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CRITIQUES DE CLASSIQUES DU SEPTIEME ART - Page 8

  • Soirée Paramount de lancement du DVD de "Borsalino" de Jacques Deray au cinéma Le Balzac

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    Ci-dessus, une partie de l'équipe du film, hier soir, 40 ans après la sortie en salles...

    Je vous disais hier ce que représentait « Borsalino » pour moi. Il fait partie de ces films que je revoyais inlassablement aux prémisses de ma passion pour le cinéma. Ce n'est certes pas le meilleur film de ses deux acteurs principaux. Ni même le meilleur film de Jacques Deray (qui est pour moi « La Piscine »). Même s'il a de nombreuses qualités et même si j'éprouve pour celui-ci une tendresse particulière. Mais, surtout, il a pour moi un parfum de réminiscence,  celle des balbutiements de ma passion pour le cinéma. Un parfum d'enfance même. Le voir en salles (et donc pour moi le voir pour la première fois en salles) 40 ans après sa sortie, dans une salle intime du cinéma Le Balzac  (que je vous recommande au passage, cliquez ici pour visiter leur site officiel et leur blog, un cinéma à la programmation toujours inventive) en présence d'une partie de l'équipe du film était donc un évènement réjouissant pour moi. Je remercie donc au passage la Paramount de m'avoir invitée pour cette soirée exceptionnelle de lancement du DVD (avec lequel j'ai eu la chance de repartir et que vous pourrez acquérir dès ce 19 novembre).

    Malheureusement Jean-Paul Belmondo n'était pas là, et Alain Delon n'a finalement pas pu venir ayant eu un empêchement de dernière minute (vous verrez dans la vidéo ci-dessus Agnès Vincent Deray lire le mot qu'il a laissé)- je n'ai donc pas pu lui transmettre mon scénario mais je n'abandonne pas pour autant...:-)-, ce magnifique générique n'a donc pu être renouvelé ... Etaient néanmoins présents quelques membres de l'équipe du film : Nicole Calfan, Corinne Marchand, Eugène Saccomano, et Claude Bolling qui a rejoué la musique qu'il avait créé pour le film. Cette musique alerte et rapide qui a certainement contribué au succès du film. Après la musique et les frissons suscités par ces notes si reconnaissables jouées par son compositeur, place au cinéma avec d'abord quelques extraits en avant-première des bonus du DVD (qui ont fait réagir la salle, acquise et complice, notamment aux propos d'Alain Delon qui se confie longuement dans le DVD, interviewée par Agnès-Vincent Deray) puis à la projection de « Borsalino »...

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    Claude Bolling, le compositeur de la musique de "Borsalino", hier soir

    Voilà. C'était en 1970. 4, 7 millions de spectateurs avaient alors vu ce film produit par Alain Delon. Un film alors très médiatisé. Et pour cause : deux mythes du cinéma s'y retrouvaient pour la première fois, 28 ans avant que Patrice Leconte les réunisse à nouveau pour « Une chance sur deux ». Belmondo avait d'ailleurs reproché à Delon d'être deux fois sur l'affiche, en tant que producteur et en tant qu'acteur. Ce jeu et cette apparente concurrence entre les deux acteurs avaient même conduit Jacques Deray à s'arranger pour qu'ils aient exactement le même nombre de plans et il est vrai que les deux acteurs y sont autant l'un que l'autre à leur avantage...

    Basé sur le roman « Bandits à Marseille » d'Eugène Saccomano, « Borsalino » est inspiré de l'histoire des bandits Carbone et Spirito   dont les noms avaient finalement été remplacés en raison de leurs rôles pendant l'Occupation. On y retrouve, outre Delon et Belmondo,  Nicole Calfan, Françoise Christophe, Corinne Marchand, Mireille Darc (qui fait une apparition remarquée) mais aussi Michel Bouquet, Julien Guiomar, Mario David, Laura Adani. Les dialogues sont signés Jean-Claude Carrière, co-scénariste avec Claude Sautet, Jacques Deray, Jean Cau. Rien de moins !

    Début des années 30 à Marseille. Roch Siffredi (Alain Delon) sort de prison. Venu retrouver son amie Lola (Catherine Rouvel) il rencontre par la même occasion son nouvel amant François Capella (Jean-Paul Belmondo). S'ensuit une bagarre entre les deux rivaux, elle scellera le début d'une indéfectible amitié.  Capella cherche à se faire une place dans la pègre marseillaise. Les deux truands vont ainsi se trouver et  se respecter. De cette réunion va naître une association de malfaiteurs florissante puis une amitié à la vie, à la mort qui va leur permettre de gravir les échelons de la Pègre marseillaise !

    D'un côté, Capella/Belmondo séducteur, désinvolte, bon vivant,  aux goûts clinquants et aux manières cavalières. De l'autre Siffredi/Belmondo élégant, ambitieux, taciturne, froid, implacable, presque inquiétant. Deux mythes du cinéma face à face, côte à côte qui jouent avec leurs images. Parfois avec dérision (ah la scène de la baignade, ah la bagarre...), démontrant ainsi d'ailleurs l'humour dont ils savaient et savent faire preuve même celui dont ses détracteurs l'accusaient à tort d'en être dépourvu, même si dans le DVD on reconnaît plus volontiers cette qualité à Jean-Paul Belmondo et à Delon... sa générosité. Jouant avec leur image encore lorsqu'ils deviennent des gangsters stars sur le passage desquels on se  détourne, et applaudis par la foule, comme ils le sont en tant qu'acteurs.

    C'est aussi un hommage aux films de gangsters américains, aux films de genre, avec leurs voitures rutilantes,  leurs tenues élégantes parfois aussi clinquantes (dont le fameux Borsalino qui inspira le titre du film), leurs femmes fatales mystérieuses ou provocantes, leurs lieux aussi folkloriques et hauts en couleurs que les personnages qui les occupent. En toile de fond la pittoresque Marseille, Marseille des années 30,  sorte de Chicago française, Marseille luxueusement reconstituée que Deray filme avec minutie, chaleur, avec l'allégresse qui illumine son film influencé par l'atmosphère ensoleillée et chaleureuse de Marseille. Sa caméra est alerte et virevoltante et elle accompagne avec une belle légèreté et application quelques scènes d'anthologie comme celle de la fusillade dans la boucherie. Tout cela donne au film une vraie « gueule d'atmosphère » qui n'appartient qu'à lui. Et s'il n'y a pas réellement de suspense, Deray nous fait suivre et vivre l'action sans penser à la suivante, à l'image de Siffredi et Capella qui vivent au jour le jour;  il  ne nous embarque pas moins avec vivacité dans cette ballade réjouissante, autant teintée d'humour et de second degré (dans de nombreuses scènes mais aussi dans les dialogues, savoureux) que de nostalgie, voire de mélancolie suscitée par la solitude du personnage de Delon dont la majesté de fauve, parfois la violence, semblent être les masques de la fragilité. Et dont la solitude fait écho à celle de l'acteur, auréolé d'un séduisant mystère. Celui d'un fauve blessé.

    Un film que ses deux acteurs principaux font entrer dans la mythologie de l'Histoire  du cinéma, et qui joue intelligemment avec cette mythologie, ce film étant par ailleurs  avant tout un hymne à l'amitié incarnée par deux prétendus rivaux de cinéma.  Ce sont évidemment deux rôles sur mesure pour eux mais c'est aussi toute  une galerie de portraits et de personnages aussi pittoresques que la ville dans laquelle ils évoluent qui constitue d'ailleurs  un véritable personnage (parmi lesquels le personnage de l'avocat magistralement interprété par Michel Bouquet). Un film avec un cadre, une ambiance, un ton, un décor, deux acteurs uniques. Et puis il y a l'inoubliable musique de Claude Bolling avec ses notes métalliques parfois teintées d'humour et de violence, de second degré et de nostalgie, d'allégresse et de mélancolie,  de comédie et de polar entre lesquels alterne ce film inclassable.

    « Borsalino » fut nommé aux Golden Globes et à l'ours d'or. Quatre ans plus tard Jacques Deray réalisera Borsalino and co, de nouveau avec Alain Delon, sans connaître le même succès auprès du public et de la critique. Reste un film qui, 40 ans après, n'a rien perdu de son aspect jubilatoire et semble même aujourd'hui encore, pour son habile mélange des genres, en avoir inspiré beaucoup d'autres. Imité, rarement égalé. En tout cas inimitable pour ses deux personnages principaux que ses deux acteurs mythiques ont rendu à leurs tours mythiques, les faisant entrer dans la légende, et dans nos souvenirs inoubliables, inégalables et attendris de cinéphiles.

    Si vous voulez vous aussi acheter votre ticket pour ce voyage dans la mythologie cinématographique, ce sera dès possible ce 19 novembre avec la sortie de ce DVD que je vous recommande, vous l'aurez compris...

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     DVD 2 : Plus de 2 heures de suppléments inédits - Bonus réalisés par Agnès vincent Deray et Pierre-Henri Gibert : reportage sur le tournage du film en 1969, interviews des acteurs à la sortie du film en 1970, Jean-Paul Belmondo et Alain Delon racontent leurs personnages, les Parisiennes chantent le thème de Borsalino, la Genèse du film (témoignages de Jean-Claude Carrière et Eugène Saccomano), les secrets du tournage (témoignages de Michel Bouquet, Nicole Calfan, Françoise Christophe, Corinne Marchand et Catherine Rouvel), la musique de Claude Bolling: un thème universel (Témoignages de Claude Bolling et Stéphane Lerouge), témoignages de Michel Drucker et Agnès Vincent Deray, avec la participation exceptionnelle d'Alain Delon.

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    Articles liés  à Alain Delon sur inthemoodforcinema.com :

    Documentaire sur Alain Delon

     « Les Montagnes russes », 

     « Sur la route de Madison »,

    « Love letters ».

     « La Piscine » de Jacques Deray

     Le Guépard » de Visconti

  • « Correspondant 17 » d’Alfred Hitchcock-1940 (cycle Hitchcock sur Arte)

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    A l'occasion d'un cycle consacré à Alfred Hitchcock, du 12 octobre au 12 novembre, Arte diffuse actuellement six pépites du maître du suspense : « Les Amants du Capricorne », « Soupçons », « Mr and Mrs Smith », « Correspondant 17 », « Sabotage », « Les 39 marches ». Il est de ces réalisateurs dont je peux revoir 10 fois les films sans jamais me lasser tant le grand Alfred sait leur insuffler rythme, modernité, ce suspense duquel l'adjectif hitchcockien est désormais quasiment indissociable, tant il sait rendre passionnantes et crédibles les intrigues les plus abracadabrantesques, dans une mise en scène toujours inventive et aérienne. J'étais donc impatiente de découvrir hier soir ce « Correspondant 17 » que je n'avais encore jamais vu, un film pourtant remarquable à plus d'un titre bien qu'il ne s'agisse pas forcément du plus connu.

    Réalisé en 1940, alors que la seconde guerre mondiale n'en est qu'à ses prémisses, le film débute aux Etats-Unis puis  prend pour cadre les Pays Bas et la Grande-Bretagne, en 1939. On se dit que ne bénéficiant d'aucun recul sur les évènements qui vont alors ravager le monde Hitchcock risque de réaliser un film hors-sujet, daté. Et pourtant... ce film est une nouvelle fois d'une étonnante clairvoyance et modernité, une réussite visuelle qui alterne judicieusement entre drame et comédie et porte un vrai message. Bref, encore une fois, les caractéristiques d'un grand film...

    Le rédacteur en chef du New York Morning Globe charge son reporter Johnny Jones, devenu Hartley Haverstock (Joel Mc Crea), de se rendre en Europe. A Londres, Jones rencontre le diplomate Van Meer, lequel connaît les clauses secrètes d'un traité qui pourraient empêcher la guerre, mais Van Meer est assassiné à Amsterdam. Avec l'aide de Scott Ffolliott (George Sanders) et Carol Fischer (Laraine Day), Johnny Jones découvre que c'est en réalité un sosie du diplomate qui a été assassiné. Carol Fischer est la fille de Stephen Fischer, président d'une organisation pacifiste qui pourrait bien ne pas être le pacifiste qu'il prétend être et ne pas être totalement étranger à cet enlèvement. Quel rôle joue-t-il ? Van Meer est-il réellement mort ? Comment Johnny Jones va-t-il concilier son amour pour la fille de Fischer et son rôle de journaliste censé relater les méfaits de son père ?...

     De nouveau, Hitchcock nous raconte l'histoire d'un homme qui, par la force des évènements, devient quelqu'un d'autre (le thème du double et de la duplicité des apparences étant ici, comme souvent chez Hitchcock, fortement présent), d'un homme ordinaire que les évènements extraordinaires auxquels il est confronté va rendre extraordinaire. Cet homme c'est d'abord en quelque sorte la métaphore de l'Amérique. Une Amérique peut concernée et inconsciente de ce qui se passe en Europe : Jones veut ainsi « interviewer Hitler » ! Et c'est là le premier grand intérêt de ce film, celui d'être porteur d'un véritable message politique, de vouloir pousser les Etats-Unis à l'interventionnisme, message d'autant plus retentissant lorsque l'on sait qu'on avait reproché à Hitchcock de quitter la Grande-Bretagne pour les Etats-Unis. Il dédie ainsi son film à « ceux qui voient avec raison s'élever les nuages de la guerre alors que d'autres chez eux ne voient que des arcs-en-ciel » et la dernière scène est un vibrant plaidoyer. Le film s'achève par un fondu en noir, symbolisant cette obscurité dans laquelle l'Europe est plongée (mais aussi l'aveuglement américain) et à laquelle les Etats-Unis pourraient peut-être apporter une lueur, du moins d'espoir.

    Au-delà de ce message, ce film est une nouvelle fois scénaristiquement et visuellement époustouflant avec des scènes de suspense  brillantes : le pardessus coincé dans les ailes du moulin, l'idée du kidnapping initié par le kidnappé (vous comprendrez cette formule énigmatique en voyant le film...). Et une scène des moulins dont le caractère épuré du décor n'est pas sans rappeler la célèbre scène de la poursuite en avion de la « Mort aux trousses ».

     Quant à la scène de la fin (le crash d'un avion) elle est littéralement sidérante quand on réalise que ce film date de 1940 et que, même à grands renforts d'effets spéciaux, rares sont aujourd'hui les films qui atteignent une telle perfection. L'impression de réalisme, de claustrophobie, d'urgence, est alors saisissante.

    Ajoutez à cela, des dialogues riches et foisonnants,  Rudolph Maten l'ancien chef opérateur de Dreyer à la photographie, de vraies scènes de comédie et vous obtiendrez encore une fois un très grand film...

    Peut-être peut-on juste regretter que Barbara Stanwick ou Joan Fontaine et Gary Cooper n'aient pas incarné les rôles principaux comme Hitchcock l'avait intialement souhaité, plus charismatiques que les acteurs qui ont finalement interprété les rôles principaux, mais l'inventivité scénaristique et visuelle sont suffisamment remarquables pour nous les faire oublier.

    Un film qui porte déjà en lui les ingrédients de tous ses chefs d'œuvre futurs, Mc Guffin y compris...

     « Correspondant 17 » repasse ce 4 novembre, à 14H45, sur Arte.

    Article lié à celui-ci: cliquez ici pour lire ma critique de "L'Homme qui en savait trop" d'Alfred Hitchcock

     

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  • "La Strada" de Fellini (1954)

    A l'occasion de l'exposition actuellement consacrée à Fellini au musée du Jeu de Paume, en association avec la Cinémathèque française et l'Institut culturel italien de Paris, et avant de vous parler de cette exposition cet après-midi, je vous renvoie vers mon analyse de "La Strada"  publiée sur ce blog suite à une projection-débat dans le cadre du ciné-club du cinéma l'Arlequin, en 2006.

    Cliquez ici pour lire mon analyse de la Strada de Fellini

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  • Avant-première : Alain Delon sur Orange ciné géants « Dans mon cinéma »

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    Alain Delon dans "L'Eclipse" d'Antonioni (1962)

    orangecinéma.jpgCe lundi 5 octobre, à 20H40, sur Orange Ciné géants sera diffusé l'épisode 1 d'une série de documentaires intitulés « Dans mon cinéma », des documentaires dans le cadre desquels des personnalités du septième art commentent des extraits de leur propre filmographie et des extraits de films qu'ils ont en grande partie choisis. Le premier épisode de cette série est consacré à Alain Delon et réalisé par Raymond Vouillamoz.  Ses propos sont recueillis par Dominique Warluzel.

    Vous n'êtes pas sans savoir que l'acteur en question est pour partie à l'origine de ma passion pour le cinéma et surtout un grand nombre de chefs d'œuvres dans lesquels il a joué (« Monsieur Klein » de Losey, « La Piscine » de Jacques Deray, « Le Cercle rouge » et "Le Samouraï" de Jean-Pierre Melville, « Plein soleil » de René Clément, « le Guépard » de Luchino Visconti, "Rocco et ses frères" du même Luchino Visconti, "L'Eclipse" d'Antonioni, "La Veuve Couderc" de Pierre Granier-Deferre...) à tel point que j'ai écrit un scénario de long-métrage dont le rôle principal est écrit pour Alain Delon. A bon entendeur... L'histoire de ce scénario est d'ailleurs presque un vrai film, je vous la raconterai un jour...

    delon21.jpgLorsqu'Orange, avec qui Inthemoodforcinema.com avait un partenariat pour le 35ème Festival du Cinéma Américain de Deauville (18 d'entre vous ont ainsi remporté des pass pour le festival grâce à Orange et inthemoodforcinema.com), m'a proposé de visionner ce documentaire en avant-première j'ai évidemment été tout de suite enthousiaste !

    loveletters.jpgCe qui m'étonne toujours, c'est à quel point les avis sont tranchés lorsqu'il est question d'Alain Delon. On l'adore ou on le déteste. Il séduit ou il insupporte. Il joue subtilement avec son image dont certains sont malheureusement dupes, et dans laquelle lui-même sans doute se retrouve parfois enfermé, isolé. Et moi j'ai ces images à jamais gravées dans ma mémoire : celle du 25ème Film Policier de Cognac dont il était l'invité d'honneur et dont j'étais membre du jury de cinéphiles. Là, lors d'une soirée, à deux mètres de moi, un Delon jovial et rieur, loin de l'image à laquelle on le réduit parfois, un Delon autour duquel se formait un cercle de respect mais aussi de convoitise (dans lequel se situaient des réalisateurs connus que je ne citerai pas qui semblaient alors prêts à tout pour lui parler comme des vassaux avec leur roi). Et puis  il y a cette autre image, inoubliable, des 60 ans du Festival de Cannes d'un Alain Delon ému aux larmes rendant hommage à Romy Schneider (une vidéo que vous pouvez voir sur mon autre blog "In the mood for Cannes"). Des images aussi du grand acteur de théâtre qu'il est également : dans "Variations Enigmatiques",  « Les Montagnes russes », « Sur la route de Madison », « Love letters ». Et puis tant d'images de cinéma...

    Il est intéressant d'entendre l'acteur évoquer sa filmographie mais aussi revenir sur des moments clefs de sa carrière et delon6.jpgsur les personnalités qui l'ont marqué. Le seul bémol concerne la durée du documentaire : 52 minutes beaucoup trop courtes pour évoquer une telle carrière, 52 minutes qui donnent l'impression d'un survol au goût d'inachevé. Cet entretien n'en est pas moins passionnant, l'acteur s'exprimant rarement sur sa carrière, et encore plus rarement sur celle des autres, nous permettant de découvrir un cinéphile passionné, un homme sensible et charismatique, nostalgique et mélancolique, même "passéiste" comme il se définit lui-même, à fleur de peau, touchant, mais aussi un homme avec des prises de position pas forcément politiquement correctes qui se dévoile sans jamais être impudique.

    Pour ceux qui comptent regarder le documentaire, je vous conseille d'arrêter votre lecture ici... Pour les autres en voici un résumé...

    Le premier extrait (« Deburau » de Guitry-1951) le bouleverse d'emblée de même que le dernier, un extrait de « La fin du jour » de Duvivier (1939) qui le fait « pleurer à chaque fois ». L'un comme l'autre évoquent la passion pour ce « plus beau métier du monde » qu'est le métier d'acteur mais aussi la solitude de l'acteur.

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    Maurice Ronet, Marie Laforêt, Alain Delon dans "Plein soleil" de René Clément

    Il n'est pas moins ému quand il s'agit de revenir sur sa propre filmographie. Il commente ainsi sept extraits de ses propres films. Il commence par « Plein soleil » de René Clément dont il dit que c'est pour lui le plus grand réalisateur mais surtout le plus grand directeur d'acteurs, et pour lequel il semble éprouver une admiration sans bornes. Il précise également qu'il devait au départ interpréter le rôle que Maurice Ronet jouera finalement et que, malgré son jeune âge (24 ans alors), il avait réussi à convaincre Clément (et d'abord sa femme...) de le faire changer de rôle. Pour ceux qui n'ont pas encore vu « Plein soleil » dont la direction d'acteurs est effectivement remarquable je vous le recommande vivement.

    piscine.jpgLe deuxième extrait est une scène de « La Piscine » de Jacques Deray avec Romy Schneider, des images qu'il dit ne pas pouvoir revoir sans être bouleversé, chaque film et évidemment celui-ci, étant pour lui « une tranche de vie ».

    Le troisième extrait est un extrait du premier des 28 films qu'il a produits : « « L'Insoumis » d'Alain Cavalier, dont le sujet (La Guerre d'Algérie) était, pour l'époque, audacieux et engagé, un film inspiré de l'histoire vraie de l'avocate Gisèle Halimi enlevée par l'OAS.

    Le quatrième extrait nous présente la fin de « Deux hommes dans la ville » de Giovanni dans lequel Delon jouait face à celui qui l'appelait « Le Môme » et qu'il admirait tant : Jean Gabin. Il explique comment il a lui-même mis en scène la fin du film, d'ailleurs admirablement réalisée, une scène qui fait entrevoir toute l'horreur d'une condamnation à mort ( et dont la force semble en contradiction avec les propos de Delon sur la peine de mort dont il est dommage qu'il ne les ait pas davantage explicités, des propos avec lesquels je ne suis pas d'accord mais qui prouvent néanmoins à quel point l'acteur reste « insoumis », une qualité finalement louable dans un milieu cinématographique au discours souvent très formaté) .

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    Alain Delon et Simone Signoret dans "La Veuve Couderc" de Pierre Granier-Deferre

    L'extrait suivant est un extrait de « La Veuve Couderc » de Granier-Deferre (1971) , une scène qui est selon Delon « une des plus belles scènes d'amour non charnelles » de l'histoire du cinéma. Sa relation avec Signoret était faîte « de respect et d'admiration mutuels ». Elle lui apprit « la qualité des silences et des regards ».

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    Alain Delon et Claudia Cardinale dans "Le Guépard" de Luchino Visconti

    Evidemment il ne pouvait pas non plus ne pas choisir un extrait du « Samouraï » de Melville, l'occasion pour lui de revenir sur le sens du détail du cinéaste, et il ne pouvait pas non plus faire l'impasse sur « Le Guépard » de Visconti.  A cette occasion, il avoue que Burt Lancaster est le seul acteur face auquel il fut intimidé. Pour lui Visconti était avant tout « un esthète ».

    asphaltsmall.jpgS'il est parfois arrivé à Alain Delon de commenter sa propre carrière je l'ai plus rarement entendu évoquer celles des autres, c'est à mon avis l'intérêt de ce documentaire. Il faut voir avec quelle émotion il regarde « Marylin Monroe, « mythe universel »  dans un extrait d' « Asphalt jungle »  (« Quand la ville dort ») de John Houston, Marylin qu'il n'a jamais rencontrée  ou avec quel émoi il évoque  la fin du film lorsque Sterling Hayden rentre mourir avec ses chevaux, une fin qui lui fait penser à la manière dont il aimerait mourir.

    Il revient aussi sur sa définition de l'acteur. Pour lui un comédien est quelqu'un qui a la vocation, qui apprend le métier, qui devient comédien. Il cite ainsi en exemple Belmondo et Huster. Pour un acteur, il s'agit en revanche d'un accident comme ce fut le cas pour lui, pour Gabin ou Ventura. « L'acteur vit, le comédien joue ».

    Il a également choisi un extrait de « La Grand Illusion » de Jean Renoir, « un des plus grands films de l'histoire du cinéma », qu'il commente et notamment la scène du « petit navire », « scène d'anthologie » entre Dalio et Gabin.

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    Burt Lancaster dans "Le Guépard" de Luchino Visconti

    Si Delon admirait Gabin, Garfield (inoubliable dans « Le Facteur sonne toujours deux fois » de Tay Garnett) était pour lui son « Dieu », le plus grand acteur dont il admire la modernité du jeu, avec Lancaster et Brando avec lequel il regrette de n'avoir jamais joué ( « Le jour où Marlon partira je serai mort cliniquement » disait-il avant la mort de ce dernier). Quant aux réalisateurs, Melville, Clément, Visconti forment pour lui le trio remarquable.

    Lauren Bacall et Ava Gardner traversent aussi ce documentaire trop court pour évoquer toute sa carrière mais qui permet d'en envisager l'impressionnante étendue et le nombre de chefs d'œuvre qui l'ont jalonnée.

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    2009. Alain Delon dans une publicité pour "Eau sauvage" avec une photo prise par Jean-Marie Périer, en 1966 . Il avait alors 31 ans.

    J'en profite aussi pour vous recommander le très beau livre de photos et de témoignages signé Philippe Barbier consacré à Alain Delon et Romy Schneider  intitulé "Ils se sont tant aimés".

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     Le Guépard » de Visconti

  • « L’homme qui en savait trop » d’Alfred Hitchcock (1956)

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    Au classement des réalisateurs dont j'ai revu les films le plus  grand nombre de fois, Hitchcock doit figurer en très bonne place avec quelques autres comme Sautet, Truffaut, Renoir, Allen... Hier soir la chaîne TCM diffusait « L'homme qui en savait trop », je n'ai pas résisté  à l'envie de le regarder une énième fois...

    En voyage au Maroc, le docteur Ben McKenna (James Stewart), sa femme Jo (Doris Day) et leur fils sont témoins de l'assassinat du Français Louis Bernard (Daniel Gélin). Avant de mourir, ce dernier avertit McKenna d'un futur assassinat  qui doit se produire à Londres. Mais le fils des McKenna est enlevé...

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    « L'homme qui en savait trop » est le remake de ... « L'homme qui en savait trop » réalisé par... Hitchcock en 1934. Dans les deux cas, la seconde partie se déroule à Londres, mais dans la première version le début se déroulait à St Moritz et non à Marrakech comme dans la version de 1956, lieu jugé sans doute plus exotique pour l'époque. Hitchcock a ainsi expliqué à François Truffaut la différence entre les deux versions : « Disons que la première version a été faite par un amateur de talent tandis que la seconde l'a été par un professionnel. »

    Même si je lui préfère « Les Enchaînés », « La mort aux trousses », « Fenêtre sur cour » et quelques autres films hitchcockiens, « L'homme qui en savait trop » n'en reste pas moins un excellent film avec quelques scènes de suspense magistrales, et notamment la séquence du concert de 8 minutes et 36 secondes à l'Albert Hall de Londres, véritablement haletante, grâce à l'alternance de plans entre Doris Day qui sait qu'un drame va se produire et dont l'angoisse va crescendo avec la musique, les cymbales (le spectateur sachant que le drame va se produire lors de leur retentissement) et le tueur qui ignore être épié. Un suspense fidèle à la définition d'Hitchcock selon laquelle il correspond à la complicité du public (par exemple en sachant qu'une bombe est là et va exploser), et qui diffère ainsi de la surprise.

    On retrouve bien sûr aussi la blonde hitchcockienne sous les traits de Doris Day dont c'est ici le premier rôle dramatique, on retrouve également l'histoire tant affectionnée par Hitchcock d'un homme ordinaire, voire naïf et innocent, à qui il arrive une histoire extraordinaire... et bien sûr l'inévitable apparition du cinéaste (sur le marché de la place Djemaa-el-Fna à Marrakech).  On retrouve encore les scènes d'escalier palpitantes qu'Hitchcock a utilisées dans plusieurs films et notamment dans « les Enchaînés » (sans doute la plus réussie).

    Le ton du film est très hollywoodien et commence même comme une comédie pour se transformer en vrai policier à suspense (et James Stewart est aussi juste en touriste américain peu à l'aise, voire ridicule, avec les coutumes marocaines, qu'en homme courageux déterminé à retrouver son fils quoiqu'il lui en coûte et quels que soient les risques). Si la première partie à Marrakech est plutôt exotique, c'est ensuite dans un Londres inquiétant que nous conduit Hitchcock, dans des ruelles sombres et désertes. Il rencontrera ainsi un certain Chappell peu avenant (Hitchcock s'est-il alors inspiré du nom du personnage de Michel Simon, Félix Chapel, dans « Drôle de drame » de Marcel Carné, datant de 1937  ou Carné s'est-il inspiré de la première version de « L'homme qui en savait trop » de 1934 si Chappell y figure également à moins qu'il ne s'agisse d'une simple coïncidence ?) avant de se rendre à Ambrose Chapel dans un quartier également particulièrement obscure.

    Comme toujours chez Hitchcock, le suspense se double d'une histoire d'amour à moins qu'il ne s'agisse ici de désamour, puisqu'on comprend que Jo a abandonné sa carrière pour suivre son mari qui, au début, la traite d'ailleurs davantage en patiente qu'en épouse, et qui les considère comme « un vieux couple ».

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    Aucune référence n'est faîte au contexte politique (le premier ministre qu'un de ses compatriotes veut faire assassiner n'a pas de pays nommé dans le film même si on devine qu'il s'agit de l'Union Soviétique, puisque nous sommes alors en pleine guerre froide), ce qui donne un caractère assez intemporel à l'intrigue ... bien que le film ait plus de cinquante ans. La maladresse et le charme de James Stewart, la voix envoûtante de Doris Day (qui interprète «  Que sera sera »- Whatever will be will be-, Oscar de la meilleure chanson de l'année), les mystères lumineux de Marrakech et ceux, plus obscurs, de Londres, la musique de l'indissociable Bernard Herrmann qui dirige ici le London Symphony Orchestra, un suspense évidemment haletant, le sens de la mise en scène d'Hitchcock toujours au service du scénario font de ce film un grand et passionnant divertissement que l'on revoit toujours avec autant de plaisir et que je ne peux que vivement vous recommander si vous ne l'avez pas encore vu (il repasse sur TCM, le dimanche 30 août, à 16H30)...

  • « Avant le déluge » d’André Cayatte (1954)

    avantledeluge2.jpgAujourd'hui, je m'éloigne un peu de l'actualité cinématographique pour évoquer un film que j'ai découvert sur Ciné Classic cette semaine et que je vous recommande : « Avant le déluge », un drame d'André Cayatte de 1954 dans lequel quatre adolescents issus de la bourgeoisie se retrouvent en cour d'assises pour avoir tué un de leurs amis. En attendant le verdict, un flashback revient sur le déroulement des évènements, notamment à travers le regard de leurs parents. Nous sommes en 1950. La guerre de Corée fait rage et la tension internationale est à son comble.  Certains parlent de troisième guerre mondiale. A Lagny, dans la banlieue parisienne, cinq adolescents ont formé une bande unie. Autour de Liliane Noblet (Marina Vlady), fille d'un enseignant idéaliste (Bernard Blier), gravitent Philippe Boussard (Clément Thierry), dont le père, un spéculateur, a exporté frauduleusement ses capitaux, Jean (Jean Chabassol), fils d'un fonctionnaire mort en Indochine, Daniel Epstein (Rogier Coggio), dont la famille a disparu dans un camp de concentration et qui reçoit une confortable pension d'un oncle d'Amérique, et Richard Dutoit (Jacques Fayet), fils d'un musicien antisémite emprisonné à la Libération. Tous rêvent de partir sous les tropiques pour échapper à la guerre...

    André Cayatte était avocat, il plaidait contre la peine de mort depuis 1922, depuis que son cousin, nouvel aumônier de prison à Carcassonne, devait assister à la mort d'un condamné. Le jeune prêtre qui avait en vain supplié qu'on le déchargeât de cette mission s'effondra quand la tête tomba. Il en mourut, n'ayant pas supporté cet odieux spectacle. L'ensemble de l'œuvre de Cayatte sera ensuite un long plaidoyer pour une justice plus humaine... et « Avant le déluge » ne déroge pas à la règle.

    avantledeluge3.jpgParmi ses films les plus connus figurent « Nous sommes tous des assassins », « Le Miroir à deux faces »,  « Les Risques du métier », « Mourir d'aimer », « Verdict »... pour citer ceux que je vous recommande.  Parmi ses récompenses, un Ours d'or à Berlin en 1951, et un Lion d'or à Venise pour « Passage du Rhin », en 1960.

     "Si les gens de cinéma voient dans Cayatte un avocat, les gens de robe le prennent pour un cinéaste" selon François Truffaut. « Avant le déluge » pourrait peut-être réconcilier « gens de cinéma » et « gens de robe », ce film étant certes un plaidoyer et écrit comme tel mais aussi le film d'un vrai cinéaste.

    L'intérêt est d'abord historique, voire sociologique, nous replongeant dans cette tension, cette panique, cette sensation de fin du monde irrévocable, qui régnait  alors, desquelles découle le premier argument de la défense : ils ne savaient plus ce qu'ils faisaient dans cette atmosphère apocalyptique. Le déluge, c'est la menace de la guerre nucléaire qui perturbe les esprits mais c'est aussi tout ce qui précède le verdict après lequel plus rien ne sera pareil. Le deuxième argument de la défense : c'est de nous montrer des enfants (on insiste longuement sur leur jeune âge), davantage victimes de l'oppression ou de l'aveuglement parental que criminels. La mère de l'un l'emprisonne dans une existence morne plus qu'elle ne l'élève, lui reprochant de surcroît sa naissance (mais c'est elle qui finira en s'éloignant de la prison vue à travers les grilles du palais de justice, nous signifiant ainsi une autre prison, abstraite, dans laquelle elle s'est elle-même enfermée). Le père d'un autre ne cesse de marteler ses idées antisémites qui vont finir par influencer son fils. Le père d'un troisième, obsédé par ses affaires plus ou moins frauduleuses, ne s'aperçoit pas que sa femme le trompe avec son ami, elle-même aveuglée par son âge et son physique et par son amour pour cet être égoïste et méprisable etc.

    Si Cayatte, revêtant ici la robe d'avocat, laisse entendre que les enfants sont coupables sans être totalement responsables, il ne les épargne pourtant pas tous. Si Liliane est aveuglée par son amour pour Richard pour lequel elle serait prête à tout, c'est l'antisémitisme, la peur et la lâcheté qui conduisent deux d'entre eux au meurtre dans une scène d'ailleurs très réussie où,  l'un est vêtu d'une veste de cuir qui rappelle celles de la gestapo, et qui  empruntent ainsi aux nazis leurs abjectes méthodes, Cayatte démontrant ainsi de manière terrifiante et convaincante comment l'innocence peut basculer dans la barbarie sous d'ignobles prétextes.

    Si, à l'époque, dans « Les Cahiers du cinéma, André Bazin déplora  le manichéisme de ce film, la critique lui reprocha une noirceur excessive peu représentative de la société.

    Si le jeu de certains est certes un peu théâtral (d'autres en revanche sont remarquables comme Bernard Blier d'une justesse impressionnante), si certains personnages n'échappent en effet pas au manichéisme Cayatte conduit pourtant son film comme une démonstration implacable, lucide et cruelle, servie par d'excellents acteurs et dialogues (signés par lui-même et Charles Spaak) qui procurent à ce film un caractère tristement intemporel (on retrouve d'ailleurs des similitudes avec « L'Appât » de Bertrand Tavernier, les deux films étant d'ailleurs inspirés de faits divers).

    François Truffaut écrivit ainsi à propos d'André Cayatte : "C'est une chance que Cayatte ne s'attaque pas à la littérature ; il serait capable à l'écran d'acquitter Julien Sorel ; Emma Bovary en serait quitte pour la préventive et le petit Twist irait se faire rééduquer à Savigny".

    « Avant le déluge » a reçu le Prix international et la Mention spéciale au Festival de Cannes et plus de 2, 5 millions d'entrées.

  • Cycle François Truffaut (suite) : « La Sirène du Mississippi » (1969), entre joie et souffrance

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    Après « Baisers volés » (1969) et « La Femme d’à côté » (1981), je poursuis aujourd’hui le cycle consacré à François Truffaut sur « In the mood for cinema », en remontant un peu dans le temps, avec « La Sirène du Mississippi », un film sorti en 1969. Dédié à Jean Renoir, adapté, scénarisé et dialogué par Truffaut d’après un roman de William Irish intitulé « Waltz into Darkness » (pour acquérir les droits François Truffaut dut emprunter à Jeanne Moreau, Claude Lelouch et Claude Berri), c’est davantage vers le cinéma d’Alfred Hitchcock, que lorgne pourtant ce film-ci, lequel Hitchcock s’était d’ailleurs lui-même inspiré d’une nouvelle de William Irish pour « Fenêtre sur cour ». Truffaut avait lui-même  aussi déjà adapté William Irish pour « La mariée était en noir », en 1968.

     

    Synopsis : Louis Mahé (Jean-Paul Belmondo) est fabriquant de cigarettes à La Réunion.  Il doit épouser Julie Roussel qu’il a rencontrée par petite annonce et dont il doit faire la connaissance le jour du mariage. Lorsqu’elle débarque  à La Réunion, d’une beauté aussi froide que ravageuse, elle ressemble peu à la photo qu’il possédait d’elle. Elle lui affirme ainsi lui avoir envoyé un faux portrait, par méfiance.  Peu de temps après le mariage, l’énigmatique Julie s’enfuit avec la fortune de Louis. Louis engage alors le solitaire et pointilleux détective Comolli (Michel Bouquet) pour la rechercher, et il rentre en France. Après une cure de sommeil à Nice, il retrouve Julie qui se nomme en réalité Marion (Catherine Deneuve) par hasard, elle travaille désormais comme hôtesse dans une discothèque. Il est déterminé à la tuer mais elle l’apitoie en évoquant son enfance malheureuse et ses sentiments pour lui qui l’aime d’ailleurs toujours… Commence alors une vie clandestine pour ce singulier couple.

     

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    Ce film connut un échec public et critique à sa sortie. Truffaut expliqua ainsi cet échec : « Il est aisé d’imaginer ce qui a choqué le monde occidental. La Sirène du Mississippi montre un homme faible (en dépit de son allure), envoûté par une femme forte (en dépit de ses apparences) ». Voir ainsi  Belmondo ravagé par la passion qui lui sacrifie tout explique pour Truffaut l’échec du film. C’est vrai que ce film peut dérouter après « Baisers volés », quintessence du style Nouvelle Vague.  Son romantisme échevelé, sombre, voire désespéré (même si Doinel était déjà un personnage romantique) mais aussi son mélange des genres (comédie, drame, film d’aventures, film noir, policier) ont également pu dérouter ceux qui voyaient avant tout en Truffaut un des éminents représentants de la Nouvelle Vague.

     

     Comme chacun de ses films « La Sirène du Mississippi » n’en révèle pas moins une maîtrise impressionnante de la réalisation et du sens de la narration, des scènes et des dialogues marquants, des références (cinématographiques mais aussi littéraires) intelligemment distillées et le touchant témoignage d’un triple amour fou : de Louis pour Marion, de Truffaut pour Catherine Deneuve, de Truffaut pour le cinéma d’Hitchcock.

                           

     Truffaut traite ainsi de nouveau d’un de ses thèmes de prédilections : l’amour fou, dévastateur, destructeur. Malgré la trahison de la femme qu’il aime, Louis tue pour elle et la suit au péril de sa propre existence… Après les premières scènes, véritable ode à l’île de La Réunion qui nous laisse penser que Truffaut va signer là son premier film d’aventures, exotique, le film se recentre sur leur couple, la troublante et trouble Marion, et l’amour aveugle qu’elle inspire à Louis. Truffaut traitera ce thème de manière plus tragique, plus subtile, plus précise encore dans « L’Histoire d’Adèle.H », dans « La Peau douce » (réalisé avant « La Sirène du Mississippi)  notamment ou, comme nous l’avons vu, dans « La Femme d’à côté », où, là aussi, Bernard (Gérard Depardieu) emporté par la passion perd ses repères sociaux, professionnels, aime à en perdre la raison avec un mélange détonant de douceur et de douleur, de sensualité et de violence, de joie et de souffrance dont « La sirène du Mississippi » porte déjà les prémisses.

     

    Bien qu’imprégné du style inimitable de Truffaut, ce film est donc aussi une déclaration d’amour au cinéma d’Hitchcock, leurs entretiens restant le livre de référence sur le cinéma hitchcockien (si vous ne l’avez pas encore, je vous le conseille vivement, il se lit et relit indéfiniment, et c’est sans doute une des meilleures leçons de cinéma qui soit). « Les Oiseaux », « Pas de printemps pour Marnie », « Sueurs froides», « Psychose », autant de films du maître du suspense auxquels se réfère « La Sirène du Mississippi ». Et puis évidemment le personnage même de Marion interprétée par Catherine Deneuve, femme fatale ambivalente, d’une beauté troublante et mystérieuse, d’une blondeur et d’une froideur implacables, tantôt cruelle, tantôt fragile, empreinte beaucoup aux héroïnes hitchcockiennes, à la fois à Tippie Hedren dans « Pas de printemps pour Marnie » ou à Kim Novak dans « Sueurs froides » notamment pour la double identité du personnage  dont les deux prénoms (Marion et Julie) commencent d’ailleurs comme ceux de Kim Novak dans le film d’Hitchcock- Madeleine et Judy-.

     

     A Deneuve, qui vient d'accepter le film, Truffaut écrivit : « Avec La Sirène, je compte bien montrer un nouveau tandem prestigieux et fort : Jean-Paul, aussi vivant et fragile qu'un héros stendhalien, et vous, la sirène blonde dont le chant aurait inspiré Giraudoux. » Et il est vrai qu’émane de ce couple, une beauté ambivalente et tragique, un charme tantôt léger tantôt empreint de gravité. On retrouve Catherine Deneuve et Jean-Paul Belmondo dans des contre-emplois dans lesquels ils ne sont pas moins remarquables. Elle en femme fatale, vénale, manipulatrice, sirène envoûtante mais néanmoins touchante dont on ne sait jamais vraiment si elle aime ou agit par intérêt. Lui en homme réservé, follement amoureux, prêt à tout par amour, même à tuer.

     

     A l’image de l’Antiquaire qui avait prévenu Raphaël de Valentin dans « La Peau de chagrin » à laquelle Truffaut se réfère d’ailleurs, Louis tombant par hasard sur le roman en question dans une cabane où ils se réfugient ( faisant donc de nouveau référence à Balzac après cette scène mémorable se référant au « Lys dans la vallée » dans « Baisers volés »), et alors que la fortune se réduit comme une peau de chagrin,  Marion aurait pu dire à Louis : «  Si tu me possèdes, tu possèderas tout, mais ta vie m'appartiendra ».

     

    Enfin  ce film est une déclaration d’amour de Louis à Marion mais aussi et surtout, à travers eux, de Truffaut  à Catherine Deneuve comme dans cette scène au coin du feu où Louis décrit son visage comme un paysage, où l’acteur semble alors être le porte-parole du cinéaste. Le personnage insaisissable, mystérieux de Catherine Deneuve contribue largement à l’intérêt du film, si bien qu’on imagine difficilement quelqu’un d’autre interprétant son rôle.

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    Comme souvent, Truffaut manie l’ellipse avec brio, joue de nouveau avec les temporalités pour imposer un rythme soutenu. Il cultive de nouveau le hasard comme dans « Baisers volés » où il était le principal allié de Doinel, pour accélérer l’intrigue.

     

    Alors, même si ce film n’est pas cité comme l’un des meilleurs de Truffaut, il n’en demeure pas moins fiévreux, rythmé, marqué par cette passion, joliment douloureuse, qui fait l’éloge des grands silences et que symbolise si bien le magnifique couple incarné par Deneuve et Belmondo. Avec « La Sirène du Mississippi » qui passe brillamment de la légèreté au drame et qui dissèque cet amour qui fait mal, à la fois joie et souffrance, Truffaut signe le film d’un cinéaste et d’un cinéphile comme récemment Pedro Almodovar avec « Les Etreintes brisées ».

     

     « La Sirène du Mississippi » s’achève par un plan dans la neige immaculée qui laisse ce couple troublant partir vers son destin, un nouveau départ, et nous avec le souvenir ému de cet amour fou dont Truffaut est sans doute le meilleur cinéaste.

     

    Dix ans plus tard, Catherine Deneuve interprétera de nouveau une Marion dans un film de Truffaut « Le dernier métro », et sera de nouveau la destinataire d’ une des plus célèbres et des plus belles répliques de Truffaut, et du cinéma, que Belmondo lui adresse déjà dans « La Sirène du Mississippi »:

     

     « - Quand je te regarde, c'est une souffrance.

    - Pourtant hier, tu disais que c'était une joie.

    - C'est une joie et une souffrance.''

     

    Sans doute une des meilleures définitions de l’amour, en tout cas de l’amour dans le cinéma de Truffaut… que nous continuerons à analyser prochainement avec « L’Histoire d’Adèle.H ». En attendant je vous laisse méditer sur cette citation et sur le chant ensorcelant et parfois déroutant de cette insaisissable « Sirène du Mississippi ». 

     

    Bonus: le trailer de "La Sirène du Mississippi"