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  • Critique - CHRONIQUE D’UNE LIAISON PASSAGERE de EMMANUEL MOURET

    cinéma, chronique d'une liaison passagère, Emmanuel Mouret, critique, film, Sandrine Kiberlain, Vincent Macaigne

    Chaque film d’Emmanuel Mouret donne envie de saisir chaque seconde, de désirer et d’enchanter la vie. Celui-ci ne déroge pas à la règle.

     « Au moment où l’on devient amoureux, à cet instant précis, il se produit en nous une musique particulière. Elle est pour chacun différente et peut survenir à des moments inattendus… » Tel était le pitch du film d’Emmanuel Mouret, L’art d’aimer. Tel pourrait être aussi le pitch de chacun des films d’Emmanuel Mouret, et notamment de celui-ci. Dès les premiers plans, l’eau scintillante sur laquelle se superposent les notes de la Javanaise de Gainsbourg, se dégage un charme captivant. Puis, nous arrivons dans un bar dans lequel un homme et une femme sont en pleine conversation. Nous entrons alors immédiatement dans le vif du sujet de cette liaison passagère.

    Il s’agit de celle de Charlotte, une mère célibataire (Sandrine Kiberlain) et Simon, un homme marié (Vincent Macaigne). Ils décident de devenir amants. Ils s’engagent à ne se voir que pour le plaisir et à n’éprouver aucun sentiment amoureux mais au fil des rendez-vous, au fil des mois, ils sont de plus en plus surpris par leur complicité. Le contrat  verbal qu’ils se sont fixés au début de leur relation leur en interdit cependant l’expression…

    Simon est aussi gauche et indécis (entre Antoine Doinel et Woody Allen) que Charlotte est audacieuse, déterminée et libérée.  Comme dans tous les films de Mouret, planent ainsi les ombres de Truffaut, Rohmer et Allen mais aussi cette gravité légère et fantaisiste qu’ils ont en commun.

    Kiberlain et Macaigne sont tellement parfaits dans leurs rôles qu’il est impossible d’imaginer quels autres acteurs auraient pu incarner aussi bien ce contraste, et apporter cette fantaisie à leurs personnages, ce ton si particulier, sur le fil, entre légèreté et gravité. D’infimes variations dans leur jeu nous font comprendre l’évolution des sentiments indicibles de leurs personnages. Charlotte dit détester le mot passion « parce qu’on l’affiche trop souvent comme une obligation » et ce qu’il incarne mais semble peu à peu y succomber. Georgia Scalliet, qui fut sociétaire de la Comédie-Française, est elle aussi d’une remarquable justesse, tout en émotions, dans le rôle de Louise qui vient perturber le fragile équilibre du couple. Sandrine Kiberlain, solaire et aventureuse, (irrésistible dans des comédies comme Les Deux Alfred récemment mais aussi bouleversante dans un film comme Mademoiselle Chambon en institutrice introverti) et Vincent Macaigne (époustouflant dans Médecin de nuit mais aussi dans le précédent film de Mouret) prouvent une nouvelle fois qu’ils sont aussi à l’aise dans le drame que dans la comédie.

    L’occasion pour moi de faire une digression (mais après tout, les films de Mouret en regorgent souvent !) pour vous recommander à nouveau Une jeune fille qui va bien, le premier long-métrage en tant que réalisatrice de Sandrine Kiberlain, actuellement sur Canal + cinéma. Un film aux résonances universelles comme l'est le Journal d’Anne Frank, qui doit tout autant être montré aux jeunes générations. Pour ne pas oublier. Que cela fut. Que cela pourrait advenir à nouveau. Que le présent et la liberté sont aussi précieux que fragiles. Cette ode à la vie les célèbre magnifiquement et nous laisse avec leur empreinte, pugnace et sublime. Un grand premier film qui nous rappelle qu’il ne faut jamais oublier, et que l’on n’oubliera pas. 

    Les dialogues qui excellaient dans Les chose qu’on dit, les choses qu’on fait et plus encore dans Mademoiselle de Joncquières sont ici à nouveau savoureux, grâce à l’écriture ciselé d’Emmanuel Mouret et Pierre Giraud. Dans Madamoiselle de Joncquières, adaptation d'un épisode de Jacques le Fataliste de Diderot, les dialogues sont délectables de la première à la dernière phrase, d'une beauté, d'une richesse, d'un lyrisme, d'une ironie, d'une profondeur jubilatoires, d'autant plus que les acteurs jonglent avec les mots et les émotions avec un talent rare, au premier rang desquels Cécile de France qui passe en une fraction de seconde d'une émotion à l'autre, sidérante de justesse en femme cruelle car et seulement car blessée au cœur. Les plans-séquence et les judicieuses ellipses (ou quand deux livres symbolisent magnifiquement une scène d'amour), la façon de passer de l'extérieur à l'intérieur, tout est le reflet des âmes sinueuses ou tourmentées. Edouard Baer manie aussi la langue du 18ème siècle avec brio et incarne avec une élégance tout en désinvolture ce libertin qui peu à peu découvre les affres de la passion après les avoir tant singées et s'en être si souvent lassé. Cette nouvelle digression pour dire que ce film n’était pas sans rappeler l’œuvre de Laclos, Les liaisons dangereuses et que le titre de ce nouveau film de Mouret nous y fait aussi songer mais également l'esprit du 18ème siècle que l’on retrouve dans les dialogues qui font aussi penser à ceux de Baisers volés de Truffaut qui en étaient  imprégnés. Nous retrouvons aussi ici ce mélange tendresse et drôlerie, légèreté et mélancolie présents également dans l’œuvre de Truffaut.

    L’inventivité de la mise en scène est une nouvelle fois remarquable. La caméra virevolte entre les acteurs, les accompagne dans leurs mouvements incessants, dans leur indécision, leur ambivalence, notamment par des plans-séquence magistraux ou les plongeant dans des décors plus grands qu’eux, ceux de la grande aventure de leur vie. Ils sont aussi souvent filmés dans de superbes contre-jours ou de dos. Ces choix de mise en scène incitent ainsi le spectateur à interpréter leurs émotions dans leurs gestes tout en retenue au contraire de ceux  des personnages de Scènes de la vie conjugale d’Ingmar Bergman que Charlotte et Simon vont voir au cinéma comme un malin contrepoint à leur relation.

    La (trompeuse) légèreté de cette fable fait un bien fou…et ne rend que plus émouvants la partie finale qui nous cueille savamment et subitement et ces plans de décors vides où ils vécurent des moments heureux auxquels la musique apporte une douce mélancolie.

    La musique joue d’ailleurs un rôle central. De la Javanaise par Juliette Gréco (qui là aussi fait penser à Baisers volés et au rôle primordial qu'y joue la chanson de Charles Trenet Que reste-t-il de nos amours) à Haendel en passant par Mozart et… Ravi Shankar. Après cette fantaisie enchantée, nous repartons de la salle de cinéma avec en tête la Javanaise et les sonates de Mozart et l’envie de danser la vie !

     Chronique d'une liaison passagère était présenté dans le cadre du Festival de Cannes 2022, en sélection officielle, dans la section Cannes Première.

  • Programme du Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz 2022 : au rendez-vous de la passion du cinéma (d’avenir)

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    Le Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz vient de dévoiler sa programmation. Et quelle programmation ! Comme chaque année, l’hétéroclisme et la qualité seront sans aucun doute au rendez-vous grâce au regard aiguisé de son directeur artistique, Patrick Fabre (également réalisateur, notamment de passionnants documentaires sur le cinéma dont Cinéma au féminin Pluri(elles) dont je vous avais parlé, ici) qui sélectionne minutieusement chaque film, et a le talent de découvrir et mettre en lumière les pépites de l’année à venir, que ce soit dans la compétition des premiers et deuxièmes longs ou courts-métrages de fiction ou dans la sélection des films hors compétition. Le festival braque en effet ses projecteurs sur « un cinéma d’avenir » comme l’indique son affiche, un cinéma toujours défendu avec une passion ardente et communicative par le directeur artistique qui présente les films et anime les débats d’après séances, souvent riches en émotions.

    Alors que les spectateurs désertent tristement les salles de cinéma, les festivals, a fortiori celui de Saint-Jean-de-Luz, sont plus que jamais essentiels pour nous faire retrouver le goût incomparable des films vus en salles.

    Comment rivaliser avec la fébrilité impatiente d'une salle qui retient son souffle quand le générique s'élance ou à la fin juste avant qu'un film ne balbutie ses derniers secrets ? Et ce bruissement quand une salle entière vacille de la même émotion ! Et cet étourdissement quand on ressort de la salle, ignorant la foule et la réalité et le présent et le lendemain et même que tout cela n'est "que" du cinéma, transportés ailleurs, loin, avec l'envie parfois même de "chanter sous la pluie" et de croire en tous ces (im)possibles auxquels il donne vie et invite et incite ! Sans salle de cinéma, lanterne décidément magique qui suspend le vol de notre temps insatiablement impatient, le 7ème art, comme le personnage de Gabin dans Le jour se lève, a "un œil gai et un œil triste". Et moi aussi j'ai l'impression de ne voir qu'à demie émotion ou indistinctement ces images qui méritent d'étinceler. 

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    Le Cinéma Le Sélect (là aussi dirigé par des passionnés, la famille Garat) dans le cadre duquel se déroule le festival avait d’ailleurs reçu le prix mérité de 2ème meilleur cinéma de France.

     A peine j’ouvre les yeux, Jusqu’à la garde, Les Invisibles, J’enrage de son absence, Olli Maki, Le Géant égoïste, Une bouteille à la mer, Compte tes blessures, Respire, Les Invisibles, L’évènement, Sol, La nuit venue, Un jeune fille qui va bien…: voici autant de films remarquables (parmi tant d'autres !) qui ont été mis à l’honneur ou récompensés à Saint-Jean-de-Luz.

    C’est le comédien Darren Muselet qui a posé devant l’objectif de Manuel Moutier pour l’affiche de cette 9ème édition, illustrant le slogan du festival, tourné vers le futur. Découvert dans Jeunesse sauvage de Frédéric Carpentier présenté au Festival en 2019, il est revenu en 2021 pour présenter Une mère de Sylvie Audecoeur. Il sera bientôt à l’affiche de Novembre de Cédric Jimenez.

    Le jury 2022 sera présidé par l’actrice Géraldine Pailhas qui sera entourée de Charlène Favier, Stéphane Foenkinos, Jean-Paul Gaultiere et Valérie Karsenti.

    Une comédie romantique de Thibault Segouin sera projeté en ouverture le lundi 3 octobre tandis que Une histoire d'amour de Alexis Michalik sera projeté en clôture le samedi 8 octobre.

    Je ne peux que vous recommander vivement ce festival qui fait primer convivialité, émotion et interaction avec le public et qui est accessible à tous sur achat d'une simple place ou d'abonnements pour 10 films.

    Les films en compétition

    La compétition est réservée exclusivement aux premiers et deuxièmes films de longs ou courts métrages de fiction. 10 longs métrages de fiction internationaux et 8 courts métrages français de fiction d'une durée maximum de 20mn ont été sélectionnés. Le jury professionnel décernera cinq prix aux longs métrages : Prix de la musique originale, Prix d'interprétation féminine et masculine, Prix de la mise en scène et le Grand Prix. Il récompensera également le court métrage avec son Grand Prix. Le jury jeunes décernera son Prix à un court-métrage et à un long. Le public décernera lui aussi son Prix à un court-métrage et à un long. Enfin, les 8 courts-métrages sélectionnés seront également présentés lors de la 27ème édition de Cinémania, le Festival de Films Francophones de Montréal.

    HARKA de Lofty Nathan avec Adam Bessa (France, Luxembourg, Tunisie, Belgique)

    MAGNIFICAT de Virginie Sauveur (France) avec Karin Viard, François Berléand, Maxime Bergeron

    LA MAISON de Anissa Bonnefont avec Ana Girardot, Aure Atika et Rossy de Palma (France)

    BUTTERFLY VISION de Maksym Nakonechnyi (Ukraine, République Tchèque, Croatie, Suède)

    AILLEURS SI J’Y SUIS de François Pirot (Belgique, Luxembourg)

    LES ENGAGES de Emilie Frèche avec Benjamin Lavernhe (France)

    ALMA VIVA de Cristèle Alves Meira (Portugal, France)

    TU CHOISIRAS LA VIE de Stéphane Freiss avec Lou de Lâage (Italie, France)

    NOS SOLEILS de Carla Simón (Espagne)

    AMORE MIO de Guillaume Gouix avec Alysson Paradis (France)

    Les films hors compétition

    UNE COMEDIE ROMANTIQUE de Thibault Segouin avec Alex Lutz (France)

    FIFI de Paul Saintillan et Jeanne Aslan (France)

    L’ASTRONAUTE de Nicolas Giraud (France)

    TROIS NUITS PAR SEMAINE de Florent Gouëlou avec Cookie Kunty (France)

    LES PIRES de Lise Akoka avec Mallory Wanecque (France)

    MON HÉROÏNE de Noémie Lefort avec Pascale Arbillot (France)

    LA JAURIA de Andrès Ramirez Pulido (Colombie, France)

    REPRISE EN MAINS de Gilles Perret avec Gregory Montel (France)

    UNE HISTOIRE D’AMOUR de Alexis Michalik (France)

    LA PARLE de Gabriela Boeri, Fanny Boldini, Simon Boulier et Kévin Vanstaen (France, Brésil)

    Informations pratiques

    Le festival se tiendra du 3 au 9 octobre et est accessible à tous sur achat d'une place ou d'abonnements pour 10 films.

    Pour connaître la programmation complète et notamment les courts-métrages en lice mais aussi le programme des rencontres professionnelles, scolaires et masterclasses : https://www.fifsaintjeandeluz.com/ 

    Le Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz sur les réseaux sociaux : 

    Festival International du Film de Saint Jean de Luz | Facebook

    @fifsaintjeandeluz (instagram et twitter)

    En complément 

    -Mon compte-rendu de l’édition 2016 du Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz

    -Mon recueil de nouvelles Les illusions parallèles (Editions du 38 – 2016) qui comprend une nouvelle qui se déroule intégralement dans le cadre du Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz. Pour vous donner un aperçu de ce recueil, je vous invite à écouter l’une de celles-ci, enregistrée en podcast, qui a pour cadre le Festival du Cinéma et Musique de Film de Ma Baule.

  • Bilan et palmarès du 48ème Festival du Cinéma Américain de Deauville

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    La version courte et remodelée de ce bilan sera publiée dans le magazine Normandie Prestige 2023 (disponible à partir du 19 juillet 2023).

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     «Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant où l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses.»  Kundera

    Un festival de cinéma est toujours un voyage, a fortiori celui de Deauville qui nous immerge dans les réalités du Pays de l'Oncle Sam. L'affiche de cette 48ème édition représentant Le Magicien d'Oz nous invitait ainsi à un voyage magique. Le programme était cependant beaucoup plus sombre sur les écrans. Comme chaque année, les films du festival ont ainsi dressé un passionnant état des lieux de la société américaine.

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    C’est dans la section L’heure de la Croisette que le Festival du Cinéma Américain de Deauville a programmé Sans filtre, la Palme d'Or du Festival de Cannes 2022, de Ruben Östlund, en sa présence. Là où un Chaplin aurait recouru au rire tendre et burlesque pour souligner les travers de son époque, pour croquer la sienne, Ruben Östlund a choisi le sarcasme impitoyable, l’ironie mordante, la férocité et l’excès du trait, le cynisme indécent en écho à celui qu’il dénonce. Le film est tourné en plans fixes, tout mouvement de caméra aurait finalement été un pléonasme devant ce spectacle de désolation, cette exhibition amorale, ce monde en plein naufrage. La réalisation, élégante, presque « avec filtre », souligne par la forme le propos et le contraste entre le paraître qui se veut si lisse et l'abjection de l'être. Tantôt réjouissante, tantôt dérangeante (à dessein) cette farce cruelle et satirique, sans la moindre illusion sur le monde, se termine par une pirouette facile destinée à nous montrer que le cycle infernal ne prendra jamais fin.

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    Close de Lukas Dhont Grand Prix ex-aequo du dernier Festival de Cannes était également présenté dans cette section. Léo, le blond, et Rémi, le brun, 13 ans, sont amis depuis toujours. Jusqu'à ce qu'un événement impensable les sépare.  Le scénario est d’une justesse, d’une subtilité et d’une sensibilité rares disséquant la violence parfois tueuse du regard des autres, et la douleur ineffable de la perte (d’un être, de l’innocence). Les violons de la BO de Valentin Hadjadj accompagnent et contrebalancent la retenue des personnages. Un film d’une maitrise (de jeu, d’écriture, de mise en scène) rare, empreint de poésie dont le regard final ne nous lâche pas comme l’émotion poignante, la douce fragilité et la tendresse qui parcourent et illuminent ce film. Comme un écho à un autre visage, disparu, dont le souvenir inonde tout le film de sa grâce innocente.

     

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    Armageddon time, également dans le cadre de la section L’heure de la Croisette. Le regard aiguisé de James Gray se pose avec tellement de sensibilité sur les êtres que, dès les premiers plans, il vous captive même par une scène en apparence anodine dans une salle de classe. Celle du jeune Paul Graff qui vit dans le Queens, là où le cinéaste lui-même a habité dans son enfance. Seul son grand-père semble le comprendre. La sublime photographie de Darius Khondji aux accents automnaux renforce la sensation de mélancolie qui se dégage du film, douce puis plus âpre. James Gray filme l’intime avec grandeur et lui procure un souffle romanesque et émotionnel unique. Quelles images sublimes que celles du grand-père et du petit-fils dans cette lumière automnale, déclinante, et crépusculaire. Sublime et fascinante comme un dernier et vibrant sursaut de vie.  Armageddon time témoigne de toute la sensibilité, la dualité, la complexité, la richesse du cinéma de James Gray.

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    Pour la deuxième fois, le festival a proposé Fenêtre sur le ciné­ma fran­çais avec trois films pré­sen­tés en pre­mière mon­diale : La grande magie de Noé­mie Lvovs­ky, La Tour de Guillaume Nicloux et Les Ras­cals de Jim­my Lapo­ral-Tré­sor

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    La jeune géné­ra­tion d’Hollywood a également été à l’honneur avec Jesse Eisen­berg, Deauville Talent Awards venu When You Finish Saving the World, son pre­mier film en tant que réa­li­sa­teur. Lucy Boyn­ton (qui a marqué les festivaliers par son discours puissant) et Ana de Armas ont quant à elles reçu le prix du Nouvel Hollywood, cette dernière ayant bouleversé et divise les spec­ta­teurs avec Blonde d’Andrew Domi­nik qui met en scène une Marilyn Monroe sans cesse objetisée et victime de misogynie.

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    Arnaud Des­ple­chin et son jury ont départagé les 13 films de la compétition officielle couronnant le merveilleux Aftersun de Charlotte Wells, également lauréat du prix de la critique.

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    Un film sublimement triste, comme un soleil d’été ardent soudain masqué après avoir ébloui avec intransigeance, comme l’insouciance et l’enfance et un père qui s’éclipsent avec une brusquerie déconcertante, peut-être à tout jamais. Film impressionniste sur quelques jours d’été entre un père et sa fille en Turquie. Tous deux au bord du vide, chacun à leur manière : la fin des illusions pour l’un, de l’enfance pour l’autre. Moment suspendu, instants faussement futiles, dont on devine vaguement qu’ils sont essentiels, qu’on voudrait retenir mais comme les grains de sable qui filent entre les doigts, déjà ils périclitent entre les mailles de la mémoire. Un film gracieux, d’une délicatesse mélancolique qui charrie la beauté fugace de l’enfance devenue songe et la saveur inégalable de ses réminiscences (floues). Et puis ce dernier plan ! Celui du vide et du mystère que laissent les (êtres et moments, essentiels) disparus, que laissent les instants futiles dont on réalise trop tard qu’ils étaient cruciaux, fragiles et uniques. Celui du manque impossible à combler. Celui du (couloir) du temps qui dévore tout. Renversant d’émotions. Vous chavirerez, aussi, surtout si votre soleil d’enfance a été dévoré par l’ombre…

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    War Pony  de Riley Keough et Gina Gammell, un récit initiatique bouleversant, a reçu le prix de la révélation et le prix du jury ex-aequo. Après Les chansons que mes frères m’ont apprises et The Rider, ce film était également tourné la réserve de Pine Ridge.

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    Le Festival du Cinéma Américain de Deauville a eu l’excellente idée de braquer ses projecteurs sur Leonard Cohen et l’histoire fascinante de sa chanson mythique, Hallellujah, avec ce documentaire sélectionné dans Les Docs de l’oncle Sam. Cette chanson a fait le tour du monde et a souvent été utilisée au cinéma et, pourtant, qui en connaît véritablement le sens et l’histoire ? Cette passionnante histoire est aussi celle des affres de la création, des injustices du succès et d’une époque dans laquelle la diversité des médias facilite la vulgarisation des œuvres, sans pour autant que cette communication à outrance permette de connaître le sens profond des choses et leur origine. C’est un atout des documentaires, et de ce documentaire en particulier, que de permettre de redonner du temps au temps, de prendre du recul dans une époque d’immédiateté. Passionnant documentaire qui rend hommage à la beauté éternelle de cette chanson mais avant tout au talent du poète unique qui l’écrivit.

    Une histoire d'amour et de fantômes. Ainsi le pitch officiel présente-t-il ce premier long-métrage de Charlotte Le Bon, Falcon Lake, quia reçu le prix d’Ornano-Valenti, toujours un gage de qualité. Une fin entêtante, magnifique, énigmatique qui fait confiance au spectateur et au pouvoir de l’imaginaire. Une fin comme ce film, magnétique, dont le fantôme ne cessera ensuite de nous accompagner…Une histoire d’amour et de fantômes, certes, mais surtout une exceptionnelle et sublime histoire d’amour et de fantômes  qui vous hantera délicieusement très longtemps.

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    Une délicieuse hantise. Peut-être cet oxymore résume-t-il un film et un festival réussis, à l’image de ce que fut cette édition ouverte sur la société américaine, mais aussi sur le monde, ses maux, quelques espoirs, et sur l’avenir.

    PALMARES COMPLET DU 48ème FESTIVAL DU CINEMA AMERICAIN DE DEAUVILLE

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    Le Jury de la 48e édi­tion du Fes­ti­val du ciné­ma amé­ri­cain de Deau­ville, pré­si­dé par Arnaud Des­ple­chin, entou­ré de Jean Paul Civey­rac, Pierre Dela­don­champs, Léa Dru­cker, Sophie Letour­neur, Alex Lutz, Yas­mi­na Khadra,
    et Marine Vacth a décer­né les prix suivants :

    Grand Prix
    AFTERSUN de Char­lotte Wells
    (dis­tri­bu­tion : MUBI)

    Prix du Jury
    WAR PONY de Gina Gam­mell & Riley Keough
    (dis­tri­bu­tion : Les Films du Losange)
    En salles en 2023

     Prix du Jury
    PALM TREES AND POWER LINES de Jamie Dack
    (ventes inter­na­tio­nales : Film Constellation)

    Le Jury de la Révé­la­tion de la 48e édi­tion du Fes­ti­val du ciné­ma amé­ri­cain de
    Deau­ville, pré­si­dé par Elo­die Bou­chez, entou­rée de Andréa Bes­cond, Eddy de
    Pret­to, Nico­las Pari­ser, Agathe Rous­selle, et Yolande Zau­ber­man a décer­né les
    prix suivants :

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    Prix Fon­da­tion Louis Roe­de­rer de la Révé­la­tion 2022
    WAR PONY de Gina Gam­mell & Riley Keough
    (dis­tri­bu­tion : Les Films du Losange)
    En salles en 2023

    Prix du Public de la Ville de Deauville
    EMILY THE CRIMINAL de John Pat­ton Ford
    (dis­tri­bu­tion : Uni­ver­sal Pic­tures Content Group)

    Le Jury de la Cri­tique, com­po­sé de cinq jour­na­listes, a décer­né son Prix à
    AFTERSUN de Char­lotte Wells
    (dis­tri­bu­tion : MUBI)

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    Prix d’Ornano-Valenti 2022
    FALCON LAKE de Char­lotte Le Bon
    (dis­tri­bu­tion : Tandem)
    Sor­tie salles : 7 décembre 2022

    Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site officiel du Festival du Cinéma Américain de Deauville.

     

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  • Festival du Cinéma Américain de Deauville 2022 : programme complet de la 48ème édition

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    Pour l’édition 2021 du Festival du Cinéma Américain de Deauville, l’ouverture au son des Moulins de mon cœur de Michel Legrand (ré)interprétés au piano par Steve Nieve, à l'image de l'affiche de cette précédente édition, nous invitait à embrasser la vie, à nous étourdir de cinéma, pour nous éloigner de l'âpreté de l'actualité. Les films, toujours un instantané de l'Amérique contemporaine, nous y ramenaient cependant aussi, déconstruisant le rêve américain, explorant le besoin de (re)pères d’êtres désorientés, traquant le mensonge. Le portrait d’une Amérique déboussolée, en quête de vérité, se raccrochant aux liens familiaux souvent dépeints comme instables. Plus que jamais, le cinéma et ce festival se révèlent indispensables. Pour braquer la lumière sur les ombres du monde. Pour essayer de les éclairer. Mais aussi pour s’en évader.

    La conférence de presse de cette 48ème édition du festival a eu lieu ce jeudi 18 août à 11H30 aux Franciscaines de Deauville.  Je vous invite à me suivre en direct du festival sur Instagram (@Sandra_Meziere.)

    De l’édition 2022, la 48ème, nous savons que :

    -elle se déroulera du 2 au 11 septembre au Centre International de Deauville, au casino et au Cinéma Morny, tout juste repris par le groupe présidé par Richard Patry,

    -l’affiche rend hommage au Magicien d’Oz de Victor Fleming,

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    -Arnaud Desplechin en présidera le jury. (Retrouvez, ici ma critique de son dernier film Frère et sœur.) Un film sublime mais suffocant qui serre le cœur et  dont on ressort prêts à affronter les vicissitudes torves et terrassantes de l'existence, et à laisser le cinéma et la poésie les réenchanter...une fois de plus.

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     - Arnaud Desplechin sera entouré de : Jean Paul Civeyrac, Pierre Deladonchamps, Yasmina Khadra, Sophie Letourneur,  Alex Lutz et Marine Vacth.

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    - Les films en compétition parmi lesquels 8 premiers films, avec pour thématique récurrente annoncée, le passage à l’âge adulte, sont les suivants :

    1-800-HOT-NITE de Nick Richey

    AFTERSUN de Charlotte Wells - 1er film

    DUAL de Riley Stearns

    EMILY THE CRIMINAL de John Patton Ford - 1er film

    MONTANA STORY de Scott McGehee & David Siegel

    OVER/UNDER de Sophia Silver - 1er film

    PALM TREES AND POWER LINES de Jamie Dack - 1er film

    PEACE IN THE VALLEY de Tyler Riggs

    SCRAP de Vivian Kerr - 1er film

    STAY AWAKE de Jamie Sisley - 1er film

    THE SILENT TWINS d’Agnieszka Smoczyńska

    WAR PONY de Gina Gammell & Riley Keough - 1er film

    WATCHER de Chloe Okuno - 1er film

    -  L’actrice Lucy Boynton recevra le Prix du Nouvel Hollywood lors de la soirée d’ouverture, le vendredi 2 septembre, à 19H30. La cérémonie sera suivie de la projection de Call Jane de Phyllis Nagy : un film « incontournable à l’heure où l’Amérique remet en question le droit à l’avortement. »

    - Falcon lake de Charlotte Lebon recevra le Prix d’Ornano-Valentin succédant ainsi au film  Les Magnétiques de Vincent Maël Cardona. Titre qui sied magnifiquement à ce film enfiévré de sons et de musiques qui suinte la fougue, l’énergie, le désir, les certitudes folles, l’urgence ardente, la fragilité, le charme et la déraison de la jeunesse. Un vertige fascinant d’ondes et de lueurs stroboscopiques. Une expérience sensorielle qui vous donne envie d’empoigner et danser la vie, l’avenir et la liberté et que je ne peux que vous recommander à nouveau et dont vous pouvez lire ma critique complète ici.

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    -Le prix littéraire Lucien Barrière sera attribué à Michael Feeney Callan pour son livre sur Robert Redford publié aux Editions La Trace.

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    Le jury de la révélation sera cette année présidé par Elodie Bouchez. Elle sera accompagnée d’Andréa Bescond, Eddy de Pretto, Nicolas Pariser, Agathe Rousselle, et Yolande Zauberman.
    Ils remettront tous ensemble le Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation lors de la cérémonie de clôture le 10 septembre. 

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    - Un film événement sera projeté à Deauville : BLONDE d'Andrew Dominik avec Ana de Armas sera projeté en Première à Deauville

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    Inspiré du best-seller de Joyce Carol Oates, BLONDE réinvente avec audace la vie de Marilyn Monroe et explore le décalage entre son image publique et sa vraie nature. Adapté du best-seller de Joyce Carol Oates, Prix littéraire Lucien-Barrière en 2010, BLONDE est une relecture audacieuse de la trajectoire de Marilyn Monroe. Écrit et réalisé par Andrew Dominik, le film réunit au casting Ana de Armas, Bobby Cannavale, Adrien Brody, Julianne Nicholson, Xavier Samuel et Evan Williams.

    Le film sera projeté en première française, en présence du réalisateur Andrew Dominik et de la comédienne Ana de Armas.

    - A l'occasion de la projection de BLONDE, Ana de Armas recevra le Prix du Nouvel Hollywood.

    - L’heure de la Croisette - Pour la troisième année consécutive, le festival s’associe avec le Festival de Cannes. La sélection cannoise sera entièrement consacrée au Palmarès 2022 et présentera la Palme d’or ainsi que les deux Grand Prix. Thierry Frémaux, Délégué Général du Festival de Cannes, sera présent à Deauville et présentera ces œuvres :

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    - SANS FILTRE de Ruben Östlund - Palme d’or 2022 - Avec Har­ris Dickin­son, Charlbi Dean, Woody Harrelson. Présenté en présence du réalisateur le jeudi 8 septembre à 19H30.

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    - CLOSE de Lukas Dhont - Grand Prix (Ex-aequo) 2022 - Avec Eden Dambrine, Gustav De Waele, Émilie Dequenne, Léa Drucker

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    - STARS AT NOON de Claire Denis - Grand Prix (Ex-aequo) 2022 - Avec Margaret Qualley, Joe Alwyn, Danny Ramirez

    - Fenêtre sur le cinéma français - Pour la deuxième année, le festival accueillera une sélection exclusive de trois films en avant-première mondiale pour une fenêtre française, en présence de leurs équipes.

    -  LA GRANDE MAGIE de Noémie Lvovsky 

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    Avec Denis Podalydès, Sergi López, Noémie Lvovsky, Judith Chemla, François Morel, Damien Bonnard, Rebecca Marder
    Un conte musical et baroque librement adapté de la pièce de théâtre « La grande magia » d’Eduardo de Filippo.


    - LA TOUR de Guillaume Nicloux

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    Avec Angèle Mac, Hatik, Ahmed Abdel-Laoui
     Le nouveau film de Guillaume Nicloux qui affirme cette vérité : le pire ennemi de l’Homme est bien lui-même.


    - LES RASCALS de Jimmy Laporal-Trésor

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    Avec Jonathan Feltre, Angelina Woreth, Missoum Slimani, Victor Meutelet
    Le premier long métrage du réalisateur de SOLDAT NOIR, court métrage remarqué à la Semaine de la Critique 2021 et nommé au César du meilleur court métrage cette année.

    - Comédienne de blockbusters, séries, théâtre et films d’auteurs, Thandiwe Newton se verra décerner un Deauville Talent Award.

    Dans la section « Premières » seront projetés les films suivants :

    ALICE de Krystin Ver Linden

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    ARMAGEDDON TIME de James Gray ( le samedi 3 septembre à 20H)

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    AT THE GATES d’Augustus Meleo Bernstein

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    BLONDE d’Andrew Dominik (le vendredi 9 septembre, précédé de la remise du Nouvel Hollywood à Ana De Armas)

    BLOOD de Brad Anderson (le lundi 5 septembre à 17H30)

    CALL JANE de Phyllis Nagy - Film d'ouverture

    DON’T WORRY DARLING d’Olivia Wilde - Film de clôture

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    GOD’S COUNTRY de Julian Higgins (le mardi 6 septembre, un polar féminin porté par Thandiwe Newton. Un Deauville Talent Award sera remis par Julie Gayet à la comédienne avant la projection).

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    JUNE ZERO de Jake Paltrow (le mercredi 7 septembre, Jake Paltrow est le frère de Gwyneth Paltrow, ce « film audacieux lève le secret sur la mort du criminel de guerre Adolf Eichmann).

    WHEN YOU FINISH SAVING THE WORLD de Jesse Eisenberg (projection le dimanche 4 septembre, après la remise du Deauville Talent Award à Jesse Eisenberg, à 20H avant la projection de son premier film en tant que réalisateur)

    X de Ti West

    Les films de la section « Les Docs de l’Oncle Sam »  :

    BELUSHI de R. J. Cutler

    BODY PARTS de Kristy Guevara-Flanagan

    BONNIE de Simon Wallon

    HALLELUJAH : LES MOTS DE LEONARD COHEN de Dan Geller & Dayna Goldfine

    HOLLYWOOD BUSINESS de Pascal Mérigeau, Bruno Icher & Jérémy Leroux

    LYNCH / OZ d’Alexandre O. Philippe

    MOONAGE DAYDREAM de Brett Morgen

    TELEVISION EVENT de Jeff Daniels

    THE WILD ONE de Tessa Louise-Salomé

    Carte blanche à Philippe Garnier de la Cinémathèque Française :

    Pour accompagner la sortie de « Génériques, la vraie histoire des films », recueil de textes de  Philippe Garnier consacrés au cinéma américain de l’aube des années 1940 à la fin de l’année  1977, le festival propose, en association avec la Cinémathèque française, partenaire fidèle du  Festival du cinéma américain de Deauville, et l’éditeur The Jokers Publishing, une Carte  Blanche à Philippe Garnier en présentant six films emblématiques de cette autre histoire du  cinéma américain :

    LE SECRET DERRIÈRE LA PORTE de Fritz Lang

    LA CITÉ SANS VOILES de Jules Dassin

    LE GRAND CHANTAGE d’Alexander Mackendrick

    LA CHEVAUCHÉE DES BANNIS d’André De Toth

    LE CONVOI SAUVAGE de Richard C. Sarafian

    TUEZ CHARLEY VARRICK ! de Don Siegel

    Le jeudi 8 septembre, à la suite d’une rencontre publique à Deauville aux Franciscaines, animée par Jean-François Rauger, directeur de la programmation de la Cinémathèque  française, Philippe Garnier fera une séance de dédicaces de son ouvrage. Un cycle augmenté de douze films sera repris à la Cinémathèque française du 14 au 19 septembre prochains

    - Le Festival du cinéma américain de Deauville soutient la création musicale. Afin de renforcer une nouvelle fois le dialogue entre la musique et le cinéma, le festival a  souhaité mettre davantage en lumière la création musicale pour le cinéma. Ainsi, grâce au  soutien de la SACEM, le festival a invité Jérôme Rebotier, compositeur français de musique  de film, à venir participer à la vie du festival. Après Brisa Roché en 2019, Steve Nieve en 2020 et Audrey Ismaël en 2021, Jérôme Rebotier  composera certaines musiques spécialement pour le festival, que le public pourra écouter lors  des cérémonies officielles.

    - Retrouvez mon compte-rendu de l’édition 2021 du Festival du Cinéma Américain de Deauville dans le Magazine Normandie Prestige 2022 et ici.

    - Retrouvez aussi ma vision plus romanesque de Deauville dans ma nouvelle La porte des rêves parue en janvier aux Editions J’ai Lu (recueil « feel good » Avec ou sans Valentin), dans deux nouvelles de mon recueil Les illusions parallèles (Editions du 38- 2016) et pour aller un peu plus loin, partez pour Trouville avec ma nouvelle Les âmes romanesques, lauréate du prix Alain Spiess 2020, désormais disponible en podcast, ici.

    Pour connaître mon lien particulier avec ce festival et Deauville, retrouvez aussi mon interview dans la Gazette des Planches d’Automne 2021 mais aussi l’article du magazine Le 21ème de juin 2022 et du magazine Normandie Prestige 2022 (disponible à partir de ce mois-ci). Ces articles sont aussi à retrouver dans la rubrique « presse » de ce blog.

  • CRITIQUE de TWO LOVERS de JAMES GRAY (actuellement sur Arte.tv)

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    Two lovers est encore pour deux jours sur Arte TV, ici. Voici quelques bonnes raisons de (re)découvrir ce chef d’œuvre de 2008 signé James Gray.

    Direction New York, ville fétiche du cinéma de James Gray, où, après avoir tenté de se suicider, Léonard (Joaquin Phoenix) hésite entre suivre son destin en épousant Sandra (Vinessa Shaw), la femme que ses parents choisissent pour lui, ou se rebeller et écouter ses sentiments pour sa nouvelle voisine, Michelle (Gwyneth Paltrow), belle, fragile et inconstante, dont il est tombé éperdument amoureux, pour laquelle il éprouve instantanément un amour dévastateur et irrépressible.

    Pour conter cette histoire d'amour, James Gray a de nouveau opté pour une atmosphère de film noir, genre auquel il s’était jusqu’alors cantonné avec ses trois (remarquables) films précédents : Little Odessa, The Yards, La nuit nous appartient. La tension est palpable, constamment, comme dans un polar, ici liée au désir qui s’empare du personnage principal, malade d’amour, magistralement interprété par Joaquin Phoenix avec son regard mélancolique, enfiévré de passion, ses gestes maladroits, son corps même qui semble crouler sous le poids de son existence, sa gaucherie adolescente. Dès le début, le film est placé sous le sceau du drame. Leonard se jette d’un pont puis rentre chez lui. Chez lui : en réalité, chez ses parents, chez lesquels il vit toujours, pour lesquels il travaille aussi (dans la blanchisserie de son père).

    C’est à travers le regard du personnage attachant et vulnérable de Leonard Kraditor (il ne quitte jamais l’écran) que nous suivons l’histoire. Celle d’un homme, atteint d'un trouble bipolaire qui, après une traumatisante déception sentimentale, revient vivre dans sa famille et fait la rencontre de deux femmes. Entre ces deux femmes, le cœur de Leonard balance. Entre l’équilibre et le déséquilibre. Entre celle qui veut prendre soin de lui et celle qui a besoin qu'on prenne soin d'elle. Entre le choix du père et son propre choix. Le dilemme et la figure paternelle : deux thèmes omniprésents dans le cinéma de James Gray.

    Leonard éprouve ainsi un amour obsessionnel, irrationnel, passionnel pour Michelle. Et une inclinaison plus tranquille pour Sandra. Two lovers ausculte la complexité du sentiment amoureux, la difficulté d’aimer et de l’être en retour, mais il ausculte aussi les fragilités de trois êtres qui s’accrochent les uns aux autres, comme des enfants égarés dans un monde d’adultes qui n’acceptent pas les écorchés vifs. Michelle et Leonard ont, parfois, « l’impression d’être morts », de vivre sans se sentir exister. Le toit sur lequel ils se retrouvent est une sorte d’ailleurs poétique, où ils échouent, se retrouvent, se noient, s’accrochent l’un à l’autre comme deux naufragés pris en pleine tempête. Une des forces de Two lovers  provient avant tout de la caractérisation des personnages, de leurs contradictions, de leurs faiblesses, de leur ambivalence.

    Cinq ans plus tard, dans The Immigrant, Joaquin Phoenix, incarnera à nouveau un personnage complexe et mystérieux qui prendra toute son ampleur au dénouement et montrera aussi à quel point le cinéma de James Gray derrière un apparent manichéisme est particulièrement nuancé et subtil.

    Par des gestes, des regards, des paroles esquissés ou éludés, James Gray dépeint de manière subtile la maladresse touchante d’un amour vain mais surtout la cruauté cinglante de l’amour sans retour qui emprisonne (plan de Michelle derrière des barreaux de son appartement, les appartements de Leonard et Michelle donnant sur la même cour rappelant ainsi Fenêtre sur cour d’Hitchcock de même que la blondeur toute hitchcockienne de Michelle), et qui exalte et détruit. Sandra dont le film préféré est La mélodie du bonheur représente en revanche la stabilité.

    Tout comme dans La Nuit nous appartient qui en apparence opposait les bons et les méchants, l’ordre et le désordre, la loi et l’illégalité, et semblait au départ très manichéen, dans lequel le personnage principal était écartelé,  allait évoluer,  passer de l’ombre à la lumière, ou plutôt d’un univers obscur où régnait la lumière à un univers normalement plus lumineux dominé par des couleurs sombres, ici aussi Leonard est confronté à un choix cornélien, ballotté entre le désir et la raison. Mais cette fois, ce n’est pas entre le bien et le mal mais entre deux femmes, entre la loi du cœur et la loi de la famille qu’il doit choisir.

    James Gray a opté pour une réalisation élégamment discrète et maîtrisée, au plus près des visages, et un scénario pudique magnifié par la photographie crépusculaire de Joaquin Baca-Asay qui procurent, des accents lyriques à cette histoire qui aurait pu être banale, mais dont il met ainsi en valeur les personnages d’une complexité, d’une richesse et d’une humanité poignantes.  James Gray n’a pas non plus délaissé son sujet fétiche, à savoir la famille qui symbolise la force et la fragilité de chacun des personnages : Leonard cherche à s’émanciper, Michelle est victime de la folie de son père…

     Un film d’une tendre cruauté et d’une amère beauté. Un thriller intime d’une vertigineuse sensibilité à l’image des sentiments, enivrants, qui s’emparent des personnages principaux, et de l’émotion qui s’empare du spectateur. Ajoutez à cela la bo entre jazz et opéra ( même influence du jazz et même extrait de l’opéra de Donizetti, L’elisir d’amore, Una furtiva lagrima que dans  le chef d’œuvre de Woody Allen, Match point, dans lequel on trouve la même élégance dans la mise en scène et la même dualité entre la femme brune et la femme blonde sans oublier également la référence commune à Dostoïevski, Crime et châtiment dans le film de Woody Allen, Les Nuits blanches ici) et vous obtiendrez un film dans lequel James Gray parvient à faire d’une histoire a priori simple un très grand film, à fleur de peau, d’une mélancolie, d’une poésie et d’une beauté déchirantes.

  • Critique de ENNIO de Giuseppe Tornatore

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    Ennio ne passe déjà plus que dans quelques salles malgré ses 2H36 absolument captivantes ! Ne soyez pas rebutés par la durée. Je vous assure que vous en ressortirez en vous disant que c'était trop court. Dans mon compte-rendu du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2022, je vous avais déjà parlé de ce documentaire qui y fut présenté en avant-première après l’avoir été à la Mostra de Venise 2021. J’espère, par ces mots ,vous convaincre de partir pour ce périple savoureux dans la carrière et la vie de Morricone mais aussi dans l’histoire du cinéma qu’il a tant marquée de son empreinte. Un documentaire absolument incontournable qui retrace le parcours du compositeur né en 1928 à Rome et qui, à l’âge de 8 ans, rêvait de devenir médecin. Son père en décide autrement : il sera trompettiste, comme lui.

    Quelle émotion de réentendre toutes ses musiques et de voir ces extraits de films qu’elles ont sublimés. Le film contient nombre de moments d'anthologie : le tournage d’Il était une fois en Amérique lors duquel De Niro joue sur un plateau inondé de musique, lorsque l’on découvre comment les lettres de Bach se dissimulent derrière la musique du Clan des Siciliens, comment il a orchestré instruments et influences pour créer la bande originale de Mission. On découvre comment il va user d’audaces dans ses partitions et arrangements pour créer des sonorités inédites.

    Ennio Morricone ne sera pourtant récompensé d’un Oscar qu’en 2016 (à 87 ans !) pour les Huit salopards de Quentin Tarantino, même si, en 2007, lui avait été décerné un Oscar pour l’ensemble de sa carrière. Il regrette de n’avoir jamais travaillé avec Kubrick, qui était pourtant si mélomane.

    Tornatore lui rend le plus beau des hommages en mettant en valeur l’incroyable  richesse et diversité de sa carrière. Celle-ci ne se réduit en effet pas aux musiques de son camarade d’école Leone (aussi majestueuses et inoubliables soient-elles) mais on y trouve aussi des BO des films de  : Henri Verneuil, John Boorman, Terrence Malick, Bertolucci,Lautner, Deray, Friedkin, De Palma, Joffé, Almodovar, Carion, Tarantino et tant d'autres.

    Sa première composition pour Tornatore fut pour Cinema Paradiso en 1988 (ma critique en bonus en bas de cet article), qui remporta alors l’Oscar du Meilleur film en langue étrangère et le Grand Prix au 42ème Festival de Cannes. Pour ce film, Morricone reçut le BAFTA de la Meilleure musique originale, avec son fils, Andrea, co-compositeur. Il a aussi signé la musique de neuf autres films de Tornatore. Quelques notes suffisent pour identifier la musique de celui qui a signé plus de 500 bandes originales. 

    Le documentaire nous permet d’entrer dans l’âme et les secrets du créateur par le truchement d’une longue interview de Giuseppe Tornatore et de nombreux témoignages qui auront nécessité 5 années de travail parmi lesquels ceux de Bernardo Bertolucci, Guiliano Montaldo, Marco Bellocchio, Dario Argento, les frères Taviani, Luca Verdone, Barry Levinson, Roland Joffé, Clint Eastwood, Oliver Stone, Quentin Tarantino Wong Kar Wai, Hans Zimmer, Bruce Springsteen.

    Tornatore, qui a travaillé 25 ans avec Ennio Morricone, sonde les mystères de la création, de sa passion pour les échecs à sa volonté constante d’expérimenter. Plus qu’un film, Ennio se regarde comme un spectacle constitué d’extraits des films, d’images d’archives, de concerts. Ces entretiens sont entrecoupés de fragments de vie privée de Morricone, des captations de ses tournées, des extraits de films, d’entretiens d’amis et de collaborateurs, et d’archives inédites sur une carrière qui s’étend sur plus de 70 ans. Morricone a inspiré de nombreux musiciens, des compositeurs de bandes originales de films aux groupes de rock, de Hans Zimmer, John Williams, Dire Straits à Muse, Metallica et Radiohead.

     Tornatore rend hommage à son incroyable audace, inventivité et originalité comme lorsqu’il mêle les instruments électriques aux instruments des orchestres symphoniques ou en ajoutant des sonorités bruitistes ou des  voix humaines. On en ressort en ayant envie d’écouter encore et encore ses musiques, de revoir les films pour lesquels il les a composées, de les redécouvrir différemment, et de regarder ceux à côté desquels nous serions passés parmi les...500 dont il a signé la BO. Bruce Springsteen évoque la « très très grande émotion » que procure sa musique, ce que nous procure aussi ce documentaire dont on ressort étourdi de musiques et de beauté, indissociable d'un certain mystère, celui de la création, celui d'une quête insatiable aussi. Un mystère qui demeure, et c'est tant mieux.

     

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    BONUS - Critique de CINEMA PARADISO de Giueseppe Tornatore

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    Je n’avais pas revu ce film depuis mon enfance. Simplement me souvenais-je de ce lieu suintant de vie et de chaleur, au cœur de la Sicile, où se trouve le Cinema Paradiso, du lien si touchant entre Toto et d’Alfredo, de ces extraits de films qui transpirent la passion du cinéma. Et qu’il m’avait bouleversée.  Avec le recul des années, l’émotion fut encore plus forte. Les thèmes évoqués ont pris une tout autre résonance parce que ce que l’enfance laissait deviner, l’âge adulte a permis de l’expérimenter. La nostalgie. La mélancolie. L’écoulement du temps qui emporte tout, même les êtres chers. Mais c’est aussi tout ce que le cinéma, par son pouvoir magique, peut rendre éternel. Et tout ce que ce même temps dévoreur n’emporte pas : les rêves. Parce que Cinéma Paradiso est avant tout cela, une déclaration d’amour fou au cinéma. A sa capacité à procurer à tout ce qui est éphémère des accents d’éternité. Le cinéma, dans ce film, est plus que jamais une fenêtre ouverte sur les rêves, ceux qui bercent d’illusions réconfortantes. Comme celles de cette histoire qu’Alfredo raconte à Toto, cet homme qui promet d’attendre la femme qu’il aime sous sa fenêtre 100 nuits et qui renonce à la 99ème. Comme le dit Alfredo, « La vie, c'est pas ce que tu as vu au cinéma. La vie c'est plus difficile que ça. » Oui, mais il y a le cinéma pour l’adoucir, l’éclairer, en sublimer les sentiments et transcender les émotions. Pour rêver d’une autre vie, pour s’identifier à d’autres destins, ceux projetés sur l’écran. Et pour croire à l'impossible, envers et contre tout.

    Sunset Boulevard de Billy Wilder. Eve et La Comtesse aux pieds nus de Mankiewicz. Chantons sous la pluie de Stanley Donen et Gene Kelly. Les Ensorcelés de Minelli. The Artist d’Hazanavicius, La La Land de Damien Chazelle. 8 ½ de Fellini. Les grands films sur le cinéma ne manquent pas. Cinéma Paradiso ne dénote bien sûr pas dans cette liste. Je vous parle aujourd’hui de la version director’s cut de 2H35 dont la dernière partie évoque l’amour de jeunesse de Toto (incarné alors par Brigitte Fossey, coupée dans les autres versions.) La version originale de 173 minutes avait en effet été classifiée défavorablement lors de sa présentation au comité de censure italien en 1989. Le film fut donc écourté pour sa sortie en salle. En 2002 sortait la version « Director's cut ». Cinema Paradiso eut en effet trois versions différentes. Lors de la sortie initiale en 1988 en Italie, le film durait 2 h 35. Pour le Festival de Cannes 1989, la durée fut ramenée à 2 h 03 par la Miramax. Le film obtint alors le Prix spécial du Jury, puis le Golden Globe et l’Oscar du meilleur film en langue étrangère, parmi de nombreuses autres récompenses.

    Un pot de fleurs face à la mer dans un appartement. Le vent qui agite les rideaux. Et la musique de Morricone. Ainsi commence Cinema Paradiso qui, par ce simple plan, déjà, nous ensorcelle par ses parfums de nostalgie. Puis, c’est le coup de fil de la mère de Salvatore qui essaie de le joindre depuis la Sicile. Il ne répond pas. « Il est trop occupé. Il y a bien 30 ans qu'il ne vient plus nous voir …» remarque la sœur de ce dernier. « Il se souviendra. Il se souviendra, j'en suis sûre… » rétorque sa mère. Sa compagne du moment transmet le message à Salvatore. Le message suivant :  « Un certain Alfredo est mort. Demain, c'est son enterrement. »

    Avec la mort d’Alfredo, incarné par Philippe Noiret, pour Salvatore di Vitta (Jacques Perrin), cinéaste reconnu, c'est tout un pan du passé qui s'écroule et qui, subitement, rejaillit dans sa vie. On l’appelait Toto a l'époque. Il partageait son temps libre entre l'office où il était enfant de chœur et la salle de cinéma paroissiale, en particulier la cabine de projection où régnait Alfredo.

    Les souvenirs de Salvatore nous ramènent alors en 1954. Dans un village de Sicile, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, Toto, petit garçon facétieux et malin, fou de cinéma, orphelin d’un père qui "ressemblait à Clark Gable", passe son temps à perturber le projectionniste de la salle paroissiale, le Paradiso, avant de devenir son ami, et même son assistant et remplaçant dans la cabine de projection. Alfredo était aussi employé par la paroisse pour couper les scènes trop osées ou en tout cas considérées comme telles à l’époque, quand ne serait-ce qu’un simple baiser constituait déjà une atteinte à la pudeur.  L'histoire de cette salle de cinéma, véritable personnage du film, se confond alors avec celle de Salvatore.

    Une véritable amitié se noue entre le petit garçon turbulent et le vieux bougon autour de leur passion commune pour le cinéma. Le premier va s’assagir et le second va s’adoucir et dévoiler toute sa générosité et tendresse devenant le père de substitution du petit garnement. Lors d’un immense incendie qui ravage le cinéma, Toto sauve Alfredo des flammes. « Comment je fais moi si t’es pas là… » dira ainsi Alfredo, bouleversé et bouleversant.  Alfredo devenu aveugle, Toto le remplace puis le seconde dans ce qui est devenu le Nuovo Cinema Paradiso, reconstruit par un riche mécène.  Toto croise alors Elena, fille d’une famille bourgeoise. Il en tombe fou amoureux et après de nombreux efforts, malgré l’opposition de sa famille, son amour se révèle réciproque.

    Alfredo demande ensuite à Toto de partir de leur village sicilien et de ne jamais revenir. « Va-t-en retourne à Rome. Je ne veux plus t'entendre parler. Je veux juste entendre parler de toi. Ne reviens plus. Ne te laisse pas envahir par la nostalgie. Et si tu ne résistes pas ne viens pas me voir. Je ne te laisserai pas entrer. Quel que soit le métier que tu choisiras, aime-le comme tu as aimé la cabine du Paradiso quand tu étais petit. » Il partira alors pour Rome et y restera 30 ans sans revenir, sans avoir revu Elena qu’il avait attendue et cherché en vain. Le destin, un concours de circonstances et Alfredo les auront séparés.  Quand il revient pour les obsèques d’Alfredo, il se remémore alors son passé et cet amour qu’il n’a jamais oublié…et qu’il croit reconnaître. « Après toutes ces années, je croyais que j'étais devenu plus fort et que j'avais oublié des tas de choses mais en fait je retrouve tout comme avant comme si je n'étais jamais parti. »

    Le cinéma a fermé ses portes, et va être dynamité pour devenir un parking. L’histoire de Cinema Paradiso est aussi celle de l’histoire de la salle de cinéma, ce paradis anéanti par de nouvelles habitudes et de nouveaux loisirs, et par la télévision. C’est la fin d’une époque, celle où il n’y avait pas de télévision chez soi, quand le cinéma concentrait tous les désirs, toute la fièvre d'un village, celle d’un cinéma fédérateur, véritable temple, avant la désaffection des salles dans les années 80.

    Après la mort d'Alfredo, Salvatore récupérera un cadeau rempli d’amour(s) :  toutes les séquences interdites qu’Alfred a soigneusement collées les unes après les autres « Le feu se termine toujours en cendres. Même les plus grandes histoires d'amour se terminent. Et après, il y en a d'autres qui naissent. Tandis que Toto n'a qu'un seul avenir devant lui. » avait dit Alfredo à Elena. La vie et les amours périclitent. Mais le cinéma les rend éternels...

    Que serait ce film sans sa magnifique distribution ? Salvatore Cascio puis Marco Leonardi qui incarnèrent Toto enfant puis adolescent. Mais surtout Jacques Perrin qui apparaît peu à l’écran mais dont la présence puissante et lumineuse procure toute sa force mélancolique au film. Que d’expressions sur son visage  ! La bonté, la nostalgie, l’amour, et l’enfance qui semble toujours là, si prégnante, et qui illumine son visage d'une douce innocence. Comment ne pas fondre quand il dit « Mais je ne t'ai jamais oubliée Elena » ? D’ailleurs, je me demande si le choix de ce prénom dans le scénario de Giuseppe Tornatore n’était pas un hommage au Dernier métro de Truffaut. J'ai alors pensé à cette réplique du film de Truffaut :

     Est-ce que l'amour fait mal?

    - Oui, ça fait mal. [...] Tu es belle, Héléna. Quand je te regarde, c'est une souffrance.

    - Hier, vous disiez que c'était une joie.

    - C'est une joie et une souffrance.

    L'inoubliable musique d’Ennio Morricone vient renforcer toute la poésie mélancolique qui se dégage du film et du visage de Jacques Perrin. De ce "rêve merveilleux" comme Elena qualifiera son histoire d'amour avec Salvatore. Un rêve merveilleux, comme l'est le cinéma...Cinema Paradiso, c'est le récit nostalgique d'une époque révolue. Une ode au rêve. A la puissance du cinéma à laquelle le film par ses nombreux extraits de classiques rend le plus beau des hommages. Mais aussi par ce dernier plan sur le visage de Jacques Perrin qui, par le pouvoir magique du 7ème art, retrouve les émotions de son enfance et le message d'amour que lui envoie Alfredo, par-delà la mort. Un parfum d'éternité. Le cinéma est décidément un paradis. Celui des vivants. Peut-il y avoir plus belle invention que celle qui nous permet d' accéder vivants à ce paradis ? Comment ne pas aimer un film dont toute l'histoire traduit ainsi la magie du cinéma ?

    Je vous laisse reconnaître les nombreux films dont figurent des extraits : L’Ange bleu de Josef von Sternberg, Les Lumières de la ville et Les Temps modernes et La Ruée vers l’or de Charlie Chaplin,  Autant en emporte le vent de Victor Fleming , Casablanca de Michael Curtiz , Gilda de Charles Vidor, La chevauchée fantastique de John Ford, Et Dieu créa la femme de Roger Vadim, Les Chemins de la haute ville de Jack Clayton…et beaucoup d’autres. Un voyage dans l’histoire du cinéma, un édifice impressionnant auquel ce film s’ajoute. Tout aussi incontournable !

  • Compte-rendu et palmarès du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2022 : la joyeuse valse des émotions

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    Selon Emmanuel Kant, « la musique est la langue des émotions ». Le Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule qui met à l’honneur 7ème art, compositeurs et bandes originales est la parfaite incarnation de cette citation. A l’image de la plus longue plage d’Europe qui lui sert d’idyllique décor, depuis 8 ans, ce festival, créé par Sam Bobino et Christophe Barratier, nous emporte en effet dans une valse d’émotions réconfortantes, chaleureuses et doucement enivrantes. Cette année, pour sa 8ème édition (déjà !), ce fut plus que jamais le cas. Ayant assisté à chacune d'entre elles depuis la première, je constate avec plaisir que cet évènement gagne chaque année en ampleur et notoriété sans rien perdre de sa convivialité, et qu’il devient un des incontournables de l’année. C’est par ailleurs un festival accessible à tous qui entend le demeurer. Comme pour toute valse, lorsque la musique s’arrête, elle vous laisse alors joyeusement désorienté. Retour sur ces cinq jours de griserie cinématographique.

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    Il y a toujours, cette seconde, haletante, et vaguement inquiétante, qui précède le premier plan d'un film, la plongée dans une histoire inconnue, même si les éléments qui la composent ne le sont pas totalement. La sensation est un peu la même avant de m’immerger dans un festival dont je connais la thématique du voyage mais sans savoir où il me conduira, quelles péripéties il me réserve, quelles émotions vont m’y étreindre, quels en seront les personnages. Quoiqu’il en soit, une joyeuse impatience est toujours au rendez-vous. A fortiori à La Baule. Et vous l’aurez compris : cette édition ne fut pas avare d’émotions qui s'ajouteront à celles des 7 précédentes éditions, procurées par tant de films découverts dans le cadre de ce festival aussi, souvent les meilleurs de l’année parmi lesquels Paterson, À peine j’ouvre les yeux, Tanna, Le Prophète, Demain tout commence, Born to be blue, Jalouse, L’attente, Mr. Turner, Carole Matthieu, Tout nous sépare, Guy, La tortue rouge, Les hirondelles de Kaboul et, rien que pour l’année 2019, en compétition, sans doute les meilleurs films de l’année (Les Éblouis, J’ai perdu mon corps, La Belle époque, La dernière vie de Simon, La nuit venue, Lola vers la mer)…et tant d’autres et aussi de nombreux documentaires comme Abdel Rahman El Bacha - Un piano entre Orient et Occident, ou encore des courts-métrages. Sans oublier des master class et les concerts mémorables de Francis Lai, Michel Legrand et Gabriel Yared (dont je vous invite à lire mon récit de la master class donnée au cinéma Le Balzac le mois dernier), l’inoubliable concert de Vladimir Cosma. Ou encore celui de Philippe Sarde l’an passé.

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    Que serait la vie sans musique, sans la mer, sans le cinéma ?! Un ersatz d’existence, non ?  A La Baule, ces trois-là s'enlacent et s'entrelacent. Passionnément. Comme sur l’affiche de cette 8ème édition du festival (de l'artiste franco-Argentine Carolina Spielmann).

    Au programme cette année : 35 projections dont 6 long-métrages en compétition que devait départager le jury présidé par Alexandre Astier, 6 courts-métrages en compétition, des films pour le jeune public, 4 passionnantes master class, des documentaires musicaux, des films classiques dans le cadre de l’hommage à Alexandre Desplat, invité d’honneur avec un concert  sous la direction musicale de Solrey avec le Traffic quintet et Alexandre Desplat lui-même, mais aussi, dans le cadre de l’hommage à Ennio Morricone et Jacques Perrin, un ciné-plage consacré à Cinema Paradiso.

    ENNIO MORRICONE…et GIUSEPPE TORNATORE

    1/ CINEMA PARADISO de GIUSEPPE TORNATORE

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    L’ombre du géant Morricone a d’ailleurs plané sur cette édition et lui a insufflé son souffle lyrique. Les festivaliers, à l’occasion d’une projection sur la plage, ont ainsi pu revoir le célèbre film de Giuseppe Tornatore.

    Une idée d’autant plus judicieuse que cette projection a été aussi l’occasion de rendre hommage au grand acteur et producteur qu’était Jacques Perrin à qui le festival avait d’ailleurs attribué un Ibis d’or d’honneur, en 2018.

    Je n’avais pas revu ce film depuis mon enfance. Simplement me souvenais-je de ce lieu suintant de vie et de chaleur, au cœur de la Sicile, où se trouve le Cinema Paradiso, du lien si touchant entre Toto et d’Alfredo, de ces extraits de films qui transpirent la passion du cinéma. Et qu’il m’avait bouleversée.  Avec le recul des années, l’émotion fut encore plus forte. Les thèmes évoqués ont pris une tout autre résonance parce que ce que l’enfance laissait deviner, l’âge adulte a permis de l’expérimenter. La nostalgie. La mélancolie. L’écoulement du temps qui emporte tout, même les êtres chers. Mais c’est aussi tout ce que le cinéma, par son pouvoir magique, peut rendre éternel. Et tout ce que ce même temps dévoreur n’emporte pas : les rêves. Parce que Cinéma Paradiso est avant tout cela, une déclaration d’amour fou au cinéma. A sa capacité à procurer à tout ce qui est éphémère des accents d’éternité. Le cinéma, dans ce film, est plus que jamais une fenêtre ouverte sur les rêves, ceux qui bercent d’illusions réconfortantes. Comme celles de cette histoire qu’Alfredo raconte à Toto, cet homme qui promet d’attendre la femme qu’il aime sous sa fenêtre 100 nuits et qui renonce à la 99ème. Comme le dit Alfredo, « La vie, c'est pas ce que tu as vu au cinéma. La vie c'est plus difficile que ça. » Oui, mais il y a le cinéma pour l’adoucir, l’éclairer, en sublimer les sentiments et transcender les émotions. Pour rêver d’une autre vie, pour s’identifier à d’autres destins, ceux projetés sur l’écran. Et pour croire à l'impossible, envers et contre tout.

    Sunset Boulevard de Billy Wilder. Eve et La Comtesse aux pieds nus de Mankiewicz. Chantons sous la pluie de Stanley Donen et Gene Kelly. Les Ensorcelés de Minelli. The Artist d’Hazanavicius, La La Land de Damien Chazelle. 8 ½ de Fellini. Les grands films sur le cinéma ne manquent pas. Cinéma Paradiso ne dénote bien sûr pas dans cette liste. Je vous parle aujourd’hui de la version director’s cut de 2H35 dont la dernière partie évoque l’amour de jeunesse de Toto (incarné alors par Brigitte Fossey, coupée dans les autres versions.) La version originale de 173 minutes avait en effet été classifiée défavorablement lors de sa présentation au comité de censure italien en 1989. Le film fut donc écourté pour sa sortie en salle. En 2002 sortait la version « Director's cut ». Cinema Paradiso eut en effet trois versions différentes. Lors de la sortie initiale en 1988 en Italie, le film durait 2 h 35. Pour le Festival de Cannes 1989, la durée fut ramenée à 2 h 03 par la Miramax. Le film obtint alors le Prix spécial du Jury, puis le Golden Globe et l’Oscar du meilleur film en langue étrangère, parmi de nombreuses autres récompenses.

    Un pot de fleurs face à la mer dans un appartement. Le vent qui agite les rideaux. Et la musique de Morricone. Ainsi commence Cinema Paradiso qui, par ce simple plan, déjà, nous ensorcelle par ses parfums de nostalgie. Puis, c’est le coup de fil de la mère de Salvatore qui essaie de le joindre depuis la Sicile. Il ne répond pas. « Il est trop occupé. Il y a bien 30 ans qu'il ne vient plus nous voir …» remarque la sœur de ce dernier. « Il se souviendra. Il se souviendra, j'en suis sûre… » rétorque sa mère. Sa compagne du moment transmet le message à Salvatore. Le message suivant :  « Un certain Alfredo est mort. Demain, c'est son enterrement. »

    Avec la mort d’Alfredo, incarné par Philippe Noiret, pour Salvatore di Vitta (Jacques Perrin), cinéaste reconnu, c'est tout un pan du passé qui s'écroule et qui, subitement, rejaillit dans sa vie. On l’appelait Toto a l'époque. Il partageait son temps libre entre l'office où il était enfant de chœur et la salle de cinéma paroissiale, en particulier la cabine de projection où régnait Alfredo.

    Les souvenirs de Salvatore nous ramènent alors en 1954. Dans un village de Sicile, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, Toto, petit garçon facétieux et malin, fou de cinéma, orphelin d’un père qui "ressemblait à Clark Gable", passe son temps à perturber le projectionniste de la salle paroissiale, le Paradiso, avant de devenir son ami, et même son assistant et remplaçant dans la cabine de projection. Alfredo était aussi employé par la paroisse pour couper les scènes trop osées ou en tout cas considérées comme telles à l’époque, quand ne serait-ce qu’un simple baiser constituait déjà une atteinte à la pudeur.  L'histoire de cette salle de cinéma, véritable personnage du film, se confond alors avec celle de Salvatore.

    Une véritable amitié se noue entre le petit garçon turbulent et le vieux bougon autour de leur passion commune pour le cinéma. Le premier va s’assagir et le second va s’adoucir et dévoiler toute sa générosité et tendresse devenant le père de substitution du petit garnement. Lors d’un immense incendie qui ravage le cinéma, Toto sauve Alfredo des flammes. « Comment je fais moi si t’es pas là… » dira ainsi Alfredo, bouleversé et bouleversant.  Alfredo devenu aveugle, Toto le remplace puis le seconde dans ce qui est devenu le Nuovo Cinema Paradiso, reconstruit par un riche mécène.  Toto croise alors Elena, fille d’une famille bourgeoise. Il en tombe fou amoureux et après de nombreux efforts, malgré l’opposition de sa famille, son amour se révèle réciproque.

    Alfredo demande ensuite à Toto de partir de leur village sicilien et de ne jamais revenir. « Va-t-en retourne à Rome. Je ne veux plus t'entendre parler. Je veux juste entendre parler de toi. Ne reviens plus. Ne te laisse pas envahir par la nostalgie. Et si tu ne résistes pas ne viens pas me voir. Je ne te laisserai pas entrer. Quel que soit le métier que tu choisiras, aime-le comme tu as aimé la cabine du Paradiso quand tu étais petit. » Il partira alors pour Rome et y restera 30 ans sans revenir, sans avoir revu Elena qu’il avait attendue et cherché en vain. Le destin, un concours de circonstances et Alfredo les auront séparés.  Quand il revient pour les obsèques d’Alfredo, il se remémore alors son passé et cet amour qu’il n’a jamais oublié…et qu’il croit reconnaître. « Après toutes ces années, je croyais que j'étais devenu plus fort et que j'avais oublié des tas de choses mais en fait je retrouve tout comme avant comme si je n'étais jamais parti. »

    Le cinéma a fermé ses portes, et va être dynamité pour devenir un parking. L’histoire de Cinema Paradiso est aussi celle de l’histoire de la salle de cinéma, ce paradis anéanti par de nouvelles habitudes et de nouveaux loisirs, et par la télévision. C’est la fin d’une époque, celle où il n’y avait pas de télévision chez soi, quand le cinéma concentrait tous les désirs, toute la fièvre d'un village, celle d’un cinéma fédérateur, véritable temple, avant la désaffection des salles dans les années 80.

    Après la mort d'Alfredo, Salvatore récupérera un cadeau rempli d’amour(s) :  toutes les séquences interdites qu’Alfred a soigneusement collées les unes après les autres « Le feu se termine toujours en cendres. Même les plus grandes histoires d'amour se terminent. Et après, il y en a d'autres qui naissent. Tandis que Toto n'a qu'un seul avenir devant lui. » avait dit Alfredo à Elena. La vie et les amours périclitent. Mais le cinéma les rend éternels...

    Que serait ce film sans sa magnifique distribution ? Salvatore Cascio puis Marco Leonardi qui incarnèrent Toto enfant puis adolescent. Mais surtout Jacques Perrin qui apparaît peu à l’écran mais dont la présence puissante et lumineuse procure toute sa force mélancolique au film. Que d’expressions sur son visage  ! La bonté, la nostalgie, l’amour, et l’enfance qui semble toujours là, si prégnante, et qui illumine son visage d'une douce innocence. Comment ne pas fondre quand il dit « Mais je ne t'ai jamais oubliée Elena » ? D’ailleurs, je me demande si le choix de ce prénom dans le scénario de Giuseppe Tornatore n’était pas un hommage au Dernier métro de Truffaut. J'ai alors pensé à cette réplique du film de Truffaut :

     Est-ce que l'amour fait mal?

    - Oui, ça fait mal. [...] Tu es belle, Héléna. Quand je te regarde, c'est une souffrance.

    - Hier, vous disiez que c'était une joie.

    - C'est une joie et une souffrance.

    L'inoubliable musique d’Ennio Morricone vient renforcer toute la poésie mélancolique qui se dégage du film et du visage de Jacques Perrin. De ce "rêve merveilleux" comme Elena qualifiera son histoire d'amour avec Salvatore. Un rêve merveilleux, comme l'est le cinéma...Cinema Paradiso, c'est le récit nostalgique d'une époque révolue. Une ode au rêve. A la puissance du cinéma à laquelle le film par ses nombreux extraits de classiques rend le plus beau des hommages. Mais aussi par ce dernier plan sur le visage de Jacques Perrin qui, par le pouvoir magique du 7ème art, retrouve les émotions de son enfance et le message d'amour que lui envoie Alfredo, par-delà la mort. Un parfum d'éternité. Le cinéma est décidément un paradis. Celui des vivants. Peut-il y avoir plus belle invention que celle qui nous permet d' accéder vivants à ce paradis ? Comment ne pas aimer un film dont toute l'histoire traduit ainsi la magie du cinéma ?

    Je vous laisse reconnaître les nombreux films dont figurent des extraits : L’Ange bleu de Josef von Sternberg, Les Lumières de la ville et Les Temps modernes et La Ruée vers l’or de Charlie Chaplin,  Autant en emporte le vent de Victor Fleming , Casablanca de Michael Curtiz , Gilda de Charles Vidor, La chevauchée fantastique de John Ford, Et Dieu créa la femme de Roger Vadim, Les Chemins de la haute ville de Jack Clayton…et beaucoup d’autres. Un voyage dans l’histoire du cinéma, un édifice impressionnant auquel ce film s’ajoute. Tout aussi incontournable ! Rendez-vous sur la plage de La Baule le 1er juillet pour le (re)découvrir dans des conditions exceptionnelles.

    2/ ENNIO de GIUSEPPE TORNATORE

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    Si l’ombre de Morricone a plané sur ce festival, c’est aussi parce qu’y fut projeté en avant-première le documentaire fleuve de Giuseppe Tornatore : Ennio. 2H36 absolument captivantes ! Présenté à la Mostra de Venise 2021, ce documentaire en salles le 6 juillet est un périple savoureux et passionnant dans la carrière et la vie de Morricone mais aussi dans l’histoire du cinéma qu’il a tant marquée de son empreinte. Là aussi, j’y reviendrai, mais je ne peux que d’ores et déjà vous recommander vivement de découvrir ce documentaire, absolument incontournable pour qui aime la musique de film et le cinéma. Il retrace le parcours du compositeur né en 1928 à Rome et qui, à l’âge de 8 ans, rêvait de devenir médecin. Son père en décide autrement : il sera trompettiste, comme lui. Quelle émotion de réentendre toutes ses musiques et de voir ces extraits de film qu’elles ont sublimés. Sa première composition pour Tornatore fut pour Cinema Paradiso en 1988, qui remporta alors l’Oscar du Meilleur film en langue étrangère et le Grand Prix au 42ème Festival de Cannes. Pour ce film, Morricone reçut le BAFTA de la Meilleure musique originale, avec son fils, Andrea, co-compositeur. Il a aussi signé la musique de neuf autres films de Tornatore. Quelques notes suffisent pour identifier la musique de celui qui a signé plus de 500 bandes originales. Le documentaire nous permet d’entrer dans l’âme et les secrets du créateur par le truchement d’une longue interview de Giuseppe Tornatore et de nombreux témoignages qui auront nécessité 5 années de travail parmi lesquels ceux de Bernardo Bertolucci, Guiliano Montaldo, Marco Bellocchio, Dario Argento, les frères Taviani, Luca Verdone, Barry Levinson, Roland Joffé, Clint Eastwood, Oliver Stone, Quentin Tarantino Wong Kar Wai, Hans Zimmer, Bruce Springsteen. Tornatore, qui a travaillé 25 ans avec Ennio Morricone, sonde les mystères de la création, de sa passion pour les échecs à sa volonté constante d’expérimenter. Plus qu’un film, Ennio se regarde comme un spectacle constitué d’extraits des films, d’images d’archives, de concerts. Ces entretiens sont entrecoupés de fragments de vie privée de Morricone, des captations de ses tournées, des extraits de films, d’entretiens d’amis et de collaborateurs, et d’archives inédites sur une carrière qui s’étend sur plus de 70 ans. Morricone a inspiré de nombreux musiciens, des compositeurs de bandes originales de films aux groupes de rock, de Hans Zimmer, John Williams, Dire Straits à Muse, Metallica et Radiohead. Le film contient nombre de moments forts comme le tournage d’Il était une fois en Amérique lors duquel De Niro joue sur un plateau inondé de musique, ou lorsque l’on découvre comme les lettres de Bach se dissimulent derrière la musique du Clan des Siciliens, ou encore comment il a orchestré instruments et influences pour créer la bande originale de Mission ou encore lorsqu’il  fredonne un air a capella. On découvre aussi sa fascination par Stravinsky, ou comment il va user d’audaces dans ses partitions et arrangements pour créer des sonorités inédites. Ennio Morricone ne sera pourtant récompensé d’un Oscar qu’en 2016 (à 87 ans !) pour les Huit salopards de Quentin Tarantino, même si, en 2007, lui avait été décerné un Oscar pour l’ensemble de sa carrière. Il regrette de n’avoir jamais travaillé avec Stanley Kubrick, qui était pourtant si mélomane. Morricone décortique les secrets de ses créations. Tornatore lui rend le plus beau des hommages en mettant en valeur l’incroyable  richesse de sa carrière dont il réhabilite aussi la diversité. Celle-ci ne se réduit en effet pas aux musiques de son camarade d’école Leone (aussi majestueuses et inoubliables soient-elles) mais on y trouve aussi des BO des films de  : Henri Verneuil, John Boorman, Terrence Malick, Bertolucci,Lautner, Deray, Friedkin, De Palma, Joffé, Almodovar, Carion, Tarantino et tant d'autres. Tornatore rend hommage à son incroyable audace, inventivité et originalité comme lorsqu’il mêle les instruments électriques aux instruments des orchestres symphoniques ou en ajoutant des sonorités bruitistes ou des la voix humaines  C’est plus passionnant et pédagogique que n’importe quel cours de musique. On en ressort en ayant envie d’écouter encore et encore ses musiques, de revoir les films pour lesquels il les a composées, de les redécouvrir différemment, et de regarder ceux à côté desquels nous serions passés.  C’est peut-être Bruce Springsteen qui définit le mieux sa musique en évoquant la « très profonde émotion » qu’elle procure et que nous procure aussi ce documentaire dont on ressort étourdi de musiques et de beauté… Encore la fameuse valse des émotions !

    COUP DE PROJECTEUR

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    4 longs-métrages étaient projetés dans la section « Coup de projecteur » : Ninja baby de Yingvild Sve Flikke, Flee de Jonas Poher Ramussen, After Yang de Koganada et I love Greece de Nafsika Guerry-Karamaounas. Le lauréat du prix Coup de projecteur 2022 Universciné est Flee de Jonas Poher Ramussen. Quelques mots sur mes deux coups de cœur de cette section : I love Greece de Nafsika Guerry-Karamounas et le film lauréat, absolument bouleversant, à voir absolument.

    Retrouvez également le corner La Baule 2022 sur Universciné, avec une programmation spéciale en lien avec le festival.

    1/ I LOVE GREECE de NAFSIKA GUERRY-KARAMOUNAS

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    Ce premier long-métrage nous emmène dans les Cyclades. Jean et Marina, un couple franco-grec, partent à Athènes pour les vacances d’été. Ils y retrouvent l’exubérante famille de Marina et une Grèce en crise. Alors qu’ils projettent de passer quelques jours en amoureux sur une petite île des Cyclades, toute la famille décide de les accompagner. Rien ne se passera comme prévu sous les feux de l’Attique…

    Dans ce film à la riche palette d’émotions, le rire se teinte constamment de mélancolie et inversement. Nafsika Guerry-Karamounas met en scène avec talent la fervente âme grecque, notamment grâce à un scénario ciselé coécrit avec Chloé Larouchi qui nous emmène, comme la Grèce, dans des émotions que l’on n’attendait pas forcément. Des émotions impétueuses. Vincent Dedienne et Stacy Martin en expriment brillamment tous les excès et nuances. Pour le premier, tout tourne autour de son travail et de son mal-être. Il est à la fois exaspérant et égocentrique, et se révèle finalement fragile. La crise que le couple traverse est comme un écho à celle que connaît la société grecque qui s’immisce jusque dans leur couple. Comme dans Le Guépard où « il faut que tout change pour que rien ne change », ici il faut que tout vole en éclats pour prendre un nouveau départ. Les personnages sont aussi iconoclastes, fantasques que touchants. Un film qui mêle les genres avec habileté et qui palpite : de vie, d’énergie, de rires, de larmes. Le tout porté par la très belle musique de Camille El Bacha. Un voyage dans les Cyclades que je vous recommande donc.

    Et puis, je ne peux pas ne pas évoquer cette magnifique scène sur la danse de l’aigle…une danse qui m’émeut tout particulièrement et que je connais bien au point d’en avoir fait un point central de mon roman Les Embrasés (qui se déroule dans les Cyclades, finaliste du Prix du Livre Romantique 2019) et de ma nouvelle Le premier été du reste de notre vie (qui se déroule à Corfou, Editions J’ai Lu, recueil de nouvelles Allô maman ?!). Cette danse qui s’appelle le Zeïbekiko est habituellement dansée par des hommes sur une musique de Rebetiko, une sorte de transe, pour moi une danse de l’âme qui donne lieu à une très belle scène du film.

    2/ FLEE de JONAS POHER RAMUSSEN

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    Pour la première fois, Amin, 36 ans, un jeune réfugié afghan homosexuel, accepte de raconter son histoire. Allongé les yeux clos sur une table recouverte d’un tissu oriental, il replonge dans son passé, entre innocence lumineuse de son enfance à Kaboul dans les années 1980 et traumatismes de la fuite de sa famille pendant la guerre civile, avant la prise du pouvoir par les talibans. Après des années de clandestinité en Russie, Amin – un pseudonyme – arrive seul à 16 ans au Danemark, où il rencontre le réalisateur qui devient son ami. Au fil de son récit et des douleurs enfouies, l’émotion resurgit. Aujourd’hui universitaire brillant installé avec son compagnon danois Kasper, le jeune homme confie un secret qu'il cachait depuis vingt ans.

    Ce film d’animation a cumulé les récompenses, à juste titre. Il a notamment gagné le Cristal du long-métrage au festival d'Annecy 2021 et figurait parmi les films de la sélection officielle du Festival de Cannes 2020.  Une histoire vraie racontée avec beaucoup de pudeur alternant les images d’animation et les images d’archives réelles pour souligner la dimension documentaire et les turbulences de l’Histoire. A 36 ans, Amin est désormais universitaire au Danemark où il vit en couple avec un homme. Il « s’est toujours senti un peu différent des autres » parce que, « en Afghanistan, l’homosexualité n’existe pas ». Il a accepté de se confier pour la première fois sur son passé (réel) à son ami réalisateur mais il ne souhaitait pas montrer son visage. Le film se compose ainsi de dessins plus ou moins réalistes. Ainsi, lorsqu’il se souvient moins bien ou lorsqu’il s’agit de souvenirs trop âpres ou violents, les dessins sont alors simplement griffonnés et brouillons mais il s'agit alors aussi d’images d'archives en prises de vue réelles. La musique joue une place centrale pour susciter l’émotion là où le récit est dénué de sentimentalisme, la violence à laquelle est confrontée Amin n’étant jamais ouvertement montrée. Quand il raconte son enfance dans une ville de Kaboul encore libre entre les posters de Van Damne, des tubes d’alors, notamment de a-Ha, l'accompagnent. Les moments de musique sont des invitations aux rêves et des portes ouvertes sur son imaginaire. Une autre fuite. A la prise de pouvoir des moudjahidine, son père est arrêté, le gouvernement le voyant alors « comme une menace pour le parti communiste ». Et la violence s’immisce dans son quotidien d’enfant. A partir de là, il faudra fuir pour survivre. Ce film universel et poignant permet à cet homme hanté par son passé gardé secret jusque-là de s’en libérer. L’émotion est d’autant plus présente qu’il entre en résonance avec l’actualité, celle connue par d’autres réfugiés, mais aussi avec le retour des Talibans au pouvoir en Afghanistan. Là où dans une actualité et un zapping carnassier, une information tragique en chasse tristement une autre, Flee, avec beaucoup de subtilité, force en douceur notre regard à s’y attarder. Poignant et indispensable.

     Flee est disponible en replay sur Arte.tv jusqu'au 28 juillet.

    FILMS EN COMPETITION

    Le jury présidé par Alexandre Astier, entouré de des actrices Mélanie Doutey, Anne Parillaud, Pascale Arbillot et de l'acteur et réalisateur Pascal Elbé a dû départager les 6 films suivants : La petite bande de Pierre Salvadori, Pétaouchnok d’Edouard Deluc, Maria rêve de  Laurianne Escaffre et Yvonnick Muller, Le petit Nicolas (Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux ?) d'Amandine Freudon et Benjamin Massoubre et Citoyen d’honneur de Mohamed  Hamidi.

    Les films de cette compétition se sont avant tout distingués par leurs musiques mais aussi par des comédiens, particulièrement remarquables et engagés dans leurs interprétations. Par ailleurs, ces films mettaient souvent en scène des personnages indécis, immatures, en quête de sens, de nouveau souffle et de rêve. Le sens, le nouveau souffle et le rêve : tout ce qu’apporte finalement la bonne musique, non ?

    1/ MARIA RÊVE de LAURIANE ESCAFFRE et YVONNICK MULLER

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     Ce film est mon coup de cœur de cette compétition, lauréat du Grand Prix du public du Festival de Cabourg 2022. Maria (Karine Viard) est femme de ménage. Mariée depuis 25 ans, réservée, timide et maladroite, elle ne quitte jamais son carnet à fleurs dans lequel elle écrit des poèmes en secret. Lorsqu’elle est affectée à l'École des Beaux-Arts, elle rencontre Hubert (Grégory Gadebois), le gardien fantasque de l'école, et découvre un lieu fascinant où règnent la liberté, la créativité et l'audace... Dans ce monde si nouveau, Maria, qui a toujours été dévouée et discrète, va-t-elle enfin se laisser envahir par la vie ?

    Ce film est d’une infinie délicatesse, jusque dans la musique et les couleurs qui l’auréolent. Il est porté par les prestations tout en nuances de Grégory Gadebois et Karin Viard qui forment un couple d’une belle évidence. Au contact de l’art et grâce à l’amour de ce dernier, un gardien, secret, discret mais solaire qui se déhanche sur Elvis Presley, Maria va apprendre à conduire sa vie, à s’émanciper, à donner corps (dans tous les sens du terme) à ses rêves et par la même nous donne envie de croire en tous les possibles de l’existence, quels que soient l’âge et les circonstances. Le tout dans le décor magique des Beaux-Arts baigné comme tout ce film, d’une grande douceur et de poésie. Une bouffé d’optimisme qui fait un bien fou.  Je vous en parlerai plus longuement lors de sa sortie prévue le 28 septembre 2022.

    2/ UNE COMEDIE ROMANTIQUE de THIBAULT SEGOUIN

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    Après avoir disparu du jour au lendemain, César (Alex Lutz) réapparaît dans la vie de Salomé (Golshifteh Farahani) et découvre qu’il est le père d’une petite fille de 3 ans. Cette fois-ci, il va tout faire pour être à la hauteur de leur histoire.
    Une comédie romantique est le premier long métrage de Thibault Segouin qui avait notamment travaillé sur le scénario du remarquable Guy de et avec Alex Lutz qui tient ici le rôle masculin principal, celui d’un éternel adolescent, indécis pathologique, rêveur et menteur invétéré. Avec ses couleurs acidulées (photographie de Marie Demaison), sa musique ensorcelante, sa fantaisie douce, son Paris de carte postale, ce film tient les promesses de son titre tout en détournant les codes notamment lors de son dénouement. L’amoureuse (faussement) en colère est magistralement interprétée par Golshifteh Farahani dont on découvre que la comédie lui sied aussi bien le drame. Elle a d’ailleurs reçu le prix d’interprétation de cette édition. Ajoutez à cela la BO très réussie de François Villevieille et vous obtiendrez une tendre comédie à découvrir en salle, le 5 octobre 2022.

    4 /PETAOUCHNOK de EDOUARD DELUC

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    Au fin fond des Pyrénées, deux précaires (interprétés par Pio Marmaï et Philippe Rebbot), amis devant l’éternel, ont l’idée du siècle pour se sortir de la galère : lancer une chevauchée fantastique, à travers la montagne, pour touristes en mal de nature, de silence, d’aventure.  Le jury présidé par Alexandre Astier a attribué (à l'unanimité) le Prix du meilleur film de l’édition 2022 du festival à cette comédie dans l’air du temps, un parcours initiatique qui glorifie le retour à la nature et le temps donné au temps, prétexte à des situations ubuesques et à brosser toute une galerie de personnages en quête d’ailleurs et de repères. La réussite provient avant tout de l’interprétation de Philippe Rebbot, doux rêveur excentrique et Pio Marmaï, prêt à tous les mensonges et excentricités pour récupérer sa femme et sa fille. Comme la majorité des films de cette compétition, un feel good movie porté la musique, en l’occurrence celle du groupe folk rock français Herman Dune. A découvrir en salle le 9 novembre 2022

    4/CITOYEN D’HONNEUR de Mohamed Hamidi

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    Samir Amin (Kad Merad) est un écrivain comblé, Prix Nobel de littérature, qui vit à Paris, loin de son pays natal, l'Algérie. Il refuse systématiquement toutes les invitations qui lui sont faites. Jusqu'au jour où il décide d'accepter d'être fait « Citoyen d'honneur » de Sidi Mimoun, la petite ville où il est né. Mais est-ce vraiment une bonne idée que de revoir les habitants de cette ville, qui sont devenus, d'année en année, les personnages de ses différents romans ?

    Le principal atout de ce film est l’interprétation désopilante de  Fatsah Bouyahmed dans le rôle de Miloud en autochtone prêt à tout pour satisfaire le « citoyen d’honneur ». Dommage que le thème du "pillage de la réalité" et du détournement de celle-ci pour la création d'une œuvre (en l'occurrence littéraire) et de la volontaire  confusion entre fiction et réalité ne soit pas davantage exploité. Dans La vache, le précèdent film du cinéaste, il s'agissait d'un paysan algérien décidé à rejoindre la France avec sa vache pour participer au salon de l'Agriculture à Paris. L'écrivain effectue ici le chemin inverse. Cinq ans après la sortie du long-métrage argentin El ciudadano ilustre de Gastón Duprat et Mariano Cohn, le cinéaste franco-algérien Mohamed Hamidi met en scène un remake, porté par la musique de Ibrahim Maalouf. En salle le 14 septembre 2022.

    Je rattraperai prochainement de deux autres lauréats, La petite bande de Pierre Salvadori et Le petit Nicolas (Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux ?) d'Amandine Freudon et Benjamin Massoubre dont je vous parlerai bien sûr également.

    AVANT-PREMIERES HORS COMPETITION

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    Parmi les avant-premières hors compétition ont été présentés, en ouverture,  Maestro(s) de Bruno Chiche (dont je vous parlerai également ultérieurement), Menteur de Olivier Baroux qui sort en salle le 14 juillet 2022, projeté en clôture, un remake d’une comédie d’Émile Gaudreault, et enfin  Rumba la vie de Franck Dubosc, son deuxième long-métrage après Tout le monde debout.  Il y incarne Tony, la cinquantaine, chauffeur d’autobus scolaire renfermé sur lui-même, vit seul après avoir abandonné femme et enfant vingt ans plus tôt. Bousculé par un malaise cardiaque, il trouve le courage nécessaire pour affronter son passé et s’inscrire incognito dans le cours de danse dirigé par sa fille, qu’il n’a jamais connue, dans le but de la (re)conquérir et de donner un sens à sa vie. Comme dans Tout le monde debout où son personnage, valide, se faisait passer pour handicapé, il recourt au mensonge pour affronter sa culpabilité et pour arriver à ses fins : se rapprocher de sa fille. En cela, il sera aidé de son ami Gilles (Jean-Pierre Darroussin), son collègue bienveillant et lunaire, et Fanny (Marie-Philomène Nga), sa voisine. Tony est bourré de préjugés. Pour lui, l’initiale F. sur la sonnette de sa voisine doit forcément signifier Fatou et toutes les personnes d'origine africaine connaissent forcément la Rumba congolaise. Dommage que le film n’aille pas plus loin dans la dénonciation des préjugés dont est pétri le personnage de Tony. Restent des scènes attendrissantes et une interprétation d’un médecin par Michel Houellebecq qui ajoute une salutaire touche d’absurde. Musique originale de Sylvain Goldberg et Matteo Locasciulli.

    ALEXANDRE DESPLAT

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    Cette huitième édition a ainsi comme chaque année rendu hommage à un compositeur invité : Alexandre Desplat qui succède ainsi à Francis Lai, Michel Legrand, Lalo Schifrin, Vladimir Cosma, Eric Serra, Gabriel Yared et Philippe Sarde les années précédentes ! Ce furent à chaque fois de grands moments de musique et d’émotion que je vous ai chaque année racontés ici, et cela même par le biais de la fiction.

    1/CONCERT

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    En plus de sa master class, Alexandre Desplat participait cette année à un concert hommage de clôture, dirigé par la cheffe d’orchestre et violoniste Solrey. Alexandre Desplat, digne héritier des compositeurs français consacrés par Hollywood a déjà écrit les partitions de plus de 200 films et a été célébré́ par 2 Oscars, 2 Golden  Globes, 3 Césars, 3 Baftas, 2 Grammys...La liste des cinéastes avec lesquels il a collaboré est longue : Terrence Malick, Jacques Audiard, Stephen Frears, Roman Polanski, Wes Anderson, George Clooney, Kathryn Bigelow, David Fincher, Guillermo del Toro et les films Sur mes lèvres, The King’s speech, De battre mon cœur s’est arrêté, The Ghost Writer, Monuments men, Un prophète, The Grand Budapest hotel, The Shape of water, The Curious case of Benjamin Button, Twilight, Godzilla, Harry Potter and the deathly Hallows, The imitation game, Little women, The french dispatch ...

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    Ce concert événement, où il s’est produit sur scène comme flûtiste, a eu au Palais des Congrès et des Festivals Atlantia de La Baule et  a été l’occasion d’entendre les musiques de Harry Potter, La forme de l’eau, The Ghost Writer, Un Prophète et du Discours d’un roi qui fut justement projeté dans le cadre du festival.

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    2/ LE DISCOURS D’UN ROI de TOM HOOPER

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    Le roi en question, c’est George VI (Colin Firth), à la fois fragile et colérique, qui n’avait d’ailleurs pas vocation à le devenir puisque c’est sont frère Edouard VIII (Guy Pierce) qui était destiné au trône à la mort de leur père.  Seulement Edouard VIII préféra abdiquer pour vivre son amour avec une femme, Wallis Simpson, à la réputation légère (du moins pour un monarque) car notamment divorcée deux fois. George VI que toute la famille royale appelle « Bertie » va donc devoir surmonter son handicap, un bégaiement qui l’empêche de s’exprimer en public. Pour cela, il pourra compter sur le soutien indéfectible de sa femme (Helena Bonham Carter) et sur l’aide d’un thérapeute du langage aux méthodes peu orthodoxes, Lionel Rogue (Geoffrey Rush). Alors qu’il mène cette guerre contre lui-même, une autre guerre beaucoup moins intime se fait de plus en plus menaçante…

    A priori, cela s’annonçait donc comme un énième biopic avec reconstitution historique spectaculaire de rigueur et c’est sans doute d’abord le choix de prendre le contrepied de ce à quoi nous aurions pu nous attendre qui fait de ce film une grande réussite. Tom Hooper et son scénariste David Seidler ont ainsi fait le judicieux choix de l’intime, de l’histoire sans nier son implication sur l’Histoire mais vue telle que la voyait George VI, relativement lointaine. Le monde extérieur et ses rumeurs sont étouffés par l’atmosphère ouatée et non moins redoutable des allées du pouvoir.

    Plutôt que de  filmer George VI comme un personnage historique distant, Tom Hooper le filme à portée d’homme avec ses angoisses et ses faiblesses. Il n’apparait alors pas comme le puissant lointain (éloigné de nous historiquement et humainement) mais comme un homme qui doit affronter ses faiblesses en lequel chacun peut se reconnaître. La caméra de Tom Hooper le suit au plus près de son visage, de ses doutes, de son angoisse qui s’amorce. Le jeu en nuances de Colin Firth et la caméra sensible de Tom Hooper qui l’enferme ans son cadre, (il est tantôt filmé à gauche ou à droite, à son image, en marge) comme il l’est dans son handicap, nous donne la sensation asphyxiante d’éprouver nous aussi son angoisse si bien que notre souffle est  suspendu à ses lèvres hésitantes. La maîtrise du langage devient alors le véritable enjeu du suspense du film, haletant comme un thriller. Arrivera-t-il à prononcer ce fameux discours qui fera entrer le Royaume-Uni dans la guerre contre l’Allemagne nazie ?

     Un sujet qui n’a rien d’anachronique et qui est même particulièrement actuel à une époque (la nôtre)  où le contenant, la forme, la communication priment sur le contenu et le message, où celui ou celle qui recevra le plus de suffrages ne sera pas forcément le ou la plus apte à gouverner mais le ou la plus apte à délivrer son message et à maîtriser la communication et le langage.  Un peu la génération twitter aussi qui recherche le choc de la formule et qui pousse souvent à l’exagération, quitte à piétiner quelques personnes voire la réalité au passage. Plutôt que le pouvoir des mots, c’est donc celui de la communication que doit donc maîtriser le monarque. Un pouvoir qu’il était d’autant plus urgent de détenir quand un dictateur outre-Rhin en faisait un des instruments de sa propagande et l’utilisait pour haranguer, galvaniser et endormir les foules.  

    Le scénario montre habilement et par petites touches comment le poids de l’enfance et de l’Histoire (son père, ceux qui l’ont précédé, tous ceux dont les regards pèsent sur lui) sont responsables de son handicap. Mais, au-delà du combat personnel, c’est aussi une très belle histoire d’amitié entre deux hommes à la fois très différents et en quête de reconnaissance. Rogue demande constamment à être sur un pied d’égalité avec George VI, lui qui toujours à été à distance : du peuple, des autres, des mots. Prendre la parole c’est prendre sa place et exister. Le langage, dans le titre même, a d’ailleurs toute son importance : il ne s’agit pas du discours du roi mais d’un roi, qui n’a pas encore son identité propre, écrasé  par le poids de l’Histoire et  de ses prédécesseurs.

    La richesse des dialogues saupoudrés d’un humour so british participe amplement de la réussite du film. Il est vrai que le langage d’un film dont le sujet est justement le langage se devait d’être exemplaire mais ce n’était pas pour autant gagné d’avance.

    Enfin, le grand atout du film ce sont ses acteurs principaux : Colin Firth (absolument remarquable, ne forçant pas trop le trait comme c’est souvent le cas dans ces rôles à Oscars mais reflétant le bégaiement essentiellement par l’angoisse qu’il générait , Colin Firth d’ailleurs qui interprétait déjà pour moi un des meilleurs rôles de 2010  dans le très beau « A single man » de Tom Ford pour lequel il était déjà nommé à l’Oscar du meilleur acteur), Geoffrey Rush( impeccable en médecin peu conventionnel et malicieux ) et Helena Bonham Carter ( parfaite en future reine, à la fois cinglante et épouse aimante. )

    Si « Le discours d’un roi » est un film marquant, c'est en particulier en raison du degré de raffinement de chacun des éléments qui le constituent (musique d'Alexandre Desplat, , scénario, interprétation, mise en scène), un film à résonance universelle autant de par le combat qu’il met en scène (un homme, fût-il roi, qui surpasse ses faiblesses et ses peurs) que de par le langage qu’il emploie et dont il souligne le poids historique.

    EXPOSITION "CINEMA MON AMOUR, ANNEES STUDIO"

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    Du 18 juin au 03 juillet 2022,  au centre culturel Chapelle Sainte-Anne, était également proposée une exposition de trois photographes de  Studio Magazine célébrant ainsi les années DU magazine cinéma des années 90/2000 créé par Jean-Pierre Lavoignat et Marc Esposito à la fin des années 80.

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    En attendant de rattraper les films manqués, je termine avec une citation d'Oscar Wilde :

    « La musique met l’âme en harmonie avec tout ce qui existe. » 

    En attendant la 9ème Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule et de vous en communiquer les dates, je vous donne rendez-vous prochainement pour le Festival du Cinéma Américain de Deauville (du 2 au 11 septembre 2022) puis pour le Dinard Festival du Film Britannique (28 septembre au 2 octobre 2022).

    PALMARES COMPLET DU FESTIVAL DU CINEMA ET MUSIQUE DE FILM DE LA BAULE 2022

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    Meilleur Film 2022

    Pétaouchnok réalisé par Edouard Deluc

     

    Meilleure Musique de Film 2022

    Ludovic Bource pour Le Petit Nicolas, qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?

     

    Prix d’Honneur 2022

    Alexandre Desplat récompensé pour l’ensemble de sa carrière

     

    Meilleur Court-Métrage 2022 – AG2R LA MONDIALE

    REPLAY réalisé par Thomas Deflandre

     

    Révélation Jeune Talent Compositeur 2022

    Antonin Browne du Conservatoire Paul Dukas – Paris

     

    Meilleure Musique de l’année 2022

    Amine Bouhafa pour Le Sommet des dieux

     

    Coup de Projecteur 2022 – Universciné

    FLEE de Jonas Poher Rasmussen

     

    Prix du public 2022 – Groupe Barrière

    La Petite Bande de Pierre Salvadori

     

    Meilleure Interprétation 2022

    Golshifteh Farahani pour Une Comédie Romantique

     

    110 ANS DU GROUPE BARRIERE

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    Cette édition fut aussi l’occasion de célébrer les 110 du Groupe Barrière.

    Retrouvez mon article consacré à l’hôtel Barrière L'Hermitage sur Inthemoodforhotelsdeluxe.com, ici.

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    PODCAST INEDIT :

    Une nouvelle au cœur du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2015

    Retrouvez ma nouvelle Un certain 14 novembre dans le recueil Les illusions parallèles  - Editions du 38 – 2016 (cette fiction se déroule entièrement dans le cadre du festival avec en toile de fond les évènements réels de cette édition). A l'occasion de la 8ème édition du festival, en accord avec mon éditeur, Les Editions du 38, j'ai enregistré cette nouvelle en podcast, à écouter ici.

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    POUR EN SAVOIR PLUS SUR LE FESTIVAL

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    Pour en savoir plus  : le site officiel du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule et son twitter et compte instagram (@festivallabaule). 

    Suivez également le Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule sur Facebook.

    En complément, retrouvez sur Inthemoodforcinema.com tous mes articles sur les 7 premières éditions du festival et mes prochains articles sur cette 8ème édition.

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