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Par Sandra Mézière. Le 7ème art raconté avec passion depuis 2003. 4000 articles. Festivals de cinéma en direct : Deauville, La Baule, Cannes, Dinard...Critiques de films : avant-premières, à l'affiche, classiques. Actualité de romancière. Podcast.
IN THE MOOD FOR NEWS (actualité cinématographique) - Page 97
A l'occasion des 2,8 millions d'entrées d'"Inception" au box-office français, vous trouverez à nouveau ci-dessous mon dossier complèté consacré au film de Christopher Nolan que je vous recommande de voir...ou revoir! N'hésitez pas à donner votre avis dans les commentaires si vous avez vu le film une fois ou plusieurs (comme c'est déjà le cas pour un certain nombre de spectateurs).
Photo ci-dessus, Leonardo DiCaprio par inthemoodforcinema.com
Pour tout savoir sur le film, retrouvez (en cliquant sur les liens):
Ne m'étant pas encore décidée à reprendre le chemin des salles obscures, je poursuis mes conseils télévisuels en vous recommandant aujourd'hui le très beau film de Caroline Bottaro "Joueuse". Je vous invite à lire ma critique publiée à l'occasion de la sortie du film (ci-dessous). Le film a été diffusé hier soir sur Canal plus, vous pourrez également le voir ce soir à 20H45 sur Canal plus décalé, à 0H55 dimanche sur Canal plus cinéma et samedi 21 à 18H45 sur cette même chaîne.
Cette année, parmi mes lectures de vacances figuraient de nombreux romans récemment adaptés au cinéma : « Le liseur» de Bernhard Schlink, « L’élégance du hérisson » de Muriel Barbery, « La Joueuse d’échecs » de Bertina Henrichs… Malheureusement, les deux premiers ne sont plus à l’affiche là où je me trouve actuellement. J’ai donc évidemment opté pour le troisième adapté au cinéma par Caroline Bottaro sous le titre « Joueuse », un premier film ( premier en tant que réalisatrice car Caroline Bottaro est scénariste de plusieurs films de Jean-Pierre Améris et notamment du très beau "C'est la vie" déjà avec Sandrine Bonnaire) très prometteur qui aura mis cinq ans à se monter.
Dans le premier plan, Hélène (Sandrine Bonnaire) se tient devant le miroir, attache ses cheveux sans même songer à se regarder. Hélène qui vit machinalement. Les jours se suivent et se ressemblent. Son mari (Francis Renaud) la voit sans la regarder et sa fille la méprise. Femme de ménage dans un hôtel, dans un petit village corse, son existence routinière bascule le jour où, en faisant le ménage dans une chambre, elle est fascinée par un couple d’Américains jouant aux échecs sur la terrasse. Son regard s’attarde sur la sensualité de leurs gestes et leurs regards. Et la femme de ménage discrète et effacée va se prendre de passion pour ce jeu et l’apprendre avec une inébranlable détermination, au point même d’insister auprès du mystérieux docteur Kröger (Kevin Kline), chez qui elle fait également le ménage, pour qu’il joue avec elle et lui apprenne les échecs qui vont alors devenir bien plus qu’un jeu. Une raison de vivre. Un moyen de s’émanciper. Et peut-être beaucoup plus encore…
A la luminosité envoûtante de l’île grecque de Naxos où se déroule le roman, Caroline Bottaro (aussi certainement pour des raisons pratiques) a préféré la beauté triste d’un petit village corse. Eleni devient Hélène. Mais, en Corse ou dans une île perdue des Cyclades, c’est le même sentiment d’enfermement, de solitude, de soumission. Au mari. Au destin. Au regard des autres.
Comment ne pas commencer en parlant de Sandrine Bonnaire. De dos, courbée puis droite et résolue, de face, dans son regard, dur ou conquis, dans son sourire, rare et ravageur, ses gestes, ses intonations, ses traits tirés puis illuminés, elle EST Hélène avec une justesse admirable sans en faire des tonnes, sans non plus donner l’impression de réaliser une performance. C’est d’abord grâce à elle si cette histoire est si attachante, si on la suit, captivés, sans décrocher une seule seconde. C’est ensuite grâce au choix judicieux de Kevin Kline et à leur troublante relation. Lui, d’abord, fier, imposant, blasé, misanthrope. Elle, d'abord courbée, frêle, fragile, puis réapprenant le désir et le goût d’exister par et pour soi-même. Alors que lui va peu à peu s’affaiblir et s’humaniser, il va peu à peu l’aider à se redresser, à transgresser les règles, des échecs et de la vie, l'ordre établi.
Et puis il y a les échecs dont la caméra caresse la sensualité des pièces, des gestes de ceux qui les manipulent, des regards qui s’affrontent avec une douce fièvre. Les échecs dont les règles même représentent pour Hélène une métaphore rassurante de la vie, les échecs dont la reine est la pièce la plus forte.
Sans emphase, juste appuyée de temps à autre par la musique de Nicola Piovani, la caméra accompagne avec sensibilité et sensualité le cheminement d’Hélène vers la liberté et vers la confiance en elle.
Et puis un film qui évoque « Martin Eden » de Jack London ne pouvait que me conquérir ( Si vous ne l’avez pas lu, achetez-le sur le champ ! C’est un roman d’un romantisme désenchanté empreint de passion puis de désillusions. C’est aussi et avant tout un roman sur la fièvre créatrice et la fièvre amoureuse qui emprisonnent, aveuglent et libèrent à la fois. Le roman le plus autobiographique de Jack London publié en 1909). La fièvre créatrice qui emprisonne, aveugle et libère. Comme les échecs libèreront Hélène qui, comme Martin, être a priori taciturne, voire frustre, avec la lecture et l’écriture, va se révéler et s’émanciper avec les échecs.
S’il fallait émettre une réserve sur cette « Joueuse », ce serait de regretter une fin un peu expéditive et peut-être un plan de trop… mais l’ensemble est suffisamment séduisant, subtile, convaincant pour nous le faire oublier et pour que je vous le recommande. Vivement.
Si vous ne deviez voir qu'un film, si vous ne deviez en emporter qu'un seul sur une île déserte, si je ne devais en choisir et ne vous en recommander qu'un ... c'est celui-là alors aucune excuse ne sera valable pour ne pas regarder "Le Guépard" de Luchino Visconti, ce soir, en version restaurée, sur Orange cinégéants, à 20H40.
J'espère que mon article (avec critique du film et vidéos pour revivre cet événement exceptionnel comme si vous y étiez) "Quand la réalité rejoint le cinéma" publié à l'occasion du dernier Festival de Cannes (et republié ci-dessous) suite la projection exceptionnelle de cette version restaurée en présence d'Alain Delon et Claudia Cardinale, achèvera de vous convaincre de le découvrir ou de le revoir.
J'en profite pour vous rappeler que le Grand Lyon Film Festival rendra hommage à Luchino Visconti, en présence d'Alain Delon, mais je vous en reparlerai.
Enfin, je vous rappelle que, mardi, sur France 2, à 20H35, vous pourrez revoir un autre chef d'oeuvre avec Alain Delon: "Le Cercle rouge" de Jean-Pierre Melville.
Quand la réalité rejoint le cinéma (article déjà publié suite à la projection exceptionnelle du "Guépard" en version restaurée dans le cadre du Festival de Cannes 2010)
Parmi mes très nombreux souvenirs du Festival de Cannes, celui de ce soir restera sans aucun doute un des plus émouvants et inoubliables. Ce soir, dans le cadre de Cannes Classics était en effet projetée la version restaurée du chef d'œuvre de Luchino Visconti « Le Guépard », palme d'or du Festival 1963. Un des films à l'origine de ma passion pour le cinéma avec l'acteur que j'admire le plus (et tant pis pour ceux qu'il horripile... qu'ils me trouvent juste un seul acteur ayant tourné autant de chefs d'œuvre de « Rocco et ses frères » à « Monsieur Klein » en passant par « Le Cercle rouge » , « La Piscine » et tant d'autres...).
Alors que nous étions très peu nombreux dans la file presse et que, en face, dans la file Cannes cinéphiles on se bousculait tout le monde a finalement pu entrer. J'avais une place de choix puisque juste à côté de moi figurait un siège sur lequel était écrit Martin Scorsese et devant Alain Delon et Claudia Cardinale! Tandis que les premiers invités commençaient à arriver (Benicio Del Toro, Kate Beckinsale, Aishwarya Rai puis Salma Hayek, Juliette Binoche...), la fébrilité était de plus en plus palpable dans la salle. Avec son humour et son enthousiasme légendaires, Thierry Frémaux est venu prévenir que Martin Scorsese était retenu dans les embouteillages en ajoutant qu'Alain Delon avait tenu à préciser que lui n'était pas en retard.
Puis Martin Scorsese est enfin sorti des embouteillages pour monter sur scène ( réalisateur du plus grand film de cette année « Shutter island », à voir absolument) pour parler de ce film si important pour lui. Puis ce fut au tour d'Alain Delon et Claudia Cardinale de monter sur scène. Tous deux émus, Alain Delon aussi nostalgique que Claudia Cardinale semblait enjouée. Je vous laisse découvrir cet instant que j'ai intégralement filmé. Puis, ils se sont installés, juste devant moi et le film, ce film que j'ai vu tant de fois a commencé.
Quelle étrange sensation de le découvrir enfin sur grand écran, tout en voyant ses acteurs au premier plan, juste devant moi, en chair et en os. Aussi fascinant et somptueux soit « Le Guépard » (et ce soir il m'a à nouveau et plus que jamais éblouie) mon regard ne pouvait s'empêcher de dévier vers Delon et Cardinale. Instant irréel où l'image de la réalité se superposait à celle de l'écran. Je ne pouvais m'empêcher d'essayer d'imaginer leurs pensées. Claudia Cardinale qui semblait littéralement transportée (mais avec gaieté) dans le film, tapant des mains, se tournant vers Alain Delon, lorsque des scènes, sans doute, lui rappelait des souvenirs particuliers, riant aussi souvent, son rire se superposant même sur la célèbre cavalcade de celui d'Angelica dans la scène du dîner. Et Alain Delon, qui regardait l'écran avec tant de solennité, de nostalgie, de tristesse peut-être comme ailleurs, dans le passé, comme s'il voyait une ombre du passé ressurgie en pleine lumière, pensant, probablement, comme il le dit souvent, à ceux qui ont disparu : Reggiani, Lancaster, Visconti....
Delon et Cardnale plus humains sans doute que ces êtres d'une beauté irréelle sur l'écran et qu'ils ont incarnés mais aussi beaux et touchants. D'autant plus troublant que la scène de la réalité semblait faire étrangement écho à celle du film qui raconte la déliquescence d'un monde, la nostalgie d'une époque. Comme si Delon était devenu le Prince Salina (incarné par Lancaster dans le film) qui regarde avec mélancolie une époque disparaître. J'avais l'impression de ressentir leur émotions, ce qui, ajouté, à celle que me procure immanquablement ce film, a fait de cet instant un moment magique de vie et de cinéma entremêlés, bouleversant.
Je n'ai pas vu passer les trois heures que dure le film dont la beauté, la modernité, la richesse, la complexité mais aussi la vitalité, l'humour (c'était étonnant d'entendre ainsi la salle rire) me sont apparus plus que jamais éclatants et surtout inégalés. 47 ans après, quel film a pu rivaliser ? Quel film contient des plans séquences aussi voluptueux ? Des plans aussi somptueux ? On comprend aisément pourquoi le jury lui a attribué la palme d'or à l'unanimité !
Hypnotisée par ces images confuses de réalité et de cinéma superposées, de splendeur visuelle, de mélancolie, de nostalgie, je suis repartie avec dans ma poche la lettre destinée à Alain Delon parlant du scénario que j'aimerais lui soumettre, mais sans regrets : il aurait été maladroit, voire indécent de lui donner à cet instant si intense, particulier. Et encore maintenant il me semble entendre la valse qui a sublimé Angelica et Tancrède, et d'en ressentir toute la somptuosité nostalgique... Cette phrase prononcée par Burt Lancaster dans « Le Guépard » pourrait ainsi peut-être être désormais prononcée par ceux qui ont joué à ses côtés, il y a 47 ans déjà : « Nous étions les Guépards, les lions, ceux qui les remplaceront seront les chacals, les hyènes, et tous, tant que nous sommes, guépards, lions, chacals ou brebis, nous continuerons à nous prendre pour le sel de la terre ».
En 1860, en Sicile, tandis que Garibaldi et ses chemises rouges débarquent pour renverser la monarchie des Bourbons de Naples et l’ancien régime, le prince Don Fabrizio Salina (Burt Lancaster) ainsi que sa famille et son confesseur le Père Pirrone (Romolo Valli), quitte ses domaines pour son palais urbain de Donnafigata, tandis que son neveu Tancrède rejoint les troupes de Garibaldi. Tancrède s’éprend d’Angelica, (Claudia Cardinale), la fille du riche maire libéral de Donnafugata : Don Calogero. Le Prince Salina s’arrange pour qu’ils puissent se marier. Après l’annexion de la Sicile au royaume d’Italie, Tancrède qui s’était engagé aux côtés des Garibaldiens les abandonne pour rejoindre l’armée régulière…
Les premiers plans nous montrent une allée qui mène à une demeure, belle et triste à la fois. Les allées du pouvoir. Un pouvoir beau et triste, lui aussi. Triste car sur le déclin, celui de l’aristocratie que symbolise le Prince Salina. Beau car fascinant comme l’est le prince Salina et l’aristocratie digne qu’il représente. Ce plan fait écho à celui de la fin : le prince Salina avance seul, de dos, dans des ruelles sombres et menaçantes puis il s’y engouffre comme s’il entrait dans son propre tombeau. Ces deux plans pourraient résumer l’histoire, l’Histoire, celles d’un monde qui se meurt. Les plans suivants nous emmènent à l’intérieur du domaine, nous offrant une vision spectrale et non moins sublime de cette famille. Seuls des rideaux blancs dans lesquels le vent s’engouffre apportent une respiration, une clarté dans cet univers somptueusement sombre. Ce vent de nouveauté annonce l’arrivée de Tancrède, Tancrède qui apparaît dans le miroir dans lequel Salina se mire. Son nouveau visage. Le nouveau visage du pouvoir. Le film est à peine commencé et déjà son image est vouée à disparaître. Déjà la fin est annoncée. Le renouveau aussi.
Fidèle adaptation d’un roman écrit en 1957 par Tomasi di Lampedusa, Le Guépard témoigne d’une époque représentée par cette famille aristocrate pendant le Risorgimento, « Résurrection » qui désigne le mouvement nationaliste idéologique et politique qui aboutit à la formation de l’unité nationale entre 1859 et 1870. Le Guépard est avant tout l’histoire du déclin de l’aristocratie et de l’avènement de la bourgeoisie, sous le regard et la présence félins, impétueux, dominateurs du Guépard, le prince Salina. Face à lui, Tancrède est un être audacieux, vorace, cynique, l’image de cette nouvelle ère qui s’annonce.
La scène du fastueux bal qui occupe un tiers du film est aussi la plus célèbre, la plus significative, la plus fascinante. Elle marque d'abord par sa magnificence et sa somptuosité : somptuosité des décors, soin du détail du Maestro Visconti qui tourna cette scène en huit nuits parmi 300 figurants. Magnificence du couple formé par Tancrède et Angelica, impériale et rayonnante dans sa robe blanche. Rayonnement du couple qu’elle forme en dansant avec Salina, aussi. La fin du monde de Salina est proche mais le temps de cette valse, dans ce décor somptueux, le temps se fige. Ils nous font penser à cette réplique de Salina à propos de la Sicile : "cette ombre venait de cette lumière". Tancrède regarde avec admiration, jalousie presque, ce couple qui représente pourtant la déchéance de l’aristocratie et l’avènement de la bourgeoisie. Un suicide de l'aristocratie même puisque c’est Salina qui scelle l’union de Tancrède et Angelica, la fille du maire libéral, un mariage d’amour mais aussi et avant tout de raison entre deux univers, entre l'aristocratie et la bourgeoisie. Ces deux mondes se rencontrent et s’épousent donc aussi le temps de la valse d’Angelica et Salina. Là, dans le tumulte des passions, un monde disparaît et un autre naît. Ce bal est donc aussi remarquable par ce qu’il symbolise : Tancrède, autrefois révolutionnaire, se rallie à la prudence des nouveaux bourgeois tandis que Salina, est dans une pièce à côté, face à sa solitude, songeur, devant un tableau de Greuze, la Mort du juste, faisant « la cour à la mort » comme lui dira ensuite magnifiquement Tancrède.
Angelica, Tancrède et Salina se retrouvent ensuite dans cette même pièce face à ce tableau morbide alors qu’à côté se fait entendre la musique joyeuse et presque insultante du bal. L’aristocratie vit ses derniers feux mais déjà la fête bat son plein. Devant les regards attristés et admiratifs de Tancrède et Angelica, Salina s’interroge sur sa propre mort. Cette scène est pour moi une des plus intenses de ce film qui en comptent pourtant tant qui pourraient rivaliser avec elle. Les regards lourds de signification qui s’échangent entre eux trois, la sueur qui perle sur les trois visages, ce mouchoir qu’ils s’échangent pour s’éponger en font une scène d’une profonde cruauté et sensualité où entre deux regards et deux silences, devant ce tableau terriblement prémonitoire de la mort d’un monde et d’un homme, illuminé par deux bougies que Salina a lui-même allumées comme s’il admirait, appelait, attendait sa propre mort, devant ces deux êtres resplendissants de jeunesse, de gaieté, de vigueur, devant Salina las mais toujours aussi majestueux, plus que jamais peut-être, rien n’est dit et tout est compris.
Les décors minutieusement reconstitués d’ une beauté visuelle sidérante, la sublime photo de Giuseppe Rotunno, font de ce Guépard une véritable fresque tragique, une composition sur la décomposition d’un monde, dont chaque plan se regarde comme un tableau, un film mythique à la réputation duquel ses voluptueux plans séquences (notamment la scène du dîner pendant laquelle résonne le rire interminable et strident d’Angelica comme une insulte à l’aristocratie décadente, au cour duquel se superposent des propos, parfois à peine audibles, faussement anodins, d’autres vulgaires, une scène autour de laquelle la caméra virevolte avec virtuosité, qui, comme celle du bal, symbolise la fin d’une époque), son admirable travail sur le son donc, son travail sur les couleurs (la séquence dans l’Eglise où les personnages sont auréolés d’une significative lumière grise et poussiéreuse ) ses personnages stendhaliens, ses seconds rôles judicieusement choisis (notamment Serge Reggiani en chasseur et organiste), le charisme de ses trois interprètes principaux, la noblesse féline de Burt Lancaster, la majesté du couple Delon-Cardinale, la volubilité, la gaieté et le cynisme de Tancrède formidablement interprété par Alain Delon, la grâce de Claudia Cardinale, la musique lyrique, mélancolique et ensorcelante de Nino Rota ont également contribué à faire de cette fresque romantique, engagée, moderne, un chef d’œuvre du septième Art. Le Guépard a ainsi obtenu la Palme d’or 1963… à l’unanimité.
La lenteur envoûtante dont est empreinte le film métaphorise la déliquescence du monde qu’il dépeint. Certains assimileront à de l’ennui ce qui est au contraire une magistrale immersion dont on peinera ensuite à émerger hypnotisés par l’âpreté lumineuse de la campagne sicilienne, par l’écho du pesant silence, par la beauté et la splendeur stupéfiantes de chaque plan. Par cette symphonie visuelle cruelle, nostalgique et sensuelle l’admirateur de Proust qu’était Visconti nous invite à l’introspection et à la recherche du temps perdu.
La personnalité du Prince Salina devait beaucoup à celle de Visconti, lui aussi aristocrate, qui songea même à l’interpréter lui-même, lui que cette aristocratie révulsait et fascinait à la fois et qui, comme Salina, aurait pu dire : « Nous étions les Guépards, les lions, ceux qui les remplaceront seront les chacals, les hyènes, et tous, tant que nous sommes, guépards, lions, chacals ou brebis, nous continuerons à nous prendre pour le sel de la terre ».
Que vous fassiez partie des guépards, lion, chacals ou brebis, ce film est un éblouissement inégalé par lequel je vous engage vivement à vous laisser hypnotiser...
Bien plus qu'un film policier, ce film est sans nul doute un de ceux qui ont fait naitre ma passion pour le cinéma... Je ne peux donc que vous le recommander! Il sera projeté mardi soir, à 20H35, sur France 2.
Synopsis : Le commissaire Matteï (André Bourvil) de la brigade criminelle est chargé de convoyer Vogel (Gian Maria Volonte), un détenu. Ce dernier parvient à s'enfuir et demeure introuvable malgré l'importance des moyens déployés. A même moment, à Marseille, Corey (Alain Delon), à la veille de sa libération de prison, reçoit la visite d'un gardien dans sa cellule venu lui proposer une « affaire ». Alors que Corey gagne Paris, par hasard, Vogel se cache dans le coffre de la voiture. Corey et Vogel montent alors ensemble l'affaire proposée par le gardien : le cambriolage d'une bijouterie place Vendôme. Ils s'adjoignent ensuite les services d'un tireur d'élite : Janson, un ancien policier, rongé par l'alcool.
Dès la phrase d'exergue, le film est placé sous le sceau de la noirceur et la fatalité : " Çakyamuni le Solitaire, dit Siderta Gautama le Sage, dit le Bouddha, se saisit d'un morceau de craie rouge, traça un cercle et dit : " Quand des hommes, même sils l'ignorent, doivent se retrouver un jour, tout peut arriver à chacun d'entre eux et ils peuvent suivre des chemins divergents, au jour dit, inéluctablement, ils seront réunis dans le cercle rouge (Rama Krishna)".
C'est cette fatalité qui fera se rencontrer Corey et Vogel puis Jansen et qui les conduira tous les trois à la mort « réunis dans le cercle rouge ». Ce cercle rouge réunit aussi policier et gangsters, Mattei ressemblant à bien des égards davantage à ces derniers qu'à l'inspecteur général pour qui les hommes sont « tous coupables ». Dès le début, le film joue sur la confusion : le feu rouge grillé par la police, les deux hommes (Vogel et Matteï) qui rentrent en silence dans la cabine de train, habités par la même solitude, et dont on ne découvre que plus tard que l'un est policier et l'autre un prévenu. Il n'y a plus de gangsters et de policiers. Juste des hommes. Coupables. Matteï comme ceux qu'ils traquent sont des hommes seuls. A deux reprises il nous est montré avec ses chats qu'il materne tandis que Jansen a pour seule compagnie « les habitants du placard », des animaux hostiles que l'alcool lui fait imaginer.
Tous sont prisonniers. Prisonniers d'une vie de solitude. Prisonniers d'intérieurs qui les étouffent. Jansen qui vit dans un appartement carcéral avec son papier peint rayé et ses valises en guise de placards. Matteï dont l'appartement ne nous est jamais montré avec une ouverture sur l'extérieur. Ou Corey qui, de la prison, passe à son appartement devenu un lieu hostile et étranger. Prisonniers ou gangsters, ils subissent le même enfermement. Ils sont avant tout prisonniers du cercle du destin qui les réunira dans sa logique implacable. Des hommes seuls et uniquement des hommes, les femmes étant celles qui les ont abandonnés et qui ne sont plus que des photos d'une époque révolue (que ce soit Corey qui jette les photos que le greffe lui rend ou Matteï dont on aperçoit les photos de celle dont on imagine qu'elle fut sa femme, chez lui, dans un cadre).
Avec une économie de mots (la longue -25 minutes- haletante et impressionnante scène du cambriolage se déroule ainsi sans qu'un mot soit échangé), grâce à une mise en scène brillante, Melville signe un polar d'une noirceur, d'une intensité, d'une sobriété rarement égalées.
Le casting, impeccable, donne au film une dimension supplémentaire : Delon en gangster désabusé et hiératique (dont c'est le seul film avec Melville dont le titre ne le désigne pas directement, après « Le Samouraï » et avant « Un flic »), Montand en ex-flic rongé par l'alcool, et Bourvil, mort peu de temps après le tournage, avant la sortie du film (même s'il tourna ensuite « Le mur de l'Atlantique »), est ici bouleversant dans ce contre-emploi, selon moi son meilleur deuxième rôle dramatique avec « Le Miroir à deux faces ». Ce sont pourtant d'autres acteurs qui étaient initialement prévus : Lino Ventura pour « Le commissaire Matteï », Paul Meurisse pour Jansen et Jean-Paul Belmondo pour Vogel.
La critique salua unanimement ce film qui fut aussi le plus grand succès de Melville dont il faut par ailleurs souligner qu'il est l'auteur du scénario original et de cette idée qu'il portait en lui depuis 20 ans, ce qui lui fit dire : « Ce film est de loin le plus difficile de ceux qu' j'ai tournés, parce que j'en ai écrit toutes les péripéties et que je ne me suis pas fait de cadeau en l'écrivant. »
En tout cas, il nous a fait un cadeau, celui de réunir pour la première et dernières fois de grands acteurs dans un « Cercle rouge » aux accents hawksiens, aussi sombre, fatal qu'inoubliable.
Liens :
Cycle Alain Delon sur « In the mood for cinema » :
Avant d'en venir à la critique "Je vais te manquer" qui sera diffusé, ce soir, à 20H45, sur Canal+, je voulais vous recommander un western incontournable diffusé ce soir sur TCM, à 20H40:
Critique: "Je vais te manquer" d'Amanda Sthers
Un aéroport. Là où tant de destins se frôlent, s’esquivent, fuient, se retrouvent, échouent, s’envolent, se cherchent, s’égarent. Là où finiront par se croiser six destinées : celles d'Olivier (Patrick Mille) et Lila (Anne Marivin), Julia (Carole Bouquet) et Marcel (Pierre Arditi), Fanny (Monique Chomette) et Max (Michael Lonsdale). Soit un père célibataire et une jeune femme en quête du prince charmant. Une femme qui part mourir de l’autre côté de l’Atlantique et un écrivain irascible en mal d’inspiration. Et enfin un vieux psy et son amour de jeunesse.
Un aéroport donc. Là où nous finirons par nous égarer nous aussi… Là où s’achève le film (ou presque) et où il aurait pu commencer. Non, il commence bien avant, avec un enfant qui joue avec un ballon comme dans « M.Le Maudit » mais Amanda Sthers n’est pas Fritz Lang et on ne lui demande pas non plus. J’avais d’ailleurs beaucoup aimé son roman « Chicken street ». Sans doute ma déception est-elle à la hauteur de mon attente même s’il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’un premier film avec ses inéluctables maladresses et ses excès ( de sujets qu’on veut brasser à tout prix, de personnages, de bons mots que l’on souhaite placer, d’effets, d’intentions ). La vie, la mort, l’amour, la maladie, les petits plaisirs de l’existence, la maternité, l’immigration, les rêves, les regrets, le destin, la création... Beaucoup trop pour un seul film. Pour un seul film et pour trois tons.
Amanda Sthers oscille ainsi constamment entre comédie outrancière, comédie romantique mièvre et drame. C’est à mon avis dans le troisième qu’elle est la meilleure et dans les deux premiers qu’elle s’est complètement fourvoyée. Comment concilier un film où les commissariats ressemblent à des clubs de vacances avec l’histoire d’une femme qui part se suicider à l’étranger parce qu’elle ne veut pas affronter son cancer ? Comment concilier l’histoire fleur bleue d’une rencontre improbable dans un aéroport et celle d’un clandestin qui lutte pour sa vie ? C’est quasiment impossible… à moins d’être Woody Allen. C’est en tout cas beaucoup pour un premier film qui frôle malgré lui l’indécence, malgré les bonnes intentions de son auteur que je ne mets pas en cause mais qui clignotent comme les panneaux d’un hall d’aéroport. Ou comment contenir le journal intime de toute une vie dans un mince carnet de quelques pages ? C’est un détail me direz-vous… Mais c’est dans les détails qu’on reconnaît les grands films et que se révèlent les failles dévastratrices des autres.
L’histoire d’Olivier et Lila, sa fraîcheur et sa fantaisie auraient pu la rendre drôle et touchante, elle est malheureusement d’une naïveté confondante. Il faut saisir sa chance, donner une chance à ses rêves nous dit-on. Certes, encore faut-il qu’ils soient ancrés dans leur époque, dans une réalité et qu’ils ne soient pas portés par des personnages aussi stéréotypés qui édictent des vérités.
Pourquoi ne pas avoir osé le drame ou carrément, à l’inverse, la comédie romantique à la Richard Curtis ?
Restent les personnages de Julia et Marcel interprétés par Carole Bouquet et Pierre Arditi, sauvés par leurs deux acteurs, et dont l’histoire aurait pu m’emporter si elle n'avait explosé en plein vol. Il faudra m’expliquer pourquoi elle choisit le Québec pour mettre fin à ses jours et malheureusement la musique (signée Sinclair), rend pathétique ce qui aurait permis à l'émotion d'affleurer sans elle.
J’aurais aimé être emballée par ce premier film, j’aurai aimé croire en ces deuxièmes chances, ces rencontres improbables et magiques, mais la magie n’opère pas, entravée de surcroît par de nombreuses invraisemblances (dont on peut s’accommoder dans la comédie mais pas dans le drame, d’où le caractère inconciliable des différents tons). J’étais déjà prête à défendre férocement ce film face aux cyniques habituels qui ne croient ni aux destins ni aux rêves ni que le cinéma peut leur donner des ailes mais malheureusement je suis constamment restée à distance de ces personnages insaisissables, de leurs trajectoires invraisemblables.
Le film choral est à la mode, mais sa réussite implique un travail d’orfèvre pour que tout s’imbrique. L’été dernier, Rémi Bezançon nous avait touchés avec « Le premier jour du reste de ta vie ». Pour Amanda Sthers qui pourtant manie les mots avec habileté c’est sans doute le premier jour du reste de sa vie de cinéaste, elle a encore le temps de faire du cinéma et de nous toucher comme elle l’avait fait en tant qu’auteur. Au suivant donc.
Comme je serai probablement loin des salles obscures françaises lorsque le film sortira (le 21 juillet) et parce que je suis Christopher Nolan avec beaucoup d'attention (et pour cause...) depuis une certaine inoubliable semaine de 1999 , pour vous faire patienter avant la sortie de ce très attendu "Inception" (avec au casting: Leonardo DiCaprio, Mation Cotillard, Ellen Page, Cillian Murphy Michael Caine, Joseph Cordon-Lewitt ) voici la bande-annonce en vf et en vo et une featurette du film dont voici le très attractif synopsis:
Dom Cobb est un voleur confirmé, le meilleur dans l'art périlleux de l'extraction ("inception" en anglais). L'extraction consiste à s'approprier les secrets précieux d'une personne, enfouis au plus profond de l'inconscient pendant qu'elle rêve et que l'esprit est le plus vulnérable. Le milieu de l'espionnage industriel convoite Cobb pour ses talents. Dom Cobb devient alors un fugitif recherché sur toute la planète. A cause de cela, il perd son plus grand amour. Une ultime mission pourrait lui permettre de retrouver sa vie antérieure. Au lieu de subtiliser une idée, Cobb et son équipe vont devoir en implanter une dans l'esprit d'une personne. S'ils y parviennent, cela pourra constituer le crime parfait. Cependant aucune stratégie n'a pu préparer l'équipe à un ennemi dangereux, qui semble avoir toujours un coup d'avance. Un ennemi qui seul Cobb aurait pu voir venir. Cet été, votre esprit est la scène du crime.
"Inception" est le deuxième scénario original de Christopher Nolan depuis "Following". Raison de plus pour attendre ce film avec énormément d'impatience!
Bien évidemment, je ne vais pas vous parler ici de tous les types de festivals mais uniquement des festivals cinématographiques dont l'offre est moins foisonnante que celle des festivals de musique mais qui vous réservent tout de même de belles surprises en cette période estivale.
Paris Cinéma: du 3 au 13 juillet
Évidemment, il y auraParis Cinéma (cliquez sur le lien pour lire tous mes articles à ce sujet) du 3 au 13 juillet que vous pourrez suivre en intégralité et au jour le jour sur ce blog mais vous le savez déjà! Je passe donc rapidement mais j'y reviendrai évidemment très prochainement.
Festival International du Film de La Rochelle : du 2 au 11 juillet
Si l'air de Paris vous fait suffoquer (non, non, je n'insinue pas du tout que l'air parisien est pollué) et que vous préférez celui de la mer, à la même période se déroule le Festival International du Film de La Rochelle (d'ailleurs rien ne vous empêche de faire ces deux festivals). Là, pas de jury, pas de compétition, pas de prix mais de nombreuses rétrospectives (Rohmer, Garbo, Kazan). Pierre Etaix, Sergey Dvortsevoy, Peter Liechti, Ghassan Salhab, Lucian Pintilie ou encore le jeune cinéma indien seront également à l’honneur.
Un réalisateur dans la ville à Nîmes : du 26 au 30 juillet
Cette manifestation est parrainnée par Carole Bouquet, Gérard Depardieu et Jean-Claude Carrière. Cette année c'est le réalisateur Jean Becker qui sera à l'honneur avec au programme une mini-rétrospective de ses films dans les Jardins de la Fontaine tous les soirs à 21H30. L'entrée est gratuite. En clôture, après la projection au Kinépolis de "Deux jours à tuer", le cinéaste donnera une leçon de cinéma.
Le Festival du Cinéma Américain de Deauville: du 3 au 12 septembre
Comme chaque année, vous pourrez évidemment suivre ce festival sur "In the mood for Deauville'. Nous savons pour le moment seulement qu'Emmanuelle Béart présidera le jury. Je vous rappelle que vous pouvez désormais suivre Inthemoodfordeauville sur twitter: @moodfdeauville et retrouvez toutes les infos du festival surla page facebookque j'ai créée.
Cinéma en plein air à La Villette: du 17 juillet au 22 août
"Avoir 20 ans" : tel est le thème de cette 20ème édition dont Sandrine Bonnaire sera la marraine.
C'est aux cinéastes européens : François Truffaut, Jean-Luc Godard, Ken Loach, Maurice Pialat, Leos Carax, Abdellatif Kechiche, Cristian Mungiu ; américains : Woody Allen, Sofia Coppola, Jim Jarmusch ; asiatiques, Liu Jie, Hong Sang- Soo... et puis d'autres encore, qu'il reviendra de souffler les 20 bougies du rendez-vous préféré des cinéphiles de l'été parisien.
Festival de la Correspondance à Grignan: du 7 au 11 juillet
Certes, il ne s'agit pas d'un festival de cinéma me direz-vous mais cela fait longtemps que je souhaite me rendre à ce festival, ce qui ne sera pas encore possible cette année puisque celui-ci se déroule pendant Paris Cinéma, du 7 au 11 juillet. Le festival aura cette année "Le théâtre" pour thème. C'est Michel Bouquet qui fera l'ouverture. Je vous laisse découvrirle programme sur le site officiel.
Si vous connaissez d'autres festivals cinématographiques se déroulant cet été, envoyez-moi un email àinthemoodforcinema@gmail.comet j'en parlerai sur ce blog.