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  • Compétition officielle Deauville 2010 : critiques de « Buried » de Rodrigo Cortes et « The dry land » de Ryan Piers Williams

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    Je vous parlais hier des thématiques communes aux quatre premiers films en compétition de cette édition 2010 du Festival de Deauville (cliquez ici pour lire l’article) avec notamment pour thèmes récurrents une Amérique, terre hostile, et des orphelins (enfants ou adolescents) en manque de (re)père ou de mère. Des thèmes sans doute révélateurs d’un pays en quête de modèles et de repères et finalement pas si éloignés de ceux des deux films en compétition du jour qui ont tous deux traits à la guerre en Irak. Deux variations très différentes sur le même thème. Deux façons (en apparence) presque opposées d’aborder le sujet, sujet désormais inévitable du festival, après l’excellent « American son » de Neil Abramson en 2008 et « The messenger » d’Oren Moverman, grand prix du Festival de Deauville 2010.

    Alors qu’il y a quelques jours seulement (le 19 août) les troupes américaines ont quitté l’Irak, le conflit est certainement loin d’être terminé pour ceux qui l’ont vécu. Ainsi en est-il de James (Ryan O’Nan) dans « The dry land », premier film de Ryan Piers Williams. Ce jeune soldat américain rentre d’Irak dans sa petite ville du Texas. A son retour toute sa  famille l’accueille et notamment sa femme Sarah (America Ferrara –« Ugly Betty »…), sa mère mais aussi son meilleur ami. Rongé par la douleur morale, une violence inextinguible et incontrôlable et par l’oubli de ce qui s’est passé là-bas, il décide de reprendre contact avec un compagnon d’armes pour reconstituer ce douloureux passé.

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     Le réalisateur, Ryan Piers Williams, n’a pas cherché à révolutionner le cinéma et le revendique. Non, son but est de témoigner, et d’adresser un message d’espoir à tous ces soldats ravagés qui reviennent d’Irak détruits, incompris, hantés par leurs souvenirs. Il n’a pas souhaité faire un film politique mais traité un sujet à auteur d’homme, incarner ces soldats,  leur donner un visage, les sortir de leur solitude et leur désarroi. Si l’intrigue est très prévisible, elle n’en résonne pas moins avec justesse (et pour cause Ryan Piers Williams a travaillé sept ans dessus et a rencontré de nombreux soldats et leurs familles). Savoir, comme il l’a expliqué en conférence de presse, que « plus de soldats sont morts suicidés à leur retour aux Etats-Unis que morts au combat en Irak » suffit à justifier l’existence de ce film qui, à défaut d’être original, apporte un nouvel éclairage, qui a le mérite d’être documenté, sur un conflit qui n’a pas fini de faire des ravages. Je vous laisse entendre les explications du réalisateur et de l’actrice principale également coproductrice, sur la genèse du projet (article suivant).

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    A priori pas grand-chose à voir avec le film de Rodrigo Cortes, « Buried » dans lequel un Américain est pris en otage et enfermé dans un cercueil, en Irak. Muni d’un téléphone portable, il a 90 minutes pour trouver la rançon qui lui réclame ses ravisseurs irakiens. Un homme. Un cercueil. Une lampe. Un téléphone. Peu de possibilités.

     Deux partis pris puisque l’un est aussi crédible (the dry land) que l’autre ne l’est pas (Comment parvient-il à respirer ? Comment son téléphone capte-t-il ? Pourquoi n’essaie-t-il pas réellement de s’échapper ?). L’un relève d’un minutieux travail de documentation, l’autre est aux frontières du thriller (comme quelque chose me paraissait sonner faux dès le départ, j’ai cru que c’était délibéré, que le but était d’instiller le doute dans l’esprit du spectateur quant à l’identité des preneurs d’otage, et que nous découvririons qu’il s’agissait d’une manipulation ou d’un coup monté de ses collègues ou autres mais la seule manipulation est celle ici d’une Administration américaine velléitaire quand il s’agit de venir en aide à ses concitoyens, l’idée n’en est d’ailleurs pas moins intéressante), voire du fantastique sans jamais quitter ces quatre planches en bois, ni voir d’autre visage que celui de Paul.

     L’idée est sans aucun doute originale et novatrice et c’est avant tout par la force du jeu  de Ryan Reynolds (qui incarne l’Américain l’otage Paul Conroy) que notre attention reste soutenue du début à la fin car le dispositif n’est pas toujours convaincant, ainsi ces artificiels plans en plongée, sans doute pour montrer son impuissance qui nous font sortir du sentiment de claustrophobie qui ne cesse de croître pourtant pour Paul. La bande son et les rebondissements sont pourtant là et judicieusement utilisés pour susciter et raviver constamment le sentiment de suffocation, de claustrophobie, d’impuissance. Davantage que la manière ( contestable) c’est l’idée qui m’a séduite, celle  de montrer l’inertie de l’Administration Américaine qui, au propre comme au figuré, enterre vivants (« buried » signifie enterré) ces Américains partis pour la défendre ou travailler pour leur pays.

     Si « the dry land » n’est pas politique et ne souhaite pas l’être, « Buried » l’est donc malignement.  Les 94 minutes (soit 4 de plus que celles imparties à Paul pour trouver la rançon) s’écoulent sans que nous les voyions passer, entre tension et humour acerbe sur l’abstraction et la cruauté de l’Administration ( celle avec un petit a et celle avec un A majuscule d’ailleurs). Le pari est donc partiellement réussi même s’il est dommage que Rodrigo Cortes ait recouru à des ficelles -in-dignes de blockbusters (par exemple la scène du testament ou de la mère atteinte d’Alzheimer) et n’ait pas cherché à cultiver sa différence jusqu’au bout nous laissant le goût amer d’un sujet fort et d’un procédé original qui ne tiennent pas forcément toutes leurs promesses, en revanche c’est sans doute la manière la plus habile de nous inscrire dans l’intimité de ce drame et d’en désigner les responsables.

    Malgré leurs différences, dans les deux cas à nouveau une terre hostile (d’ailleurs désignée dans l’un des titres) des êtres qui suffoquent, enterrés vivants, qui crient leur désespoir, rongés par l’incompréhension et en quête d’écoute et d’espoir.

    Ces deux films ont été présentés à Sundance . « Buried » sort en salles en France le 3 novembre 2010  

     

     

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  • Le 36ème Festival du Cinéma Américain de Deauville en direct à partir de demain

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    Dès demain, retrouvez-moi en direct de Deauville et jusqu'au 13 septembre.

     Vous pourrez suivre ici et sur "In the mood for Deauville", les avant-premières, les films en compétition, les conférences de presse et vous retrouverez également toutes les informations pratiques et les astuces (concours...) concernant le Festival que j'ai accumulés en 17 ans de pérégrinations deauvillaises.

    N'oubliez pas non plus de suivre mon nouveau compte twitter dédié pour suivre le festival en temps réel: http://twitter.com/moodfdeauville  .

    Vous pourrez également retrouver certains de mes articles sur le blog de 20 minutes spécial Deauville.

    Enfin, je vous invite à vous inscrire à la page Facebook d'In the mood for Deauville pour commenter le festival.

    Bon festival à tous et rendez-vous dès demain sur mes blogs pour les premières photos et infos en direct de Deauville, avant l'ouverture, vendredi soir.

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  • La grille de programmation du Festival Lumière de Lyon 2010

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    Je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises de ce festival et de son édition 2010. Je vous invite à découvrir la grille de programmation avec, en ouverture, le 4 octobre, à 20H  des projections surprises suivies de Chantons sous la pluie (1952), en présence du réalisateur Stanley Donen à  qui un hommage sera rendu et, en clôture, à 15h, le dimanche 10 octobre, "Le Guépard" de Luchino Visconti en présence de Claudia Cardinale et (sous réserve) d'Alain Delon. A l'occasion de l'hommage rendu à Visconti dans le cadre du festival retrouvez le cycle Visconti sur inthemoodforcinema.

    Cliquez ici pour télécharger l'impressionnant programme du Festival Lumière de Lyon 2010

     

  • Critique de « Rocco et ses frères » de Luchino Visconti : le crépuscule des Parondi

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    Avec « Rocco et ses frères », je poursuis aujourd’hui le cycle consacré à Luchino Visconti sur inthemoodforcinema, à l’occasion de l’hommage que lui rendra prochainement le Festival Lumière de Lyon et je vous rappelle que vous pouvez retrouver mon dossier sur « Le Guépard » en cliquant ici et ma critique de « Ludwig ou le Crépuscule des dieux » en cliquant là.

    Voir successivement « Ludwig ou le crépuscule  des dieux » et « Rocco et ses frères » ne peut que vous confirmer dans l’idée (ou vous le faire découvrir si vous ne le saviez déjà ) de la diversité du cinéma viscontien et en conséquence de l’étendue admirable du talent de Visconti.

    Synopsis : Après le décès de son mari, Rosaria Parondi (Katina Paxinou), mère de cinq fils, arrive à Milan accompagnée de quatre de ses garçons : Rocco (Alain Delon) Simone, (Renato Salvatori), Ciro (Max Cartier) et Luca (Rocco Vidolazzi), le benjamin.  C’est chez les beaux-parents de son cinquième fils, Vincenzo (Spyros Fokas) qu’ils débarquent. Ce dernier est ainsi fiancé à Ginetta (Claudia Cardinale). Une dispute éclate. Les Parondi se réfugient dans un logement social. C’est là que Simone fait la connaissance de Nadia (Annie Girardot), une prostituée rejetée par sa famille. Simone, devenu boxeur, tombe amoureux de Nadia. Puis, alors qu’elle est séparée de ce dernier depuis presque deux ans, elle rencontre Rocco par hasard. Une idylle va naitre entre eux. Simone ne va pas le supporter…

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    Ce qui frappe d’abord, ce sont, au-delà de la diversité des styles (mêlant habilement Nouvelle Vague et néo-réalisme ici, un mouvement à l’origine duquel Visconti se trouve –« Ossessione » en 1942 est ainsi considéré comme le premier film néo-réaliste bien que les néoréalistes aient estimé avoir été trahis par ses films postérieurs qu’ils jugèrent très et trop classiques),  les thématiques communes aux différents films de Visconti. Que ce soit à la cour de Bavière avec Ludwig, ou au palais Donnafigata avec le Prince Salina, c’est toujours d’un monde qui périclite et de solitude dont il est question mais aussi de grandes familles qui se désagrègent, d’être promis à des avenirs lugubres qui, de palais dorés en  logements insalubres, sont sans lumière et sans espoir.

    Ce monde où les Parondi, famille de paysans, émigre est ici celui de l’Italie d’après-guerre, en pleine reconstruction et industrialisation, où règnent les inégalités sociales. Milan c’est ainsi la ville de Visconti et le titre a ainsi été choisi en hommage à un écrivain réaliste de l'Italie du Sud, Rocco Scotellaro.

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    Avant d’être le portrait successif de cinq frères, « Rocco et ses frères » est donc celui de l’Italie d’après-guerre, une sombre peinture sociale avec pour cadre des logements aux formes carcérales et sans âme. Les cinq frères sont d’ailleurs chacun une illustration de cette peinture : entre ceux qui s’intègrent à la société (Vincenzo, Luca, Ciro) et ceux qu’elle étouffe et broie (Simone et Rocco). Une société injuste puisqu’elle va désagréger cette famille et puisque c’est le plus honnête et naïf qui en sera le martyr. Dans la dernière scène, Ciro fait ainsi l’éloge de Simone (pour qui Rocco se sacrifiera et qui n’en récoltera pourtant que reproches et malheurs) auprès de Luca, finalement d’une certaine manière désigné comme coupable à cause de sa « pitié dangereuse ».

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     Nadia ; elle, porte la trace indélébile de son passé. Son rire si triste résonne sans cesse comme un vibrant cri de désespoir. Elle est une sorte de double de « Rocco », n’ayant d’autre choix que de vendre son corps, Rocco qui est sa seule raison de vivre. L’un et l’autre, martyrs, devront se sacrifier. Rocco en boxant, en martyrisant son corps. Elle en vendant son corps (et le martyrisant déjà), puis, dans une scène aussi terrible que splendide, en le laissant poignarder, les bras en croix puis enserrant son meurtrier en une ultime et fatale étreinte.

     Annie Girardot apporte toute sa candeur, sa lucidité, sa folie, son désespoir à cette Nadia, personnage à la fois fort et brisé qu’elle rend inoubliable par l’intensité et la subtilité de son jeu.

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    Face à elle, Alain Delon illumine ce film sombre de sa beauté tragique et juvénile et montre ici toute la palette de son jeu, du jeune homme timide, fragile et naïf, aux attitudes et aux craintes d’enfant encore, à l’homme déterminé. Une palette d’autant plus impressionnante quand on sait que la même année (1960) sortait « Plein soleil » de René Clément, avec un rôle et un jeu si différents.

    La réalisation de Visconti reprend le meilleur du néoréalisme et le meilleur de la Nouvelle Vague avec une utilisation particulièrement judicieuse des ellipses, du hors-champ, des transitions, créant ainsi des parallèles et des contrastes brillants et intenses.

    Il ne faudrait pas non plus oublier la musique de Nino Rota qui résonne comme une complainte à la fois douce, cruelle et mélodieuse.

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    « Rocco et ses frères » : encore un chef d’œuvre de Visconti qui prend le meilleur du pessimisme et d’une paradoxale légèreté de la Nouvelle Vague, mais aussi du néoréalisme qu’il a initié et qui porte déjà les jalons de ses grandes fresques futures. Un film d’une beauté et d’une lucidité poignantes, sombres et tragiques porté par de jeunes acteurs (Delon, Girardot, Salvatori…), un compositeur et un réalisateur déjà au sommet de leur art.

     « Rocco et ses frères » a obtenu le lion d’argent à la Mostra de Venise 1960.

  • Critique de « Johnny Guitar » de Nicholas Ray (1954) -actuellement sur TCM- : western atypique et flamboyant

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    Etonnamment, par un ignominieux oubli de ma part, aucun western ne figure encore dans la rubrique « Gros plan sur des classiques du septième art », bien que les westerns soient pourtant (avec les films policiers) à l’origine de ma passion pour le cinéma. J’ai donc décidé d’y remédier en commençant par un des chefs d’œuvre du genre : « Johnny Guitar », un western  de Nicholas Ray (« La fureur de vivre »…) datant de 1954.

    Tout commence dans une de ces vallées aussi majestueuses qu’hostiles. Un homme assiste à une attaque de diligence. Il n’intervient pas. Il porte en bandoulière une guitare d’où son surnom de « Johnny Guitar » (Sterling Hayden).  Il se rend dans un saloon (Que serait un western sans saloon et sans ses clients aux visages patibulaires affalés sur le bar derrière lequel se trouve toujours un barman –en général vieux, suspicieux et maugréant- ?) où il a été engagé pour jouer de la guitare. Là, pas de clients aux visages contrariés ni de barman antipathique. Un barman, certes, mais plutôt sympathique, et des croupiers. Et une femme dont le saloon porte le nom et qui en est la propriétaire : Vienna (Joan Crawford).  Le frère d’Emma, une riche propriétaire, (Mercedes McCambridge), a été tué dans l’attaque de la diligence. Emma et d’autres propriétaires terriens, viennent au saloon pour arrêter Vienna, accusant la bande du Dancing kid (Scott Brady), à laquelle Vienna est très liée, d’être à l’origine de l’attaque. Ils donnent 24h à Vienna et ses amis pour partir. Mais pour Vienna ce saloon représente toute sa vie et elle refuse de quitter les lieux. Johnny Guitar se révèle avoir été l’amant d’Emma cinq ans auparavant tandis que le Dancing kid est amoureux d’elle. La situation se complique encore quand la bande du Dancing kid attaque la banque. Vienna, suspectée d’en être la complice, devient alors le bouc-émissaire des fermiers en furie, menés par Emma qui voit là l’occasion rêvée d’abattre sa rivale…

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    Dans ce simple résumé, on peut déjà voir que « Johnny Guitar » s’affranchit des règles du western classique. Contrairement à ce que son titre pourrait indiquer, le véritable protagoniste n’est pas un homme et ce n’est pas ici l’éternel duel entre deux hommes liés par une haine farouche, immédiate ou séculaire, mais entre deux femmes : Vienna et Emma.

    Vienna, c’est donc Joan Crawford, d’une beauté étrange et irréelle, au seuil de son déclin,  dont les lignes du visage, non moins splendides, ressemblent à des lames tranchantes et fascinantes. Indomptable (en général dans les westerns les femmes sont des faire-valoir destinés à être « domptés »), déterminée, fière, forte, indépendante, aventurière, c’est Vienna la véritable héroïne du film que Joan Crawford incarne brillamment. Face à elle, Emma, aigrie, jalouse, enfermée dans ses principes.

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    Mais là n’est pas la seule originalité de « Johnny Guitar ». Derrière l’apparente opposition classique et manichéenne des westerns des bons contre les méchants se cache une subtile critique du Maccarthysme dont Nicholas Ray fut lui-même victime. Les fermiers en furie qui lynchent  aveuglément symbolisent la commission Mac Carthy souvent aveuglée par la haine et la suspicion. Sterling Hayden était lui-même passé devant la commission. Nicholas Ray aurait même délibérément  confié  à Ward Bond le rôle de chef des lyncheurs. Ce dernier était ainsi lui-même membre de "Motion Picture Alliance for the Preservation of American Ideals" qui avait activement participé à la « chasse aux sorcières ».

    Mais, même sans cela, « Johnny Guitar » serait un chef d’œuvre. Dès les premières minutes, la tension est palpable, renforcée par l’intensité du jeu et de la présence de Joan Crawford, et elle ne cessera de croître jusqu’au dénouement : classique duel final, mais non pas entre deux hommes donc mais entre les deux femmes. Les dialogues sont aussi des bijoux de finesse où s’exprime toute la nostalgie poignante d’un amour perdu qui ne demande qu’à renaitre de ses cendres. A côté de Vienna, Johnny Guitar représente une présence douce et forte, qui n’entrave pas sa liberté et non le macho cynique conventionnel des westerns.

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     Et que dire de ces plans, somptueux, ensorcelants, d’une beauté littéralement à couper le souffle : celui de Joan Crawford, dans sa robe blanche, virginale, jouant du piano, tel un animal sauvage et impérial réfugié dans son saloon assimilé à une grotte, face à la population vêtue de noir, des « vautours » prêts à fondre sur elle (une scène magistrale à la fois violemment et cruellement sublime) ; celui où elle apparaît pour la première fois en robe dans l’encadrement d’une fenêtre, soudainement à fleur de peau et fragile ; où de cette scène au clair de lune, réminiscence mélancolique de leur amour passé. Ou encore de ce brasier qui consume le saloon en même temps que leur amour tacitement se ravive. Des scènes d’une rare flamboyance (au propre comme au figuré)  pendant lesquelles les hommes et la nature se déchaînent avec des couleurs étonnantes (liées au procédé Trucolor qui fut ensuite abandonné).

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    Drame, splendide histoire d’amour, parabole politique, bien plus qu’un western, « Johnny Guitar » est un chef d’œuvre atypique, lyrique et baroque, sombre et flamboyant. D’ailleurs de Godard à Almodovar en passant par Truffaut, nombreux sont les cinéastes à l’avoir cité dans leurs films. Je vous laisse deviner lesquels… En attendant profitez de sa diffusion sur TCM pour le voir ou le revoir.

    Prochaines diffusions de « Johnny Guitar » sur TCM :

    Mardi 31 août à 18H45

    Vendredi 3 septembre à 11H35

    Dimanche 5 septembre à 20H40

    Mardi 7 septembre à 18H45

    Dimanche 12 septembre à 13H55

  • Concours: Gagnez votre DVD de "Green zone" de Paul Greengrass

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    Grâce à Studio Canal, à l'occasion de la sortie en DVD de "Green zone" de Paul Greengrass, le 31 août prochain, j'ai le plaisir de vous proposer aujourd'hui 5 DVD du film, un film que je vous recommande vivement par ailleurs (voir ma critique ci-dessous).

     Pour remporter l'un de ces 5 DVD soyez parmi les 5 premiers à répondre correctement aux questions suivantes et à envoyer vos réponses à inthemoodforcinema@gmail.com avec pour intitulé de l'email "Concours green zone" en n'oubliant pas de préciser vos coordonnées postales. Seuls les gagnants seront contactés.

    1. Qu'est-ce que la "Green zone"?

    2. Combien de fois et sur quels films Paul Greengrass et Matt Damon ont-ils déjà travaillé ensemble?

    3.Quel est le titre du film dont l'image ci-dessous est extraite?

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    4. Puisque c'est d'actualité, pour quel(s) film(s) Matt Damon est-il déjà venu au Festival du Cinéma Américain de Deauville?

    5.Quel jour la dernière brigade de combat américaine a-t-elle quitté l'Irak?

     

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    Avec ce septième long-métrage, Paul Greengrass retrouve pour la troisième fois Matt Damon et s'attèle également pour la troisième fois au film « historique » après « Bloody Sunday » et « Vol 93 ».  Mais qu'allait donc donner cette collaboration entre le réalisateur et l'acteur qui, sous la direction de Paul Greengrass, pour la première fois n'incarne plus Jason Bourne mais l'adjudant-chef Roy Miller  dans cette adaptation du livre d'enquête de Rajiv Chandrasekaran?

    Pendant l'occupation américaine de Bagdad en 2003, ce dernier et ses hommes ont ainsi pour mission de trouver des armes de destruction massive censées être stockées dans le désert iraquien mais, d'un site à un autre où il ne trouve jamais rien, Roy Miller commence à s'interroger sur le véritable objectif de leur mission. C'est dans la Green zone (quartier fortifié du gouvernement provisoire irakien, des ministères et des ambassades) que se joue le sort du pays entre les mains de ceux pour qui il est un capital enjeu...

    Le premier grand atout de cette nouvelle collaboration Damon/Greengrass (et disons-le tout de suite,  de cette vraie réussite) c'est d'expliquer intelligemment et avec simplicité  tous les ressorts d'une situation aussi explosive que complexe. Ainsi,  chaque personnage incarne un point de vue sur la situation irakienne : le militaire américain qui remet en cause la position du Pentagone, l'Irakien (blessé lors de la guerre Iran/Irak et victime de ce conflit qui à la fois le concerne directement et l'ignore) qui souhaite avant tout que son pays aille de l'avant et le débarrasser des anciens acolytes de Saddam Hussein (les fameuses cartes comme si cette désolante et tragique mascarade n'était qu'un jeu), les militaires qui obéissent aveuglement au mépris des vies sacrifiées et au prétexte de l'objectif fallacieux dicté par la Maison Blanche (et pour couvrir cet objectif fallacieux), les journalistes manipulés et par voie de conséquence manipulateurs de l'opinion, le nouveau gouvernement incompétent choisi par l'administration américaine... et au milieu de tout ça, une population qui subit les conséquences désastreuses qui, aujourd'hui encore, n'a pas trouvé d'heureux dénouement.

     Le film de guerre se transforme alors en explication géopolitique imagée mais n'allez pas croire qu'il s'agit là d'un film soporifique comme son sujet aurait pu laisser le craindre. Caméra à l'épaule, réalisation nerveuse, saccadée, contribuant à renforcer le sentiment d'urgence, immersion dès le premier plan qui nous plonge en plein chaos... Paul Greengrass, avec son style documentaire et réaliste (il a même fait tourner de nombreux vétérans de la guerre en Irak), n'a pas son pareil pour créer une tension qui nous emporte dans le début et ne nous quitte plus jusqu'à la fin.  Côté réalisation le film lorgne donc du côté  des Jason Bourne surtout que Roy Miller, tout comme Jason Bourne est aussi en quête de vérité, pas celle qui le concerne mais qui implique l'Etat dont il est censé défendre les valeurs. Matt Damon avec son physique d'une force déterminée et rassurante  confirme une nouvelle fois la pertinence de ses choix.

    En signant le premier film à aborder frontalement le thème de l'absence des armes de destruction massive, Paul Greengrass n'épargne personne, ni l'administration Bush ( un dernier plan sur des installations pétrolières est particulièrement significatif quant aux vraies et accablantes raisons du conflit) ni certains militaires ni les médias ne sont épargnés.  Enfin des images sur une piètre vérité pour un film aussi explosif que la situation qu'il relate.

    Entre thriller et film de guerre, un film prenant en forme de brûlot politique qui n'oublie jamais, ni de nous distraire, ni de vulgariser une situation complexe, ni son objectif de mettre en lumière la sombre vérité. Courageux et nécessaire. A voir absolument !

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  • Critique de « Ludwig ou le Crépuscule des dieux » de Luchino Visconti : un opéra funèbre d’une vertigineuse beauté

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    A l’occasion de l’hommage à Visconti rendu prochainement par le Festival Lumière de Lyon et suite à mon dossier sur « Le Guépard », je vous propose aujourd’hui la critique d’un autre chef d’œuvre de Luchino Visconti, son dernier (même s’il réalisa encore deux films ensuite) datant de 1972 : « Ludwig ou le Crépuscule des dieux ». Coproduction italienne, française et allemande, il s’agit du dernier volet de sa trilogie allemande également composée des « Damnés » (1969) et de « Mort à Venise » (1971). Visconti voulait initialement réaliser l’adaptation de « A la recherche du temps perdu » de Proust mais, faute de financements, en attendant que ce projet puisse voir le jour, il décide de tourner « Ludwig ». D’une durée initiale de 3H40 le film sort en France avec une durée de 3H, encore davantage malmené, contre les vœux de Visconti, pour la sortie en Allemagne. Après la mort de Visconti, le film est vendu aux enchères par les producteurs en faillite et est adjugé pour 68 millions de lires à des proches du cinéaste qui se cotisent, avec le soutien de la RAI, afin de récupérer l’intégralité des bobines. Après la mort de Visconti, Ruggero Mastroianni et Suso Cecchi d’Amico remonteront une version approchant des quatre heures et dix minutes d’origine.

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     Ludwig (Helmut Berger) c’est le portrait tragique du roi Louis II, devenu, à 19 ans, en 1864, roi de Bavière, royaume allemand encore autonome, entre la Prusse  et l'empire austro-hongrois. Sa rencontre avec Wagner (Trevor Howard),  la même année, va bouleverser l’existence de l’un et de l’autre. Le roi y trouvant une amitié et un sujet d’admiration, le compositeur un riche et puissant mécène contribuant à son succès. Epris de sa cousine l’impératrice Elisabeth d’Autriche (Romy Schneider) qui, comme Wagner, le décevra, il se fiance avec sa sœur Sophie (Sonia Petriva) avant de rompre les fiançailles puis de sombrer dans la solitude et la démence.

     Comment parler d’un film dont chaque plan est un tableau somptueux et dont chaque seconde est un hymne à la beauté qui imposent le silence ? Comment rendre hommage à ce chef d’œuvre fascinant ? Aucun mot sans doute ne pourra transcrire ce que les images de Visconti célèbrent magnifiquement, visuellement et musicalement. Dès les premiers plans, cela vous heurte et vous subjugue tout à la fois, et vous coupe le souffle : une magnificence visuelle tragique et ensorcelante. Le visage du roi, d’une beauté d’abord jeune mais grave et mélancolique déjà. Des scènes entrecoupées de plans fixes de témoins de l’Histoire et de son histoire qui s’expriment face à nous, le visage à demi dans la pénombre, voilé à l’image de la vérité que, sans doute, ils trahissent. Ils nous prennent alors à témoin de la folie de ce roi ou en tout cas de ce que eux appellent folie et ne pourront, de leur médiocrité, sans doute jamais comprendre : son goût des arts, de la beauté, de la liberté. Comment pourraient-ils comprendre ce roi épris de liberté et prisonnier des conventions de son rang ? Comment pourraient-ils comprendre ce roi si différent d’eux : homosexuel, esthète, amoureux de la liberté et des arts ?

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     Tandis que tout se décompose : son visage, son pays, son entourage, ses dernières illusions reste cette beauté inaltérable de l’art mais une beauté hantée déjà par la fatalité et la mort, une beauté douloureuse soulignée par la somptuosité des décors et des costumes. Des salons byzantins de  Neuschwanstein à la grotte de Linderhof aux galeries de miroirs de Herrenchiemsee, la caméra de Visconti, accompagnée de la musique de Wagner (Tannhäuser ; Tristan und Isolde) ou de Schumann (Kinderscenen), en caresse les lignes baroques, admirables, raffinées et extravagantes,  la beauté démesurée et tragique, nous émouvant aux larmes comme Ludwig l’est par la musique de Wagner.

     Si, malgré la décomposition du monde de ces dieux au crépuscule (le Crépuscule des dieux est le nom d'un drame musical de Wagner) qui l’entourait, la beauté était la dernière lueur  de l’espoir chez le Prince de Salina dans « Le Guépard », elle est ici désespérée mais non moins éblouissante, signe d’une immortalité impossible, ce à quoi les châteaux plus spectaculaires les uns que les autres que fit construire le roi ne changeront rien.  

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     Ludwig c’est donc Helmut Berger à la fois fragile et hautain, solitaire et exalté, puissant et perdu, en force et en retenue. Au fur et à mesure que les années s’écoulent, que les désillusions s’accumulent, que son idéalisme choit, le visage et le regard de l’acteur s’imprègnent de plus en plus de gravité, de déchéance, de noirceur mais il gagne aussi notre sympathie, nous, juges impuissants pris à témoin. Face à lui Romy Schneider prend sa revanche sur les Sissi, ce personnage candide et frivole dont elle a si longtemps voulu se détacher qu’elle incarne ici à nouveau mais tout en mystère, ambigüité. Impériale impératrice qui semble voler plus qu’elle ne marche tel un cygne noir, élégant, gracieux, sauvage qui ressemble tant (trop) au Ludwig des premières années.

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     Visconti, trois ans avant sa mort, comme un  écho testamentaire, nous livre une subtile mise en abyme qui interroge et illustre la beauté de l’art, une symphonie visuelle et sonore, un chant de désespoir, un film d’une flamboyance crépusculaire, une réflexion ardente et vertigineuse sur l’art, la solitude, la folie enchaînés douloureusement et sublimement sur la musique de Wagner, comme en une fatale étreinte. Un hymne à la beauté des corps et des âmes, fussent-elles (ou surtout car) torturées.  Un hommage à l’art. Au sien. A celui dont la beauté transcende ou isole. A celui qui perdra un roi, héros romantique, trop sensible, trop exalté, trop différent.  Le portrait d’un roi à son image, un opéra funèbre à la beauté inégalée, sombre et éblouissante, et qui lui procure ce qu’il a tant et mortellement désiré : des accents d’éternité.