C’est le 8 décembre que sortira en salles « Les trois prochains jours » de Paul Haggis, remake de l’excellent « Pour elle » de Fred Cavayé, lequel vient justement de sortir le décevant « A bout portant ». Dans les trois cas, il s’agit pour un homme ordinaire plongé dans une situation extraordinaire de sauver sa femme dans un court laps de temps. Toute comparaison hitchcockienne s’arrêtera là…
A l’occasion de cette avant-première, Paul Haggis était cette semaine au Gaumont Parnasse pour présenter son film mais aussi pour une passionnante master class (dont vous pouvez retrouver mes vidéos en cliquant ici).
Dans « Les trois prochains jours », John Brennan (Russell Crowe), sa femme Lara (Elisabeth Banks) et leur enfant vivent apparemment heureux dans le meilleur des mondes. Enfin, pas vraiment le meilleur des mondes puisqu’une femme est assassinée, un meurtre pour lequel Lara est arrêtée. Elle nie mais elle est condamnée. Son fils s’éloigne de plus en plus d’elle et trois ans après la condamnation, John continue à se battre pour prouver l'innocence de sa femme. Lorsque leur dernière tentative d'appel échoue, Lara s'enfonce dans la dépression et tente même de mettre fin à ses jours. Pour John, il n’y a donc plus qu’une seule issue : la faire évader. Sa dernière chance.
A première vue, le pitch est le même que celui de l’original de Fred Cavayé dans lequel Lisa (Diane Krüger) et Julien (Vincent Lindon) formaient un couple heureux et amoureux, avec leur fils Oscar. Un matin, brusquement, leur vie basculait dans l’absurdité et l’horreur lorsque la police débarquait chez eux pour arrêter Lisa, accusée de meurtre puis condamnée à vingt ans de prison. Julien, professeur et fils mal aimé de son état, était alors être prêt à tout pour la faire évader.
Aussi talentueux que soit Paul Haggis en tant que scénariste, cela fonctionne pourtant moins bien que dans l’original. Tout d’abord, même si j’ai horreur des films qui se réduisent à un slogan celui de « Pour elle » « Jusqu’où iriez-vous par amour?» était terriblement efficace. C’était pour elle que Julien allait au-delà des frontières. De la raison. De la légalité. Du Bien et du Mal. C’est également « pour elle » qu’agit John mais l’accent est ici davantage mis, à l’image du titre, sur le temps imparti. Il semble davantage agir contre le temps et pour son fils que « pour elle ». Par ailleurs, là où Vincent Lindon était montré immergé dans son milieu professionnel, en tant que professeur, renforçant la crédibilité du personnage, Russell Crowe (qu’il est d’emblée plus difficile d’imaginer dans ce rôle) ne l’est montré que furtivement, si bien que le fossé entre sa vie d’avant et l’acte qu’il commet et la violence dans laquelle il bascule est moins important, et donc moins fort à l’écran.
Comme Fred Cavayé, Paul Haggis s’est beaucoup attaché à créer une sensation d’enfermement, faisant de Pittsburgh un personnage à part entière. Lors de la master class, Paul Haggis a ainsi expliqué que la ville était comme une forteresse et que, lorsque John tente de s’enfuir, la ville se referme comme une prison sur lui.
Malheureusement Russel Crowe n’a pas ce mélange de force et de fragilité, de détermination et de folie que Vincent Lindon dégageait pour ce rôle occupant, consumant, magnétisant l’écran et notre attention, tellement le personnage qu’il incarnait, à qui il donnait corps (sa démarche, son dos parfois voûté ou au contraire droit menaçant, ses regards évasifs ou fous mais suffisamment nuancés dans l’un et l’autre cas ) et vie semblaient ne pouvoir appartenir à aucun autre. Il est d’ailleurs intéressant de voir que Russell Crowe reproduit cette démarche mais contrairement à ce que souhaitait Paul Haggis ne me semble pas « disparaître dans le rôle» mais toujours porter avec lui sa mythologie d’acteur.
En nous montrant cet homme lui aussi dans une prison, celle de sa folie amoureuse (pléonasme ou antithèse : à vous de voir), celle de son incommunicabilité de sa douleur (avec son père, notamment), Paul Haggis nous le désigne comme lui aussi enfermé, dans son cauchemar, si bien que la vie extérieure est à dessein ici totalement absente. La relation paternelle est aussi au centre de l’histoire. Ce sont aussi deux pères (comme dans l’original) qui vont très loin par amour. A leur manière.
L’adaptation de Paul Haggis est davantage un film d’action qu’un thriller sentimental. Paul Haggis, avec cette version plus longue de 40 minutes que l’original, s’est davantage concentré sur le thème de la croyance, John croyant en elle envers et contre tout et tous. Un parti pris intéressant qui évite l’écueil du manichéisme mais qui ne diffère pas suffisamment de celui de l’original pour y apporter réellement un supplément d’âme ou de noirceur. Un film prenant, au moins, qui sera sans doute même haletant pour ceux qui n’ont pas vu l’original que je lui préfère néanmoins.
Je vous laisse découvrir dans ma note précédente les vidéos de la master class. Outre de précieux conseils aux scénaristes et autres artisans du cinéma en devenir comme croire en l’impossible et faire de ce que l’on souhaite créer une obsession (conseils suivis à la lettre par moi-même avant même qu'il les ait délivrés:-)), il est revenu sur sa prestigieuse carrière…