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cinéma - Page 113

  • Critique de "Potiche" de François Ozon, ce 11 janvier 2013, à 20H45, sur Ciné plus star

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    Il semblerait que François Ozon ait adopté le rythme woodyallenien d’un film par an, signant ainsi avec « Potiche » son douzième long-métrage en douze ans, en passant par des films aussi divers et marquants que « Sitcom », « Swimming pool », « Sous le sable », « Huit femmes »… mais avec toujours la même exigence et toujours un casting de choix. Je vous rappelle qu'en 2012 il a sorti le formidable "Dans la maison" dont vous pouvez retrouver ma critique, ici.

    Ainsi, dans « Potiche » c’est Catherine Deneuve (que François Ozon retrouve ici 8 ans après « Huit femmes ») qui incarne Suzanne Pujol, épouse soumise de Robert Pujol (Fabrice Luchini) que sa propre fille Joëlle (Judith Godrèche) qualifie avec une cruelle naïveté de «potiche ». Nous sommes en 1977, en province, et Robert Pujol est un patron d’une usine de parapluies irascible et autoritaire aussi bien avec ses ouvriers qu’avec sa femme et ses enfants. A la suite d’une grève et d’une séquestration par ses employés, Robert a un malaise qui l’oblige à faire une cure de repos et s’éloigner de l’usine. Pendant son absence, il faut bien que quelqu’un le remplace. Suzanne est la dernière à laquelle chacun pense pour remplir ce rôle et pourtant elle va s’acquitter de sa tâche avec beaucoup de brio, secondée par sa fille Joëlle et par son fils Laurent (Jérémie Rénier)…

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    Difficile d’imaginer une autre actrice que Catherine Deneuve dans ce rôle (autrefois tenu par une actrice qui ne lui ressemble guère, Jacqueline Maillan, dans la pièce de Barillet et Grédy dont le film est l’adaptation) tant elle y est successivement et parfois en même temps : lumineuse, maligne, snob, touchante, malicieuse, drôle, tendre, naïve, naïvement féroce …et tant ce film semble être une véritable déclaration d’amour à l’actrice. Qu’elle chante « Emmène-moi danser ce soir », qu’elle esquisse quelques pas de danse avec Depardieu ou qu’elle fasse son jogging avec bigoudis, jogging à trois bandes, en parlant aux animaux (et à une nature, prémonitoire, elle aussi moins naïve qu'il n'y paraît) et écrivant des poèmes naïfs ou qu’elle se transforme en leader politique, chacune de ses apparitions (c’est-à-dire une grosse majorité du film) est réellement réjouissante. Depuis que je l’avais vue, ici, lors d’une inoubliable rencontre à sciences-po ou lors de sa leçon de cinéma, tout aussi inoubliable, dans le cadre du Festival de Cannes 2005 (dont vous pouvez retrouver mon récit, ici), j’ai compris aussi à quel point elle était aussi dans la « vraie vie » touchante et humble en plus d’être talentueuse et à quel point sa popularité était méritée. Et puis, je n’oublierai jamais non plus son regard dans la dernière scène de cet autre film, d’une bouleversante intensité à l’image du film en question.

    Ici, lorsqu’elle se retrouve avec Babin-Depardieu, c’est toute la mythologie du cinéma que François Ozon, fervent cinéphile, semble convoquer, six ans après leur dernier film commun « Les temps qui changent » de Téchiné et trente ans après le couple inoubliable qu’ils formèrent dans « Le Dernier métro » de Truffaut. Emane de leur couple improbable (Depardieu interprète un député-maire communiste) une tendre nostalgie qui nous rappelle aussi celui, qui l’était tout autant, de « Drôle d’endroit pour une rencontre » de François Dupeyron. Et les parapluies multicolores ne sont évidemment pas sans nous rappeler ceux de Demy dont l’actrice est indissociable.

    Si le film est empreint d’une douce nostalgie, et ancré dans les années 1970 et une période d’émancipation féminine, Ozon s’amuse et nous amuse avec ses multiples références à l’actualité et les couleurs d’apparence acidulées se révèlent beaucoup plus acides, pour notre plus grand plaisir. D’un Maurice Babin dont l’ inénarrable inspiration capillaire vient de Bernard Thibault, à un Pujol aux citations sarkozystes en passant par une Suzanne qui s’émancipe et prend le pouvoir telle une Ségolène dans l’ombre de son compagnon qui finit par lui prendre la lumière sans oublier les grèves et les séquestrations de chefs d’entreprise, les années 70 ne deviennent qu’un prétexte pour croquer notre époque avec beaucoup d’ironie. Acide aussi parce qu’une fois de plus il n’épargne pas les faux-semblants bourgeois derrière le vaudeville d’apparence innocente.

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    Si Catherine Deneuve EST le film, il ne faudrait pas non plus oublier Fabrice Luchini en patron imbuvable, Judith Godrèche en fille réactionnaire aux allures de Farrah Fawcett, Jérémie Rénier en fils à la sexualité incertaine aux allures de Claude François et Karin Viard irrésistible en secrétaire s’émancipant peu à peu du joug de son patron. Les costumes, sont aussi des acteurs à part entière, et en disent parfois plus longs que des discours et montrent à quel point Ozon ne laisse rien au hasard.

    Un film à la fois drôle et tendre, nostalgique et caustique dont on ressort avec l’envie de chanter, comme Ferrat et Suzanne, « C’est beau la vie »…malgré un scénario parfois irrégulier et quelques ralentissements que nous fait vite oublier cette savoureuse distribution au premier rang de laquelle Catherine Deneuve plus pétillante, séduisante et audacieuse que jamais dont la nomination aux César semble déjà acquise et non moins amplement méritée.

     

     

  • Oscars 2013 : les nominations complètes ("Lincoln" de Steven Spielberg en tête avec 12 nominations)

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    Emma Stone et Seth MacFarlane viennent d’annoncer les nommés aux Oscars 2013. C’est d’ailleurs le second qui sera le maître de Cérémonie de la soirée des Oscars du 24 février. « Lincoln » de Steven Spielberg (dont je vous disais, ici, tout le bien que j’en pensais hier) est nommé 12 fois juste devant « L’Odyssée de Pi » d’Ang Lee (11 nominations) . "Argo" de Ben Affleck récolte 7 nominations. « Skyfall » devra se contenter d’une nomination pour la chanson d’Adele. Ni le très beau film de Jacques Audiard « De rouille et d’os » (le nom de Marion Cotillard revenait assez souvent) ni le sympathique « Intouchables » ne figurent parmi les nommés. Le film de Michael Haneke « Amour », attendu seulement pour une nomination comme meilleur film étranger, a en revanche récolté cinq nominations et non des moindres : meilleur film, meilleur film étranger, meilleure actrice (pour Emmanuelle Riva), meilleur réalisateur et meilleur scénario original. Comme nommés pour le meilleur film on retrouve également l’excellent « Django unchained » de Quentin Tarantino (mais pas comme réalisateur !) et la belle et réjouissante surprise de ces nominations « Les Bêtes du Sud sauvage » de Benh Zeitlin (Grand prix et prix révélation du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville et Caméra d’or du dernier Festival de Cannes) également notamment nommé comme meilleur réalisateur et meilleure actrice pour la jeune et incroyable Quvenzhané Wallis. Christoph Waltz qui s’est fait connaître suite à son prix d’interprétation au Festival de Cannes 2009 pour « Inglourious bastards » est nommé comme meilleur acteur dans un second rôle (à nouveau pour un film de Tarantino « Django unchained ») tandis que Jamie Foxx n’est pas nommé comme meilleur acteur. Aucune nomination une fois de plus pour Leonardo DiCaprio qui, une fois de plus (aussi) le méritait. Alexandre Desplat est nommé, quant à lui, pour la musique d’ « Argo » La 85ème cérémonie des Oscars se déroulera le 26 février au Dolby Theatre à Hollywood.

    Meilleur film

    Les Bêtes du Sud sauvage

    Happiness Therapy

    Zero Dark Thirty

    Lincoln

    Les Misérables

    L'Odyssée de Pi

    Amour

    Django Unchained

    Argo

    Meilleur réalisateur

    David O. Russell - Happiness Therapy

    Ang Lee - L'Odyssée de Pi

    Steven Spielberg - Lincoln

    Michael Haneke - Amour

    Benh Zeitlin - Les Bêtes du Sud sauvage

    Meilleur acteur

     

    Daniel Day Lewis (Lincoln)

     

    Denzel Washington (Flight)

     

    Hugh Jackman (Les Misérables)

     

    Bradley Cooper (Happiness Therapy)

     

    Joaquin Phoenix (The Master)

     

    Meilleure actrice

     

    Naomi Watts (The Impossible)

     

    Jessica Chastain (Zero Dark Thirty)

     

    Jennifer Lawrence (Happiness Therapy)

     

    Emmanuelle Riva (Amour)

     

    Quvenzhané Wallis (Les Bêtes du Sud sauvage)

     


    Meilleur acteur dans un second rôle

     

    Christoph Waltz (Django Unchained)

     

    Philip Seymour Hoffman (The Master)

     

    Robert de Niro (Happiness Therapy)

     

    Tommy Lee Jones (Lincoln)

     

    Alan Arkin (Argo)

     

    Meilleure actrice dans un second rôle

     

    Sally Field (Lincoln)

     

    Anne Hathaway (Les Misérables)

     

    Jackie Weaver (Happiness Therapy)

     

    Amy Adams (The Master)

     

    Helen Hunt (The Sessions)

     

    Meilleur scénario original

     

    Flight

     

    Zero Dark Thirty

     

    Django Unchained

     

    Amour

     

    Moonrise Kindgom

     

    Meilleur scénario adapté

     

    Les Bêtes du Sud sauvage

     

    Argo

     

    Lincoln

     

    Hapiness Therapy

     

    L'Odyssée de Pi

     

    Meilleur film d'animation

     

    Frankenweenie

     

    Les pirates bons à rien mauvais en tout

     

    Les Mondes de Ralph

     

    L'Etrange pouvoir de Norman

     

    Rebelle

     

    Meilleur film en langue étrangère

     

    Amour (Autriche)

     

    No (Chili)

     

    Rebelle (Canada)

     

    A Royal Affair (Danemark)

     

    Kon-Tiki (Norvège)

     

    Meilleure direction artistique

     

    Anna Karénine

     

    Le Hobbit : Un voyage inattendu

     

    Les Misérables

     

    L'Odyssée de Pi

     

    Lincoln

     

    Meilleure photographie

     

    Anna Karénine

     

    Django Unchained

     

    L'Odyssée de Pi

     

    Lincoln

     

    Skyfall

     

    Meilleur costume

     

    Blanche Neige et le Chasseur

     

    Les Misérables

     

    Blanche Neige

     

    Lincoln

     

    Anna Karénine

     

    Meilleur documentaire

     

    5 Broken Cameras

     

    The Gatekeepers

     

    How to Survivez a Plague

     

    The Invisible War

     

    Searching for Sugar Man

     

    Meilleur montage

     

    Argo

     

    Lincoln

     

    Zero Dark Thirty

     

    L'Odyssée de Pi

     

    Happiness Therapy

     

    Meilleur maquillage

     

    Hitchcock

     

    Le Hobbit : Un voyage inattendu

     

    Les Misérables

     

    Meilleur montage son

     

    Argo

     

    Django Unchained

     

    L'Odyssée de Pi

     

    Skyfall

     

    Zero Dark Thirty

     

    Meilleur mixage son

     

    Les Misérables

     

    L'Odyssée de Pi

     

    Lincoln

     

    Skyfall

     

    Argo

     

    Meilleur effets spéciaux

     

    Prometheus

     

    Avengers

     

    Blanche Neige et le Chasseur

     

    Le Hobbit : Un voyage inattendu

     

    L'Odyssée de Pi

     

    Meilleure musique originale

     

    Anna Karénine

     

    Argo

     

    Skyfall

     

    L'Odyssée de Pi

     

    Lincoln

     

    Meilleure chanson

     

    Before my time – Chasing Ice

     

    Suddenly – Misérables

     

    Pi's Lullaby - L'Odyssée de Pi

     

    Everybody needs a best friend - Ted

     

    Skyfall - Skyfall

     

    Meilleur film d'animation (court-métrage)

     

    Adam and Dog

     

    Fresh Guacamole

     

    Head over Heels

     

    Maggie Simpson in 'The Longest Daycare'

     

    Paperman

     

    Meilleur documentaire (court-métrage)

     

    Inocente

     

    Kings Point

     

    Mondays at Racine

     

    Open Heart

     

    Redemption

     

    Meilleur film (court-métrage)

     

    Asad

     

    Buzkashi Boys

     

    Curfew

     

    Death of a Shadow

     

    Henry

     

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  • Les 18èmes prix Lumières en direct le 18 janvier ici et rappel des nominations

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    Comme chaque année, j'aurai le plaisir d'assister aux prix Lumières dont vous pourrez retrouver ici le compte-rendu et le palmarès après la cérémonie et que j'essaierai de vous commenter en direct sur twitter (@moodforcinema et @moodforfilmfest ). Ces récompenses, l'équivalent français des Golden Globe Awards, sont décernées par la presse étrangère en poste à Paris.

     Cette année, la cérémonie aura lieu à la Gaîté Lyrique alors qu'elle se déroulait à la Mairie de Paris ces dernières années. C'est Victoria Abril qui présidera la cérémonie, en présence également de Claudia Cardinale.

     Pour la première fois, cette année, l'Académie des Lumières organisera ses "Rencontres Francophones". La Tunisie sera le premier pays invité, avec des projections de films et une master class animée par le réalisateur tunisien, Férid Boughedir.

    Ce sont les films de Jacques Audiard et Noémie Lvovsky, « De rouille et d’os » et « Camille redouble », qui dominent les nominations de ces 18èmes Prix Lumières avec 5 nominations chacun.

    Je me réjouis que des films comme « Louise Wimmer » (prix Louis Delluc du premier film 2012), « Une bouteille à la mer » (notamment pour son magnifique scénario et ses remarquables comédiens) et « Comme des frères« (pour Pierre Niney, déjà prénommé aux César comme meilleur espoir, parmi les trois nommés au prix Patrick Dewaere 2013 et remarquable aussi au théâtre dans « Un chapeau de paille d’Italie » ) parmi mes coups de coeur de cette année et parfois n’ayant pas eu le succès mérité, se retrouvent ainsi nommés et je leur souhaite, grâce à cela, une deuxième carrière, en espérant que cela préfigurera également des nominations pour les César.

    Retrouvez ci-dessous, mes critiques des films nommés en cliquant sur leurs titres et, plus bas, la liste complète des nominations:

    « Dans la maison » de François Ozon

    « Comme des frères » de Hugo Gélin

    « Amour » de Michael Haneke

    « De rouille et d’os » de Jacques Audiard

    « Louise Wimmer » de Cyril Mennegun

    « A perdre la raison » de Joachim Lafosse

    « Une bouteille à la mer » de Thierry Binisti

    « Les Adieux à la Reine » de Benoit Jacquot

    Les gagnants seront récompensés le 18 janvier prochain lors d’une cérémonie organisée à la Gaîté lyrique de Paris.

    Liste des nominations des 18èmes Prix Lumières

    Meilleur film

    « Les Adieux à la reine » de Benoît Jacquot

    »Amour » de Michael Haneke

    »Camille redouble » de Noémie Lvovsky

    « Holy Motors » de Leos Carax

    « De rouille et d’os »de Jacques Audiard

    Meilleur réalisateur

    Jacques Audiard pour »De rouille et d’os »

    Leos Carax pour « Holy Motors »

    Michael Haneke pour »Amour »

    Noemie Lvovskypour « Camille redouble »

    Cyril Mennegun pour »Louise Wimmer »

    Meilleur scénario

    Jacques Audiard, Thomas Bidegain pour »De rouille et d’os »

    Leos Carax pour »Holy Motors »

    Benoit Jacquot, Gilles Taurand pour »Les Adieux à la reine »

    Noemie Lvovsky, Maud Ameline, Pierre-Olivier Mattei, Florence Seyvos pour »Camille redouble »

    Valerie Zenatti, Thierry Binisti pour »Une bouteille à la mer »

    Meilleure actrice

    Marion Cotillard, « De rouille et d’os »

    Catherine Frot, « Les Saveurs du palais »

    Noemie Lvovsky, » Camille redouble »

    Corinne Masiero, »Louise Wimmer »

    Emmanuelle Riva, « Amour »

    Meilleur acteur

    Guillaume Canet, « Une vie meilleure »

    Denis Lavant, « Holy Motors »

    Jeremie Renier, « Cloclo »

    Mathias Schoenaerts, « De rouille et d’os »

    Jean Louis Trintignant, « Amour »

    Révélation féminine

    Agathe Bonitzer, « Une bouteille à la mer »

    Judith Chemla, Julia Faure, India Hair, « Camille redouble »

    Izia Higelin, « Mauvaise fille »

    Sofiia Manousha, « Le Noir (te) vous va si bien

    » Soko, « Augustine »

    Révélation masculine

    Clement Metayer, « Après mai »

    Stéphane Soo Mongo, « Rengaine »

    Pierre Niney, « Comme des frères »

    Mahmoud Shalaby, « Une bouteille à la mer »

    Ernst Umhauer, « Dans la maison »

    Meilleur film francophone

    « A perdre la raison », Joachim Lafosse

    « L’Enfant d’en haut », Ursula Meier

    « Laurence Anyways », Xavier Dolan

    »La Pirogue », Moussa Touré

    »Monsieur Lazhar », Philippe Falardeau

    Pour en savoir plus : http://www.academielumieres.com

    Cliquez ici pour retrouver mon compte-rendu de la cérémonie 2012 des prix Lumières.

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  • Annonce des nominations aux Oscars 2013 en direct

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    C'est à 14H30, aujourd'hui, que seront annoncés les films nommés aux Oscars 2013. Je ne manquerai pas de vous livrer la liste complète ici avec les commentaires... même s'il n'y a guère de doutes quant aux présences dans la liste des nommés de "Lincoln" de Spielberg (dont je vous ai dit tout le bien que j'en pensais hier, ici) et de son prodigieux acteur principal Daniel Day-Lewis, d' "Argo" de Ben Affleck, et d' "Amour" de Michael Haneke. Pour le reste, nous éviterons toute supputation pour attendre sagement les annonces que vous pourrez suivre sur la vidéo ci-dessous, en direct.

    Cliquez sur le lien suivant pour en savoir plus: http://www.oscars.org/ . Retrouvez les nominations commentées cet après-midi sur ce blog et sur http://inthemoodforfilmfestivals.com .

  • Critique - "The social network" de David Fincher, ce soir, à 20H45, sur Ciné + premier

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    Comment rendre cinématographique un sujet qui ne l’est a priori pas ? Telle est la question que je m’étais posée quand, pour la première fois, j’avais entendu parler du sujet de ce film dont j’avoue qu’il m’avait laissée pour le moins sceptique, un scepticisme toutefois amoindri par le nom du cinéaste à la manœuvre : le talentueux David Fincher par lequel, par le passé, j’ai été plus (« L’étrange histoire de Benjamin Button », « Seven», « The game ») ou moins (« Zodiac ») enthousiasmée.

    Le sujet, c’est donc le site communautaire Facebook ou plutôt l’histoire de sa création et de son créateur Mark Zuckerberg (Jesse Eisenberg), un soir d’octobre 2003 bien arrosé, pour cause de déception sentimentale. Ce dernier pirate alors le système informatique de Harvard pour créer une base de données de toutes les filles du campus. Il est alors accusé d’avoir intentionnellement porté atteinte à la sécurité, aux droits de reproduction et au respect de la vie privée. Son exploit retentissant arrive jusqu’aux oreilles de trois autres étudiants qui avaient un projet similaire à ce qui deviendra Facebook. Mark leur apporte son soutien technique mais surtout s’empare de l’idée et la perfectionne évinçant complètement les trois autres du projet. Ce nouveau site prend une ampleur considérable et inattendue, d’abord à Harvard puis dans les autres universités américaines et finalement dans le monde entier.

    Le film est adapté du livre de Ben Mezrich "The accidental Billionaires ( "La revanche d'un solitaire").

    « The social network » est passionnant à plus d’un titre et cela dès la première scène, un dialogue dont la brillante vivacité accroche immédiatement le spectateur et nous donne la clé de la réussite de Mark Zuckerberg, ou plutôt de sa soif de réussite : une quête éperdue de reconnaissance sociale. Un échange à la vitesse de l’éclair avec sa petite amie qui aboutira à leur rupture et dans lequel il fait preuve d’une sorte de fascination obsessionnelle pour les clubs qui pullulent à Harvard, marque d’ascension sociale aux rites souvent puérils. D’une fascinante intelligence, et d’une saisissante arrogance, son esprit et ses motivations deviennent plus palpitants à suivre que bien des thrillers notamment grâce au montage d’une limpidité virtuose qui mêle plusieurs histoires liées à Mark Zuckerberg et plusieurs temporalités: la création de Facebook et les procès suscités par celle-ci.

    C’est pour moi avant tout le montage, ingénieusement elliptique, et le scénario (signé Aaron Zorkin) qui font la grande richesse du film, en ce qu’ils apportent un rythme soutenu mais aussi en ce qu’ils illustrent la création de Mark Zuckerberg : Facebook où les informations fusent et s’entrecroisent. Le film, à l’image du créateur et de sa création, passe d’une idée à une autre à une rythme frénétique. Génération Facebook où tout doit aller vite, une idée ( ou un-e- ami-e-) en remplacer un(e) autre.

    Montage, scénario, interprétation (Jesse Eisenberg mais aussi Justin Timberlake dans le rôle du fondateur de Napster, ou encore Andrew Garfield dans le rôle d’Eduardo, l’ami jalousé-jaloux et trahi) sont la grande réussite de ce film au sujet a priori improbable, un film sur un sujet générationnel dont c’est d’ailleurs peut-être la limite même si les autres thèmes qu’il illustre ( trahison, prix et moteurs de la réussite ) restent universels.

    L’idée brillante est certainement d’avoir réalisé un film à l’image de son sujet (Marck Zuckerberg) et de son objet (Facebook), égocentrique, centré sur lui-même et qui redoute l’ennui, le temps mort, plus que tout et n’en laisse donc aucun plongeant le spectateur dans un flux hypnotisant (plus que captivant, à l’image de Facebook, là encore) d’informations. La forme judicieuse fait apparaître la confusion significative entre le créateur et sa création, Mark Zuckerberg et Facebook. Milliardaire solitaire dont la réussite s’apparente à un échec (qui n’est pas sans rappeler le héros d’un autre film de David Fincher) et qu’illustre parfaitement la redoutable dernière scène. Le créateur est alors à l’image de la création phénomène qu’il a engendrée : l’outil d’une communication à outrance qui finalement isole plus qu’elle ne rassemble et qui n’est qu’un voile flatteur mais illusoire sur une criante solitude.

    Un brillant film générationnel qui est aussi une ingénieuse parabole et qui témoigne une nouvelle fois de l’éclectisme du talent de David Fincher et qui aura même sans doute valeur sociologique mais qui, en revanche, ne mérite pas l’appellation de « film de l’année » qui me laisse perplexe… sans doute l’aspect très narcissique qui flatte l’ego d’une génération qui se reconnait dans cet entrepreneur certes brillant mais effroyablement, cyniquement et sinistrement avide de reconnaissance.

    Précisons enfin que Mark Zuckerberg a désavoué le film qui, s’il nuit au créateur de Facebook, devrait encore davantage populariser sa création.

    Ci-dessous, le vrai Mark Zuckerberg évoque "The social network".



     

     

  • Critique de "Into the wild" de Sean Penn, ce soir, à 20H45, sur 6ter

     

    f974babb100e87a39f2094f4bfe3ede1.jpgQuel voyage saisissant ! Quelle expérience envoûtante ! A la fois éprouvante et sublime. Je devrais commencer par le début avant d’en venir à mes impressions mais elles étaient tellement fortes que parmi toutes ces sensations puissantes et désordonnées suscitées par ce film, c’était ce qui prévalait, cette impression pas seulement d’avoir vu un film mais d’avoir effectué un voyage, un voyage en moi-même, et d’avoir vécu une véritable expérience sensorielle. Depuis que j’ai vu ce film, il me semble penser à l’envers, du moins autrement, revenir moi aussi (plutôt, moi seulement, certains n’en reviennent pas) d’un voyage initiatique bouleversant.

    Mais revenons au début, au jeune Christopher McCandless, 22 ans, qui reçoit son diplôme et avec lui le passeport pour Harvard, pour une vie tracée, matérialiste, étouffante. Il décide alors de tout quitter : sa famille, sans lui laisser un seul mot d'explication, son argent, qu’il brûle, sa voiture, pour parcourir et ressentir la nature à pied, et même son nom pour se créer une autre identité. Et surtout sa vie d’avant. Une autre vie. Il va traverser les Etats-Unis, parcourir les champs de blé du Dakota, braver les flots agités du Colorado, croiser les communautés hippies de Californie, affronter le tumulte de sa conscience pour atteindre son but ultime : l’Alaska, se retrouver « into the wild » au milieu de ses vastes étendues grisantes, seul, en communion avec la nature.

    Dès les premières secondes la forme, qui attire d’abord notre attention, épouse intelligemment le fond. Des phrases défilent sur l’écran sur des paysages vertigineux, parce que ce sont les deux choses qui guident Christopher : l’envie de contempler la nature, de se retrouver, en harmonie avec elle et la littérature qui a d’ailleurs en partie suscité cette envie, cette vision du monde. Jack London. Léon Tolstoï. Et en entendant ces noms, je commence à me retrouver en territoires connues, déjà troublée par ce héros si différent et si semblable. Influencé par Henry David Thoreau aussi, connu pour ses réflexions sur une vie loin de la technologie…et pour la désobéissance civile.

    Puis avec une habileté déconcertante et fascinante Sean Penn mélange les temporalités du personnage ( instants de son enfance, sa vie en Alaska, seul dans un bus au milieu de paysages sidérants de beauté) et les rencontres marquantes de son périple, les points de vue (le sien, celui de sa sœur), les fonctions de la voix off (lecture, citations, impressions)brouillant nos repères pour en créer d’autres, trouver les siens, transgressant les codes habituels de la narration filmique, s’adressant même parfois à la caméra, à nous, nous prenant à témoin, nous interpellant, nous mettant face à notre propre quête. De bonheur. De liberté. Et surtout : de vérité.

    Au travers de ces différentes étapes, nous le découvrons, ainsi que ce qui l’a conduit à effectuer ce périple au bout de lui-même en même temps que lui chemine vers la réconciliation avec lui-même, avec son passé, avec son avenir. En phase avec l’instant, l’essentiel, le nécessaire. Un instant éphémère et éternel. Carpe diem. Au péril de sa vie, au péril de ceux qui l’aiment. Mais c’est sa vérité. Paradoxale : égoïste et humaniste.

    Comme son protagoniste, la réalisation de Sean Penn est constamment au bord du précipice, à se faire peur, à nous faire peur mais jamais il ne tombe dans les écueils qu’il effleure parfois : celui d’un idéalisme aveugle et d’un manichéisme opposant la nature innocente et noble à la société pervertie. Non : la nature est parfois violente, meurtrière aussi, et sa liberté peut devenir étouffante, sa beauté peut devenir périlleuse. Et la mort d’un élan la plus grande tragédie d’une vie. De sa vie. La fin d’un élan, de liberté.

    « Into the wild » fait partie de ces rares films qui vous décontenancent et vous déconcertent d’abord, puis vous intriguent et vous ensorcellent ensuite progressivement, pour vous emmener vous aussi bien au-delà de l’écran, dans des contrées inconnues, des territoires inexplorées ou volontairement occultées, même en vous-même. Avec le protagoniste, nous éprouvons cette sensation de liberté absolue, enivrante. Ce désir de simplicité et d’essentiel, cette quête d’un idéal. D’un chemin particulier et singulier ( C’est une histoire vraie, Christopher McCandless a réellement existé, son histoire a inspiré « Voyage au bout de la solitude » du journaliste américain Jon Krakauer) Sean Penn écrit une histoire aux échos universels . Un chemin au bout de la passion, au bout de soi, pour se (re)trouver. Pour effacer les blessures de l’enfance. Et pour en retrouver la naïveté et l’innocence.

    2H27 pour vivre une renaissance. Enfance. Adolescence. Famille. Sagesse. Au fil de ses rencontres, magiques, vraies, il se reconstitue une famille. Chaque rencontre incarne un membre de sa famille, l’autre, celle du cœur : sa mère, son père, sa sœur. Sur chaque personnage Sean Penn porte un regard empli d’empathie, jamais condescendant à l’image de cette nature. A fleur de peau. Sauvage. Blessée. Ecorchée vive.

    La photographie du célèbre et talentueux Eric Gautier révèle la beauté et la somptuosité mélancolique de la nature comme elle révèle Christopher à lui-même, confrontant l’intime au grandiose. La bande originale poignante composée par Eddie Vedder du groupe « Pearl Jam » contribue à cette atmosphère sauvage et envoûtante, il a d’ailleurs obtenu le Golden Globe 2008 de la meilleure chanson. Et puis évidemment Emile Hirsch d’une ressemblance troublante avec Leonardo Di Caprio (Sean Penn avait d’ailleurs pensé à lui pour le rôle), par son jeu précis et réaliste, par sa capacité à incarner ce personnage à tel point qu’il semble vraiment exister, vibrer, vivre, mourir et renaître, sous nos yeux, est indissociable de la réussite de ce film.

    Avec ce quatrième long-métrage (après « The Indian Runner », « Crossing guard », « The pledge ») Sean Penn signe (il a aussi écrit le scénario) un film magistralement écrit, mis en scène (avec beaucoup de sensibilité, d’originalité et de sens) et mis en lumière, magistralement interprété, un road movie animé d’un souffle lyrique, un road movie tragique et lumineux, atypique et universel.

    Vous ne ressortirez ni indifférents, ni indemnes. Ce film va à l’essentiel, il vous bouscule et vous ensorcelle, il vous embarque bien au-delà de l’écran, dans sa quête d’absolu, de liberté, de bonheur. Un voyage aux confins du monde, de la nature, un voyage aux confins de l'être, de vous-même… Un film d’auteur. Un très grand film. D'un très grand auteur. Qui se termine sur des battements de cœur. Celui du héros qui renait. Au cœur de la vérité.

  • Avant-première - Critique - « Lincoln » de Steven Spielberg avec Daniel Day-Lewis, Sally Field, Tommy Lee Jones…

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    En ce début d’année 2013, deux cinéastes américains de génie, Tarantino et Spielberg, sortent un film ayant pour toile de fond l’esclavage. Pour le premier, avec "Django unchained", c’est  même le sujet qui lui permet de réinventer un genre cinématographique, puisqu’un esclave y devient héros de western. Pour le second, c’est ce qui lui permet, en traitant de l’adoption du 13ème amendement qui fit de l’abolition de l’esclavage un fondement permanent de la loi américaine, de tisser le portrait d’une éminente figure politique, celle du Président Abraham Lincoln. L’esclavage était d’ailleurs déjà au centre d’un de ses films, « Amistad ».  Le premier a situé l’action de son film deux ans avant la guerre de Sécession, le second lors de sa dernière année. Mais, plus que tout cela, ce qui les différencie, c’est un style : singulier, audacieux, qui à la fois utilise et s’affranchit  des règles du western pour Tarantino, avec cette  histoire d’amitié et de vengeance romanesque, de duels et de duos, une nouvelle fois jubilatoire. Plus classique, académique diront (à tort) certains est en revanche le film de Spielberg. Imaginez que quelqu’un leur aurait donné pour sujet : « réalisez un film qui évoquera l’esclavage ». Ils l’illustrent chacun à leur manière. Différente mais passionnante. Spielberg d’ailleurs, comme l’indique le titre de son film, évoque Lincoln plus que l’esclavage car même si l’adoption du 13ème amendement est l’enjeu du film, c’est Abraham Lincoln qui en est le centre. Alors, l’un est peut-être trop bon élève, l’autre un élève irrévérencieux, quoiqu’il en soit, tous deux ont en commun d’avoir signé deux films délicieusement bavards. Deux magistrales visions de l’Histoire et deux brillantes leçons de cinéma.

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    Spielberg se concentre ainsi sur les quatre derniers passionnants mois du 16ème Président des Etats-Unis : Abraham Lincoln (Daniel Day- Lewis). 1865. La nation est déchirée et divisée par la guerre de Sécession. Lincoln veut à la fois mettre fin au conflit, faire unifier le pays et faire adopter le 13ème amendement qui mettrait fin à l’esclavage. Dans le même temps, il doit faire face à des douleurs et conflits personnels : la perte d’un fils qui a ébranlé son couple et le désir d’un autre, brillant étudiant de Harvard, qui désire partir à la guerre.

    Adapté de « Team of Rivals : The Political Genius of Lincoln » de Doris Kearns Goodwin, le premier trait de génie du film de Spielberg et d’abord de son scenario (signé Tony Kushner, l'auteur, notamment, d’ « Angels in America », une pièce couronnée par le prix Pulitzer) est de ne pas avoir cédé à la facilité du classique biopic qui finalement nous en aurait appris beaucoup moins que ces quatre mois qui révèlent toute la grandeur et l’habileté politiques de Lincoln, sa détermination, mais aussi sa complexité. En conteurs inventifs, plutôt que de narrer son enfance, en une tirade, Kushner/Spielberg évoquent l’enfance de Lincoln et le rapport, là aussi complexe, à son père permettant ainsi, en ne traitant que de ces quatre mois, de cerner la personnalité de cet homme politique tant aimé des Américains et qui a tant influé sur leur Histoire.

    Les premiers plans, marquants (et à dessein puisque, ensuite, l’intrigue se concentrera dans les lieux de pouvoir) nous immergent dans les combats sanglants, impitoyables, de la guerre de Sécession. Spielberg avait déjà retranscrit avec brio toute l’horreur ineffable de la guerre dans « La Liste de Schindler » et « Il faut  sauver le soldat Ryan ». Ces quelques secondes nous les rappellent alors que dans « Cheval de guerre », cette violence était essentiellement hors-champ, notamment dans une scène d’une redoutable ingéniosité, celle où deux frères sont fusillés par les Allemands, deux enfants encore, fauchés en pleine innocence, une scène dissimulée par l’aile d’un moulin qui la rendait d’autant plus effroyable.

    Ces quelques secondes de ces hommes qui s’affrontent cors-à-corps suffisent là aussi à nous faire comprendre l’âpre violence de cette guerre et dénotent avec le reste du film, essentiellement centré sur les dialogues, ce qui déconcertera peut-être les inconditionnels du cinéaste qui en attendaient plus de spectaculaire ici savamment distillé.  

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    Après cette première scène, Lincoln apparaît, de dos, assis, écouté, admiré. En quelques minutes d’exposition, tout est dit : le conflit, l’admiration, l’esclavage, la complexité de la situation. Spielberg est évidemment le roi de scènes d’exposition. Rappelez-vous celle de « La Liste de Schindler » (que l’on peut d’ailleurs mettre en parallèle avec celle-ci) : Schindler s’habillant méthodiquement, soigneusement, choisissant cravate, boutons de manchette, et épinglant sa croix gammée. Le tout avec la dextérité d’un magicien. Nous n’avons pas encore vu son visage. De dos, nous le voyons entrer dans une boite de nuit où se trouvent des officiers nazis et des femmes festoyant allègrement. Il est filmé en légère contre-plongée, puis derrière les barreaux d’une fenêtre, puis souriant à des femmes, puis observant des officiers nazis avec un regard mi-carnassier, mi-amusé, ou peut-être condescendant. Assis seul à sa table, il semble juger, jauger, dominer la situation. Sa main tend un billet avec une désinvolte arrogance. Son ordre est immédiatement exécuté. Son regard est incisif et nous ignorons s’il approuve ou condamne. Il n’hésite pas à inviter les officiers nazis à sa table, mais visiblement dans le seul but de charmer la femme à la table de l’un d’entre eux. Cette longue scène d’introduction sur la musique terriblement joyeuse (« Por una cabeza » de Gardel), et d’autant plus horrible et indécente mise en parallèle avec les images suivantes montrant et exacerbant même l’horreur qui se joue à l’extérieur, révèle tout le génie de conteur de Spielberg. En une scène, il révélait là aussi tous les paradoxes du personnage, toute l’horreur de la situation. L’ambigüité du personnage est posée, sa frivolité aussi, son tour de passe-passe annoncé.

    Cela pour dire que si les films de Spielberg sont en apparence très différents, ils se répondent tous dans leurs thématiques et constructions, comme  les thèmes de loyauté, espoir, courage, ténacité étaient à l’honneur dans « Cheval de guerre » et le sont à nouveau ici, aussi différents puissent paraître ces deux films dans leurs formes.

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    Certains reprocheront à Spielberg une absence d’émotion contrairement à ce à quoi il nous avait habitués. C’est au contraire le grand atout de ce film et  c’est justement là encore tout le talent de Spielberg que d’avoir su insérer quelques scènes d’émotion au milieu de ce passionnant parcours politique, de ce film exigeant, de ces joutes verbales. En quelques plans, il nous fait éprouver la détresse et les dilemmes d’un père. Les scènes intimes, rares, n’en sont que plus bouleversantes, souvent filmées dans la pénombre, révélant les zones d’ombre de cet homme éclairé.  Le talent de (ra)conteur de Spielberg culmine lors de la scène de l’adoption du 13ème amendement pour laquelle il cède un moment au lyrisme et à l’emphase, et à quelques facilités scénaristiques qui contrastent avec la rigueur de l’ensemble mais témoignent de sa capacité à intéresser et émouvoir en quelques secondes. Il serait d’ailleurs intéressant de mettre en parallèle le montage de cette scène avec celle de la scène de la constitution de la liste dans « La Liste de Schindler », ces scènes étant toutes deux l’apogée de ces films autour desquelles ils sont articulés.

    A ces quelques exceptions près, Spielberg a préféré ici raconter l’Histoire plutôt qu’une histoire, même s’il reste un conteur admirable sachant captiver l’attention, et rendant ainsi encore hommage à Lincoln, lui-même conteur malicieux. Quand, aujourd’hui, on tend à tout simplifier et à utiliser des recettes souvent racoleuses pour captiver le spectateur, c’est un défi louable que de réaliser une œuvre aussi dense, foisonnante. D’ailleurs quel meilleur moyen pour évoquer la complexité de la démocratie, ses contradictions ? Indigne hommage que cela aurait alors été que de tout simplifier. Au contraire, par un récit complexe (mais d’ailleurs clair), Spielberg illustre la complexité de la politique, et lui redonne ses lettres de noblesse quand elle est ce qu’elle devrait uniquement représenter : un changement, un espoir, tout en n’éludant pas les compromis et même les compromissions nécessaires lorsque « La fin justifie les moyens », citation plus machiavélienne que machiavélique...

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    Au-delà de tout, ce qui restera sans doute de ce film, c’est l’incroyable présence de Daniel Day-Lewis qui EST Lincoln, politicien de génie, mari et père confronté à la douleur, homme mélancolique, conteur malicieux, brillant stratège et surtout profondément humain et charismatique. Il fait totalement oublier l’acteur pour donner vie à l’ancien président américain. Dans un rôle  aux antipodes de celui qu’il incarnait dans « There will be blood », tout en excès (mais tout aussi magistral), ici tout en nuances, il prouve une nouvelle fois la fascinante étendue de son talent. Spielberg, plutôt que de faire des mouvements de caméra démonstratifs, a mis sa caméra au service de son jeu, se rapprochant au fur et à mesure qu’il captive son auditoire, dans le film, et la salle de cinéma. A côté de lui, une distribution exceptionnelle campe plus d’une centaine de personnages, là encore identifiables et caractérisés en quelques mots, quelques plans. Un véritable défi. Parmi eux, retenons Sally Field impeccable dans le rôle de l’autoritaire et torturée Mrs Lincoln ou encore Tommy Lee Jones qui incarne les contradictions et les compromis nécessaires à l’adoption d’une loi historique qui aura guidé sa vie. Joseph Gordon-Lewitt qui interprète un des fils de Lincoln a lui les honneurs d'un des plus beaux plans du film, d’une tristesse et d’une beauté déchirantes, lorsqu’il découvre un charnier et décide de s’engager. David Strathairn, trop rare encore, est également remarquable en William Seward.

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    Le film est servi par un souci perfectionniste du détail, des décors aux costumes, en passant par une photographie réaliste d’une élégante sobriété. Ainsi, en un instant, lorsque Lincoln est filmé s’éloignant de dos dans un couloir vide tel un comédien quittant la scène ou dans ce plan de sa silhouette et de celle de son fils dans l’aveuglante lueur d’une fenêtre lorsqu'il apprend l'adoption de l'amendement, Spielberg nous éblouit sans pour autant chercher à en mettre plein la vue.  La musique de John Williams alterne entre lyrisme et discrétion et achève ce tableau historique d’une passionnante sobriété.

    Un film captivant et exigeant sur un homme et une situation historiques et complexes. Un hommage à Lincoln mais, au-delà, à la politique et ce qu’elle implique d’exigence à laquelle la forme judicieuse du film rend si bien justice. Un film d’une sobriété  salutaire qui ne cède que quelques instants et brillamment à l’émotion mais jamais à l’esbroufe. Un film dense aux 2H29 nécessaires. Un travail d’orfèvre servi par une prestation en or, celle d’un Daniel Day-Lewis au sommet de son art, accompagné par une distribution remarquablement choisie et dirigée. Un très grand film dont le classicisme n’est pas un défaut mais au contraire le témoignage de l’humilité et de l’intelligence d’un grand cinéaste devant un grand homme à qui il rend un admirable hommage, de la plus belle manière qui soit, en ne le mythifiant pas mais en le montrant dans toute son humaine complexité.

    Je vous parlais ici du film au lendemain de sa projection, je pense qu'il me faudra encore un peu de temps pour vous en parler comme il le mérite, et avec le recul nécessaire, donc j'y reviendrai.

    Retrouvez aussi cette critique sur "In the mood - Le Magazine" en cliquant ici.

    Sortie en salles : le 30 janvier 2013