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cinema - Page 79

  • Critique de LA VIE RÊVEE DE WALTER MITTY de Ben Stiller à 20H45 sur Ciné + Club

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    Ben Stiller a au moins le mérite de sembler aimer son sujet, d’avoir une idée originale (…quoique…  "La Vie rêvée de Walter Mitty" est une libre adaptation d'une comédie datant de 1947 intitulée « La Vie secrète de Walter Mitty » et le projet n'est pas son initiative) et d’avoir un minimum soigné la réalisation même si on retrouve ce trait commun à nombre de films aujourd’hui : des quadragénaires qui se conduisent comme des adolescents attardés. C’est ainsi le cas de « Walter Mitty » (Ben Stiller) qui  est « un homme ordinaire (un homme ordinaire se conduirait donc comme un adolescent attardé), enfermé dans son quotidien, qui n’ose s’évader qu’à travers des rêves à la fois drôles et extravagants. Mais confronté à une difficulté dans sa vie professionnelle, Walter doit trouver le courage de passer à l'action dans le monde réel. Il embarque alors dans un périple incroyable, pour vivre une aventure bien plus riche que tout ce qu'il aurait pu imaginer jusqu’ici. Et qui devrait changer sa vie à jamais. »

     Walter a en effet égaré le négatif n°25, celui-là même qui doit faire la couverture de Life et que lui a envoyé un photographe baroudeur pour qui il travaille depuis des années et qu’il admire tout particulièrement (Sean Penn qui prend très bien l’air du baroudeur libre, concerné, aux sourcils froncés, et tellement amoureux de la beauté et la liberté qu’il préfère ne pas les capturer et les garder pour lui seul, en photographe à principes).

    Le pitch était réellement séduisant. Un homme qui, à défaut de vivre ses rêves, s’y évade au point de « déconnecter » de la réalité jusqu’à ce qu’il comprenne que vivre ses rêves « réellement » est encore mieux. Sauf que Walter, notre adolescent attardé est  amoureux de sa collègue qu’il voit tous les jours mais il préfèrerait lui déclarer sa flamme via un site de rencontres sur lequel elle est évidemment inscrite. La collègue (Kristen Wiig, dont le personnage n'est pas du tout développé, servant simplement de faire-valoir) en question semble dès le début s’intéresser à lui. Fin du suspense. On peut imaginer ce qu’un Capra, un Fellini ou Tim Burton auraient fait de ce film, eux qui sav(ai)ent si bien donner une dimension onirique à leurs films mais à force d’osciller entre le rêve et la réalité, Ben Stiller signe un film totalement irréaliste qui ne parvient pas non plus vraiment à faire rêver. Ce sujet avait pourtant tout pour me plaire : un homme qui décide de faire en sorte que les rêves dévorent sa vie afin que sa vie ne dévore pas ses rêves, pour paraphraser Saint-Exupéry.

    Les paysages sont magnifiques et Ben Stiller s’est visiblement fait plaisir  à nous faire voyager et en nous embarquant notamment en Islande  voir le désormais célèbre volcan  Eyjafjallajökull qu'il quitte d'ailleurs brusquement au moment où le film devenait intéressant. (au passage, très belle photographie de Stuart Dryburgh). Malheureusement, un scénario bancal et l’accumulation de sujets font que l’émotion n’a jamais le temps d’affleurer : Walter a perdu son père jeune, il est confronté à la fin de la presse écrite etc. Par ailleurs, pour un film sur les clichés, il est dommage qu’il en comporte tant (ou alors, est-ce un moyen ironique de faire coïncider la forme et le fond) entre la  parodie ridicule du sublime film "L'étrange histoire de Benjamin Button" ou le personnage du supérieur aussi exagérément stupide qu’arrogant.

    "La Vie rêvée de Walter Mitty" a été intégralement tourné en pellicule, la forme rejoignant ainsi le fond (à dessein cette fois) puisque le personnage est développeur sur pellicule pour le magazine Life qui s'apprête à publier son dernier numéro papier pour passer au format numérique sur internet. Finalement, peut-être la seule bonne idée, le film étant davantage un hommage à ces artisans qu’aux doux rêveurs qui ne se reconnaîtront pas forcément dans cette fable vélléitaire dont le dénouement est par ailleurs très très téléphonée.

    Reste que le film est une métaphore du cinéma qui permet de donner vie aux rêves les plus fous, et un hommage à celui-ci qui parfois, quand c'est réussi, vous donne envie d'empoigner la vie et vos rêves pour qu'ils ne fassent qu'un. Walter vous donnera donc peut-être envie de faire de vos rêves une réalité, ce qui n’est déjà pas si mal. Mais pour cela, vous pouvez tout aussi bien relire Saint-Exupéry. Et revoir  (ou relire) "L'étrange histoire de Benjamin Button".

  • Critique de INTO THE WILD de Sean Penn ce soir à 20H45 sur Ciné + Emotion

    cinéma, critique, film, Into the wild, Sean Penn, télévision, cinéma, In the mood for cinema, Emile Hirsch, William Hunt

    Quel voyage saisissant ! Quelle expérience envoûtante ! A la fois éprouvante et sublime. Je devrais commencer par le début avant d’en venir à mes impressions mais elles étaient tellement fortes que parmi toutes ces sensations puissantes et désordonnées suscitées par ce film, c’était ce qui prévalait, cette impression pas seulement d’avoir vu un film mais d’avoir effectué un voyage, un voyage en moi-même, et d’avoir vécu une véritable expérience sensorielle. Depuis que j’ai vu ce film, il me semble penser à l’envers, du moins autrement, revenir moi aussi (plutôt, moi seulement, certains n’en reviennent pas) d’un voyage initiatique bouleversant.

    Mais revenons au début, au jeune Christopher McCandless, 22 ans, qui reçoit son diplôme et avec lui le passeport pour Harvard, pour une vie tracée, matérialiste, étouffante. Il décide alors de tout quitter : sa famille, sans lui laisser un seul mot d'explication, son argent, qu’il brûle, sa voiture, pour parcourir et ressentir la nature à pied, et même son nom pour se créer une autre identité. Et surtout sa vie d’avant. Une autre vie. Il va traverser les Etats-Unis, parcourir les champs de blé du Dakota, braver les flots agités du Colorado, croiser les communautés hippies de Californie, affronter le tumulte de sa conscience pour atteindre son but ultime : l’Alaska, se retrouver « into the wild » au milieu de ses vastes étendues grisantes, seul, en communion avec la nature.

    Dès les premières secondes la forme, qui attire d’abord notre attention, épouse intelligemment le fond. Des phrases défilent sur l’écran sur des paysages vertigineux, parce que ce sont les deux choses qui guident Christopher : l’envie de contempler la nature, de se retrouver, en harmonie avec elle et la littérature qui a d’ailleurs en partie suscité cette envie, cette vision du monde. Jack London. Léon Tolstoï. Et en entendant ces noms, je commence à me retrouver en territoires connues, déjà troublée par ce héros si différent et si semblable. Influencé par Henry David Thoreau aussi, connu pour ses réflexions sur une vie loin de la technologie…et pour la désobéissance civile.

    Puis avec une habileté déconcertante et fascinante Sean Penn mélange les temporalités du personnage ( instants de son enfance, sa vie en Alaska, seul dans un bus au milieu de paysages sidérants de beauté) et les rencontres marquantes de son périple, les points de vue (le sien, celui de sa sœur), les fonctions de la voix off (lecture, citations, impressions) brouillant nos repères pour en créer d’autres, trouver les siens, transgressant les codes habituels de la narration filmique, s’adressant même parfois à la caméra, à nous, nous prenant à témoin, nous interpellant, nous mettant face à notre propre quête. De bonheur. De liberté. Et surtout : de vérité.

    Au travers de ces différentes étapes, nous le découvrons, ainsi que ce qui l’a conduit à effectuer ce périple au bout de lui-même en même temps que lui chemine vers la réconciliation avec lui-même, avec son passé, avec son avenir. En phase avec l’instant, l’essentiel, le nécessaire. Un instant éphémère et éternel. Carpe diem. Au péril de sa vie, au péril de ceux qui l’aiment. Mais c’est sa vérité. Paradoxale : égoïste et humaniste.

    Comme son protagoniste, la réalisation de Sean Penn est constamment au bord du précipice, à se faire peur, à nous faire peur mais jamais il ne tombe dans les écueils qu’il effleure parfois : celui d’un idéalisme aveugle et d’un manichéisme opposant la nature innocente et noble à la société pervertie. Non : la nature est parfois violente, meurtrière aussi, et sa liberté peut devenir étouffante, sa beauté peut devenir périlleuse. Et la mort d’un élan la plus grande tragédie d’une vie. De sa vie. La fin d’un élan, de liberté.

    « Into the wild » fait partie de ces rares films qui vous décontenancent et vous déconcertent d’abord, puis vous intriguent et vous ensorcellent ensuite progressivement, pour vous emmener vous aussi bien au-delà de l’écran, dans des contrées inconnues, des territoires inexplorées ou volontairement occultées, même en vous-même. Avec le protagoniste, nous éprouvons cette sensation de liberté absolue, enivrante. Ce désir de simplicité et d’essentiel, cette quête d’un idéal. D’un chemin particulier et singulier ( C’est une histoire vraie, Christopher McCandless a réellement existé, son histoire a inspiré « Voyage au bout de la solitude » du journaliste américain Jon Krakauer) Sean Penn écrit une histoire aux échos universels . Un chemin au bout de la passion, au bout de soi, pour se (re)trouver. Pour effacer les blessures de l’enfance. Et pour en retrouver la naïveté et l’innocence.

    2H27 pour vivre une renaissance. Enfance. Adolescence. Famille. Sagesse. Au fil de ses rencontres, magiques, vraies, il se reconstitue une famille. Chaque rencontre incarne un membre de sa famille, l’autre, celle du cœur : sa mère, son père, sa sœur. Sur chaque personnage Sean Penn porte un regard empli d’empathie, jamais condescendant à l’image de cette nature. A fleur de peau. Sauvage. Blessée. Ecorchée vive.

    La photographie du célèbre et talentueux Eric Gautier révèle la beauté et la somptuosité mélancolique de la nature comme elle révèle Christopher à lui-même, confrontant l’intime au grandiose. La bande originale poignante composée par Eddie Vedder du groupe « Pearl Jam » contribue à cette atmosphère sauvage et envoûtante, il a d’ailleurs obtenu le Golden Globe 2008 de la meilleure chanson. Et puis évidemment Emile Hirsch d’une ressemblance troublante avec Leonardo Di Caprio (Sean Penn avait d’ailleurs pensé à lui pour le rôle), par son jeu précis et réaliste, par sa capacité à incarner ce personnage à tel point qu’il semble vraiment exister, vibrer, vivre, mourir et renaître, sous nos yeux, est indissociable de la réussite de ce film.

    Avec ce quatrième long-métrage (après « The Indian Runner », « Crossing guard », « The pledge ») Sean Penn signe (il a aussi écrit le scénario) un film magistralement écrit, mis en scène (avec beaucoup de sensibilité, d’originalité et de sens) et mis en lumière, magistralement interprété, un road movie animé d’un souffle lyrique, un road movie tragique et lumineux, atypique et universel.

    Vous ne ressortirez ni indifférents, ni indemnes. Ce film va à l’essentiel, il vous bouscule et vous ensorcelle, il vous embarque bien au-delà de l’écran, dans sa quête d’absolu, de liberté, de bonheur. Un voyage aux confins du monde, de la nature, un voyage aux confins de l'être, de vous-même… Un film d’auteur. Un très grand film. D'un très grand auteur. Qui se termine sur des battements de cœur. Celui du héros qui renait. Au cœur de la vérité.

  • Critique de INTO THE WILD de Sean Penn ce soir à 20H45 sur Ciné + Emotion

    cinéma, critique, film, Into the wild, Sean Penn, télévision, cinéma, In the mood for cinema, Emile Hirsch, William Hunt

    Quel voyage saisissant ! Quelle expérience envoûtante ! A la fois éprouvante et sublime. Je devrais commencer par le début avant d’en venir à mes impressions mais elles étaient tellement fortes que parmi toutes ces sensations puissantes et désordonnées suscitées par ce film, c’était ce qui prévalait, cette impression pas seulement d’avoir vu un film mais d’avoir effectué un voyage, un voyage en moi-même, et d’avoir vécu une véritable expérience sensorielle. Depuis que j’ai vu ce film, il me semble penser à l’envers, du moins autrement, revenir moi aussi (plutôt, moi seulement, certains n’en reviennent pas) d’un voyage initiatique bouleversant.

    Mais revenons au début, au jeune Christopher McCandless, 22 ans, qui reçoit son diplôme et avec lui le passeport pour Harvard, pour une vie tracée, matérialiste, étouffante. Il décide alors de tout quitter : sa famille, sans lui laisser un seul mot d'explication, son argent, qu’il brûle, sa voiture, pour parcourir et ressentir la nature à pied, et même son nom pour se créer une autre identité. Et surtout sa vie d’avant. Une autre vie. Il va traverser les Etats-Unis, parcourir les champs de blé du Dakota, braver les flots agités du Colorado, croiser les communautés hippies de Californie, affronter le tumulte de sa conscience pour atteindre son but ultime : l’Alaska, se retrouver « into the wild » au milieu de ses vastes étendues grisantes, seul, en communion avec la nature.

    Dès les premières secondes la forme, qui attire d’abord notre attention, épouse intelligemment le fond. Des phrases défilent sur l’écran sur des paysages vertigineux, parce que ce sont les deux choses qui guident Christopher : l’envie de contempler la nature, de se retrouver, en harmonie avec elle et la littérature qui a d’ailleurs en partie suscité cette envie, cette vision du monde. Jack London. Léon Tolstoï. Et en entendant ces noms, je commence à me retrouver en territoires connues, déjà troublée par ce héros si différent et si semblable. Influencé par Henry David Thoreau aussi, connu pour ses réflexions sur une vie loin de la technologie…et pour la désobéissance civile.

    Puis avec une habileté déconcertante et fascinante Sean Penn mélange les temporalités du personnage ( instants de son enfance, sa vie en Alaska, seul dans un bus au milieu de paysages sidérants de beauté) et les rencontres marquantes de son périple, les points de vue (le sien, celui de sa sœur), les fonctions de la voix off (lecture, citations, impressions) brouillant nos repères pour en créer d’autres, trouver les siens, transgressant les codes habituels de la narration filmique, s’adressant même parfois à la caméra, à nous, nous prenant à témoin, nous interpellant, nous mettant face à notre propre quête. De bonheur. De liberté. Et surtout : de vérité.

    Au travers de ces différentes étapes, nous le découvrons, ainsi que ce qui l’a conduit à effectuer ce périple au bout de lui-même en même temps que lui chemine vers la réconciliation avec lui-même, avec son passé, avec son avenir. En phase avec l’instant, l’essentiel, le nécessaire. Un instant éphémère et éternel. Carpe diem. Au péril de sa vie, au péril de ceux qui l’aiment. Mais c’est sa vérité. Paradoxale : égoïste et humaniste.

    Comme son protagoniste, la réalisation de Sean Penn est constamment au bord du précipice, à se faire peur, à nous faire peur mais jamais il ne tombe dans les écueils qu’il effleure parfois : celui d’un idéalisme aveugle et d’un manichéisme opposant la nature innocente et noble à la société pervertie. Non : la nature est parfois violente, meurtrière aussi, et sa liberté peut devenir étouffante, sa beauté peut devenir périlleuse. Et la mort d’un élan la plus grande tragédie d’une vie. De sa vie. La fin d’un élan, de liberté.

    « Into the wild » fait partie de ces rares films qui vous décontenancent et vous déconcertent d’abord, puis vous intriguent et vous ensorcellent ensuite progressivement, pour vous emmener vous aussi bien au-delà de l’écran, dans des contrées inconnues, des territoires inexplorées ou volontairement occultées, même en vous-même. Avec le protagoniste, nous éprouvons cette sensation de liberté absolue, enivrante. Ce désir de simplicité et d’essentiel, cette quête d’un idéal. D’un chemin particulier et singulier ( C’est une histoire vraie, Christopher McCandless a réellement existé, son histoire a inspiré « Voyage au bout de la solitude » du journaliste américain Jon Krakauer) Sean Penn écrit une histoire aux échos universels . Un chemin au bout de la passion, au bout de soi, pour se (re)trouver. Pour effacer les blessures de l’enfance. Et pour en retrouver la naïveté et l’innocence.

    2H27 pour vivre une renaissance. Enfance. Adolescence. Famille. Sagesse. Au fil de ses rencontres, magiques, vraies, il se reconstitue une famille. Chaque rencontre incarne un membre de sa famille, l’autre, celle du cœur : sa mère, son père, sa sœur. Sur chaque personnage Sean Penn porte un regard empli d’empathie, jamais condescendant à l’image de cette nature. A fleur de peau. Sauvage. Blessée. Ecorchée vive.

    La photographie du célèbre et talentueux Eric Gautier révèle la beauté et la somptuosité mélancolique de la nature comme elle révèle Christopher à lui-même, confrontant l’intime au grandiose. La bande originale poignante composée par Eddie Vedder du groupe « Pearl Jam » contribue à cette atmosphère sauvage et envoûtante, il a d’ailleurs obtenu le Golden Globe 2008 de la meilleure chanson. Et puis évidemment Emile Hirsch d’une ressemblance troublante avec Leonardo Di Caprio (Sean Penn avait d’ailleurs pensé à lui pour le rôle), par son jeu précis et réaliste, par sa capacité à incarner ce personnage à tel point qu’il semble vraiment exister, vibrer, vivre, mourir et renaître, sous nos yeux, est indissociable de la réussite de ce film.

    Avec ce quatrième long-métrage (après « The Indian Runner », « Crossing guard », « The pledge ») Sean Penn signe (il a aussi écrit le scénario) un film magistralement écrit, mis en scène (avec beaucoup de sensibilité, d’originalité et de sens) et mis en lumière, magistralement interprété, un road movie animé d’un souffle lyrique, un road movie tragique et lumineux, atypique et universel.

    Vous ne ressortirez ni indifférents, ni indemnes. Ce film va à l’essentiel, il vous bouscule et vous ensorcelle, il vous embarque bien au-delà de l’écran, dans sa quête d’absolu, de liberté, de bonheur. Un voyage aux confins du monde, de la nature, un voyage aux confins de l'être, de vous-même… Un film d’auteur. Un très grand film. D'un très grand auteur. Qui se termine sur des battements de cœur. Celui du héros qui renait. Au cœur de la vérité.

  • Festival de Cannes 2016 : nouveau blog et président du jury

    A l'occasion de la première annonce concernant l'édition 2016 du Festival de Cannes, à savoir celle de son président du jury qui sera l'Australien George Miller, je vous invite à découvrir la nouvelle version de mon blog http://inthemoodforcannes.com entièrement consacré à ce festival et sur lequel vous pourrez lire mon article à ce sujet.

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  • Festival de Cannes 2016 : nouveau blog et président du jury

    A l'occasion de la première annonce concernant l'édition 2016 du Festival de Cannes, à savoir celle de son président du jury qui sera l'Australien George Miller, je vous invite à découvrir la nouvelle version de mon blog http://inthemoodforcannes.com entièrement consacré à ce festival et sur lequel vous pourrez lire mon article à ce sujet.

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  • L'affiche du Festival International du Film Policier de Beaune 2016

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    Découvrez ci-dessous l'affiche de l'édition 2016 du Festival International du Film Policier de Beaune (qui aura lieu cette année du 30 mars au 3 avril 2016) auquel j'avais eu le plaisir d'assister l'an passé, un bonheur pour l'inconditionnel de cinéma policier que je suis (et cela ne date pas d'hier comme vous le verrez sur la photo ci-dessous).

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    Cliquez ici pour lire mon compte rendu complet et détaillé de l'édition 2015 du Festival International du Film Policier de Beaune.

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  • LECTURE – "J'ai vécu dans mes rêves" par Michel Piccoli avec Gilles Jacob

     

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    Depuis des semaines, ce livre trône en haut de ma pile d’ouvrages littéraires en attente d’être lus, une pile vertigineusement périlleuse car, je l'avoue, parcourir les quatrièmes de couverture en librairie est une incorrigible addiction et il est bien rare que je résiste quand le thème ou l'auteur ou l'histoire, parfois les trois, suscitent ma curiosité. Ce livre-ci, je le gardais précieusement comme on repousse la dégustation d'un mets, pour en retarder le plaisir, quasiment indubitable. Je ne m’y suis pas trompée. Ce savoureux échange d’une tendre causticité entre ces deux grands hommes du cinéma qui, en plus de la passion du septième art, partagent l’élégance morale, je l’ai bel et bien dévoré d’une traite.

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    En 2009 était publiée l’autobiographie entre rêve et réalité de Gilles Jacob intitulée La vie passera comme un rêve. S’y entremêlaient les lumières de la Croisette et la mélancolie de l’enfance. Un récit passionné, passionnant, enthousiaste. Ce nouveau livre résonne comme un écho, en raison de son titre, J’ai vécu dans mes rêves mais aussi de l’enthousiasme et de la mélancolie qui l’imprègnent et de tout ce que les deux hommes semblent partager. Une pudeur. Une malice. Une lucidité sur leur métier, la vie et ceux qu’ils côtoient. L'auto-dérision. Une audace guidée par la passion. ( « Dans la vie, si on ne veut pas trop s’ennuyer, il faut finir par oser ce que notre timidité naturelle nous commande de retenir», écrit ainsi Michel Piccoli). Un regard aiguisé et légèrement inquiet. Une dérision qui résonne (et qui raisonne ) comme le contraire de la désinvolture, peut-être simplement une conscience aigüe de l'absurdité de l’existence. Une envie d’étonner, de « déconcerter » même, surtout pas au détriment des autres mais pour « rester en éveil ». Une simplicité malgré tout cela. La complicité entre l’acteur et celui qui fut à la tête du Festival de Cannes de 1978 à 2014, aujourd'hui notamment écrivain et président de la Cinéfondation qu'il a créée, rend l’échange particulièrement vivant.

    Gilles Jacob et Michel Piccoli se sont ainsi rencontrés « quelques mois après mai 1968 ». De leur amitié résultent de caustiques échanges épistolaires (je vous recommande tout particulièrement la lecture des morceaux choisis qui figurent à la fin du livre et qui vous donneront une idée de leurs joutes verbales) mais aussi ces confidences sous forme de correspondance.

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    Le livre se divise en différents chapitres qui permettent à l’acteur d’évoquer ses souvenirs de vie et de cinéma :   « Mon cher Michel », « L’enfance », « Un apprentissage », « Le cinéma », « L’Acteur », « Vieillir », « Ecrire ».

    De Michel Piccoli, nous connaissons tous la carrière exceptionnelle et cette voix singulière, profonde, ensorcelante (l'acteur évoque d’ailleurs la manière dont il travaille la voix des personnages qu’il joue, aspect essentiel de ses interprétations). Cette prestance. La complexité de ses personnages. Austères et burlesques. Sérieux et « bizarres » (pour reprendre un terme qu’il emploie lui-même). Lucides et/ou mélancoliques. Peut-être sa propre lucidité et mélancolie qu’il laisse affleurer ou qui inspirent les cinéastes. Des personnages à la fois en apparence terriblement normaux et en réalité singulièrement étranges. Souvent déconcertants. Simples en apparence, mais souvent mystérieux et inquiétants, torturés et tortueux, arides même.

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    Il a ainsi tourné avec les plus grands des réalisateurs français, européens et internationaux : Renoir, Resnais, Melville, Buñuel, Demy, Chabrol, Costa-Gavras, Sautet, Ferreri, Hitchcock, Moretti, Angelopoulos, Chahine…parmi tant d'autres. La liste est impressionnante ! Plus de 200 rôles et tant parmi eux qu’il a rendus inoubliables. Il fut aussi l’acteur fétiche de Sautet et de Buñuel (7 films avec ce dernier). Pour moi, il sera toujours le Max, le François, le Pierre, le Simon dans les chefs d’œuvre de Claude Sautet même si tant d'autres immenses films jalonnent sa carrière.

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    Ours d'argent du meilleur acteur en 1982 pour Une étrange affaire de Granier-Deferre, prix d’interprétation à Cannes en 1980 avec Le Saut dans le vide de Bellochio, il a ensuite fait partie du jury du Festival de Cannes en 2007. Il a réalisé, produit, a eu une vie professionnelle riche et intense dont nous espérons qu’elle n’est pas terminée comme le laisse espérer son évocation d’un projet avec Luc Bondy et on se prend aussi à rêver qu’il donne des cours de théâtre comme le lui a suggéré Gilles Jacob. En 2011, il a montré que son extraordinaire talent mais aussi sa capacité à surprendre et doucement provoquer restaient intacts dans le réjouissant Habemus Papam de Moretti, un film dans lequel il était irrésistible en pape déboussolé errant dans Rome et dans lequel sa « part de burlesque », inhérente à nombre de ses rôles et soulignée par Gilles Jacob, était si flagrante et réjouissante.

    L’année suivante, il nous a à nouveau régalés, avec un film également en compétition à Cannes, l’extraordinaire Vous n’avez encore rien vu d'Alain Resnais. Petite digression pour vous inciter à voir ce film d'Alain Resnais, une des plus belles déclarations d’amour au théâtre et aux acteurs, un des plus beaux hommages au cinéma qu’il m’ait été donné de voir et de ressentir. Contrairement à ce qui a pu être écrit alors ce n’était pas une œuvre posthume mais au contraire une mise en abyme déroutante et exaltante d’une jeunesse folle, un pied-de-nez à la mort qui, au théâtre ou au cinéma, est de toute façon transcendée. C’est aussi la confrontation entre deux générations ou plutôt leur union par la force des mots, exacerbée par la musique de Mark Snow d’une puissance émotionnelle renversante. Ces quelques mots sont bien entendu réducteurs pour vous parler de ce grand film, captivant, déroutant, envoûtant, singulier dont vous pouvez retrouver ma critique, ici.

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    Pour revenir au livre, malgré la sincérité qui l'anime, le sentiment de vérité qui en émane, le mystère demeure et c’est tant mieux. Rien d’impudique de la part de celui qui dit être « un vieil homme à la mémoire trouée », que ce soit dans l’évocation même de sa naissance (il dit et explique avoir «  vécu par hasard et par compensation » après  la mort de son frère), de sa vie privée ou même professionnelle.

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    Mais ce dont il parle le mieux, indéniablement, c’est de son métier, le cinéma ou le théâtre, "d’abord le désir de fuir pour aller respirer ailleurs". Il dit aussi aimer travailler « avec puissance au plus près du metteur en scène, du réalisateur ». Pour lui, cette "puissance", essentielle, consiste à « être toujours dans la recherche avec une énergie brute qui ne sente pas le labeur et la matière. Il faut recommencer sans cesse, recommencer différemment, chercher, essayer de faire autrement, et surtout –c’est ma hantise, je le reconnais volontiers- faire son possible pour ne pas être grandiose et prétentieux ».

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    Ce livre, c’est aussi une promenade dans l’histoire théâtrale et cinématographique et nombreux sont les talents que nous y croisons : Peter Brook, Gabin « dénué de toute vanité », Melville, Bardot « actrice très simple qui ne faisait pas du tout la star », Noiret, Jean-Louis Barrault, Romy Schneider « qui n’a jamais été vraiment heureuse », Mastroianni « le modèle absolu », Depardieu « Quel acteur sublime que Depardieu ! Quel génie ! Quel inventeur ! On est ébloui de voir le plaisir qu’il ressent à jouer. Et il ne cabotine pas », Montand, Chéreau, Gréco, mais aussi des politiques comme Mitterrand ou Jospin « sincère et courageux ». Le récit, passionnant, de tournages aussi, comme celui du « Mépris ».

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    Au gré de ses évocations des autres, c’est finalement son portrait qui se dessine. Sa liberté. (Il n’a pas d’agent : « J’avais envie d’être seul à penser à mes choix »). Sa franchise. Sa complexité. Sa peur de paraître prétentieux (« beaucoup de comédiens en font trop et ne vont nulle part »). Ses blessures (Des parents « peu passionnés », sa fille qu’il ne voit plus). Et surtout son amour immodéré pour son métier, sa passion plutôt en opposition à ses parents, son « contre-modèle », dont il regrette tant qu’ils en fussent dénués. Et une conscience aiguisée du métier d'acteur, de ce qui le constitue, de ce que cela implique : « Je me suis toujours régalé à faire l’acteur », « J’aime par-dessus tout ma liberté », « L’important était de jouer passionnément dans des œuvres passionnantes », et cette phrase qui donne son titre au livre « J’ai toujours vécu dans mes rêves ».

    Celui qui, comme il le dit lui-même, a « beaucoup joué les bizarres mais pas tellement les voyous » aimerait que l’on dise de lui : "Michel Piccoli a aimé son métier",  "Il l’a servi de son mieux". C’est indéniablement le sentiment que nous laisse ce captivant échange avec, surtout, celui de sa mélancolie et même "ce quelque chose plus fort que la mélancolie" dont sont empreintes les dernières pages, celles du chapitre « Vieillir » absolument bouleversantes, cette fois comme un écho au dernier roman de Gilles Jacob « Le festival n’aura pas lieu » dont les dernières pages possèdent la même beauté nostalgique et ravageuse à propos du temps qui s’enfuit et emporte tant. Tant et pas tout car à les lire l'un et l'autre, subsistent sans aucun doute la passion, l’enthousiasme, l’humour, une tendre ironie. Et cette éternelle élégance.

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    Si, comme moi, vous avez l’âme éprise de cinéma autant que de mélancolie, je vous recommande aussi ce roman précité de Gilles Jacob qui vous emmènera notamment sur le tournage de Mogambo. Et quand Gilles Jacob y écrit à propos de son personnage Lucien Fabas, « Le bonheur de transmettre s’imposait à lui comme une évidence », on ne peut s’empêcher de penser que cela ne lui est pas tout à fait étranger. Et on se prend à rêver d’un tome 2 de "J'ai vécu dans mes rêves" (que complètent le récit "Les pas perdus" et la correspondance imaginaire, "Le fantôme du Capitaine", signés Gilles Jacob) dans lequel les rôles seraient inversés, Michel Piccoli interrogeant Gilles Jacob dans un livre portant ce même titre qui semble si bien le définir aussi, lui faisant à son tour remonter le temps comme une suite à « La vie passera comme un rêve ». En attendant cette hypothétique et utopique suite, je vous laisse déguster à votre tour ce ping-pong jubilatoire entre deux rêveurs, passionnants passionnés de cinéma. Je vous le conseille même vivement.

    J’ai vécu dans mes rêves  - Michel Piccoli avec Gilles Jacob – Grasset