critiques, vous parlerai également d’évènements comme les 65 ans du festival ou de soirées, bref un compte-rendu plus dignement « in the mood for Cannes » que ces quelques lignes…
Accaparée par les projections et le trépidant rythme cannois, mes articles ont été cette année moins nombreux et plus courts que d’habitude, ayant préfèré vous livrer un compte-rendu a posteriori du festival, fidèle à mes impressions, plutôt que quelques lignes maladroites, confuses et imprécises. Le temps de trier toutes ces émotions, pas seulement cinématographiques, mes nombreux clichés, et vous retrouverez donc ici le compte-rendu complet habituel ainsi que des articles supplémentaires sur http://inthemoodlemag.com et http://www.inthemoodforcannes.com . En attendant, même si je rattrape encore deux films aujourd’hui (« Mud » et « Like someone in love »), et même si j’en aurai manqué quelques uns, je voulais vous livrer mon palmarès. Est-il besoin de préciser que cette sélection était d’une très grande qualité, un voyage déroutant et fascinant dans les cinématographiques, les espoirs et les blessures du monde entier ?
Quête d’amour (parfois désespérée ), mise en abyme, et arrière-plan de crise économique sont sans doute les points commun des films en compétition de cette édition 2012. Cinq films dominent pour moi la compétition de cette année : « Vous n’avez encore rien vu » d’Alain Resnais (ma palme d’or), « De rouille et d’os » de Jacques Audiard (sans doute un prix d’interprétation pour un des deux acteurs principaux ou un prix du scénario), « Amour » de Michael Haneke (un grand prix ? Un prix d’interprétation pour Jean-Louis Trintignant ou Emmanuelle Riva ?), « Reality » de Matteo Garrone (prix du jury ? prix d’interprétation ? prix du scénario ?), « Après la bataille » de Yousry Nasarallah (pourquoi pas une palme d'or ou un grand prix ou un prix du scénario?) … à moins que les deux films que je verrai aujourd’hui modifient ce top 5.
Mais il faudrait aussi citer « In another country » de Hong Sangsoo (prix du scénario ? prix d’interprétation pour Isabelle Huppert ?), "Dans la brume" de Loznitsa (un grand prix?), « Cosmopolis » de Cronenberg (prix d’interprétation pour Robert Pattinson qui m’a bluffée et qui est vraiment étonnant dans ce film sur lequel je reviendrai également). Quant au prix de la mise en scène, difficile d’établir un pronostic tant les films de cette édition témoignent de regards de cinéastes (y compris "Paradis: amour" que je n'ai pas encore cité) et surtout de regards de grands metteurs en scène, peut-être Alain Resnais s’il n’obtient pas la palme d’or que je lui souhaite.
Quoiqu’il en soit, il serait étonnant, cette année, à nouveau, que le cinéma français ne figure pas au palmarès. Que ce soit le très beau film de Jacques Audiard dont je vous ai parlé le premier jour « De rouille et d’os », ou mon coup de cœur 2012 « Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais » (toute la distribution mériterait un prix d’interprétation collectif…pourquoi pas le prix du 65ème anniversaire ?), sans oublier les acteur français du film de Michael Haneke, en revanche j’avoue être restée totalement hermétique au film de Leos Carax « Holy motors » ( sur lequel je reviendrai également) dont le caractère égocentrique et présomptueux m'a empêché de l'apprécier pleinement. Nombreux sont ceux qui lui prédisent cependant une palme d’or (alors que je souhaiterais qu'il ne figure pas au palmarès, Denis Lavant qui y interprète une dizaine de rôles est aussi cependant un prétendant sérieux pour le prix d'interprétation)…
Réponse ce soir en attendant le compte-rendu complet de mes palpitantes pérégrinations et découvertes cinématographiques. Je reviendrai sur les thématiques du festival, vous livrerai de nombreuses autres critiques, vous parlerai également d’évènements comme les 65 ans du festival ou de soirées, bref un compte-rendu plus dignement « in the mood for Cannes » que ces quelques lignes…