Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

cinema - Page 197

  • Liste des avant-premières d'"Avatar" de James Cameron (dans toute la France)

    avatar2.jpgEn attendant d'avoir le temps de rédiger des critiques de films ( de retour dès demain sur ce blog), une petite note juste pour vous communiquer la liste des avant-premières d'"Avatar" de James Cameron, le 15 décembre, dans toute la France.

    Cliquez ici pour avoir la liste des avant-premières d'"Avatar" dans toute la France

    Lien permanent Imprimer Catégories : IN THE MOOD FOR NEWS (actualité cinématographique) Pin it! 0 commentaire
  • Débat autour du film"Vincere" au cinéma Saint Germain des Prés

    vincere.jpgExceptionnellement, aujourd'hui, pour cause d'absence et de pérégrinations loin d'internet, juste une petit info pour vous signaler que le cinéma Saint Germain des Prés ( dont je vous parle souvent ici et dont la programmation est toujours intéressante) organise, ce soir, un débat autour du film "Vincere".

    Projection du film à 20H suivie d'un débat avec le journaliste spécialiste du cinéma italien Eugenio Renzi.

    Cinéma Saint Germain des Prés- 22 rue Guillaume Apollinaire- 75006 Paris -

    saintgermain.jpg
    Lien permanent Imprimer Catégories : IN THE MOOD FOR NEWS (actualité cinématographique) Pin it! 0 commentaire
  • Critique de « Rapt » de Lucas Belvaux avec Yvan Attal, Anne Consigny…

    rapt.jpg

    Stanislas Graff est un homme d'industrie à qui, en apparence, tout réussit jusqu'à ce qu'il soit enlevé par un  groupe de truands sans scrupules. Débute alors pour lui un calvaire qui va durer plusieurs semaines. Pour persuader son entourage de payer, ses ravisseurs lui coupent un doigt qu'ils envoient à ses proches. Pendant qu'il est coupé du monde et humilié, la presse fait de nombreuses révélations sur ses pertes au jeu, sur ses nombreuses maîtresses, sur sa double vie. Sa femme (Anne Consigny), sa mère (Françoise Fabian) et ses deux filles découvrent par la même occasion sa face cachée...

    A certains égards, « Rapt » me rappelle le film dont je vous parlais avant-hier, « Monsieur Klein » de Joseph Losey, dans sa négation de l'humanité et de l'identité d'un homme, dans son analyse de la barbarie, de l'inhumanité,  d'un fascisme latent.

    Lucas Belvaux, en quelques plans frénétiques et vertigineux, nous présente d'abord Stanislas Graff dans son statut d'homme d'industrie, homme de pouvoir, sûr de lui, pressé, respecté, ami des puissants, quelque peu arrogant même. Rien qui ne nous le rende éminemment sympathique ni totalement antipathique. Et puis c'est l'enlèvement, la descente aux enfers. L'homme est condamné à être enchaîné, à genoux, pire qu'un animal, amputé, humilié. Lui qui surplombait Paris de son appartement et le regardait de sa hauteur d'homme de pouvoir devant lequel on se courbe est courbé à son tour et n'a même plus le droit de lever les yeux condamné à l'obscurité et au silence. Ses bourreaux n'ont aucune pitié, uniquement guidés par l'appât du gain et la haine envers cet homme qui représente un statut auquel ils souhaitent accéder. Par tous les moyens. Même les plus vils et barbares.  Lucas Belvaux a eu l'intelligence de ne jamais les rendre sympathiques, mais de stigmatiser au contraire leur goût du pouvoir et de la violence. Et lorsque la conversation de l'un de ses bourreaux se fait sur un ton presque léger avec un accent marseillais chantant, la cruauté n'en est que plus insidieuse quand, en parlant sur un ton faussement badin et d'autant plus exaspérant, il lui remet les chaînes autour du cou.

    La réalisation, intelligemment elliptique, glaciale et glaçante, accompagne aussi bien les scènes de Stanislas avec ses ravisseurs que celles de sa famille, des avocats, de la police plus soucieux de préserver leurs intérêts que de réellement le sauver. Stanislas va devenir l'objet d'une lutte de pouvoirs acharnée. Entre la police et son avocat. Entre son entreprise et sa famille. Entre son épouse et sa mère.

    Là où le film était intéressant dans ses trois premiers quarts, il se révèle brillant et d'une cruauté ineffable dans ses dernières minutes. Libéré, Stanislas se heurte à un mur de froideur et d'incompréhension. Pas une marque d'affection ou de tendresse si ce n'est de la part de son chien à qui son apparence est bien égale ( ironie du sort pour lui qui a été réduit à l'animalité) sinon des reproches sur sa vie passée comme si cela justifiait, voire excusait, la barbarie dont il a été victime dans le regard des médias, de ses collaborateurs, et même de sa famille pour qui il n'a finalement été qu'un enjeu d'argent.

    L'image l'emporte sur la réalité des faits. Celle que les médias ont forgé  confondant fonds propres et chiffres d'affaires, confondant vie dissolue d'un homme et barbarie dont il est victime, comme si la première justifiait la seconde. Ces médias qui passent d'un sujet à l'autre, lunatiques, amnésiques, un drame en chassant un autre. La dignité avec laquelle il fait face alors qu'il a tout perdu et que sa libération s'avère être une autre forme de captivité (prisonnier de son image) le rend encore plus bouleversant, piétiné alors qu'il est à terre.

    Yvan Attal est ainsi absolument parfait du début à la fin mais encore plus dans les dernières minutes, visages émacié, méconnaissable mais digne et faisant face.

    Cette histoire inspirée de l'affaire du Baron Empain qui eut lieu en 1978 a été transposée de nos jours avec évocation de stock options et de parachutes dorées de rigueur, ce qui renforce le sentiment de malaise et de vraisemblance.

    Le dernier plan, d'une austérité angoissante, montre l'homme dans toute sa solitude, sans même une lueur d'espoir, plongé dans  un cauchemar inextricable. Un film d'une noirceur et d'une froideur rares mais judicieuses qui, du premier plan au dernier, nous tient en haleine malgré sa noirceur et sa violence psychologique suffocantes (mais toujours au service du propos). Le jeu irréprochable et subtilement froid des acteurs secondaires (délibérément hiératiques) contribue aussi à cette réussite.  Un (excellent) film particulièrement intense dont on ressort avec une forte impression qui nous accompagne bien longtemps après le générique, tout comme nous compagne longtemps ce regard d'Yvan Attal, blessé mais debout, seul mais digne. Poignant.

    Lien permanent Imprimer Catégories : CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE EN 2008 Pin it! 3 commentaires
  • "Parlez-moi de la pluie" d'Agnès Jaoui, ce soir, sur Canal+

    Ce soir, à 20H50, Canal plus diffuse "Parlez-moi de la pluie" d'Agnès Jaoui, un film faisant partie de ceux vivement recommandés par inthemoodforcinema.com en 2008.

    pluie.jpg

     

     Agathe Villanova (Agnès Jaoui), féministe nouvellement engagée en politique, revient pour dix jours dans la maison de son enfance, dans le sud de la France, aider sa sœur Florence (Pascale Arbillot) à ranger les affaires de leur mère, décédée un an auparavant.
    Agathe n'aime pas cette région, elle en est partie dès qu'elle a pu mais les impératifs de la parité l'ont parachutée ici à l'occasion des prochaines échéances électorales.
    Dans cette maison vivent Florence, son mari, et ses enfants mais aussi Mimouna (Mimouna Hadji), que les Villanova ont ramenée avec eux d'Algérie, au moment de l'indépendance et qui a élevé les enfants.
    Le fils de Mimouna, Karim (Jamel Debbouze), et son ami Michel Ronsard  (Jean-Pierre Bacri) entreprennent de tourner un documentaire sur Agathe Villanova, dans le cadre d'une collection sur "les femmes qui ont réussi".
    C'est  un mois d'Août gris et pluvieux : ce n'est pas normal...mais rien ne va se passer normalement.

     « Parlez-moi de la pluie et non pas du beau temps
    Le beau temps me dégoute et m'fait grincer les dents
    Le bel azur me met en rage
    Car le plus grand amour qui m'fut donné sur terr'
    Je l'dois au mauvais temps, je l'dois à Jupiter
    Il me tomba d'un ciel d'orage »

     Voilà les premiers vers de la chanson « L'orage » de Georges Brassens dont le titre du film est tiré. De l'orage surgit la vérité, parfois l'amour mais avant d'en arriver là les personnages de « Parlez-moi de la pluie » auront dû affronter des humiliations ordinaires et non moins blessantes, leurs certitudes parfois erronées ou une injustice lancinante, une condescendance.

     Je revoyais le magnifique et intemporel « César et Rosalie » de Claude Sautet avant-hier, encore, pour la énième fois, avec toujours cette même envie de suivre les personnages, de les connaître même,  et même si Agnès Jaoui récuserait peut-être cette comparaison (n'aime-t-elle pas plutôt, aussi, Kusturica, où par bribes visuelles et musicales, son film m'a aussi fait songer ?), je trouve que leurs films ont cela en commun de donner vie et profondeur à des personnages à tel point qu'on imagine leur passé, leur avenir, une existence réelle, qu'on les découvre différemment à chaque visionnage, dans toute leur touchante ambivalence. Et puis Claude Sautet aussi aimait « parler de la pluie ». Dans chacun de ses films ou presque, elle cristallisait les sentiments, rapprochait les êtres.

     Ce qu'on remarque en premier, c'est donc cela : le sentiment d'être plongés dans l'intériorité des personnages, de les connaître déjà ou de les avoir rencontrés ou d'avoir envie de les rencontrer tant les scénaristes Bacri et Jaoui les humanisent. Karim et Mimouna sont victimes du racisme, d'autant plus terrible qu'insidieux, Agathe du sexisme et des préjugés concernant sa condition de femme politique,  Michel de ne pas exercer pleinement son métier ni d'avoir pleinement la garde de son fils, Florence de ne pas être assez aimée... Chaque personnage est boiteux, que son apparence soit forte ou fragile.

      La caméra d'Agnès Jaoui est plus nerveuse qu'à l'accoutumée comme si les doutes de ses personnages s'emparaient de la forme mais c'est quand elle se pose, reprend le plan séquence qu'elle est la plus poignante et drôle : vivante. Comme dans cette scène où Karim, Michel, Agathe se retrouvent chez un agriculteur qui les a « recueillis » : scène troublante de justesse, ne négligeant aucun personnage, aucun lieu commun pour mieux le désarçonner, en souligner l'absurdité.

     L'écriture de Bacri et Jaoui est toujours nuancée,  la complexité des êtres, leurs faiblesses que leur écriture précise dissèque devient ce qui fait leur force. Les dialogues sont toujours aussi ciselés, peut-être moins percutants et acerbes  que dans le caustique et si touchant  « Un air de famille » de Cédric Klapisch, plus mélancolique aussi. Jaoui et Bacri ont décidément le goût des autres à tel point qu'ils nous font aimer et comprendre leurs imperfections, et forcément nous y reconnaître. Aucun rôle n'est négligé. Le second rôle n'existe pas.  L'écriture de Jaoui et Bacri n'a pas son pareil pour faire s'enlacer pluie et soleil, émotion et rire, force et faiblesse : pour faire danser l'humanité sous nos yeux. Jaoui et Bacri n'ont pas leur pareil pour décrire la météo lunatique des âmes.

     Jamel Debbouze n'a jamais été aussi bien filmé, n'a jamais aussi bien joué : dans la retenue, l'émotion, la conviction. Adulte, enfin.

     Le personnage d'Agathe incarné par Agnès Jaoui est une salutaire réponse au poujadisme toujours régnant qui voudrait qu'ils soient « tous pourris » et rend hommage à l'engagement parfois compliqué que constitue la politique.

     Drôle, poétique, touchant, convaincant : cette pluie vous met du baume au cœur.

    On en ressort l'âme ensoleillée après que se soit dissipée la brume qui pesait sur celles de ses personnages que l'on quitte avec regrets, heureux malgré tout de les voir cheminer vers une nouvelle étape de leur existence qui s'annonce plus radieuse.

     Si comme l'écrivait Kirkegaard cité dans le film, l'angoisse est le possible de la liberté. La pluie sur les âmes sans doute est-elle le possible de son soleil, teinté d'une bienheureuse mélancolie  à l'image de ce film réconfortant, brillamment écrit et réalisé.

  • Critique de « Monsieur Klein » de Joseph Losey avec Alain Delon, Jeanne Moreau, Michael Lonsdale… (1976)

    klein.jpg

    A chaque projection ce film me terrasse littéralement tant ce chef d'œuvre est bouleversant, polysémique, riche, brillant, nécessaire. Sans doute la démonstration cinématographique la plus brillante de l'ignominie ordinaire et de l'absurdité d'une guerre aujourd'hui encore partiellement insondables.  A chaque projection, je le vois  et l'appréhende différemment. Ce fut à nouveau le cas hier soir. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore et que j'espère convaincre d'y remédier par cet article, récapitulons d'abord brièvement l'intrigue.

    Il s'agit de Robert Klein. Le monsieur Klein du titre éponyme. Enfin un des deux Monsieur Klein du titre éponyme. Ce Monsieur Klein-là, interprété par Alain Delon,  voit dans l'Occupation avant tout une occasion de s'enrichir et de racheter à bas prix des œuvres d'art à ceux qui doivent fuir ou se cacher, comme cet homme juif (Jean Bouise) à qui il rachète une œuvre du peintre hollandais Van Ostade. Le même jour, il reçoit le journal « Informations juives » adressé à son nom, un journal normalement uniquement délivré sur abonnement. Ces abonnements étant soumis à la préfecture et M.Klein allant lui-même signaler cette erreur, de victime, il devient suspect... Il commence alors à mener l'enquête et découvre que son homonyme a visiblement délibérément usé de la confusion entre leurs identités pour disparaître...

    La première scène, d'emblée, nous glace d'effroi par son caractère ignoble et humiliant pour celle qui la subit. Une femme entièrement nue est examinée comme un animal par un médecin et son assistante afin d'établir ou récuser sa judéité.  Y succède une scène dans laquelle, avec la même indifférence, M.Klein rachète un tableau à un juif obligé de s'en séparer. M.Klein examine l'œuvre avec plus de tact que l'était cette femme humiliée dans la scène précédente, réduite à un état inférieur à celui de chose mais il n'a pas plus d'égard pour son propriétaire que le médecin en avait envers cette femme même s'il respecte son souhait de ne pas donner son adresse, tout en ignorant peut-être la véritable raison de sa dissimulation affirmant ainsi avec une effroyable et sans doute inconsciente effronterie « bien souvent je préfèrerais ne pas acheter ».

    Au plan des dents de cette femme observées comme celles d'un animal s'oppose le plan de l'amie de M.Klein, Jeanine (Juliet Berto) qui se maquille les lèvres dans une salle de bain outrageusement luxueuse. A la froideur clinique du cabinet du médecin s'oppose le luxe tapageur de l'appartement de M.Klein qui y déambule avec arrogance et désinvolture, recevant ses invités dans une robe de chambre dorée. Il collectionne. Les œuvres d'art même s'il dit que c'est avant tout son travail. Les femmes aussi apparemment. Collectionner n'est-ce pas déjà une négation de l'identité, cruelle ironie du destin alors que lui-même n'aura ensuite de cesse de prouver et retrouver la sienne ?

    Cet homonyme veut-il lui  sauver sa vie ? Le provoquer ? Se venger ? M.Klein se retrouve alors plongé en pleine absurdité kafkaïenne où son identité même est incertaine. Cette identité pour laquelle les Juifs sont persécutés, ce qui, jusque-là,  l'indifférait prodigieusement et même l'arrangeait plutôt, ou en tout cas arrangeait ses affaires.

     Losey n'a pas son pareil pour utiliser des cadrages qui instaurent le malaise, instillent de l'étrangeté dans des scènes a priori banales dont l'atmosphère inquiétante est renforcée par une lumière grisâtre mettent en ombre des êtres fantomatiques, le tout exacerbé par une musique savamment dissonante...  Sa caméra surplombe ces scènes comme un démiurge démoniaque : celui qui manipule M.Klein ou celui qui dicte les lois ignominieuses de cette guerre absurde. La scène du château en est un exemple, il y retrouve une femme, apparemment la maîtresse de l'autre M.Klein (Jeanne Moreau, délicieusement inquiétante, troublante et mystérieuse) qui y avait rendez-vous. Et alors que M.Klein-Delon lui demande l'adresse de l'autre M.Klein, le manipulateur, sa maîtresse lui donne sa propre adresse, renforçant la confusion et la sensation d'absurdité.  Changement de scène. Nous ne voyons pas la réaction de M.Klein. Cette brillante ellipse ne fait que renforcer la sensation de malaise.

    Le malentendu (volontairement initié ou non ) sur son identité va amener Klein à faire face à cette réalité qui l'indifférait. Démonstration par l'absurde auquel il est confronté de cette situation historique elle-même absurde dont il profitait jusqu'alors. Lui dont le père lui dit qu'il est « français et catholique  depuis Louis XIV», lui qui se dit « un bon français qui croit dans les institutions ». M.Klein est donc  certes un homme en quête d'identité mais surtout un homme qui va être amené à voir ce qu'il se refusait d'admettre et qui l'indifférait parce qu'il n'était pas personnellement touché : « je ne discute pas la loi mais elle ne me concerne pas ». Lui qui faisait partie de ces « Français trop polis ». Lui qui croyait que « la police française ne ferait jamais ça» mais qui clame surtout : «  Je n'ai rien à voir avec tout ça. » Peu lui importait ce que faisait la police française tant que cela ne le concernait pas. La conscience succède à l'indifférence. Le vide succède à l'opulence. La solitude succède à la compagnie flatteuse de ses « amis ». Il se retrouve dans une situation aux frontières du fantastique à l'image de ce que vivent alors quotidiennement les Juifs. Le calvaire absurde d'un homme pour illustrer celui de millions d'autres.

    Et il faut le jeu tout en nuances de Delon, presque méconnaissable, perdu et s'enfonçant dans le gouffre insoluble de cette quête d'identité pour nous rendre ce personnage sympathique, ce vautour qui porte malheur et qui « transpercé d'une flèche, continue à voler ». Ce vautour auquel il est comparé et qui éprouve du remords, peut-être, enfin. Une scène dans un cabaret le laisse entendre. Un homme juif y est caricaturé comme cupide au point de  voler la mort et faisant dire à son interprète : « je vais faire ce qu'il devrait faire, partir avant que vous me foutiez à  la porte ». La salle rit aux éclats. La compagne de M.Klein, Jeanine, est choquée par ses applaudissements. Il réalise alors, apparemment, ce que cette scène avait d'insultante, bête et méprisante et  ils finiront par partir. Dans une autre scène, il forcera la femme de son avocat à jouer l'International alors que le contenu de son appartement est saisi par la police, mais il faut davantage sans doute y voir là une volonté de se réapproprier l'espace et de se venger de celle-ci qu'un véritable esprit de résistance. Enfin, alors que tous ses objets sont saisis, il insistera pour garder le tableau de Van Ostade, son dernier compagnon d'infortune et peut-être la marque de son remords qui le rattache à cet autre qu'il avait tellement méprisé, voire nié et que la négation de sa propre identité le fait enfin considérer.

    Le jeu des autres acteurs, savamment trouble, laisse  ainsi entendre que chacun complote ou pourrait être complice de cette machination, le père de M.Klein (Louis Seigner) lui-même ne paraissant pas sincère quand il dit « ne pas connaître d'autre Robert Klein », de même que son avocat (Michael Lonsdale) ou la femme de celui-ci (Francine Bergé) qui auraient des raisons de se venger, son avocat le traitant même de « minus », parfaite incarnation des Français de cette époque au rôle trouble, à l'indifférence coupable, à la lâcheté méprisable, au silence hypocrite.

    Remords ? Conviction de supériorité ? Amour de liberté ? Volonté de partager le sort de ceux dont il épouse alors jusqu'au bout l'identité ? Homme égoïste poussé par la folie de la volonté de savoir ? Toujours est-il que, en juillet 1942, il se retrouve victime de la   Raflé du Vel d'Hiv avec 15000 autres juifs parisiens. Alors que son avocat possédait le certificat pouvant le sauver, il se laisse délibérément emporter dans le wagon en route pour Auschwitz avec, derrière lui, l'homme  à qui il avait racheté le tableau et, dans sa tête, résonne alors le prix qu'il avait vulgairement marchandé pour son tableau. Scène édifiante, bouleversante, tragiquement cynique. Pour moi un des dénouements les plus poignants de l'Histoire du cinéma. Celui qui, en tout cas, à chaque fois, invariablement, me bouleverse.

    La démonstration est glaciale, implacable. Celle de la perte et de la quête d'identité poussées à leur paroxysme. Celle de la cruauté dont il fut le complice peut-être inconscient et dont il est désormais la victime. Celle de l'inhumanité, de son effroyable absurdité. Celle de gens ordinaire qui ont agi plus par lâcheté, indifférence que conviction.

    Losey montre ainsi froidement et brillamment une triste réalité française de cette époque,  un pan de l'Histoire et de la responsabilité française qu'on a longtemps préféré ignorer et même nier. Sans doute cela explique-t-il que « Monsieur Klein » soit reparti bredouille du Festival de Cannes 1976 pour lequel le film et Delon, respectivement pour la palme d'or et le prix d'interprétation, partaient pourtant favoris. En compensation, il reçut les César du meilleur film, de la meilleure réalisation et  des meilleurs décors.

    Ironie là aussi de l'histoire (après celle de l'Histoire), on a reproché à Losey de faire, à l'image de Monsieur Klein, un profit malsain de l'art en utilisant cette histoire mais je crois que le film lui-même est une réponse à cette accusation (elle aussi) absurde.

    A la fois thriller sombre, dérangeant, fascinant, passionnant ; quête de conscience et d'identité d'un homme ; mise en ombres et en lumières des atrocités absurdes commises par le régime de Vichy et de l'inhumanité des français ordinaires ; implacable et saisissante démonstration de ce que fut la barbarie démente et ordinaire,  « Monsieur Klein » est un chef d'œuvre aux interprétations multiples que la brillante mise en scène de Losey sublime et dont elle fait résonner le sens et la révoltante et à jamais inconcevable tragédie ... des décennies après. A voir et à revoir. Pour ne jamais oublier...

    Autres articles concernant Alain Delon sur inthemoodforcinema.com:

    La soirée Paramount de lancement du DVD de Borsalino (vidéos et critique du film)

    Documentaire sur Alain Delon

     « Les Montagnes russes », 

     « Sur la route de Madison »,

    « Love letters ».

     « La Piscine » de Jacques Deray

     Le Guépard » de Visconti

    "Le Professeur" de Valerio Zurlini

  • "Monsieur Klein" de Joseph Losey, ce soir, sur Arte

    klein.jpgCe soir, à 20H45, sur Arte, ne manquez sous aucun prétexte le chef d'oeuvre de Joseph Losey: "Monsieur Klein", avec Alain Delon.

    L'analyse du film sera en ligne demain sur inthemoodforcinema.com .

  • Gagnez vos places pour "Canine" de Yorgos Lanthimos

    canine3.jpgMême si je ne vous y encourage pas...je vous rappelle que vous pouvez toujours gagner  vos places pour le film "Canine" de Yorgos Lanthimos (prix Un Certain Regard et Prix de la jeunesse du Festival de Cannes 2009) en participant au concours qui se trouve ici... à vos risques et périls!:-)

    Cliquez ici pour ma critique du film "Canine" de Yorgos Lanthimos

    Lien permanent Imprimer Catégories : CONCOURS Pin it! 0 commentaire