C’est (déjà) demain soir que le jury du 21ème Festival du Film Britannique de Dinard présidé par Etienne Chatiliez devra trancher et choisir à quel film ( parmi les six que compte la compétition) décerner le Hitchcock d’or, tandis que le Hitchcock d’argent récompensera le prix du public Studio CinéLive, le Hitchcock blanc le meilleur directeur de la photo. Enfin, le Hitchcock de bronze décerné par l’association « La Règle du jeu » consacrera le « prix coup de cœur ».
Six films. Six univers. Et comme souvent des thématiques récurrentes : des couples improbables, la lutte avec soi-même ou les autres pour l’accomplissement personnel et/ou collectif, la drogue, la musique bienheureusement omniprésente cette année avec notamment le focus sur les Beatles et avec la projection de « Nowhere boy » sur l’adolescence déchirée de John Lennon dont je vous reparlerai mais aussi dans deux films en compétition : « Sex and drugs and Rock n’roll » de Mat Whitecross et « Soul boy » de Shimmy Marcus.
Dans le premier, il s’agit de l’histoire de la légende du rock anglais Ian Dury qui entrecroise sa vie d’adulte chaotique et sa douloureuse enfance marquée par la polio. Le montage entremêle judicieusement ces deux époques de sa vie, et les images de la seconde expliquent la première, ce qui ne m’a pas empêchée de trouver ce film profondément ennuyeux (ce qui m’arrive d’ailleurs rarement et ce qui est d’autant plus surprenant avec un sujet aussi détonant). Il ne serait néanmoins pas étonnant que sa maîtrise technique et son interprétation lui permettent remporter les suffrages du jury.
Avec « Soul boy », s’il était certes aussi question de musique, il s’agissait néanmoins d’un tout autre univers, puisque Shimmy Marcus nous entraîne au Wigan Casino Dance Hall, temple de la Soul music du Nord de l’Angleterre. C’est là que le jeune Joe Mac Cain trouvera sa voie, sorte de Billy Elliott de la Soul Music très plaisant à regarder mais dont le scénario assez prévisible et léger ne devrait pas lui garantir le même prestigieux destin que le film précité lors du palmarès. Un film qui pourrait avoir les faveurs du public même s’il paraît difficile de détrôner « We want sex » de Nigel Cole qui semble emporter l’adhésion des festivaliers. Ne vous attendez pas là, malgré le titre, à voir des scènes débridées. Il s’agit en fait de « sex equality », l’objet de la lutte du personnel féminin de l’usine automobile Ford qui fait grève pour l’égalité des salaires. Est-ce le sujet d’actualité ? La combattivité de ces femmes touchantes ? Le savant dosage d’humour et d’émotion ? Toujours est-il que le prix du public lui semble garanti malgré son classicisme.
Pour « Mister Nice », autre film en compétition, le synopsis évoque un « contrebandier romanesque », en réalité un dealer de grande envergure pour lequel le terme pathétique me semblait plus adéquat que romanesque. Qu’est-ce qui a pu pousser Bernard Rose à réaliser un film sur ce personnage peu glorieux devant lequel il semble (un peu trop) en admiration ? Mystère. Et ce qui aurait pu rendre ce film palpitant (sa traque menée dans 14 pays, ses liens avec la CIA, l’IRA, les Triades et la Mafia, ses 43 identités dont nous ne voyons d’ailleurs pas grand chose) et faire de la vie de cet Howard Marks (qui a réellement existé) un « film romanesque » est noyé dans un flot d’informations anecdotiques et de scènes accessoires.
Reste le joyeusement déjanté « Skeletons » et « Treacle Jr » dont je vous ai déjà parlé. J’espère que le jury évoquera l’incroyable prestation de l’acteur principal du second qui, rien que pour ça, mériterait un prix.
Vous pourrez bien entendu retrouver ici demain soir le palmarès détaillé, les photos et vidéos de celui-ci et vous pouvez continuer à me suivre toute la journée en direct de Dinard, sur twitter (http://twitter.com/moodforcinema ).
Je vous parlerai également ultérieurement de l’avant-première de ce soir « A passionate woman » d’Antonia Bord et Kay Mellor qui avait déjà reçu le prix du public à Dinard, en 1999 pour « Fanny and Elvis » et qui livre ici un mélo moins mièvre qu’il n’y paraît, lucide, drôle et poignant sur les ravages de la cristallisation amoureuse.
Cette journée a également été ponctuée par la séance « J’écoute le cinéma ». Le principe est aussi simple qu’agréable : allongés sur la plage sur des transats, les festivaliers se laissent porter par le son, en l’occurrence celui de l’Histoire des Beatles à l’occasion du 70ème anniversaire de la naissance de John Lennon, un document sonore réalisé à partir de citations des Beatles et des extraits de leurs musiques, le tout habilement mis en son par Gaël Coto, face à un paysage splendide et sous un soleil radieux. De quoi procurer quelques regrets amers aux absents… et de quoi régaler les festivaliers présents avides d’évasion. Finalement comme les personnages des films en compétition qui cherchent à s’évader de la réalité (par la musique, la danse, la drogue, la fuite) même si ce sont celles (dans « We want sex ») qui, au contraire font face à la réalité, qui semblent avoir emporté les faveurs du public qui peut-être, en cette période troublée, se reconnaît davantage en elles.