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Cinéma - Page 6

  • CRITIQUE de PAST LIVES – NOS VIES D’AVANT de CELINE SONG

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    Sélectionné par les festivals de Sundance, Berlin et Deauville, le premier long-métrage de Celine Song vient de récolter 5 nominations aux Golden Globes (actrice dans un film dramatique, meilleur film dramatique, meilleur film en langue étrangère, meilleur réalisateur, meilleur scénario), et il ne fait aucun doute que les Oscars devraient leur emboîter le pas...à juste titre !

    Selon Baudelaire, « La mélancolie est l’illustre compagnon de la beauté. Elle l’est si bien que je ne peux concevoir aucune beauté qui ne porte en elle sa tristesse. » Une citation qu’illustre parfaitement ce film d’une mélancolie subrepticement envoûtante.

    Cela commence dans un bar à New York. Quelqu’un observe un trio (une femme et deux hommes) de l’autre côté du comptoir, interpellé par son étrangeté, s’interrogeant sur le lien qui peut bien les unir. La femme et un des deux hommes semblent en effet particulièrement complices. La première tourne le dos au deuxième homme, comme s’il n’existait pas. Qu’est-ce qui réunit ces trois-là ? Quelles peuvent être les relations entre eux ? Pourquoi la femme a soudain cette expression sur son visage, entre joie et nostalgie (entre « joie » et « souffrance » dirait Truffaut) ?  Le flashback va répondre à cette question…

    Nous retrouvons Nayoung (Moon Seung-ah) et Hae Sung (Seung Min Yim) à l’âge de douze ans. Ils sont amis d’enfance, inséparables, complices. Ils vont à la même école à Séoul et se chamaillent tendrement quand il s’agit d’avoir la première place à l’école. Jusqu’au jour où les parents de Nora, artistes, décident d’émigrer pour le Canada.  Douze ans plus tard, Nayoung devenue Nora (Greta Lee), habite seule à New York. Hae Sung (Teo Yoo), lui, est resté à Séoul où il vit encore chez ses parents pour suivre des études d’ingénieur. Par hasard, en tapant son nom sur internet, Nora découvre que Hae Sung a essayé de la retrouver. Elle lui répond. Ils retrouvent leur complicité d’avant. Au bout de plusieurs mois, Nora décide de suspendre ces échanges, face à l’impossibilité de se retrouver, et devant l’importance que prennent ces conversations et les sentiments qui les unissent. Mais douze ans plus tard, alors que Nora est désormais mariée à un Américain, Arthur (John Magaro), Hae Sung décide de venir passer quelques jours à New York.

    Celine Song s’est inspirée de sa propre histoire. Elle a ainsi quitté la Corée à l’âge de 12 ans pour Toronto, avant de s’installer à New York à vingt ans.

    Inyeon. Cela signifie providence ou destin en coréen. Si deux étrangers se croisent dans la rue et que leurs vêtements se frôlent cela signifie qu’il y a eu 8000 couches de inyeon entre eux. La réalisatrice explique ainsi ce en quoi consiste ce fil du destin : « Dans les cultures occidentales, le destin est une chose que l’on doit impérativement réaliser. Mais dans les cultures orientales, lorsqu’on parle d’"inyeon", il ne s’agit pas forcément d’un élément sur lequel on peut agir. Je sais que le "inyeon" est une notion romantique, mais en fin de compte, il s’agit simplement du sentiment d’être connecté et d’apprécier les personnes qui entrent dans votre vie, que ce soit aujourd’hui, hier ou demain ». « Il n’y a pas de hasard. Il n’y a que des rendez-vous » écrirait Éluard…

    Quand Nora a changé de pays, elle a laissé derrière elle : son prénom asiatique, son amour d’enfance, la Corée. Past lives - nos vies d'avant est d’abord le récit d’un déracinement. Quand nous la retrouvons à New York, nous ne voyons jamais sa famille, comme si elle avait été amputée d’une part d’elle-même. C’est l’histoire d’un adieu. De l’acceptation de cet adieu, de ce qu’implique le Inyeon, d’une porte sur le passé et l’enfance qu’il faut apprendre à fermer. Rien n'est asséné, surligné. Tout est (non) dit en délicatesse, en silences, en mains qui pourraient se frôler, en regards intenses, en onomatopées qui en disent plus que de longs discours. Pas seulement pour ce qui concerne les liens entre Nora et Hae-Sung mais aussi les ambitions littéraires de la première dont des indices fugaces nous laissent deviner qu'ils ne sont peut-être pas à la hauteur de ses rêves. Comme si, cela aussi appartenait à une vie passée...

    Dans cette époque de fureur, de course effrénée et insatiable au résultat et à l’immédiateté, y compris dans les sentiments, ce refus du mélodrame, de l’explicite et de l’excès, n’est pas du vide, mais au contraire un plein de sensations et troubles contenus qui nous enveloppent, nous prennent doucement par la main, jusqu’à la fin, le moment où surgit enfin l’émotion, belle et ravageuse.

    Celine Song a ainsi déclaré : « Je voulais mettre en scène des relations qui ne soient pas définissables. Ce qui unit mes trois personnages ne se résume pas en un mot ou une expression. Leur relation est un mystère, et le film est la réponse à ce mystère. Past Lives - Nos vies d'avant n’est pas un film sur les liaisons amoureuses. C’est un film sur l’amour. »

    Et c’est aussi là que réside la beauté de ce film. Il n’y a pas de disputes, d’adultère, de fuite. Mais une confrontation à soi-même, à son être profond, comme un miroir tendu à Nora la confrontant à son passé et son devenir. Aucun des trois personnages n’est ridiculisé ou caricatural. Ils agissent avec maturité, empathie, compréhension. Ce que le film perd peut-être (judicieusement) en conflits, il le gagne en singularité et profondeur. Il sublime l'implicite, aussi, comme l'ont fait, sublimement, Wong Kar Wai ou Sofia Coppola (dans Lost in translation) avant Celine Song.

    Christopher Bear et Daniel Rossen ont signé la musique aux notes cristallines, là aussi jamais redondantes ou insistantes, accompagnant le mystère qui lie les personnages, et magnifiant leurs silences. Se joignent à ces musiques celles de Leonard Cohen, John Lee Hooker, John Cale ou encore du Coréen Kim Kwang Seok,. La réalisation privilégie l’intime, sans négliger les décors, Céline Song filme ainsi New York nimbée de lueurs romantiques, quand Hae Sung  et Nora la (re)découvrent ensemble.

    Ce film tout en retenue, ensorcelante, est un joyau de pudeur, de subtilité, d’émotions profondes que l’on emporte avec soi une fois la porte de Nora refermée, et celle de son cœur avec, une fois celui-ci s'étant laissé brusquement envahir et submerger. Et le nôtre avec. LE film à voir absolument en cette fin d'année et en cette période d'actualités tragiquement indicibles : une bulle de douceur réconfortante, comme un conte (lucide et mélancolique) de Noël, murmuré.

  • Critique de FREMONT de Babak Jalali (prix du jury du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2023)

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    Comme chaque année, l’édition 2023 du Festival du Cinéma Américain de Deauville, à travers ses films en compétition, nous a dressé le tableau de l’état (souvent délabré, et en quête de second souffle) des États d’Amérique. Cette année ont été récompensés du Prix du jury, deux films, ex-aequo : The Sweet East, premier long-métrage de Sean Price William, récit de la fugue d’une lycéenne pendant un voyage scolaire, et Fremont de Babak Jalali, sorti en salles cette semaine

    Anaita Wali Zada y incarne Donya, une jeune réfu­giée afghane de 20 ans, qui tra­vaille pour une fabrique de for­tune cookies à San Fran­cis­co. Ancienne tra­duc­trice pour l’armée amé­ri­caine en Afgha­nis­tan, elle a du mal à dor­mir et se sent seule. Sa rou­tine est bou­le­ver­sée lorsque son patron lui confie la rédac­tion des mes­sages et pré­dic­tions. Son désir s’éveille et elle décide d’envoyer un mes­sage spé­cial dans un des bis­cuits en lais­sant le des­tin agir…

    Le réalisateur, Bakak Jalali, est né dans le nord de l'Iran et a grandi principalement à Londres. C’est en un troisième lieu que nous embarque ce film, à Fremont, ville de la baie de San Francisco qui abrite la plus grande communauté afghane des Etats-Unis. Là vivent notamment des interprètes ou traducteurs pour l’armée américaine en Afghanistan.  Avec Carolina Cavalli, le cinéaste a rencontré de nombreuses personnes de cette communauté avant de s’atteler au scénario.

    Ils nous dressent le portrait d’une femme immigrée et solitaire, qui exerce un métier en-deçà de ses qualifications mais jamais regardée avec misérabilisme ou pitié. Elle apparaît fière, combattive, déterminée, indépendante, rêveuse, et comme les fortune cookies dont elle écrit les textes, le film ne lui promet pas non plus un destin idyllique mais illumine son avenir d’un éclair d’espoir, et de nouveaux possibles. Autour d’elles gravitent des personnages de différentes communautés, et ses relations avec ces derniers permettent de parfaire son portrait, par petites touches.

    Le mode de filmage, en 4/3, en plans fixes et en noir et blanc, poétise la mélancolie intemporelle  qui émane de son personnage principal, lui procure de l’élégance, une douceur qui rassérène. On ressort de ce film salutairement lent et délicat, aux accents kaurismäkiens et jarmuschiens, le cœur illuminé de possibles et, comme l'est Donya, tournée vers l’avenir.

     

  • CRITIQUE de PERFECT DAYS de Wim Wenders

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    Je dois vous le dire d’emblée car je sais l’attention volatile et il serait dommage que vous passiez à côté de ce film que j’ai follement aimé : ce nouveau long-métrage de Wim Wenders est une merveille qui met le cœur en joie.  Le bruissement des feuilles. Le reflet des ombres. L’architecture des bâtiments de Tokyo. Les rayons du soleil qui éclaboussent la ville de lumière. Dans ce film, tout est poésie, ode à l’instant et à sa fragilité, à la singularité de l’être, au pouvoir de l’art et plus spécifiquement de la musique pour le sublimer, comme la célèbre chanson de Lou Reed dont s’inspire le titre.

    Ces « perfect days » sont ceux d’Hirayama (Koji Yakusho) qui travaille à l’entretien des toilettes publiques de Tokyo. Une vie simple. Un quotidien très structuré que la caméra scrute avec minutie et douceur, le suivant dès l’aube dans ses rituels qu’il accomplit avec une régularité métronomique, et accompagnant son regard sur les livres, et les arbres qu’il aime photographier. Son passé va nous être conté par bribes au gré de rencontres inattendues qui apportent un éclat nouveau à sa personnalité : la riche famille qui méprise son quotidien et avec laquelle il a rompu, cette nièce qui lui ressemble tant, cette femme qui ne le laisse pas insensible, son bonheur contagieux à écouter ses cassettes, à s’occuper de ses plantes, à photographier le même arbre sur lequel rebondissent les rayons du soleil ou à lire (Faulkner ou Patricia Highsmith) avant de céder au sommeil.

    Le film a pour origine une lettre reçue par le cinéaste en 2022 qui lui disait ceci : « Seriez-vous intéressé par le tournage d'une série de courts métrages de fiction à Tokyo, peut- être 4 ou 5, d'une durée de 15 à 20 minutes chacun ? Ces films traiteraient tous d'un projet social public extraordinaire, impliqueraient le travail de grands architectes et nous nous assurerions que vous puissiez développer les scénarios vous-même et obtenir la meilleure distribution possible. Et nous vous garantissons une liberté artistique totale. » Si au mot architecture (a fortiori de toilettes publiques) vous associez la froideur, détrompez-vous, tout ici est à l’image d’Hirayama : inondé de chaleur. Le regard que ce dernier porte sur la vie et les autres est empreint de sérénité et d'empathie, et traverse l’écran pour nous envelopper de son aura lumineuse, poétique, délicate. Réconfortante. Le spectateur épouse alors son rythme, et trouve dans la répétition de ses journées, jamais ennuyeuse à vivre pour lui, une paix consolante.

    Le film entier est jalonné de tubes des années 60-70 qui exaltent la beauté de l’instant et font surgir la magie, et l’émotion. Le personnage principal incarné par Koji Yakusho ne parle pas une bonne partie du film mais la quiétude qui émane de son visage en dit tellement de son bonheur d’être là que toute parole serait redondante. Koji Yakusho a d’ailleurs été récompensé du prix d’interprétation masculine au dernier Festival de Cannes pour ce rôle si solaire de cet homme souvent méprisé, mais attentif à tout et tous, dont de petites touches (de rencontres, de rêves, de regards, de silences) nous révèlent le passé et l’émouvante personnalité. Wim Wenders est d’ailleurs un habitué de la Croisette qui l’a souvent récompensé :  Prix de la critique internationale pour Au fil du temps, Palme d'or, Prix de la critique internationale et le Prix du jury œcuménique pour Paris, Texas, Prix de la mise en scène pour Les Ailes du désir, Grand prix du jury pour Si loin, si proche !, et Prix spécial du jury Un certain regard, Mention spéciale du jury œcuménique et Mention spéciale du Prix François-Chalais pour Le Sel de la Terre.

    Le dernier plan, d’une grâce infinie, sur la musique de Nina Simone avec le visage d’Hirayama illuminé de lueurs, changeantes comme ses expressions, justifie son prix à lui seul et nous fait quitter la salle encore sous le charme de ce moment hors des trépidations de la vi(ll)e.

    Cette promenade poétique dans une époque agitée, qui pourrait sembler de prime abord d’une apparente banalité, s'apparente à un conte philosophique d’une grande profondeur, magistralement écrit par Wim Wenders et Takuma Takasaki (avec aussi un magnifique travail sur le son et la lumière) dont on ressort avec l’envie de contempler tout ce qui nous environne, de se laisser caresser par les rayons du soleil, de les admirer inlassablement lorsqu’ils percent à travers les feuilles des arbres, de rouler en écoutant à tue-tête la musique des années 80 (The Animals, Patti Smith,  The Rolling Stones, Lou Reed, The Velvet Underground, Otis Redding, The Kinks, Van Morrison :…rien que ça !), de se laisser transporter par cette bouffée jubilatoire et d’y puiser un invincible optimisme, une croyance en tous les possibles de l’existence que ce film esquisse avec une infinie délicatesse.

    Le film de Wim Wenders incarne pour moi la vie, comme l’actrice Rona Hartner qui vient de décéder d’un cancer à l’âge de 50 ans seulement. Je me souviens d’elle, fascinante, dans Gadjo Dilo de Tony Gatlif, et de ce merveilleux souvenir au Festival du film de Paris 1998 dont je faisais partie du jury (qui avait attribué son prix au film en question), lorsqu’elle dansait sur les tables, férocement belle, présente, vivante, là. Oui, l’incarnation de la vie même dont on se dit qu’elle est à jamais figée ainsi, dans le temps comme dans les souvenirs.

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  • ARRAS FILM FESTIVAL 2023 : PALMARÈS ET COMPTE-RENDU

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    Pour la première fois, j’ai eu le grand plaisir de couvrir l'Arras Film Festival dont la 24ème édition a eu lieu du 3 au 12 novembre. Deux journées intenses qui m’ont permis de découvrir la richesse de la programmation et la convivialité exemplaire de cet évènement cinématographique incontournable. Bien sûr, impossible de parler d’Arras sans avoir une pensée pour Dominique Bernard, le professeur assassiné dans un lycée de cette ville le 13 octobre dernier. Si le festival a été maintenu malgré cette tragédie, elle était évidemment dans les esprits de tous, la soirée d’ouverture du festival ayant d’ailleurs été dédiée au professeur. Si le cinéma permet aussi souvent de s’évader de la réalité, les films que j’ai vus pendant ces quelques heures à Arras témoignaient de situations souvent âpres, de vies enfermées dans une réalité rude et insoluble. Cela ne m’a pas empêchée d’être totalement envoûtée par ce festival, accessible à tous, doublement ouvert avec une programmation aussi très axée sur les cinémas d’ailleurs (et pas seulement), et d’être également ensorcelée par cette ville particulièrement accueillante, véritable décor de cinéma, intemporel et fascinant,  avec ses deux splendides places baroques, son beffroi et sa citadelle classés au patrimoine mondial de l’Unesco comprenant au total 225 édifices protégés au titre des monuments historiques (rendez-vous sur mon compte instagram @Sandra_Meziere pour découvrir d'autres clichés de cette ville majestueuse). Ces 10 dernières années, le Grand Arras, terre de cinéma, a ainsi accueilli plusieurs tournages sur son territoire : Pas son genre de Lucas Belvaux en 2013, La prochaine fois je viserai le cœur de Cédric Anger en 2014, La Liste de mes envies de Didier Le Pêcheur en 2014, En Mai Fais ce qu’il te plait de Christian Caron en 2015, Je ne rêve que de vous de Laurent Heynemann en 2018, Le 15h17 pour Paris de Clint Eastwood en 2018, Effacer l’historique du duo Benoît Delépine / Gustave Kervern en 2019...

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    Le palmarès de cette édition (à découvrir en bas de cet article) est à l’image ce festival, celui de tous les cinémas, qui a pour objectif de promouvoir la diversité du cinéma, et plus particulièrement du cinéma européen, avec un savant mélange de films nouveaux et anciens, en présence de nombreux invités français et étrangers, de films populaires, d’œuvres exigeantes et de films que l’on ne voit nulle part ailleurs. Au programme : des avant-premières en présence des équipes des films, une compétition de films européens, une sélection d’œuvres fortes, drôles, décalées, proposées dans le cadre des sections Visions de l’Est, découvertes européennes et Cinémas du monde, 2 rétrospectives : Sales Bêtes et Drôles de Tchèques, une sélection jeune, des invités d'honneurs (Dominique Blanc, Agnieszka Holland, Matteo Garrone) ...110 films projetés sur 10 jours ! Parmi les cinéastes dont furent projetés les derniers films : Vincent Perez, Frédéric Tellier, Robert Guédiguian, Thierry Klifa, Monia Chokri, Thomas Bidegain, Luc Jacquet, Yorgos Lanthimos... Le festival s’est ouvert avec le film de Vincent Perez Une affaire d’honneur tandis que le film de Caroline Vignal, Iris et les hommes, l’a clôturé. J’ai pour ma part décidé de voir des films appartenant à différentes sections, projetés soit au Mégarama, soit dans le magnifique Casino d'Arras, et toujours présentés avec rigueur et enthousiasme par les membres de l'équipe du festival, et suivis de passionnants débats avec les équipes de films.

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    Parmi la large sélection de films français projetés en avant-première, j’ai découvert le nouveau film de Stéphane Demoustier, Borgo, qui sortira en salles le 17 avril 2024, qui nous tient en haleine de la première à la dernière seconde, un film signant le retour du cinéaste au cinéma après le complexe et palpitant La Fille au bracelet (2019). Borgo nous raconte l’histoire de Mélissa (Hafsia Herzi), surnommée Ibiza par les détenus, surveillante pénitentiaire expérimentée, qui s’installe en Corse avec ses deux jeunes enfants et son mari. Là, elle intègre les équipes d’un centre pénitentiaire pas tout à fait comme les autres dans lequel on dit que ce sont les prisonniers qui surveillent les gardiens et non l’inverse ! Si ce film a pour matériau de départ l'histoire vraie d’une surveillante pénitentiaire mise en cause dans le double assassinat de Poretta en 2017, et en particulier des comptes rendus lus dans la presse, le réalisateur s’est avant tout inspiré du personnage de la surveillante qu’il dépeint ici dans toute sa complexité comme il le fit pour la protagoniste de La fille au bracelet. Dans le film, son intégration est facilitée par Saveriu qui, tout en la protégeant à l’intérieur comme à l’extérieur de la prison, tisse peu à peu sa toile pour l'enfermer dans un piège inextricable. Fascinée, Mélissa ne voit pas le piège se refermer sur elle et la protection se transformer en emprise. Le film sonde l’âme du personnage et son basculement, sa proximité de plus en plus forte avec le monde mafieux, les rapports de force, le glissement progressif dont elle semble ne pas se rendre compte. La minutie de la reconstitution (notamment de la vie de la prison, fortement documentée), la tension constante (entre le racisme dont est victime le mari de Mélissa, et la prison où finalement elle semble mieux accueillie et protégée, avec parmi de nombreuses remarquables scènes celle où les prisonniers, d’une cellule à l’autre, chantent en son honneur, scène lors de laquelle le visage de la surveillante s’illumine, la joie et la fierté l’emportant sur le sérieux qu’imposent ses fonctions), l’interprétation magistrale de Hafsia Herzi mais aussi de tous les seconds rôles judicieusement choisis (notamment de nombreux acteurs insulaires), la musique de Philippe Sarde, le scénario particulièrement audacieux, jouant avec les temporalités et points de vue, en font un film d’une maîtrise impressionnante qui nous laisse ko lors de « l’évasion » finale, et certainement un des films qui fera beaucoup parler de lui en 2024. Lors du débat qui a succédé à la projection, le réalisateur a expliqué avoir voulu raconter « comment cette femme pouvait avoir une vie normale et comment « elle pouvait dans le même temps être partie prenante de crime organisé », que selon lui « le monstre n'existe pas » mais qu’il l’intéressait de comprendre « comment on peut commettre des actes monstrueux ». Il est également revenu sur l’idée formelle de départ avec la double narration, « au plus proche de sa subjectivité et en parallèle les images de vidéo surveillance prétendument incontestables alors que la vérité leur échappe » avec « ces caméras qui ont trop de points de vue pour avoir un intérêt. » Il a également évoqué ses cinéastes de prédilection, Clouzot, Hitchcock, mais aussi la différence entre la France et les Etats-Unis, où « on invente des mythes », tandis qu’en France il « faut être plus proche du réel ». Il a aussi expliqué avoir beaucoup enquêté sur le rapport de force en Corse. Enfin, il a loué les formidables qualités d’actrice de Hafsia Herzi, une « actrice qui ne triche jamais, ultra bosseuse, qui ne s’use jamais, qui aime qu’il y ait énormément de prises. »

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    Également dans le cadre des avant-premières françaises était projeté Rien à perdre de Delphine Deloget programmé dans la section Un Certain Regard du dernier Festival de Cannes, premier long-métrage de fiction de la documentariste (notamment lauréate du prix Albert-Londres 2015 dans la catégorie audiovisuel), là aussi un magnifique portrait de femme, prise au piège de mécanismes et d’une réalité qui la dépassent. Virginie Efira incarne ici Sylvie qui vit à Brest avec ses deux enfants, Sofiane et Jean-Jacques. Elle travaille dans un bar et le soir doit donc laisser ses enfants seuls. Une nuit, Sofiane se blesse alors qu’il est seul dans l’appartement : en voulant se faire des frites, il fait exploser la friteuse. Les services sociaux sont alertés et placent l’enfant en foyer, le temps de mener une enquête. C’est alors la cellule familiale qui explose, aussi. Persuadée d’être victime d’une erreur judiciaire, Sylvie se lance dans un combat pour récupérer son fils, persuadée qu’elle sera plus forte que la machine judiciaire… Primé à Deauville (du prix d’Ornano-Valenti) et à Angoulême (Prix des étudiants), ce film a également en commun avec celui de Stéphane Demoustier de nous tenir en haleine de la première à la dernière seconde, en empathie avec cette mère aimante et attentionnée à qui on enlève son enfant, qui révèle peu à peu ses zones d’ombre, parfois un peu d’inconscience, une vie de bohème, mais rien qui ne semble justifier l’inhumanité de l’institution à son égard et à l’égard de son enfant. Sous prétexte de le protéger d’une éventuelle maltraitance, le point de vue de l’enfant est nié, et ses troubles du comportement ne font alors que croître. Le film aborde cette réalité dans toute sa complexité, sans manichéisme, le passé de documentariste de Delphine Deloget servant sans aucun doute le long-métrage pour lui procurer cette humanité nuancée. Le film aborde aussi le thème de la séparation sous différents angles. L’aîné se cherche lui aussi, aspire à trouver son indépendance. Virginie Efira prouve une nouvelle fois l’étendue de son talent, éclatant dans les deux films projetés cette année à Cannes (l’autre était L’amour et les forêts de Valérie Donzelli su les violences psychologiques faites aux femmes.) Le film de Delphine Deloget met en exergue les dysfonctionnements d’une machine administrative rigide et implacable qui sous prétexte de ne pas passer à côté d’un cas de maltraitance broie les êtres qu’elle est censée protéger. Voir cette famille unie ainsi déchirée, la mère de famille peu à peu sombrer (et finalement par leur faute donner raison aux services sociaux), la surdité de l’administration (remarquable India Hair), ses deux frères (formidables Arieh Worthalter et Mathieu Demy) se démener pour l’aider, et le mal-être évident de l’enfant (et de son frère aîné à qui on essaie de faire avouer des blessures passées dont lui-même n’avait pas conscience) …tout cela touche en plein cœur. Un film poignant qui ouvre aussi le débat sur une réalité, comme le ferait un passionnant documentaire.

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    Dans le cadre des films produits en région, soutenus par Pictanovo avec la région Hauts-de-France était projeté Le bonheur est pour demain de Brigitte Sy, qui sortira en salles le 31 janvier 2024. Encore un film de femme(s) forte(s). Encore une histoire d’enfermement. Laetitia Casta incarne Sophie. Elle a un enfant, un conjoint, mais son quotidien lui semble désespérément plat, sans plaisir, sans envies. Jusqu’au jour où elle rencontre Claude (Damien Bonnard). Il est drôle, séduisant, intelligent. Elle tombe immédiatement sous le charme. Mais Claude n’est pas un prince charmant. C’est un braqueur. Or, au cours d’une attaque de banque, un homme est tué. Claude est arrêté et condamné à une lourde peine de prison. Ce qui aurait dû être la fin devient alors le début d’une histoire folle, passionnelle et sans limites. Soutenue par Lucie, la mère de Claude (Béatrice Dalle), Sophie ne renonce pas à son amour pour Claude. Elle est prête à aller jusqu’au bout. Quelles qu’en soient les conséquences. Troisième long-métrage de Brigitte Sy, Le Bonheur est pour demain regorge de références cinématographiques, de Tarantino à Beineix. L’ombre de la Betty de 37°2 le matin plane sur tout le début du film, dans l’allure de Sophie, dans son rôle en miroir avec celui de Lucie – Béatrice Dalle (leurs images même le temps d’un plan se superposent), avant qu’elle ne se débarrasse de ses apparats colorés, confrontée à la réalité carcérale. La première scène du film, dans ce café du nord, avec ce couple enlacé, cette atmosphère suintante de cinéma, la musique, exhalent la vie, la vitalité, comme Sophie, et nous embarque d’emblée dans l’univers si élégant et singulier de Brigitte Sy avec ses plans si soignés, baignés souvent d’une lumière irréelle (dans la première partie) comme surgis des fantasmagories de Sophie. A partir du moment où Claude lui enlève sa perruque, le gris gagne peu à peu du terrain sur les couleurs, la rudesse de la réalité les rattrape. Il faudra du temps à Sylvie pour comprendre que le bonheur n’est pas forcément dans l’espoir du lendemain, mais dans l’acceptation du présent, aussi différent soit-il de ses rêves. Laëtitia Casta irradie du premier au dernier plan, et malgré les invraisemblances, nous donne envie de suivre cette Sophie obstinément amoureuse et de croire à ce personnage passionnément vivant…

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    Dans le cadre des « toiles de maîtres » (avant-premières de films de grands maîtres du cinéma international) était projeté La zone d’intérêt de Jonathan Glazer, pour moi un chef-d’œuvre comme j’espère vous en convaincre ci-dessous.

    Rarement un film m’aura autant bousculée, de la première à la dernière seconde, et hantée, des jours après. Cela commence par un écran noir, interminable, tandis que des notes lancinantes et douloureuses viennent déjà heurter notre tranquillité, nous avertir que la sérénité qui lui succèdera sera fallacieuse. La première scène nous donne à voir une image bucolique, celle d’une famille au bord d’une rivière par une journée éclatante. Celle de Rudolf Höss, commandant d’Auschwitz de 1940 à 1943, qui habite avec sa famille dans une villa avec jardin, juste derrière les murs du camp. À qui ignorerait l’histoire (et l’Histoire) et ne serait pas attentif, la vie de cette famille semblerait de prime abord presque « normale ». Un air de vacances et de gaieté flotte dans l’air. Les corps s’exhibent, en pleine santé. Pourtant c’est dans cette normalité, cette banalité que réside toute l’horreur, omniprésente, dans chaque son, chaque arrière-plan, chaque hors-champ. Cette zone d’intérêt, ce sont les 40 kilomètres autour du camp, ainsi qualifiés par les nazis. Une qualification qui englobe déjà le cynisme barbare de la situation. La biographie de Rudolf Höss avait inspiré La mort est mon métier de Robert Merle, puis le roman The Zone of Interest de Martin Amis (publié chez Calmann-Lévy en 2015) dont le film est adapté. Il décrit le quotidien de cet artisan de l’horreur avec Hedwig, son épouse et leurs cinq enfants.

    Avant même le premier plan, ce qui nous interpelle, c’est le son, incessant, négation permanente de la banalité des scènes de la maisonnée. C’est le bruit d’un wagon. Ce sont des cris étouffés. Ce sont des coups de feu. Ce sont des aboiements. Ce sont ces ronronnements terrifiants et obsédants des fours crématoires. Mais c’est l’arrière-plan aussi qui teinte d’horreur tout ce qui se déroule au premier, cette indifférence criante qui nous révulse. C’est la vue de cette cheminée, juste au-dessus du jardin, dont une fumée noire s’échappe, sans répit. Ce sont les barbelés. C’est ce prisonnier qui s’affaire dans le jardin du Commandant. C’est la vue de ces trains qui ne cessent d’arrivée. Ce sont ces os que charrie la rivière. L’horreur est là, omniprésente, et pourtant insignifiante pour les occupants de la zone d’intérêt qui vivent là comme si de rien n’était, comme si la mort ne se manifestait pas à chaque seconde. La vie est là dans ce jardin, entre le père qui fume, les pépiements des oiseaux et les cris joyeux des enfants, éclaboussant de son indécente frivolité la mort qui sévit constamment juste à côté. La « banalité du mal » définie par Hannah Arendt représentée dans chaque plan.

    Hedwig Höss se glorifie même d’être gratifiée du titre de « reine d’Auschwitz » par son mari. Hedwig est en effet très fière : de son statut, de ce qu’elle fait de sa maison, surtout de son jardin, avec sa serre et sa piscine. Son havre de paix au cœur de l’horreur absolue. Son mari est muté. Pour elle, l’horreur absolue s’inscrit cependant là : dans la perspective de devoir déménager de son « paradis ». Cette « zone d’intérêt » qu’elle ne quitterait pour rien au monde. Ce cliché de propagande nazie.

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    Claude Lanzmann (dont le documentaire Shoah, reste l’incontournable témoignage sur le sujet, avec également le court-métrage d’Alain Resnais, Nuit et brouillard) écrivit ainsi : « L’Holocauste est d’abord unique en ceci qu’il édifie autour de lui, en un cercle de flammes, la limite à ne pas franchir parce qu’un certain absolu de l’horreur est intransmissible : prétendre pourtant le faire, c’est se rendre coupable de la transgression la plus grave. » Le film de Glazer a cette intelligence-là : ne jamais montrer l’intransmissible. L’imaginer est finalement plus parlant encore. Ainsi, nous ne voyons rien de ce qui se déroule dans le camp mais nous le devinons. Nous ne voyons que des objets appartenant aux déportés qui contiennent en eux des destins tragiques et racontent la folie des hommes : un manteau de fourrure, des vêtements d'enfants, des bijoux, ou ce rouge à lèvres appartenant à une déportée qu’Hedwig s’applique soigneusement, et dans cette application en apparence insignifiante s’insinue le souffle glaçant de la mort qui la sous-tend. Le film adopte la retenue qui sied au sujet, au respect des victimes dont l’absence à l’image ne contribue pas à les nier mais n’est que le reflet de ce qu’elles étaient pour leurs bourreaux : des chiffres, des êtres dont on occultait sans état d'âme l'humanité. Le dénouement leur rend la lumière et la dignité. La Zone d’intérêt a été tourné à Auschwitz même, encore une fois avec ce souci, de respect des victimes et de fictionnaliser le moins possible. Pas d’esthétisation. Pas de lumière artificielle. Le sentiment de contemporanéité n’en est que plus frappant.

    Sandra Hüller figurait au générique de deux films remarquables en compétition du Festival de Cannes 2023, puisqu’elle incarne aussi la Sandra de Anatomie d’une chute de Justine Triet, la palme d’or de cette édition. Révélée à Cannes en 2016 dans Toni Erdmann, dans le film de Justine Triet, elle est impressionnante d’opacité, de froideur, de maitrise, d’ambiguïté. Ici, dans le rôle d'Hedwig, elle est carrément glaçante. Elle se délecte à essayer un manteau de fourrure trop grand pour elle dont il est aisé de deviner l’origine. Elle distribue des vêtements à ses amis dont la provenance ne fait aucun doute là non plus. Elle est si fière d’être cette femme à la vie si privilégiée, clamant qu’elle a une vie « paradisiaque » dans ce jardin qu’elle montre avec orgueil à sa mère, comme cette chambre d’enfant où elle l’héberge, avec fenêtre sur les miradors et cheminées. Elle est monstrueuse dans l’apparente normalité de ses gestes et paroles, et laissant même éclater toute sa violence lorsqu’une assiette n’est pas là où elle doit être. Ou quand elle demande à « Rudolf » de l'« emmener encore dans ce spa italien »  tandis que rugissent les fours crématoires, et la mort, alors qu’elle ne pense qu’à jouir de la vie, sans scrupules.

    Pour le Commandant (Christian Friedel), seule compte la fierté de servir le 3ème Reich. Obstinément. Des industriels viennent louer les qualités de leurs fours, comme s’il s’agissait d’un quelconque produit industriel. Comment ne pas avoir la nausée devant l’ignominieuse distance et l’abominable froideur avec lesquelles ils discutent des modalités de la solution finale et du principe d’un "four crématoire circulaire" ? Les réunions des directeurs de camps sont aussi nauséeuses dans leur apparence ordinaire. Il est question d’efficacité, de rendement, de logistique. Comme si rien de tout cela ne concernait des êtres humains, et leur mort atroce.

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     Une folie qui semble contaminer jusqu’aux enfants quand l’un enferme son frère dans la serre. On pense alors au chef-d’œuvre de Michael Haneke, Le ruban blanc. Ce ruban blanc, dans le film d’Haneke, c’est le symbole d’une innocence ostensible qui dissimule la violence la plus insidieuse et perverse. Ce ruban blanc, c’est le signe ostentatoire d’un passé et de racines peu glorieuses qui voulaient se donner le visage de l’innocence. Ce ruban blanc, c’est le voile symbolique de l’innocence qu’on veut imposer pour nier la barbarie, et ces racines du mal qu’Haneke nous fait appréhender avec effroi par l’élégance moribonde du noir et blanc. Ces châtiments que la société inflige à ses enfants en évoquent d’autres que la société infligera à plus grande échelle, qu’elle institutionnalisera même pour donner lieu à l’horreur suprême, la barbarie du XXème siècle. Cette éducation rigide va enfanter les bourreaux du XXème siècle dans le calme, la blancheur immaculée de la neige d’un petit village a priori comme les autres. La forme, comme dans le film de Glazer, démontre alors toute son intelligence, elle nous séduit d’abord pour nous montrer toute l’horreur qu’elle porte en elle et dissimule à l’image de ceux qui portent ce ruban blanc.

    Je ne saurais citer un autre film dans lequel le travail sur le son est aussi impressionnant que dans La Zone d’intérêt, la forme sonore tellement au service du fond (parmi les films récents, je songe au long-métrage de Vincent Maël Cardona,  Les Magnétiques mais le sujet est à des années-lumière de celui du film de Glazer) : cette dichotomie permanente entre ce vacarme et l’indifférence qu’il suscite. Ce grondement incessant qui nous accompagne des jours après. Les musiques composées par Mica Levi et les sons du concepteur sonore Johnnie Burn sont pour beaucoup dans la singularité de cette œuvre et dans sa résonance. Ces dissonances qui constamment nous rappellent que tout cela n'a rien de normal, qui nous oppressent. Et au cas où nous aurions souhaité occulter ce que ces sons représentent, ce qui se joue là, derrière les discussions sur la façon d’agencer le jardin ou les jeux des enfants, un écran brusquement rouge vient nous heurter, comme un écho à l’écran noir du début, nous signifiant bien que ce paradis bucolique masque un enfer, que le vert qui envahit l’écran n’est là que pour masquer le rouge qui déferle à quelques mètres. Seules des parenthèses en négatif laissent éclater un peu d’humanité (lueur d’espoir apparaissant alors comme irréalité au milieu de cette inconcevable réalité), et peut-être le départ anticipé de la mère d’Hedwig avec un mot dont nous ne connaîtrons pas la teneur et dont on a envie de croire qu'il dénonce l'horreur, et qui pourtant a elle aussi profité des déportés, en l’occurrence ses anciens patrons. C’est tout. Pas d'autre lueur d'espoir.

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    En 2015, avec Le Fils de Saul, László Nemes nous immergeait dans le quotidien d'un membre des Sonderkommandos, en octobre 1944, à Auschwitz-Birkenau. Saul Ausländer est alors membre de ce groupe de prisonniers juifs isolé du reste du camp et forcé d’assister les nazis dans leur plan d’extermination. Il travaille dans l’un des crématoriums où il est chargé de « rassurer » les Juifs qui seront exterminés et qui ignorent ce qui les attend, puis de nettoyer… quand il découvre le cadavre d’un garçon en lequel il croit ou veut croire reconnaître son fils. Tandis que le Sonderkommando prépare une révolte (la seule qu’ait connue Auschwitz), il décide de tenter l’impossible : offrir une véritable sépulture à l’enfant afin qu’on ne lui vole pas sa mort comme on lui a volé sa vie, dernier rempart contre la barbarie. La profondeur de champ, infime, renforce cette impression d’absence de lumière, d’espoir, d’horizon, nous enferme dans le cadre avec Saul, prisonnier de l’horreur absolue dont on a voulu annihiler l’humanité mais qui en retrouve la lueur par cet acte de bravoure à la fois vain et nécessaire, son seul moyen de résister. Que d’intelligence dans cette utilisation du son, de la mise en scène étouffante, du hors champ, du flou pour suggérer l’horreur ineffable, ce qui nous la fait d’ailleurs appréhender avec plus de force encore que si elle était montrée. László Nemes s’est beaucoup inspiré de Voix sous la cendre, un livre de témoignages écrit par les Sonderkommandos eux-mêmes.

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    Avec le plus controversé La vie est belle, Benigni a lui opté pour le conte philosophique, la fable pour démontrer toute la tragique et monstrueuse absurdité à travers les yeux de l’enfance, de l’innocence, ceux de Giosué. Benigni ne cède pour autant à aucune facilité, son scénario et ses dialogues sont ciselés pour que chaque scène « comique » soit le masque et le révélateur de la tragédie qui se « joue ». Bien entendu, Benigni ne rit pas, et à aucun moment, de la Shoah mais utilise le rire, la seule arme qui lui reste, pour relater l’incroyable et terrible réalité et rendre l’inacceptable acceptable aux yeux de son enfant. Benigni cite ainsi Primo Levi dans Si c’est un homme qui décrit l’appel du matin dans le camp. « Tous les détenus sont nus, immobiles, et Levi regarde autour de lui en se disant : “Et si ce n’était qu’une blague, tout ça ne peut pas être vrai…” C’est la question que se sont posés tous les survivants : comment cela a-t-il pu arriver ? ». Tout cela est tellement inconcevable, irréel, que la seule solution est de recourir à un rire libérateur qui en souligne le ridicule. Le seul moyen de rester fidèle à la réalité, de toute façon intraduisible dans toute son indicible horreur, était donc, pour Benigni, de la styliser et non de recourir au réalisme. Quand il rentre au baraquement, épuisé, après une journée de travail, il dit à Giosué que c’était « à mourir de rire ». Giosué répète les horreurs qu’il entend à son père comme « ils vont faire de nous des boutons et du savon », des horreurs que seul un enfant pourrait croire mais qui ne peuvent que rendre un adulte incrédule devant tant d’imagination dans la barbarie (« Boutons, savons : tu gobes n’importe quoi ») et n’y trouver pour seule explication que la folie (« Ils sont fous »). Benigni recourt à plusieurs reprises intelligemment à l’ellipse comme lors du dénouement avec ce tir de mitraillette hors champ, brusque, violent, où la mort terrible d’un homme se résume à une besogne effectuée à la va-vite. Les paroles suivantes le « C’était vrai alors » lorsque Giosué voit apparaître le char résonne alors comme une ironie tragique. Et saisissante.

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    Autre approche encore que celle de La Liste de Schindler de Spielberg dont le scénario sans concessions au pathos de Steven Zaillian, la photographie entre expressionnisme et néoréalisme de Janusz Kaminski (splendides plans de Schindler partiellement dans la pénombre qui reflètent les paradoxes du personnage), l’interprétation de Liam Neeson, passionnant personnage, paradoxal, ambigu et humain à souhait, et face à lui, la folie de celui de Ralph Fiennes, la virtuosité et la précision de la mise en scène (qui ne cherche néanmoins jamais à éblouir mais dont la sobriété et la simplicité suffisent à retranscrire l’horrible réalité), la musique poignante de John Williams par laquelle il est absolument impossible de ne pas être ravagé d'émotions à chaque écoute (musique solennelle et austère qui sied au sujet -les 18 premières minutes sont d’ailleurs dénuées de musique- avec ce violon qui larmoie, voix de ceux à qui on l’a ôtée, par le talent du violoniste israélien Itzhak Perlman, qui devient alors, aussi, le messager de l’espoir), et le message d’espérance malgré toute l’horreur en font un film bouleversant et magistral. Et cette petite fille en rouge que nous n'oublierons jamais, perdue, tentant d’échapper au massacre (vainement) et qui fait prendre conscience à Schindler de l’individualité de ces juifs qui n’étaient alors pour lui qu’une main d’œuvre bon marché. 

    Avec The Zone of Interest, Jonathan Glazer prouve d’une nouvelle manière, singulière, puissante, audacieuse et digne, qu’il est possible d’évoquer l’horreur sans la représenter frontalement, par des plans fixes, en nous en montrant le contrechamp, reflet terrifiant de la banalité du mal, non moins insoutenable, dont il signe une démonstration implacable. Cette image qui réunit dans chaque plan deux mondes qui coexistent et dont l’un est une insulte permanente à l’autre est absolument effroyable.  Si cette famille nous est montrée dans sa quotidienneté, c’est avant tout pour nous rappeler que la monstruosité peut porter le masque de la normalité. L’intelligence réside aussi dans la fin, qui avilit le monstre et le fait tomber dans un néant insondable tandis que nous restent les images de ce musée d’Auschwitz dans lequel s’affairent des femmes de ménage, au milieu des amas des valises, de chaussures et de vêtements, et des portraits des victimes. C’est d’eux dont il convient de se souvenir. De ces plus de cinq millions de morts tués, gazés, exterminés, parfois par des journées cyniquement ensoleillées. Un passé si récent comme nous le rappellent ces plans de la maison des Höss aujourd’hui transformée en mémorial. Une barbarie passée contre la résurgence de laquelle nous avons encore trop peu de remparts. Le film s’achève par un écran noir accompagné d’une musique lugubre, là pour nous laisser le temps d’y songer, de nous souvenir, de respirer après cette plongée suffocante, et de reprendre nos esprits et notre souffle face à l’émotion qui nous submerge. Un choc cinématographique. Un choc nécessaire. Pour rester en alerte. Pour ne pas oublier les victimes de l’horreur absolue mais aussi que le mal peut prendre le visage de la banalité. Un film brillant, glaçant, marquant, incontournable. Avec ce quatrième long-métrage (après Sexy Beast, Birth, Under the skin) Jonathan Glazer a apporté sa pierre à l'édifice mémoriel. De ce film, vous ne ressortirez pas indemnes. Vous ne pourrez pas (l') oublier. Voyez-le, impérativement.

    La Zone d'intérêt de Jonathan Glazer sortira sur les écrans français le 31 janvier 2024.

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    La compétition européenne constitue un des temps forts de ce festival. Parmi les 9 longs-métrages en lice figurait Slow de Mariga Kavtaradze, lauréat du prix Regards Jeunes. Vivre une relation d’amour sans sexe est impensable pour la danseuse Elena. Pourtant, elle se retrouve confrontée à cette situation lorsqu’elle rencontre Dovydas, interprète en langue des signes. En effet, celui-ci est asexuel. Leur intense complicité sera-t-elle suffisante pour continuer à vivre ensemble ? Cette histoire d’amour, touchante, remplie de silence, de douceur, de salutaire lenteur mais aussi d'énergie et de bienveillance, était déjà en lice dans la compétition internationale du Festival du Sundance. Filmée en 16mm, elle semble tout droit échappée d’un songe, auréolée d’une tendre nostalgie, mettant en exergue les sensations, celle d’une danse, le ballet du couple, des cœurs et des corps, le tout porté par les compositions romantiques d’Irya Gmeyner. La réalisatrice filme ainsi comme un ballet les différentes étapes de l’histoire du couple avec des scènes d’une beauté troublante comme lorsque Elena et Dovydas dansent en miroir : poétique parade amoureuse. Marija Kavtaradze  chorégraphie et filme d’ailleurs les scènes de danse comme des scènes d’amour (qui, elles, ouvrent et clôturent le film), au plus près des corps, des souffles, de la sueur, des vertiges, des expressions extatiques, comme un prolongement de l’histoire de ce duo atypique, et de leur parenthèse enchantée ou « endansée ».

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    Dans la section « Cinémas du monde », après le film lituanien précité, j’ai découvert le labyrinthique A man du Japonais Kei Ishikawa qui fut présenté à la Mostra de Venise 2022. Après avoir divorcé, Rie a trouvé le bonheur auprès de son second mari, Daisuke, rencontré dans sa papeterie où il lui dévoile ses dessins.  Mais lorsque celui-ci meurt accidentellement, elle apprend qu’il n’était pas l’homme qu’elle croyait et fait appel à un avocat pour découvrir sa véritable identité. Là aussi, comme dans le film de Brigitte Sy, il est question de miroirs. A Man commence sur La reproduction interdite, le tableau de René Magritte qui représente un homme de dos, face à un miroir ne reflétant pas son visage. Tout est dit. Dans ce film, personne ne dévoile son vrai visage, personne n’est qui il semble être. Le faux Daisuke a ainsi une peur maladive des miroirs, incapable d’y croiser son regard. Ce thriller captivant interroge les identités et les origines, souvent cadenassées dans cette société japonaise très ancrée dans les traditions confrontée à des enjeux contemporains. Chaque personnage est donc en quête de son identité : Rie qui doit savoir qui était celui qu’elle appelle désormais « monsieur X » à qui elle a été mariée, Kido l’avocat qu’elle engage pour enquêter sur la véritable identité de son époux décédé et qui tente de dissimuler ses origines coréennes, le jeune fils de Rie, Yuto. Dans ce bal des apparences, chacun avance finalement masqué, que ce soit professionnellement ou personnellement. Avec son scénario sinueux et pourtant limpide dans lequel chaque personnage existe, son contexte sociétale, sa mise en scène qui se joue des miroirs et des ombres et des reflets, A man est autant une (en)quête d'identité qu’un thriller social, avec plusieurs strates de lecture à l’image des personnages qui  le composent, d'une réjouissante complexité.

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    Enfin, dans la section « découvertes européennes » était projeté Scrapper de la Britannique Charlotte Regan qui suit ici le destin d’une adolescente confrontée à l’absence de l’un de ses parents. Banlieue de Londres. Géorgie 12 ans vit seule depuis la mort de sa mère. Elle se débrouille au quotidien pour éloigner les travailleurs sociaux, raconte qu’elle vit avec un oncle, gagne de l’argent en faisant un trafic de vélo avec son ami Ali.  Cet équilibre fonctionne jusqu’à l’arrivée de Jason, un jeune homme qu’elle ne connait pas et se présente comme étant son père. Ce sont au fond deux adolescents qui vont se sauver l’un l’autre. Et que l’imagination va sauver. Entre la revente des vélos qu’elle vole, ses échanges téléphoniques avec les travailleurs sociaux auxquels Georgie parvient à faire croire qu’elle est prise en charge par son oncle (imaginaire) qu’elle nomme…Churchill, mais aussi des personnages secondaires mis en scène comme dans un cartoon coloré, là aussi pour dédramatiser, Scrapper est une ode à l’imagination, à l’utopie, et donc finalement au cinéma, pleine de douceur, de fantaisie et d'espoir sur lesquels il était salutaire de terminer cette instructive et jubilatoire découverte du formidable Arras Film Festival.

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    PALMARÈS DE LA COMPÉTITION EUROPÉENNE

     

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    Jury ATLAS présidé par Dominik Moll (réalisateur), entouré de Lucie Debay (actrice), Solène Rigot (actrice), Laurent Capelluto (acteur), Laurent Poitrenaux (acteur)

     

    Atlas d’or (Grand Prix du Jury)

     

    à HOLLY de Fien Troch (Belgique, 2022)

     

    Atlas d’argent (Prix de la mise en scène)

    Décerné à HESITATION WOUND de Selman Nacar (Turquie, 2023)

     

    Prix SFCC de la critique

     

    En partenariat avec le Syndicat Français de la Critique de Cinéma.

    Jury présidé par Perrine Quennesson (Cinéma Teaser, Canal Plus Le Cercle),
    Accompagnée de Thomas Baurez (Première, France 24), Christophe Caron (La Voix du Nord), Boris Szames (So Film, Gone Hollywood), Caroline Veunac (Télérama)


    Décerné à LIBERTATE de Tudor Giurgiu (Roumanie, 2023)

     

    Prix du public

     


    Décerné à WITHOUT AIR de Katalin Moldovai (Hongrie, 2023)

     

    Prix Regards jeunes - Région Hauts-de-France

     

    Décerné à SLOW de Marija Kavtaradze (Lituanie, 2022)

    PALMARÈS Arras Days

     

    Bourse de 7 500 €

    Dotation offerte par l'Arras Film Festival
    Décernée à Leni Huyghe pour REAL FACES (Belgique

    Bourse de 5 000 €

    Dotation offerte par la Ville d’Arras

    Décernée à Stephan Komandarev pour MADE IN E.U (Bulgarie)

     


    ARRAS FILM FESTIVAL - LA REPRISE

    Dans le prolongement du "temps fort" d'Arras, le festival propose dans plus d'une trentaine de villes, des évènements et des séances décentralisées. Plus d'infos sur www.arrasfilmfestival.com

     

  • Critique - LE THÉORÈME DE MARGUERITE d'Anna Novion (prix de la meilleure musique du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2023)

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    Ce film, présenté en séance spéciale du Festival de Cannes, a reçu le prix de la meilleure musique du 9ème Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule mais aurait aussi mérité celui du meilleur film.

    La Marguerite du théorème est une brillante élève en Mathématiques à l'ENS, dont le destin semble tout tracé. Seule fille de sa promo, elle termine une thèse qu’elle doit exposer devant un parterre de chercheurs. Le jour J, une erreur bouscule toutes ses certitudes et l’édifice s’effondre. Marguerite décide de tout quitter pour tout recommencer.

    Résumé ainsi, ce film pourrait s’annoncer comme particulièrement rébarbatif. Il ne l’est aucunement, pas une seule seconde. Quand on demande à Marguerite ce qu’elle aime dans les mathématiques, elle répond : « Je ne pourrais pas vivre sans. » Le Théorème de Marguerite est avant tout cela, une histoire de passion, de solitude face à l’engagement qu’elle implique. « Les mathématiques ne doivent souffrir d'aucun sentiment » lui assène son mentor, pourtant pour Marguerite ce n’est que cela. Un moyen aussi d’affronter les mystères du monde et la vanité de l’existence : « J'étais très angoissée par l'infini, l'idée que l'univers n'avait pas de fin. Goldbach, c'était un moyen de mettre de l'ordre dans l'infini. »

    Si vous êtes hermétique aux mathématiques, rassurez-vous, ce film vous parlera malgré tout, a fortiori si vous connaissez cet état second dans lequel vous plongent une passion ou les affres de la création. Les mathématiques sont presque un prétexte, poétique, comme ces murs recouverts de formules qui en deviennent soudain abstraits et admirables. Le parallèle est évident avec l’engagement que nécessite un film, cette formule complexe qui aboutit à la magie, ce travail acharné au résultat incertain.

    C’est avant tout le (magnifique) portrait d’une femme moderne, singulière, qui ne tombe dans aucun cliché (et cela fait un bien fou). Froide, fermée, à l’image de son prénom suranné, Marguerite n’est pas de prime abord sympathique. Les lignes cliniques et l’âpreté des décors reflètent son état d’esprit et, comme elle, ils chemineront progressivement vers la lumière, le désordre, l’asymétrie.

    Jean-Pierre Darroussin, faussement dur et autoritaire, mais surtout blessé dans son orgueil, est parfait dans le personnage du directeur de thèse et mentor, Werner. Ella Rumpf, découverte dans Grave de Julia Ducournau, se glisse totalement dans la peau de Marguerite, renfermée sur sa passion et sur elle-même, combattive, et s’ouvrant peu à peu aux autres. Elle procure toute sa force captivante au film. Celle qu’on surnomme « la mathématicienne en chaussons », le corps recroquevillé, le regard frondeur, n’est pas là pour se distraire mais dévouée corps et âme à la conjecture de Goldbach, problème irrésolu et en apparence insoluble de la théorie des nombres. Quelle intelligence dans l’écriture du scénario pour transformer ce qui aurait pu être ennuyeux et abscons en véritable thriller des émotions, palpitant. Il faudra l'arrivée d'un nouvel étudiant particulièrement brillant (Julien Frison de la Comédie Française) pour faire s’écrouler tout son édifice et la faire renaître, s’abandonner.

    Clotilde Courau dans le rôle de la mère fascinée par le « don » de sa fille et dépassée par sa mue, est une nouvelle fois d’une justesse remarquable. La magnifique Sonia Bonny incarne la lumineuse et sensuelle colocataire de Marguerite. Grâce à elle, Marguerite découvre un autre univers, celui des joueurs de Mahjong du quartier chinois de Paris et des virées nocturnes. Marguerite va peu à peu (re)naitre au monde, à la vie, à la lumière, aux désirs autres que ceux suscités par l’envie de trouver des solutions aux formules mathématiques. Elle se relève et se redresse dans tous les sens du terme, et l’environnement s’illumine.

    Un sublime portrait de femme et une brillante dissection métaphorique des effets de la création, de la solitude et de l'abnégation qu'elle implique, mais surtout un film sensible, parfaitement écrit et interprété, passionnant de la première à la dernière seconde, porté par la musique inspirée de Pascal Bideau.

    Ella Rumpf aurait aussi mérité un prix d’interprétation tant elle donne corps, vie et âme à Marguerite.

  • Critique de COMME PAR MAGIE de Christophe Barratier

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    Hier sortait le septième long-métrage de Christophe Barratier, Comme par magie, dans lequel Kev Adams incarne Victor, un jeune magicien en pleine ascension. Cela commence par une scène d’ouverture trépidante : un numéro de magie drôle et étourdissant interrompu par l’annonce de la naissance imminente de la fille du magicien. Seulement, rien ne se passe comme prévu et la tragédie succède rapidement à l'euphorie : la mère décède lors de l'accouchement. Victor doit alors élever seul sa fille qu’il prénomme Lison. Jacques (Gérard Jugnot), son fantasque beau-père, se mêle contre son avis de l’éducation de la petite auprès de laquelle il retrouve une seconde jeunesse. Ce tandem improbable aura pour arbitre Nina (Claire Chust), l’amie d’enfance de Victor…

    Christophe Barratier travaillait sur un autre projet quand le producteur Marc-Etienne Schwartz lui a proposé ce scénario, écrit à l’origine par Serge Lamadie et Cyril Gelbat, rejoints par Fabrice Bracq. Après quelques réussites en tant que producteur délégué et en tant que réalisateur de courts-métrages, Christophe Barratier, en 2004, connaissait un succès retentissant avec Les Choristes et ses 8,5 millions d’entrées puis ses deux César et ses deux nominations aux Oscars (meilleur film en langue étrangère et meilleure chanson pour Vois sur ton chemin). Vinrent après Faubourg 36 en 2008 et La Nouvelle guerre des boutons en 2011, des films nostalgiques dont l'action se déroulait dans les années 30, un cinéma populaire (au sens noble du terme) et de beaux hommages au cinéma d’hier.

    Faubourg 36 regorgeait ainsi de réjouissantes références au cinéma d’entre-deux guerres. Clovis Cornillac y ressemblait à s’y méprendre à Jean Gabin dans les films d’avant-guerre, Nora Arnezeder (la découverte du film comme Jean-Baptiste Maunier l'avait été auparavant dans Les Choristes) à Michèle Morgan : tous deux y faisaient penser au couple mythique Nelly et Jean du Quai des Brumes de Marcel Carné auquel un plan se référait d’ailleurs explicitement. Bernard-Pierre Donnadieu, quant à lui, rappelait Pierre Brasseur (Frédérick Lemaître) dans Les enfants du paradis de Carné et Jules Berry (Valentin) dans Le jour se lève du même Carné dont j’avais même cru reconnaître le célèbre immeuble dessiné par Alexandre Trauner dans le premier plan du film. Les décors du film entier paraissaient d’ailleurs rendre hommage à ceux de Trauner, avec cette photographie hypnotique et exagérément lumineuse entre projecteurs de théâtre et réverbères sous lesquels Paris et les regards scintillent de mille feux incandescents et mélancoliques. Et l'amitié qui unissait les protagonistes de ce Faubourg 36 résonnait comme un clin d’œil à celle qui unissait les personnages de La belle équipe de Duvivier.  Bref, Christophe Barratier est un cinéaste cinéphile. D'ailleurs, Les Choristes déjà était une adaptation du film de 1945 de Jean Dréville, La Cage aux rossignols.

    En 2016, il changea de registre avec le remarquable L’Outsider, thriller financier contemporain, très différent des films précités, une adaptation du livre écrit par Kerviel lui-même et publié en 2010, L'Engrenage : mémoires d'un trader, l’histoire d’un anti-héros pris dans une spirale infernale, dans l’ivresse de cette puissance de l’argent qui le grise et l’égare, et dans laquelle il se jette comme d’autres se seraient plongés dans la drogue ou l’alcool.  Barratier a réussi non seulement à vulgariser cet univers mais aussi à le rendre aussi passionnant et palpitant qu’un thriller. Ce film pourrait d’ailleurs illustrer un cours de scénario : ellipses à-propos (Kerviel sous le feu des blagues méprisantes qui deux ans plus tard en est l’auteur et répond avec aplomb aux sarcasmes), dialogues percutants, répliques et expressions mémorables, touche sentimentale (très bon choix de Sabrina Ouazani) sans qu'elles fassent tomber le film dans le mélo, caractérisation des personnages en quelques plans et répliques (le père, pas dupe), rythme haletant et personnage victime d'un système et d'une obsession et une addiction qui le dépassent et donc attachant malgré tout. Un film fiévreux, intense, captivant, et même émouvant, et très ancré dans son époque et dans le cinéma contemporain tout en s'emparant du meilleur des films d'hier qui ont forgé la culture cinématographique du réalisateur.

    Ensuite, en 2021, il sortit l’excellent Envole-moi, avec Victor Belmondo (quelle révélation !) et Gérard Lanvin puis, en 2022, Le Temps des secrets, magnifique adaptation du roman éponyme, troisième tome des Souvenirs d'enfance de Marcel Pagnol, paru en 1960. 

    Christophe Barratier a par ailleurs à cœur de partager sa passion du cinéma et de la musique ( bien avant d’être réalisateur, il a ainsi suivi une formation musicale classique et un cursus de guitariste classique) puisqu’il est le cofondateur (avec Sam Bobino) du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule que je couvre chaque année et dont je vous parle avec enthousiasme depuis la première édition (mon compte-rendu de la dernière ici) et dont j'ai récemment fait un cadre romanesque, mais c'est là une autre histoire...

    Comme dans ses précédents films, avec ce Comme par magie, Christophe Barratier révèle un acteur (il y eut Jean-Baptiste Maunier, Nora Arzeneder...) ou fait éclater le talent d’un comédien déjà un peu connu (Arthur Dupont, Victor Belmondo) ou révèle l’étendue de la palette de jeu d’un acteur déjà renommé comme c’est le cas ici avec Kev Adams qui joue pour la première fois un rôle de père, oscillant entre drame et comédie, et dévoilant plus de nuances dans son interprétation. A nouveau, Christophe Barratier met également en scène un duo improbable et attachant, celui formé par Victor et son beau-père sous les traits de Gérard Jugnot que le cinéaste retrouve ici pour la quatrième fois, toujours aussi juste et sachant faire passer une émotion dans un silence, un geste ou un regard.

    Mais la révélation du film est pour moi Claire Chust (dont le visage est malheureusement absent de l'affiche...) qui incarne Nina, une jeune femme qui a grandi avec Victor, élevée d’abord en foyer comme lui, deux enfants nés sous X dont l’amitié est aussi ancienne qu’indéfectible. Elle dégage un charme enfantin et une grâce ingénue, et son personnage évolue joliment. La femme-enfant fragile se mue ainsi progressivement en femme qui s’assume davantage. Comme Victor, elle grandit. Quand l’un va vers l’enfant qu’il a et devient peu à peu père, l’autre pour évoluer doit aller vers ses origines et renouer avec l’enfant qu’elle fut sans doute pour se débarrasser du manteau encombrant de l’enfance blessées.

    Contrairement à ses précédents films, ce n’est pas Philippe Rombi  (et avant lui Bruno Coulais et Reinhardt Wagner) qui a écrit la bande originale mais Bertrand Burgalat, une bo teintée de notes jazzy qui accompagne judicieusement ce film tendre et drôle, avec mélancolie et malice, entre piano, guitare et flûte.

    Je déplore simplement qu'il n'y ait pas plus de tours de magie à l’image de celui final, réjouissant, qui n’est pas sans rappeler celui vertigineux du Prestige de Christopher Nolan. 

    Ce qui se dégage de ce film, entre rires et larmes, c’est donc avant tout une énorme tendresse. En résulte aussi une réflexion intéressante et pleine d'espoir sur la filiation, la transmission et la (re)construction malgré le deuil ou l’absence, sur la famille aussi, celle que l’on bâtit, en dépit des aléas de l'existence. Victor, Nina, Jacques et Lison sont finalement tous victimes de l’abandon, et vont aller de l’ombre vers la lumière, grâce aux liens qui se tissent entre eux. Si les derniers plans les montrent isolés les uns des autres, c'est parce qu'ils se sont certes trouvés une famille mais aussi parce qu'ils ont trouvé qui ils étaient vraiment ou voulaient être.

     Un film délicat, ludique, drôle et tendre qui ne juge pas ses personnages et ne tombe jamais dans le cynisme, sans doute la raison pour laquelle la critique l’a (injustement) snobé. Je vous le recommande. En ces temps troublés, cette douce mélodie qui se fraie un chemin vers l'harmonie n’est jamais larmoyante, et cela fait un bien fou ! On quitte même à regret ce quatuor particulièrement attachant dont on aimerait connaître la suite des aventures...

  • Arras Film Festival 2023 (3 au 12 novembre) : le programme de la 24ème édition

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    Après le 34ème Dinard Festival du Film Britannique (dont vous pouvez lire mon compte-rendu, ici), je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour l'Arras Film Festival qui débutera ce week-end. Ce festival, celui de tous les cinémas, devenu incontournable, a pour objectif de promouvoir la diversité du cinéma, et plus particulièrement du cinéma européen, avec un savant mélange de films nouveaux et anciens, en présence de nombreux invités français et étrangers, de films populaires, d’œuvres exigeantes et de films que l’on ne voit nulle part ailleurs.

    L’édition 2022 du Arras Film Festival avait enregistré 45 682 entrées. Cette année, la 24ème édition aura lieu du 3 au 12 novembre. Plus de 150 invités sont attendus durant 10 jours, ainsi que 500 professionnels et journalistes. 

    Au programme : des avant-premières en présence des équipes des films, une compétition de films européens que l’on ne voit nulle part ailleurs, une sélection d’œuvres fortes, drôles, décalées, proposées dans le cadre des sections Visions de l’Est, découvertes européennes et Cinémas du monde, 2 rétrospectives : "Sales Bêtes" et "Drôles de Tchèques", une sélection jeune, des invités d'honneurs...110 films projetés sur 10 jours ! Et quel programme ! Parmi les cinéastes dont vous pourrez découvrir les derniers films  : Vincent Perez, Frédéric Tellier, Robert Guédiguian, Thierry Klifa, Monia Chokri, Thomas Bidegain, Luc Jacquet, Jonathan Glazer (La zone d'intérêt dont vous pouvez lire ma critique ici), Yorgos Lanthimos, Agnieszka Holland...

     « Événement culturel majeur de l’automne, l’Arras Film Festival joue un rôle essentiel dans la diffusion et la promotion des films, l’émergence des jeunes talents et l’éducation aux images. Installé au cœur des Hauts-de-France, à Arras. Il propose cette année « une sélection ambitieuse, un savant mélange de films populaires, mais aussi de films d’auteur belges, islandais, allemands, norvégiens, lituaniens, hongrois, roumains, bulgares ou turcs, pour ne citer que les pays représentés dans la compétition européenne. 110 films seront projetés dans les 6 salles du festival : des avant-premières en présence des équipes, une compétition de films européens que l’on ne voit nulle part ailleurs, une sélection d’œuvres fortes, drôles, parfois même décalées, proposées dans le cadre des sections Visions de l’Est, Découvertes européennes et Cinémas du monde. Les enfants et les familles ne seront pas oubliés avec de belles avant-premières, ainsi que des animations ludiques et pédagogiques, certaines s’adressant tout particulièrement aux établissements scolaires, de plus en plus nombreux à participer. Enfin, le Festival invitera ses spectateurs à découvrir l’histoire et le patrimoine du cinéma, notamment grâce à la rétrospective « Sales Bêtes ! » et à une sélection de pépites du cinéma tchèque des années 1960 et 1970, sans oublier quelques versions restaurées de films marquants. Des films, des salles combles, des journées bien denses… ».

    Ces 10 dernières années, le Grand Arras, terre de cinéma, a accueilli plusieurs tournages sur son territoire : Pas son genre de Lucas Belvaux en 2013, La prochaine fois je viserai le coeur de Cédric Anger en 2014, La Liste de mes envies de Didier Le Pêcheur en 2014, En Mai Fais ce qu’il te plait de Christian Caron en 2015, Je ne rêve que de vous de Laurent Heynemann en 2018, Le 15h17 pour Paris de Clint Eastwood en 2018, Effacer l’historique du duo Benoît Delépine / Gustave Kervern en 2019.

    PROGRAMME COMPLET 

    Invitée d’honneur : Dominique Blanc

    Ses rôles au cinéma et au théâtre ont fait de Dominique Blanc l’une des plus grandes comédiennes françaises, auréolée de quatre César et quatre Molière, d’un prix d’interprétation au Festival de Venise, et de nombreuses autres récompenses. 

    LA LEÇON D’ACTRICE DE DOMINIQUE BLANC

    Vendredi 10 novembre à 14h30 à l'Université d’Artois, amphithéâtre Churchill 

    Invitée d'honneur Agnieszka Holland

    Née à Varsovie en 1948. Enfant d’après-guerre, elle est issue d’une famille de journalistes polonais, juifs et résistants. Cet héritage fonde son rapport au cinéma, comme lieu de mémoire collective du XXe siècle. Pendant le printemps de Prague, elle se forme à la FAMU, la célèbre Académie du film. Puis, dans la Pologne des années 1970, elle collabore avec Andrzej Wajda et Krzysztof Kieslowski.

    Elle donnera une master class le mardi 7 novembre et présentera son nouveau film en avant-première : GREEN BORDER.

    Invité d'honneur : Matteo Garrone 

    Réalisateur, scénariste et producteur italien, Matteo Garrone s’est imposé au plan international avec ses films réalistes et socialement engagés, même s’il s’autorise régulièrement des détours vers le conte et la fantaisie. Son travail a été récompensé par de nombreux prix prestigieux, et il est considéré comme l'un des réalisateurs les plus talentueux de sa génération. Le célèbre cinéaste italien sera présent à Arras le dimanche 12 novembre. Il y donnera une masterclass et présentera en avant-première son nouveau film, Moi, Capitaine, qui a été projeté en compétition au Festival de Venise 2023 où il a obtenu le Lion d’argent du meilleur réalisateur.

    Film d’ouverture :

    UNE AFFAIRE D’HONNEUR DE VINCENT PEREZ 

    Film de clôture

    IRIS ET LES HOMMES DE CAROLINE VIGNAL

    DES FILMS FRANÇAIS PRESTIGIEUX ET TOUT PUBLIC, À DÉCOUVRIR EN PRÉSENCE DES ÉQUIPES

    L’ABBÉ PIERRE, UNE VIE DE COMBATS DE FRÉDÉRIC TELLIER

    L’ARCHE DE NOÉ DE BRYAN MARCIANO

    BONNARD, PIERRE ET MARTHE DE MARTIN PROVOST

    BORGO DE STÉPHANE DEMOUSTIER AVEC HAFSIA HERZI, MICHEL FA

    ET LA FÊTE CONTINUE ! DE ROBERT GUÉDIGUIAN

    LA FILLE DE SON PÈRE DE ERWAN LE DUC AVEC NAHUEL PÉREZ

    JE NE SUIS PAS UN HÉROS DE RUDY MILSTEIN

    LA NOUVELLE FEMME DE LÉA TODOROV

    RIEN À PERDRE DE DELPHINE DELOGET

    LES ROIS DE LA PISTE DE THIERRY KLIFA

    ROSALIE DE STÉPHANIE DI GIUSTO

    SIMPLE COMME SYLVAIN DE MONIA CHOKRI

    SOUDAIN SEULS DE THOMAS BIDEGAIN

    VOYAGE AU PÔLE SUD DOCUMENTAIRE DE LUC JACQUET

    AVANT-PREMIÈRES Films produits en région

    FILMS SOUTENUS PAR PICTANOVO AVEC L'AIDE DE LA RÉGION HAUTS-DE-France

    LE BONHEUR EST POUR DEMAIN DE BRIGITTE SY

    CAPTIVES DE ARNAUD DES PALLIÈRES

    CHASSE GARDÉE DE FRÉDÉRIC FORESTIER ET ANTONIN FOURLON

    GUEULES NOIRES DE MATHIEU TURI

    MARS EXPRESS DE JÉRÉMIE PÉRIN

    PREMIÈRE AFFAIRE DE VICTORIA MUSIEDLAK

    LE TEMPS D’AIMER DE KATELL QUILLÉVÉRÉ

    AVANT-PREMIÈRES Toiles de maîtres

    DES FILMS DE GRANDS MAÎTRES DU CINÉMA INTERNATIONAL PRÉSENTÉS EN AVANT-PREMIÈRE

    KING’S LAND DE NIKOLAJ ARCEL

    LA ZONE D’INTÉRÊT DE JONATHAN GLAZER

    PAUVRES CRÉATURES DE YORGOS LANTHIMOS

    UNE ÉQUIPE DE RÊVE DE TAIKA WAITITI

    COMPÉTITION EUROPÉENNE

    9 LONGS MÉTRAGES À DÉCOUVRIR EN EXCLUSIVITÉ EN PRÉSENCE DES RÉALISATEURS ET DES PRODUCTEURS

    BLAGA'S LESSONS DE STEPHAN KOMANDAREV

    HESITATION WOUND DE SELMAN NACAR

    HOLLY DE FIEN TROCH

    LAST SONG FOR STELLA DE KILLIAN RIEDHOF

    LET THE RIVER FLOW DE OLE GIÆVER

    LIBERTATE DE TUDOR GIURGIU

    SLOW DE MARIJA KAVTARADZE

    SOLITUDE DE NINNA PALMADOTTIR

    WITHOUT AIR DE KATALIN MOLDOVAI

    LES JURYS

    Jury Atlas

    Président du Jury

    Dominik Moll accompagné de

    Laurent Capelluto, Solène Rigot, Lucie Debay, Laurent Poitrenaux 

    Jury SFCC de la Critique

    Perrine Quennesson (Cinéma Teaser, Canal Plus - Tchi Tcha et Le Cercle), Thomas Baurez (Première, France 24), Christophe Caron (La Voix du Nord), Boris Szames (So Film, Gone Hollywood), Caroline Veunac (Télérama, Somewhere Else).

    VISIONS DE L’EST

     UNE SÉLECTION DE LONGS MÉTRAGES INÉDITS OU EN AVANT-PREMIÈRE PROVENANT D'EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE

    BACKWARDS DE JACEK LUSIŃSKI

    LES GARDIENS DE LA FORMULE DE DRAGAN BJELOGRLIC

    NOTRE MONDE DE LUANA BAJRAMI

    LES PAYSANS DE DK WELCHMAN ET HUGH WELCHMAN

    PHOTOPHOBIA DE IVAN OSTROCHOVSKY ET PAVOL PEKARCIK

    RESTORE POINT DE ROBERT HLOZ

    SHE CAME AT NIGHT DE JAN VEJNAR ET TOMAS PAVLICEK

    WAKE ME DE MARKO SANTIC

    UNDERGROUND DE EMIR KUSTURICA

    DÉCOUVERTES EUROPÉENNES

    UNE SÉLECTION DE LONGS MÉTRAGES INÉDITS OU EN AVANT-PREMIÈRE POUR METTRE EN VALEUR LES NOUVEAUX TALENTS DU CINÉMA EUROPÉEN

    20.000 ESPÈCES D'ABEILLES DE ESTIBALIZ URRESOLA SOLAGUREN

    ELAHA DE MILENA ABOYAN

    LE JOUR OÙ J’AI RENCONTRÉ MA MÈRE DE ZARA DWINGER

    MATRIA DE ALVARO GAGO

    MUNCH DE HENRIK MARTIN DAHLSBAKKEN

    SCRAPPER DE CHARLOTTE REGAN

    GONDOLA DE VEIT HELMER

    L’ÉTOILE FILANTE DE DOMINIQUE ABEL ET FIONA GORDON

    DÉCOUVERTES EUROPÉENNES

    Perspectives du cinéma français

    UNE SÉLECTION DE LONGS MÉTRAGES INÉDITS OU EN AVANT-PREMIÈRE POUR METTRE EN VALEUR LES NOUVEAUX TALENTS DU CINÉMA FRANÇAIS.

    PATERNEL DE RONAN TRONCHOT

    LA TÊTE FROIDE DE STÉPHANE MARCHETTI

    LES TROIS FANTASTIQUES DE MICHAËL DICHTER

    VINCENT DOIT MOURIR DE STEPHAN CASTANG

    CINÉMAS DU MONDE

    UNE SÉLECTION DE LONGS MÉTRAGES POUR DÉCOUVRIR D'AUTRES CULTURES ET APPROCHER LES PROBLÉMATIQUES DU MONDE ACTUEL.

    A MAN DE KEI ISHIKAW

    GOODBYE JULIA DE MOHAMED KORDOFANI

    INCHALLAH UN FILS DE AMJAD AL RASHEED

    MES FRÈRES RÊVENT ÉVEILLÉS DE CLAUDIA HUAIQUIMILLA

    PAR-DELÀ LES MONTAGNES DE MOHAMED BEN ATTIA

    SI SEULEMENT JE POUVAIS HIBERNER DE ZOLJARGAL PUREVDASH

    FESTIVAL DES ENFANTS

    UNE SÉLECTION D’AVANT-PREMIÈRES POUR LES PLUS JEUNES

    CAPELITO FAIT SON CINÉMA

    UN PROGRAMME DE 8 COURTS MÉTRAGES DE RODOLFO PASTOR 

    LA COURSE AU MIEL DE ANNA BLASZCZYK

    KRISHA ET LE MAÎTRE DE LA FORÊT DE PARK JAE-BEOM

    LÉO DE JIM CAPOBIANCO ET PIERRE-LUC GRANJON

    Ma Première Séance

    LE ROYAUME DE KENSUKÉ DE NEIL BOYLE ET KIRK HENDRY

    SIROCCO ET LE ROYAUME DES COURANTS D’AIR DE BENOÎT CHIEUX

    LES MAL-AIMÉS UN PROGRAMME DE 8 COURTS MÉTRAGES DE HÉLÈNE DUCROCQ

    RÉTROSPECTIVE SALES BÊTES !

    Depuis Hitchcock et son célèbre film Les Oiseaux, le cinéma n’a cessé de nous effrayer avec les animaux en se jouant de nos phobies et de nos peurs. Insectes, rongeurs, canidés, reptiles et autres créatures aquatiques, nombreuses sont les grosses ou petites bêtes qui, à l’écran, se transforment en terrifiantes machines à tuer, surtout lorsqu’elles surviennent en nombre, avec cette quasi-constante pour nombre de ces films : l’homme ne mérite que ce qui lui arrive à force de vouloir défier et détruire la nature. Voici une sélection de 8 films essentiels d’un genre prolixe.

    LES OISEAUX DE ALFRED HITCHCOCK

    WILLARD DE DANIEL MANN

    PHASE IV DE SAUL BASS

    LES DENTS DE LA MER DE STEVEN SPIELBERG

    SOUDAIN... LES MONSTRES DE BERT I. GORDON

    L’HORRIBLE INVASION DE JOHN BUD CARDOS

    PIRANHAS DE JOE DANTE AVEC BRADFORD D

    CUJO DE LEWIS TEAGUE

    RÉTROSPECTIVE DRÔLES DE TCHÈQUE

    Porteur d’une inventivité formelle et d’une liberté de ton des plus saisissantes, le cinéma tchèque n’en reste pas moins assez méconnu du grand public, y compris celui qui émergea de façon si extraordinaire au cours des années 1960. L’Arras Film Festival s’est associé à la société d’édition Malavida pour vous proposer six pépites aussi vivifiantes que diversifiées, des films qui témoignent d’un art consommé de l’ironie et de la satire, du rire et du burlesque, mais aussi de la critique sociale et politique.

    TRAINS ÉTROITEMENT SURVEILLÉS DE JIRI MENZEL

    LES PETITES MARGUERITES DE VERA CHYTILOVA

    QUI VEUT TUER JESSIE ? DE VACLAV VORLICEK

    HAPPY END DE OLDRICH LIPSKY

    MONSIEUR, VOUS ÊTES VEUVE DE VACLAV VORLICEK

    ADÈLE N’A PAS ENCORE DÎNÉ DE OLDRICH LIPSKY

    SÉANCES SPÉCIALES

    L’AN 01 DE JACQUES DOILLON AVEC LA COMPLICITÉ D’ALAIN RESNAIS ET JEAN ROUCH

    LE GARÇON ET LE HÉRON DE HAYAO MIYAZAKI

    MON NOM EST PERSONNE DE TONINO VALERII

    VACAS DE JULIO MEDEM

    DOC EN COURTS

    CHEMKIDS DE JULIUS GINTARAS BLUM |

    WAKING UP IN SILENCE DE MILA ZHLUKTENKO ET DANIEL ASADI FAEZI |

    CINÉ-CONCERTS

    Mardi 7 et mercredi 8 novembre à la Chapelle du Conservatoire à rayonnement départemental d'Arras

    LE MANOIR DE LA PEUR DE ALFRED MACHIN ET HENRY WULSCHLEGER

    LE RÊVE NOIR DE URBAN GAD

    ArrasDays : 12e édition les 11 & 12 novembre 2023 à l'Hôtel de Guînes. Nés de l’initiative de l’Arras Film Festival, cette plateforme de coproduction au concept atypique et innovant, permet de découvrir des projets de films européens inédits au stade de l’écriture, pour la quasi-totalité en recherche de coproduction. La présentation des projets se déroulera le samedi 11 novembre de 11h à 17h à l’Hôtel de Guînes. Les porteurs de projets disposent de 30 minutes pour présenter leur film devant un auditoire de professionnels et un jury composé de Danijel Pek (Directeur artistique du Festival de Pula, producteur croate), Hélène Auclaire (Responsable de l’Aide à la Création à la Fondation Gan) et Meinolf Zurhorst (Producteur, consultant et membre du comité de sélection du Film Fund Luxembourd).

    Les Rencontres professionnelles du Nord 17e édition du 8 au 10 novembre 2023 Près de 200 professionnels français et belges réunis pendant trois jours, plus de 10 projections de films en avant-première en présence des réalisateurs et des équipes, des présentations de line-up par les distributeurs, des moments d’échanges et de convivialité… Ce rendez-vous annuel unique au nord de Paris est proposé avec la Chambre Syndicale des cinémas du Nord-Pas de Calais.

    L'AFF passe son BAC

    Mardi 7 novembre, de 9h30 à 17h Pour la septième année consécutive, l’Arras Film Festival, en partenariat avec le Rectorat de l’Académie de Lille, offre un stage pédagogique aux élèves de Première et Terminale option Cinéma et leurs enseignants, centré sur le film entrant au baccalauréat :

    HIGH SCHOOL de Frederick Wiseman (USA, 1968, 1h15)

    LES AFTERS MUSICAUX

    Chaque soir, au Village du Festival situé sur la Grand'Place d'Arras, retrouvez une programmation musicale 

    TARIFS 2023

    Pass festival : 70 € Nominatif. Accès sur retrait des tickets à toutes les séances, sauf soirée d’ouverture. Programme officiel offert ! Abonnement 10 films : 48 € Valable pour 1 à 2 personnes par séance sur retrait des tickets. Programme officiel offert ! Ne donne pas accès à la soirée d’ouverture. Abonnement 5 films : 30,50 € Valable pour 1 à 2 personnes par séance sur retrait des tickets. Programme officiel offert ! Ne donne pas accès à la soirée d’ouverture. Billets à la séance Tarif normal : 8 € Tarif réduit : 6 € (-18 ans, étudiant(e)s, demandeur(se)s d’emploi, adhérent(e)s Plan-Séquence + Di Dou Da, Colères du présent, Université pour tous de l’Artois, membres du CMCAS sur présentation d’un justificatif) Tarifs jeune public - de 12 ans : 4,50 € Ma Première Séance : 4 € Groupes scolaires : 4 € Séance à tarif unique Soirée d’ouverture, vendredi 3 novembre : 9 €

    Toutes les informations complémentaires sur le site officiel du Arras Film Festival.