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cinéma - Page 129

  • Critique de « Les yeux noirs » de Nikita Mikhalkov (disponible en dvd )

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    Avec « Les yeux noirs » Nikita Mikhalkov tournait pour la première fois hors des frontières russes avec cette adaptation d’un auteur, russe néanmoins, puisqu’il s’agissait  de trois nouvelles de Tchekhov (dont toute l’œuvre de Mikhalkov est d’ailleurs imprégnée) : « La Dame au petit chien », « Ma Femme » et « L’Ordre d’Anna ».

    Dans la salle de restaurant d’un paquebot de croisière, Pavel, un négociant russe rencontre le mélancolique et fantasque Romano (Marcello Mastroianni) qui lui raconte alors ses souvenirs. En 1903, sept années plus tôt Romano, le jour de l’anniversaire de sa femme, apprend qu’il est ruiné et s’enfuit en cure dans une ville d’eau italienne. Là, il rencontre la timide et naïve Anna (Elena Safonova), une jeune Russe mariée dont il tombe éperdument amoureux.

    En sélection officielle du Festival de Cannes 1987, Mikhalkov se vit ravir la palme d’or par Pialat et « Sous le soleil de Satan », un ennemi du cinéaste figurant dans le jury (le réalisateur russe Elem Klimov). Le président du jury Yves Montand était pourtant tombé sous le charme du film de Mikhalkov mais Klimov ayant menacé de démissionner, la raison l’emporta, ce qui n’empêcha pas le film de recevoir les louanges du public et de la critique et Marcello Mastroianni de recevoir un prix d’interprétation et une nomination aux Oscars. Mikhalkov est d’ailleurs un habitué de la Croisette puisqu’il a notamment obtenu le Grand prix du Festival pour « Soleil trompeur » (par ailleurs Oscar du meilleur film étranger) en 1994,  et puisqu’il a présenté « Le Barbier de Sibérie » hors compétition en 1999.

    Le film est à l’image, contrastée et progressivement ensorcelante,  de son acteur principal qui le porte sur ses épaules : tendre, touchant, fantasque, léger, mélancolique, agaçant. Il n’est ainsi pas sympathique ou séduisant d’emblée non plus. Il faut s’habituer à son visage usé d’abord puis rajeuni (le film se déroule en flashback). Il faut aussi s’habituer à la lenteur puis à la folie, à sa beauté qui n’est pas forcément évidente et fracassante mais plus insidieuse et finalement touchante et profonde. Comme pour certains êtres, il y a des films qui se méritent, qui méritent qu’on aille à la rencontre de leur univers, pas forcément lisses mais riches au contraire de leurs acuités.

    « Les yeux noirs »  s’enrichit ainsi des saisissants contrastes de deux pays : l’Italie et la Russie. Pays de Tchekhov ou de Fellini à qui il emprunte aussi beaucoup. Etrange et envoûtante  (més)alliance qui donne au film cette saveur inimitable, cette couleur joliment contrastée, drôle et cruelle, tendre et amère.

    Les yeux noirs est à la fois une histoire d’amour amère, désespérée, cruelle, naïve, inattendue mais aussi une satire judicieuse : des cures grotesques ou de l’absurdité de la bureaucratie que Mikhalkov met en scène avec une folie insolente, réjouissante et absurde en hommage à Fellini et qui contrebalance la structure classique en flashback. Une structure là aussi néanmoins judicieuse pour imprégner le film d’une nostalgie douce et amère. Nostalgie d’un amour et d’un pays perdus. Nostalgie d’une époque puisque Mikhalkov dresse aussi le portrait d’une bourgeoise en déliquescence (sujet phare d’un autre  réalisateur italien).

    Et puis il y a Mastroianni, monstre sacré du cinéma ici dans toute sa splendeur et bien qu’incarnant un personnage lâche, faible, naïf, cruel, désinvolte, nostalgique (successivement ou en même temps) reste constamment attachant.

    « Les yeux noirs » est un film romanesque qui ressemble à ces rêves doux et tristes, absurdes et mélancoliques dont on émerge avec regret et avec le sentiment d’avoir fait un voyage beau et rare dont la poésie chantante et nostalgique d’un mot (em)porte toute la grâce :  Sabatchka dont je vous laisse découvrir la signification.

    Un dvd à vous procurer de toute urgence !

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  • Critique-« Le dernier vol » de Karim Dridi avec Marion Cotillard, Guillaume Canet (ce soir sur Canal+)

    Ce soir sur Canal +, à 20H45, sera diffusé "Le dernier vol" de Karim Dridi avec Marion Cotillard, Guillaume Canet... Retrouvez, ci-dessous, ma critique publiée lors de la sortie du film.

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    En cette période hivernale et glaciale rien de mieux qu'un petit voyage dans le Sahara Français pour se réchauffer. C'est en effet là que nous embarque Karim Dridi, en 1933. C'est là aussi que l'aventurière et aviatrice Marie Vallières de Beaumont  (Marion Cotillard) recherche l'homme qu'elle aime, le Britannique Lancaster, disparu lors d'une tentative de traversée Londres/ Le Cap en avion.  Suite à une tempête de sable, elle est contrainte de poser son biplan près d'un poste de « méhariste » français en plein désert.  Touché par son infaillible détermination, Antoine Chauvet (Guillaume Canet), un lieutenant en conflit avec sa hiérarchie,  décide de l'aider dans sa quête désespérée.  Il la conduira alors aux confins du Ténéré... et d'eux-mêmes.

    Tout dans ce film me faisait craindre le « coup marketing » sans fond, sans âme, crainte confirmée lors des premières minutes lors desquelles la direction d'acteurs plus qu'approximative m'empêchait de voir autre chose et puis... et puis... sans doute cela s'appelle-t-il le miracle du cinéma, et puis ensuite je me suis retrouvée complètement fascinée par ce désert grandiose et hostile, fascinant et inquiétant et par cette histoire de quête obsessionnelle dont les vraies raisons apparaissent progressivement.

    J'ai aimé ce par quoi les deux acteurs principaux ont apparemment été charmés : la beauté ténébreuse et périlleuse du désert, mais surtout le temps laissé au temps. Le temps de laisser les émotions naitre sans jamais les forcer. Le temps d'éprouver les sensations des personnages. La solitude. L'égarement. Le temps de confronter leur désir  d'aimer à l'amour véritable. L'enfermement paradoxal dans un lieu à l'horizon infini qu'un cadre restreint, cernant leurs visages, symbolise.

    On se laisse envoûter par les formes voluptueuses du désert, la beauté parfois douloureuse du silence comme ils le seront l'un par l'autre, contre toute attente.  Marion Cotillard tout en détermination aveugle, et Guillaume Canet, rebelle indépendant, en défenseur ardent des touaregs, forment un beau duo et la première prouve que moins elle use d'artifices, plus son jeu est juste et intense. A noter également : la très belle présence de Guillaume Marquet, enfermé dans ses certitudes.

    Dans ce dénuement impossible de mentir, et c'est leur propre vérité qui naitra. Malgré un dénouement, lui en revanche attendu, notre attention, comme dans un thriller, dans un film dont le rythme en est pourtant à l'opposé, est suspendue à leur moindre regard, geste, parole. Par la grâce des interprètes mais aussi par la beauté inquiétante du désert sublimée par la photographie (d'Antoine Monod) et par la musique.

    Adapté du premier roman de Sylvain Estibal « Le Dernier vol de Lancaster », s'inspirant de l'histoire vraie de Bill Lancaster,  est aussi un vibrant  défi lancé à la raison par la volonté et la passion.

     Le film s'éloigne peu à peu des sentiers battus commerciaux (tant en lui faisant quelques concessions comme l'apparence des deux protagonistes étonnamment glamour après des heures de marche en plein soleil) pour nous rapprocher de la vérité des êtres. Dommage que Karim Dridi ne soit pas allé au bout de cette réjouissante audace, probablement impressionné par l'aura hollywoodienne de son actrice principale dont c'est le premier film français après l'Oscar reçu pour « la Môme » et sans doute également impressionné par ce changement de registre et par de prestigieux films ayant, avant le sien, eu pour cadre le désert ( « Fort Saganne », « Lawrence d'Arabie », « Le Patient Anglais ».)

     Un dernier vol qui perdra certainement certains passagers en chemin mais qui en emmènera d'autres dans sa romanesque errance, aussi enivrante que le désert parcouru. A ceux-là et ceux qui veulent se laisser ensorceler par la beauté progressive et éblouissante des émotions et du désert, je recommande un embarquement immédiat.

  • Début de l'intégrale Hitchcock à la Cinémathèque Française: j-2

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    Après la rétrospective Melville, à partir du 5 janvier, la Cinémathèque Française proposera une rétrospective Alfred Hitchcock avec au programme des films et des débats. L'occasion de revoir les plus grands chefs d'oeuvre du maître du suspense mais aussi ses films plus méconnus. Pour voir le programme complet, cliquez ici. Je vous propose, en attendant, ci-dessous, trois critiques de films d'Hitchcock.

    Critique de "Les Enchaînés" d'Alfred Hitchcock (1946)

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    Dans son livre d'entretiens avec Alfred Hitchcock, François Truffaut disait que « Les Enchaînés » était son film d'Hitchcock en noir et blanc préféré notamment parce qu'il s'agissait selon lui de « la quintessence d'Hitchcock » pour sa « pureté magnifique » et son « modèle de construction de scénario. » Même si « Sueurs froides », « Les Oiseaux », « Fenêtre sur cour », « Psychose », « La mort aux trousses » sont plus fréquemment cités « Les Enchaînés » reste pour moi un film exemplaire à bien des égards et un  de mes films préférés.

    A Miami, en 1946, Alicia (Ingrid Bergman), fille d'un espion nazie qui vient d'être condamné, mène une vie dissolue et noie son désarroi dans l'alcool. Devlin (Cary Grant) qui travaille pour le gouvernement américain lui propose de travailler pour les Etats-Unis.  Il la pousse à séduire puis épouser Alexander Sebastian (Claude Rains) qui, à Rio de Janeiro, appartient à un groupe très actif d'anciens nazis... mais Alicia et Devlin sont loin d'être indifférents l'un à l'autre...

    C'est d'abord David O.Selznick qui a suggéré à Hitchcock d'adapter « The Song of the Dragon » une nouvelle dont le scénario final (signé Hitchcock et Ben Hecht) sera plutôt éloigné. Selznick ne croit pas à cette histoire et en particulier à la bouteille contenant de l'uranium. Il revend donc le tout à la RKO.... Comme dans tous les films d'Hitchcock, le Mac Guffin, donc ici la bouteille contenant de l'uranium, remplit pourtant pleinement son objectif de bombe à retardement et d'élément du suspense...

    « Les Enchaînés » est en effet certes une histoire d'espionnage avec Mac Guffin* de rigueur (=c'est un élément de l'histoire qui sert à l'initialiser, voire à la justifier, mais qui se révèle, en fait, sans grande importance) mais aussi une histoire d'amour. C'est même là que réside le secret de ce film, dans l'entremêlement parfait entre l'histoire d'amour et l'histoire d'espionnage qui entrent en conflit. Celui de l'amour et du devoir, enchaînés l'un à l'autre comme Alicia l'est à son passé mais aussi à son mari. Le titre original « Notorious » signifiant « tristement célèbre » renvoie d'ailleurs à cette idée puisque ce sont les tristement célèbres activités de son père qui ont rendu le nom d'Alicia lui aussi tristement célèbre. Sebastian est lui aussi enchaîné, à sa mère, et aux autres nazis qui surveillent le moindre de ses faux pas. C'est aussi à leur mensonge et à la trahison que sont enchaînés Devlin et Alicia : Devlin trahit dès le début Alicia la contraint à renouer avec Sebastian, elle trahit Sebastian en se mariant avec lui pour l'espionner. Dans le premier plan où il apparaît, Devlin est d'ailleurs cadré de dos et restera ainsi plusieurs minutes, augmentant le désir du spectateur de découvrir ce mystérieux personnage muet qui semble tant intéresser Alicia, cette posture de dos signifiant aussi son rôle trouble et ambigu.

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    Ces conflits entre amour et devoir donnent lieu à des scènes d'une force dramatique rare comme la scène de l'hippodrome ou celle du banc qui se répondent d'ailleurs, les deux étant filmés en plans fixes, et dans les deux Alicia et Devlin masquent leurs vrais sentiments. Ces scènes dramatiques alternent avec des scènes de suspense admirables dans lesquels Hitchcock montre une nouvelle fois sa maîtrise et son génie dans ce domaine, ces scènes tournant essentiellement autour de la bouteille contenant l'uranium et d'une clé. Une simple clé qui, par la manière dont Hitchcock la filme passant de la main d'Alicia à l'autre, son expression contrastant avec le ton désinvolte qu'elle s'efforce d'employer face à Sebastian, le tout procurant à la scène un suspense d'une intensité inouïe (voir l'extrait en bas de l'article... ou ne pas le voir pour ceux qui n'ont pas encore vu le film). Plusieurs scènes sont d'ailleurs particulièrement palpitantes, notamment grâce à un savant montage parallèle lors d'une scène capitale de réception (où Hitchcock fait d'ailleurs sa coutumière apparition) ou encore lors de la scène finale de l'escalier (un élément d'ailleurs récurrent dans le cinéma hitchcockien).

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    La réussite doit aussi beaucoup à la richesse des quatre personnages principaux et de ses interprètes : Devlin (Cary Grant), cynique agent secret faisant passer  le devoir avant l'amour, Alicia (Ingrid Bergman) forte et fragile, courageuse et apeurée, blessée et digne ; Claude Rains le « méchant » qui, comme toujours chez Hitchcock ne l'est pas complètement (un méchant réussi pour Hitchcock l'étant lorsqu'il paraît presque sympathique), ce dernier étant ici surtout (aussi comme souvent chez Hitchcock) victime d'une mère possessive (Mme Konstantin). Hitchcock dira ainsi que selon lui ce dernier était plus amoureux d'Alicia que l'était Devlin. Le choix de Claude Rains est donc particulièrement judicieux, si on se souvient du rôle trouble qu'il incarnait également déjà dans « Casablanca ». Il a d'ailleurs été nommé aux Oscars pour « Les Enchaînés » (ainsi que le scénariste Ben Hecht). Quant au couple formé par Ingrid Bergman et Cary Grant, il est absolument sublime et sublimé par l'élégance de la mise en scène d'Hitchcock mais aussi par celle de la photographie de Ted Tetzlaff l'auréolant d'un magnétisme mélancolique, électrique et fascinant.

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    Après « Soupçons », en 1941, « Les Enchaînés » est le deuxième film d'Hitchcock avec Cary Grant. Suivront ensuite « La Main au collet » et « La Mort aux trousses ». C'est également son deuxième film  avec Ingrid Bergman après « La Maison du Dr Edwards », en 1945. Il tournera encore un film avec elle : «Les Amants du Capricorne. »

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    C'est aussi sa scène de baiser entrecoupée entre Cary Grant et Ingrid Bergman qui a rendu le film célèbre, un baiser intelligemment découpé par de nombreux dialogues; pour contourner le code "Hays" (la censure de l'époque)  qui minutait la durée de toutes les scènes jugées osées. L'entrecouper de dialogues faisait redémarrer le compteur à zéro à chaque fois permettant de rallonger la durée du baiser.

    Au-delà de cette anecdote comme le disait si bien Truffaut, « Les Enchaînés » est en effet la quintessence du cinéma d'Hitchcock : perfection scénaristique saupoudrée d'humour, de trahison, de rédemption; mélange habile d'histoire d'amour contrarié et d'espionnage, astucieuse simplicité de l'intrigue, virtuosité de la mise en scène ( Ah, le travelling du lustre du salon jusqu'à main de Bergman contenant la clé !), photographie magnétique, couple de cinéma légendaire, intrigue trépidante, palpitante et jubilatoire... le tout formant un classique du cinéma que l'on ne se jamais  de voir et de revoir !

     *Pour Hitchcock, le but du cinéma était avant tout d'embarquer le spectateur, de le manipuler, quitte à faire quelques incohérences. A ceux qui lui reprochait le manque de vraisemblance, il racontait l'histoire suivante (comme il l'expliqua à Truffaut dans son livre d'entretiens !) : « Deux voyageurs se trouvent dans un train allant de Londres à Édimbourg. L'un dit à l'autre : « Excusez-moi, monsieur, mais qu'est-ce que ce paquet à l'aspect bizarre que vous avez placé dans le filet au-dessus de votre tête ? - Ah ça, c'est un MacGuffin. - Qu'est-ce que c'est un MacGuffin ? - Eh bien c'est un appareil pour attraper les lions dans les montagnes d'Écosse - Mais il n'y a pas de lions dans les montagnes d'Écosse. - Dans ce cas, ce n'est pas un MacGuffin » .

    Critique de "L'homme qui en savait trop" d'Alfred Hitchcock (1956)

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    En voyage au Maroc, le docteur Ben McKenna (James Stewart), sa femme Jo (Doris Day) et leur fils sont témoins de l'assassinat du Français Louis Bernard (Daniel Gélin). Avant de mourir, ce dernier avertit McKenna d'un futur assassinat  qui doit se produire à Londres. Mais le fils des McKenna est enlevé...

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    « L'homme qui en savait trop » est le remake de ... « L'homme qui en savait trop » réalisé par... Hitchcock en 1934. Dans les deux cas, la seconde partie se déroule à Londres, mais dans la première version le début se déroulait à St Moritz et non à Marrakech comme dans la version de 1956, lieu jugé sans doute plus exotique pour l'époque. Hitchcock a ainsi expliqué à François Truffaut la différence entre les deux versions : « Disons que la première version a été faite par un amateur de talent tandis que la seconde l'a été par un professionnel. »

    Même si je lui préfère « Les Enchaînés », « La mort aux trousses », « Fenêtre sur cour » et quelques autres films hitchcockiens, « L'homme qui en savait trop » n'en reste pas moins un excellent film avec quelques scènes de suspense magistrales, et notamment la séquence du concert de 8 minutes et 36 secondes à l'Albert Hall de Londres, véritablement haletante, grâce à l'alternance de plans entre Doris Day qui sait qu'un drame va se produire et dont l'angoisse va crescendo avec la musique, les cymbales (le spectateur sachant que le drame va se produire lors de leur retentissement) et le tueur qui ignore être épié. Un suspense fidèle à la définition d'Hitchcock selon laquelle il correspond à la complicité du public (par exemple en sachant qu'une bombe est là et va exploser), et qui diffère ainsi de la surprise.

    On retrouve bien sûr aussi la blonde hitchcockienne sous les traits de Doris Day dont c'est ici le premier rôle dramatique, on retrouve également l'histoire tant affectionnée par Hitchcock d'un homme ordinaire, voire naïf et innocent, à qui il arrive une histoire extraordinaire... et bien sûr l'inévitable apparition du cinéaste (sur le marché de la place Djemaa-el-Fna à Marrakech).  On retrouve encore les scènes d'escalier palpitantes qu'Hitchcock a utilisées dans plusieurs films et notamment dans « les Enchaînés » (sans doute la plus réussie).

    Le ton du film est très hollywoodien et commence même comme une comédie pour se transformer en vrai policier à suspense (et James Stewart est aussi juste en touriste américain peu à l'aise, voire ridicule, avec les coutumes marocaines, qu'en homme courageux déterminé à retrouver son fils quoiqu'il lui en coûte et quels que soient les risques). Si la première partie à Marrakech est plutôt exotique, c'est ensuite dans un Londres inquiétant que nous conduit Hitchcock, dans des ruelles sombres et désertes. Il rencontrera ainsi un certain Chappell peu avenant (Hitchcock s'est-il alors inspiré du nom du personnage de Michel Simon, Félix Chapel, dans « Drôle de drame » de Marcel Carné, datant de 1937  ou Carné s'est-il inspiré de la première version de « L'homme qui en savait trop » de 1934 si Chappell y figure également à moins qu'il ne s'agisse d'une simple coïncidence ?) avant de se rendre à Ambrose Chapel dans un quartier également particulièrement obscure.

    Comme toujours chez Hitchcock, le suspense se double d'une histoire d'amour à moins qu'il ne s'agisse ici de désamour, puisqu'on comprend que Jo a abandonné sa carrière pour suivre son mari qui, au début, la traite d'ailleurs davantage en patiente qu'en épouse, et qui les considère comme « un vieux couple ».

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    Aucune référence n'est faîte au contexte politique (le premier ministre qu'un de ses compatriotes veut faire assassiner n'a pas de pays nommé dans le film même si on devine qu'il s'agit de l'Union Soviétique, puisque nous sommes alors en pleine guerre froide), ce qui donne un caractère assez intemporel à l'intrigue ... bien que le film ait plus de cinquante ans. La maladresse et le charme de James Stewart, la voix envoûtante de Doris Day (qui interprète «  Que sera sera »- Whatever will be will be-, Oscar de la meilleure chanson de l'année), les mystères lumineux de Marrakech et ceux, plus obscurs, de Londres, la musique de l'indissociable Bernard Herrmann qui dirige ici le London Symphony Orchestra, un suspense évidemment haletant, le sens de la mise en scène d'Hitchcock toujours au service du scénario font de ce film un grand et passionnant divertissement que l'on revoit toujours avec autant de plaisir et que je ne peux que vivement vous recommander si vous ne l'avez pas encore vu.

    "Correspondant 17" d'Alfred Hitchcock (1940)

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    Réalisé en 1940, alors que la seconde guerre mondiale n'en est qu'à ses prémisses, le film débute aux Etats-Unis puis  prend pour cadre les Pays Bas et la Grande-Bretagne, en 1939. On se dit que ne bénéficiant d'aucun recul sur les évènements qui vont alors ravager le monde Hitchcock risque de réaliser un film hors-sujet, daté. Et pourtant... ce film est une nouvelle fois d'une étonnante clairvoyance et modernité, une réussite visuelle qui alterne judicieusement entre drame et comédie et porte un vrai message. Bref, encore une fois, les caractéristiques d'un grand film...

    Le rédacteur en chef du New York Morning Globe charge son reporter Johnny Jones, devenu Hartley Haverstock (Joel Mc Crea), de se rendre en Europe. A Londres, Jones rencontre le diplomate Van Meer, lequel connaît les clauses secrètes d'un traité qui pourraient empêcher la guerre, mais Van Meer est assassiné à Amsterdam. Avec l'aide de Scott Ffolliott (George Sanders) et Carol Fischer (Laraine Day), Johnny Jones découvre que c'est en réalité un sosie du diplomate qui a été assassiné. Carol Fischer est la fille de Stephen Fischer, président d'une organisation pacifiste qui pourrait bien ne pas être le pacifiste qu'il prétend être et ne pas être totalement étranger à cet enlèvement. Quel rôle joue-t-il ? Van Meer est-il réellement mort ? Comment Johnny Jones va-t-il concilier son amour pour la fille de Fischer et son rôle de journaliste censé relater les méfaits de son père ?...

     De nouveau, Hitchcock nous raconte l'histoire d'un homme qui, par la force des évènements, devient quelqu'un d'autre (le thème du double et de la duplicité des apparences étant ici, comme souvent chez Hitchcock, fortement présent), d'un homme ordinaire que les évènements extraordinaires auxquels il est confronté va rendre extraordinaire. Cet homme c'est d'abord en quelque sorte la métaphore de l'Amérique. Une Amérique peut concernée et inconsciente de ce qui se passe en Europe : Jones veut ainsi « interviewer Hitler » ! Et c'est là le premier grand intérêt de ce film, celui d'être porteur d'un véritable message politique, de vouloir pousser les Etats-Unis à l'interventionnisme, message d'autant plus retentissant lorsque l'on sait qu'on avait reproché à Hitchcock de quitter la Grande-Bretagne pour les Etats-Unis. Il dédie ainsi son film à « ceux qui voient avec raison s'élever les nuages de la guerre alors que d'autres chez eux ne voient que des arcs-en-ciel » et la dernière scène est un vibrant plaidoyer. Le film s'achève par un fondu en noir, symbolisant cette obscurité dans laquelle l'Europe est plongée (mais aussi l'aveuglement américain) et à laquelle les Etats-Unis pourraient peut-être apporter une lueur, du moins d'espoir.

    Au-delà de ce message, ce film est une nouvelle fois scénaristiquement et visuellement époustouflant avec des scènes de suspense  brillantes : le pardessus coincé dans les ailes du moulin, l'idée du kidnapping initié par le kidnappé (vous comprendrez cette formule énigmatique en voyant le film...). Et une scène des moulins dont le caractère épuré du décor n'est pas sans rappeler la célèbre scène de la poursuite en avion de la « Mort aux trousses ».

     Quant à la scène de la fin (le crash d'un avion) elle est littéralement sidérante quand on réalise que ce film date de 1940 et que, même à grands renforts d'effets spéciaux, rares sont aujourd'hui les films qui atteignent une telle perfection. L'impression de réalisme, de claustrophobie, d'urgence, est alors saisissante.

    Ajoutez à cela, des dialogues riches et foisonnants,  Rudolph Maten l'ancien chef opérateur de Dreyer à la photographie, de vraies scènes de comédie et vous obtiendrez encore une fois un très grand film...

    Peut-être peut-on juste regretter que Barbara Stanwick ou Joan Fontaine et Gary Cooper n'aient pas incarné les rôles principaux comme Hitchcock l'avait intialement souhaité, plus charismatiques que les acteurs qui ont finalement interprété les rôles principaux, mais l'inventivité scénaristique et visuelle sont suffisamment remarquables pour nous les faire oublier.

    Un film qui porte déjà en lui les ingrédients de tous ses chefs d'œuvre futurs, Mc Guffin y compris...

  • Avant-première- Critique de "Somewhere" de Sofia Coppola et vidéos de Sofia Coppola et Stephen Dorff

    C'est le 4 novembre dernier que j'ai découvert le très attendu "Somewhere" de Sofia Coppola, en avant-première. Retrouvez ci-dessous ma critique du film et mes vidéos de la réalisatrice et de son acteur principal. Le film sortira en salles mercredi prochain.

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    Le cinéma de Sofia Coppola: un effet de mode?

    Hier soir, au Gaumont Marignan, sur les Champs Elysées avait lieu l’avant-première de « Somewhere » de Sofia Coppola. (La projection était suivie d'un débat avec la cinéaste et son acteur principal, cf mes vidéos en bas de cet article) Quatrième long-métrage de la cinéaste après « Virgin suicides », « Lost in translation » et « Marie-Antoinette », « Somewhere » a reçu le Lion d’or du dernier Festival de Venise « à l’unanimité » selon le président du jury Quentin Tarantino, malgré l’accueil mitigé que le film avait reçu à la Mostra mais Quentin Tarantino (que certains ont accusé de favoritisme, ce dernier ayant été le compagnon de Sofia Coppola) n’en est pas à sa première remise de prix controversée, on se souvient ainsi de la controverse suite à la palme d’or que le jury cannois qu’il présidait avait attribuée à Michael Moore pour « Fahrenheit 9/11 », en 2004.

    Le synopsis de « Somewhere » n’est pas sans rappeler celui de « Lost in translation » :  Johnny Marco (Stephen Dorff), acteur de son état, promène sa lassitude désenchantée dans les couloirs du Château Marmont, célèbre hôtel (réel) de Los Angeles fréquenté par le tout Hollywood, jusqu’au jour où arrive Cléo (Elle Fanning), sa fille de 11 ans.  Avec elle, il va enfin se réveiller et révéler, et cesser de tourner en rond pour retrouver le « droit chemin ».

    La première scène  nous montre ainsi une voiture (la Ferrari rutilante de l’acteur dont on se demande parfois si le film n’en est pas le spot publicitaire même si, certes, elle n’est pas sans symboles, notamment  de son luxueux enfermement ) qui tourne en rond sur un circuit, à l’image de Johnny dans les couloirs du Château Marmont, et de sa vie qui ne semble aller nulle part, et n’être qu’une errance dans les couloirs de l’hôtel où il croise notamment Benicio Del Toro, Aurélien Wiik et Alden Ehrenreich (dont je vous laisse retrouver les très courtes apparitions) mais surtout des silhouettes lascives, fantomatiques et désincarnées quand il n’en ramène pas dans sa chambre, semble-t-il sa seule occupation. Lorsque la gracile, solaire et sage Cléo débarque, il porte un regard nouveau sur ce qui l’entoure, ou même tout simplement il porte un regard, enfin.

     Ce regard c’est celui de la cinéaste, habituée des lieux, gentiment ironique : sur la télévision italienne et ses personnages hauts en couleurs, les conférences de presse aux questions consternantes (dont les questions et la perplexité de l’acteur n’ont pas été sans me rappeler celle-ci, notamment, mais aussi bien d’autres), la promotion contrainte et souvent absurde.

    Si j’ai posé cette question en guise de titre « le cinéma de Sofia Coppola : un effet de mode », thèse que semble d’ailleurs accréditer le public invité hier soir (une majorité de  blogueuses …mode , outre quelques acteurs/trices également à la mode comme notamment Géraldine Nakache), c’est parce que la mode est désormais indissociable de Sofia Coppola. Pas seulement parce que cette dernière figure fréquemment dans les magazines féminins à la rubrique mode mais aussi parce que son cinéma, d’ailleurs qu’il se passe au XVIIIème ou en 2010, semble compiler les effets de mode : musicaux (hier Air, aujourd’hui Phoenix, avec la musique de son compagnon Thomas Mars), géographiques (l’hôtel Château Marmont de Los Angeles) ou visuels ( trèèès longs plans fixes ou plans séquences).

    Le problème c’est qu’à force d’être « à la mode », Sofia Coppola nous donne l’impression de regarder la couverture glacée d’un magazine (à moins que ce ne soit délibéré que nous ne voyions rien comme Johnny aveugle à ce qui l’entoure). Le Château Marmont est un lieu décadent nous dit-elle, mais son regard semble s’arrêter à l’apparence, à cette première page sans jamais en franchir réellement le seuil. A l’image du premier plan et de son protagoniste, le cinéma de Sofia Coppola semble par ailleurs tourner en rond : le cadre, les personnages, la fin rappellent ceux de « Lost in translation » (notamment avec ses paroles inaudibles),  et on retrouve ses thématiques récurrentes : personnages esseulés, en transition, célébrité.

     Là où « Lost in translation » était avant tout centré sur le scénario (recevant un Oscar, mérité, pour celui-ci), « Somewhere » ressemble davantage à un exercice de style imprégné de cinéma d’auteur français  et de Nouvelle Vague(jusqu’au prénom Cléo, probablement en référence à Varda) ou de cinéastes américains comme Gus Van Sant, mais je ne vois toujours pas ce que ce film a de plus qu’un grand nombre de films indépendants américains (notamment ceux projetés en compétition dans le cadre du Festival du Cinéma Américain de Deauville, au moins aussi bons) et donc ce qui justifie son prix à la Mostra et d'autant plus après avoir découvert "Black Swan" de Darren Aronofsky, l'autre favori de la compétition.

    Finalement ce film est à l’image de sa réalisatrice qui dégage un charme discret et dont on ne sait si on la trouve charmante à force qu’on nous ait rabâché qu’elle l’était ou si elle l’est réellement. J’avoue n’avoir toujours pas réussi à trancher, et à savoir si son film lui aussi est juste une image ou si il a une réelle consistance. Ou s’il n’est qu’un masque comme celui que Johnny est contraint de porter (au propre comme au figuré). Cela me rappelle d’ailleurs cette anecdote significative, Sofia Coppola passagère connue et anonyme dans un bus et que j’étais la seule à remarquer, témoignant du fait qu’on ne la remarque comme une icône de mode que parce que les magazines nous la désignent comme telle, et je me demande ainsi si ce n’est pas à l’image de son cinéma qui serait « remarquable » car « à la mode ». En tout cas, et pour mon plus grand plaisir, n'a-t-elle pas cédé à une mode: celle des films avec dialogues (quand il y en a) et rythme effrénés pour vous empêcher de réflèchir (ce qui, en général, serait fortement nuisible aux films en question).

    « Somewhere », à la fois très dépouillé et stylisé (qualité et défaut d’un premier film dont il a les accents), n’est donc néanmoins pas dénué de charme ou de grâce (par exemple le temps d’un survol en hélicoptère où Johnny prend la mesure de la beauté du monde, en tout cas de son monde, d’une danse aérienne sur la glace, ou d’une caméra qui s’éloigne lentement, prenant du recul comme Johnny va le faire progressivement), et son ironie désenchantée est plutôt réjouissante. La photographie langoureuse d’Harris Savides (notamment chef opérateur de « Gerry », "Elephant", "Whatever works", "The Game", ou « The Yards »), les plans lancinants souvent intelligemment métaphoriques retiennent notre attention et, malgré la lenteur, ne laissent jamais l’ennui s’installer mais nous permettent au contraire de nous laisser porter par l’atmosphère du Château Marmont et, comme Johnny d’en éprouver les facéties étouffantes. Stephen Dorff est parfaitement crédible en acteur débraillé, lucide, blasé et passif que tout le monde trouve en pleine forme, et la jeune Elle Fanning dégage une grâce, une maturité et une justesse rares qui illuminent le film et promettent une jolie carrière. Ils forment un duo tendre et attachant, crédible.

     Malgré cela, ce « Somewhere » certes indéniablement plein de charme, m’a laissée sur ma faim, et je m’interroge encore pour savoir si cette longue route droite mène réellement quelque part et si, plus encore qu’intimiste, ce film n’en est pas démesurément personnel, voire narcissique, pour oublier d’être ce qu’est tout grand, voire tout bon film, et ce qu’étaient à mon sens les excellents « Lost in translation » et « Marie-Antoinette » : universels.

    Ci-dessous, la bande-annonce très réussie, avec, comme toujours chez Sofia Coppola, une idée de la BO elle aussi très réussie:

    Vidéos du débat avec Sofia Coppola et Stephen Dorff, après la projection du film:

    

    

    

  • Mon bilan de l’année cinéma 2010 et en route pour une année 2011 plus que jamais « in the mood for cinema » !

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    Un bilan plus court (rectification après écriture de cet article, il a été écrit plus -beaucoup trop- rapidement, est beaucoup moins complet et ordonné mais n’en est pas moins long) que ceux que j’avais écrits pour le journal de l’ENA en 2008 et 2009, faute de temps, mais aussi faute de grands chocs cinématographiques en 2010 même si 2010 a été pour moi jalonnée à nouveau de coups de cœur (pas seulement, vous le verrez plus bas) et de très beaux moments liés au cinéma, avec un peu moins de découvertes cinématographiques exaltantes que les années précédentes certes.

     2010 avait bien commencé pourtant avec « Shutter island » de Martin Scorsese. Une œuvre pessimiste d'une maîtrise formelle et scénaristique impressionnante, jalonnée de fulgurances poétiques, dont chaque plan, jusqu'au dernier, joue avec sa et notre perception de la réalité. Un thriller psychologique palpitant et vertigineux. Une réflexion malicieuse sur la culpabilité, le traumatisme (au sens étymologique)  et la perception de la réalité dont le film tout entier témoigne de l'implacable incertitude. C’est d’ailleurs le point commun entre les films qui m’ont emballée et embarquée cette année : la fragilité de la frontière entre fiction, rêve, folie et réalité et par conséquent un jeu réjouissant (et intelligent) avec l’imaginaire du spectateur.

    Des films qui responsabilisent le spectateur : la fragile frontière entre fiction, folie, rêve et cinéma

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    Sans doute parce que le cinéma, le vrai, le grand, pour moi consiste souvent à laisser une place à l’imaginaire du spectateur et non à l’infantiliser,  les films qui m’ont enthousiasmée cette année présentent ce point commun. Je songe à « Copie conforme » de Kiarostami. Aux « Amours imaginaires » de Xavier Dolan. A « Inception » de Christopher Nolan. A « Gainsbourg, vie héroïque » de Joann Sfar.

     Dans le premier, c’est au spectateur de construire son propre film. Les personnages regardent souvent face caméra en guise de miroir, comme s'ils se miraient dans les yeux du spectateur pour connaître leur réelle identité. « Copie conforme » est un film de questionnements plus que de réponses et c'est justement ce qui le rend si ludique, unique, jubilatoire. Un film qui nous déroute, un film de contrastes et contradictions, un film complexe derrière une apparente simplicité. Un dernier plan délicieusement énigmatique et polysémique qui signe le début ou le renouveau ou la fin d'une histoire plurielle le tout grâce à l’interprétation de son actrice principale au jeu si riche et habité, celui de Juliette Binoche, lumineuse et sensuelle qui peut ainsi se prêter à plusieurs interprétations.

     Xavier Dolan, avec « Les amours imaginaires », signe quant à lui une fantasmagorie pop, poétique sur la cristallisation amoureuse, sur ses illusions exaltantes et destructrices, sublimes et pathétiques, un film enivrant et entêtant comme un amour imaginaire… sans les effets secondaires.

    Quant à « Inception », de Christopher Nolan c’est un film inclassable qui ne mêle pas seulement les dimensions mais aussi les genres : film d’amour avec sa femme fatale et ses sentiments éternels et obsédants, thriller, film d’action (bien sûr de spectaculaires explosions mais aussi des prouesses « architecturales »), film de science-fiction, voyage cathartique. Un film gigogne d’une rare ingéniosité, sinueux et étourdissant. Un dédale de rêves : sans doute est-ce la plus belle définition du cinéma auquel il rend hommage et dont il est le miroir. Plus qu’un film, une expérience vertigineuse, dont le dernier plan, même après une seconde projection, m’a laissée en apesanteur, comme grisée par un tour de manège délicieusement enivrant. A l’image des idées toujours fixées sur le subconscient un film qui vous laisse une empreinte inaltérable. Un film qui se vit plus qu’il ne se raconte, qui nous plonge en plein rêve. La quintessence du cinéma : un rêve partagé qui distord le temps, défie la mort.

    Un autre de mes grands coups de cœur de l’année brouille lui aussi les repères entre l’imaginaire et la réalité. Il s’agit du « Gainsbourg, vie héroïque » de Joann Sfar. Un film en apparence désordonné et confus comme émergeant des volutes de fumée et des vapeurs d'alcool indissociables de Gainsbourg. Joann Sfar brûle ainsi les étapes de son film comme Gainsbourg le faisait avec sa vie, ce qui aurait pu apparaître comme une faille scénaristique devient alors une trouvaille. Les scènes phares de son existence amoureuse et artistique deviennent alors autant de tableaux de l'existence de celui qui était d'abord destiné à la peinture. Les décors, de l'appartement de Dali à celui de la rue de Verneuil, sont poétiquement retranscrits, entre la réalité et le conte. « Ce ne sont pas les vérités de Gainsbourg qui m'intéressent mais ses mensonges » précise Joann Sfar. Tant mieux parce que les mensonges en disent finalement certainement davantage sur la vérité de son être.

    La réflexivité et la mise en abyme : signes distinctifs des grands films ?

     

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    Autre point commun de ces quatre films, leur capacité à réfléchir sur l’art et d’ailleurs à réfléchir l’art car tel un effet de miroir et de mise en abyme, le cinéma devient à la fois objet ET sujet.  C’est aussi le cas d’un de mes grands coups de cœur de cette année : « Tournée » de Mathieu Amalric.

    Dans « Shutter island », d’abord, à travers la perception de la réalité par Teddy (Leonardo Di Caprio, magistral), c'est la nôtre qui est mise à mal. Les repères entre la réalité et l'illusion sont brouillées.  A l'image de ce que Teddy voit sur Shutter island où la frontière est si floue entre l'une et l'autre, nous interrogeons et mettons sans cesse en doute ce qui nous est donné à voir, partant nous aussi en quête de vérité. Le monde de Teddy et le nôtre se confondent : un monde de cinéma, d'images trompeuses et troublantes qui ne permet pas de dissocier vérité et mensonge, réalité et illusion, un monde de manipulation mentale et visuelle.

    « Copie conforme », par le fond et la forme illustre tout entier cette réflexion passionnante : comment distinguer l'original de la copie, la réalité de la fiction ? A l'image de l'art évoqué dans le film dont l'interprétation dépend du regard de chacun, le film est l'illustration  pratique de la théorie énoncée par le personnage de James. De magnifiques et longs plans-séquences, des dialogues brillants, une mise en scène d'une redoutable précision achèvent de faire de ce film en apparence si simple une riche réflexion sur l'art et sur l'amour.

    Quant à Xavier Dolan, c’est un vrai cinéphile et son film regorge de références cinématographiques   (entre les ralentis langoureux et poétiques à la Wong Kar Waï, les couleurs chatoyantes et la fantaisie jubilatoire à la Almodovar,  les plans de dos à la Gus Van Sant, les références à la Nouvelle Vague, au « Mépris » de Godard, un trio à la « Jules et Jim » de Truffaut ou encore des confessions face caméra qui rappellent Woody Allen) mais aussi picturales (Botticelli, Michel Ange) ou littéraire (Musset…). Xavier Dolan est un véritable chef d’orchestre qui mêle les couleurs, les références, les arts, un prodige du cinéma (à la fois monteur, scénariste, producteur, acteur, s’occupant aussi des costumes) faisant à la fois preuve de l’inventivité et de l’audace de sa jeunesse mais aussi d’une étonnante maturité. Déclaration de désespoir d’un amoureux désillusionné sous des allures de fable burlesque et hilarante, « Les amours imaginaires » est un film mélancoliquement caustique qui est aussi une sublime déclaration d’amour au cinéma.

    Quant à « Inception », par un astucieux effet de mise en abyme, Christopher Nolan s’y fait l’architecte de notre rêve comme l’équipe de Cobb le fait pour Fischer. Cobb est le réalisateur de cette mission impossible, l’inception. Il est hanté par son passé comme un cinéaste parsème son film de souvenirs plus ou moins conscients. Le spectateur est en totale symbiose avec ce que vivent les personnages jusqu’à cette impression de chute qui les réveille des rêves qu’ils construisent et qu’il nous arrive à nous aussi (à moi en tout cas) d’avoir au réveil. Christopher Nolan nous plonge ainsi dans les méandres fascinants du subconscient mais aussi dans ceux de la réalisation cinématographique dont ils sont la métaphore.

    A cette liste, il faudra d’ailleurs ajouter un cinquième coup de cœur cinématographique de 2010, « Tournée » de Mathieu Amalric, puisque le spectacle du film se confond avec celui qui donne lieu à la fiction, si proche de la réalité. C'est aussi un hommage à ceux (producteurs de spectacles ou de cinéma..., rappelant en cela le très beau « Le Père de mes enfants » de Mia Hansen-Love) pour qui il n'existe pas de séparation entre vie et spectacle qui s'entrechoquent et se confondent.

    L’Histoire rejoint l’histoire : de succès plus ou moins inattendus aux occasions manquées

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    Parmi mon top de cette année 2010 figure également « The Ghost writer » de Roman Polanski  dans lequel il est difficile aussi de dissocier l'Histoire contemporaine de l'histoire de the Ghost-Writer qui évoque les tortures pendant la guerre en Irak et stigmatise le rôle trouble des Etats-Unis (là où justement ne peut retourner Polanski qui d'une certaine manière règle quelques comptes) Harris étant par ailleurs un ancien journaliste proche de Tony Blair à qui Adam Lang fait évidemment penser. Mais ce serait dommage aussi de réduire ce grand film inclassable et passionnant à cela. Une austérité étrangement séduisante, une lenteur savamment captivante, une beauté froide et surtout une atmosphère à la fois inquiétante et envoûtante émanent de ce nouveau Polanski qui nous donne une magnifique leçon de cinéma, jusqu'au dernier plan, effroyablement magnifique. Un film agréablement inclassable quand on essaie de plus en plus de réduire les films à un concept voire à un slogan. Ce « Ghost-Writer » n'est pas sans rappeler un autre film qui lui aussi parle de manipulation ( et nous manipule) et se déroule  en huis-clos sur une île également au large de Boston comme si pour définir un pays aussi gigantesque que les Etats-Unis, la claustrophobie d'une terre insulaire était la plus parlante des métaphores...

    La guerre contemporaine était aussi au centre de « Brothers » de Jim Sheridan, injustement décrié à sa sortie, la guerre contre laquelle ce film est un vibrant plaidoyer. En montrant les plaies béantes d'une guerre qu'on essaie de cacher, le traumatisme de ceux qui en reviennent, l'incompréhension ou l'impuissance des familles qui ne peuvent savoir ce qui s'est réellement passé, Jim Sheridan stigmatise les conséquences tragiques d'une guerre qui accompagnent ceux qui l'ont vécue bien après qu'ils en aient quitté le terrain.

    Dans « Eyes of war », Danis Tanovic rend également hommage aux meurtris de la guerre, à travers le portrait émouvant et lucide des reporters de guerre et de  celles qui partagent leurs vies, un film dont les faiblesses scénaristiques et de mise en scène sont occultées par l’interprétation magistrale de l’acteur principal (Colin Farrell) qui dans son regard si expressif reflète toute l’horreur ineffable d’images ineffaçables.

    Le cinéma s’est aussi penché cette année sur l’Histoire passée (pléonasme ?) et notamment la Rafle du Vel d’Hiv d’abord avec « La Rafle » de Rose Bosch. Malgré les défauts du film (musique excessive, emphase, interprétations aléatoires) quand j’entends un irresponsable politique ou pseudo se gargariser de ce qu'il considérait être comme une bonne plaisanterie à propos d'une salle trop exigüe pour son meeting : « La prochaine fois, on prendre le Vel d'Hiv » et quand je vois que personne ne réagit à ce qui est certes une provocation mais non moins grave et révoltante, je me dis que ces films sont plus que jamais nécessaires. Un film indispensable car pédagogique (et qui, je pense, nécessite d'être vu dans les écoles mais avec beaucoup d'explications pour l'accompagner, pour expliquer ce hors-champ invisible et tu). Un film à l'issue de la projection duquel résonne un assourdissant silence mais qui a le grand mérite de donner de la voix à ceux qui se sont opposés mais aussi à  des responsabilités trop longtemps tues et occultées. La responsabilité de la France dans la Shoah ne fut ainsi officiellement reconnue qu'en 1995, soit 50 ans après la fin de la guerre !

    Je lui préfère néanmoins « Elle s’appelait Sarah » l’adaptation par Gilles Paquet-Brenner du roman de Tatiana de Rosnay. L’intensité du jeu de Kristin Scott-Thomas, encore une fois remarquable, l’intelligence et la sobriété de la réalisation, l’incroyable Mélusine Mayance, bouleversante, qui interprète brillamment la fragilité obstinée de la petite Sarah, les rôles secondaires (Niels Arestrup et Michel Duchaussoy en tête), le scénario efficace et le montage ingénieux en font un film aussi nécessaire que poignant et qui nous rappelle que la mémoire est un devoir et que l’ignorance est aussi la cause des plus grands drames de nos histoires et de l’Histoire, quand ceux de la seconde n’entraînent pas fatalement ceux de la première et que la clé du secret ouvre souvent sur la vérité mais aussi  la paix et  la liberté. Le meilleur film sur ce sujet reste néanmoins pour moi « Monsieur Klein »  de Joseph Losey .

    Je ne peux pas terminer ce paragraphe sur les films historiques sans évoquer « La Princesse de Montpensier » de Bertrand Tavernier, là encore un film injustement méprisé par « la critique ». Les chevauchées fantastiques magnifiquement filmées sur la musique envoûtante d'Alain Sarde, la sublime photographie de Bruno de Keyzer, l'élégance des dialogues et de la mise en scène en font un film d'une âpre beauté dont la fièvre contenue explose au dénouement en un paradoxal et tragique silence. Une adaptation belle, libre et moderne du texte de Mme de Lafayette.

    Les (plus ou moins) belles découvertes et surprises du box office

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    Cette année a aussi réservé son lot de succès inattendus. Des comédies réjouissantes comme « La reine des pommes », « Tout ce qui brille » et  « Les émotifs anonymes », et dans une moindre mesure « In the air », « Potiche"  des films dont les succès sont autant liés à leurs scénarii qu’à leurs acteurs principaux (Ah Poelvoorde et Carré ! Ah Catherine Deneuve !).

     Des premiers films aussi comme « A single man » dans lequel Tom Ford  apporte son style, de la classe, une incontestable élégance  pour nous faire appréhender la beauté du monde, un monde entre la ravageuse sensualité de Gucci et la sobre élégance de Saint-Laurent pour lesquels Tom Ford a travaillé. La sublime photographie  d'Eduard Grau, la musique et les costumes évidemment soignés complètent le tableau et la reconstitution subtile et magnifiée d'une époque. Un (premier) film incontestablement personnel d'une touchante et rare naïveté, un voyage sensoriel et sensuel d'un pessimisme lumineux et d'une beauté sombre, élégante, troublante avec comme guide l'excellent Colin Firth (qui a reçu pour ce film la Coupe Volpi de l'interprétation masculine au dernier Festival de Venise)

     Il y a eu aussi comme chaque année l’incontournable film de Woody Allen, « You will meet a tall dark stranger », moins bons pour certains. Le hasard a voulu que je le voie trois fois puisqu’il a figuré en sélection officielle de trois festivals auxquels j’ai assisté. Quoique certains en disent, une fois de plus, Woody Allen croque ses personnages à la fois avec lucidité et tendresse pour nous donner une sorte de conte sur la manière de s'arranger avec la vanité de l'existence, qu'importe si c'est avec des illusions.  Une fantaisie pétillante beaucoup moins légère qu'elle n'en a l'air mais aussi moins pessimiste puisque chacun trouvera un (certes fragile) nouveau départ, le tout illuminé par une très belle photographie et des acteurs lumineux.

    Le succès de la comédie française cette année a été assez retentissant avec « Les petits mouchoirs » de Guillaume Canet : un film choral qui ne cherche pas à révolutionner le cinéma (et dont je n’ai d’ailleurs cessé de me dire pendant toute la projection qu’il ferait une excellente pièce de théâtre) mais qui vous donne envie de prendre le temps de vivre, de laisser choir le voile du mensonge, de regarder et voir, d’écouter et d’entendre. Et c’est finalement là sans doute la plus discrète des audaces et sa vraie réussite. Malgré quelques longueurs vous ne verrez pas passer les 2H25 de ce troisième long-métrage de Guillaume Canet qui enlace ses personnages avec une tendre lucidité et embrasse la vie et sa cruauté poignante et involontaire avec tendresse et qui, à son image, complexe et paradoxale, s’achève sur une touchante note de tristesse et d’espoir.

    Je passe sur « Camping 2 » (sans commentaires).

    Parmi les succès de l’année également « L’Arnacoeur » qui démontre que le public est toujours avide de comédies romantiques « à l’américaine », aussi (et parce que ) prévisibles soient-elles.

     Plus rassurant sur l’imprévisibilité du public au goût duquel le cinéma souhaite trop souvent répondre et se conformer : le succès de « Des hommes et des dieux » de Xavier Beauvois sans doute couronné par une pluie de récompenses aux César et je l’espère d’un prix d’interprétation pour Lambert Wilson (nommé au prix Lumières pour ce film et pour « La Princesse de Montpensier » où il excelle également). C'est en effet un appel à la tolérance, à l'harmonie entre les peuples et les religions, une dénonciation de l'obscurantisme sous de fallacieux prétexte religieux, une ode au courage qui touche autant les croyants que les athées et les agnostiques.  C'est aussi le portrait magnifique de 8 hommes avec leurs doutes et leurs convictions, qui donnent tout, y compris leur vie, pour les autres (sans que cela soit bien évidemment un appel au martyr, bien au contraire).

     Parmi mes coups de cœur inattendus figurent encore « Amore » de Luca Guadagnino. Un film de sensations (visuelles, sonores -que ce soit dans l’utilisation judicieuse de la musique ou des silences-, et presque gustatives) visuellement magnifique, envoûtant, sensible, sensuel, onirique,  prenant, l’œuvre d’un cinéphile et d’un cinéaste qui nous enserre dans son univers avec une rare maestria.

    Il faudrait encore citer « Lluvia » de Paula Hernandez qui démontre encore une fois que les histoires les plus simples sont souvent les plus belles : ici l’histoire d’une parenthèse magnifiquement filmée qui nous enveloppe, nous ensorcelle et nous conduit vers le soleil, avec pudeur et grâce. L’interprétation délicate d’Ernesto Alterio et Valeria Bertuccelli est aussi pour beaucoup dans cette réussite. De ces films, précieux, qui nous font croire que tout peut arriver et qui savent donner à une histoire intime et singulière un écho universel. Que la pluie ne vous rebute pas, elle vous conduira vers un inestimable rayon de soleil.

    Des films démagogiques ou se réduisant à des arguments marketing 

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    L’année 2010 n’a pas non plus été épargnée en films qui se réduisent à des arguments marketing aux synopsis (in)dignes de slogans publicitaires, à commencer par « A bout portant » (« il a 3 heures pour sauver sa femme »), une injection d’adrénaline pour nous en mettre plein la vue et nous anesthésier, nous garder, nous aussi, artificiellement éveillés. Un écran de fumée pour masquer une absence totale de scénario, de psychologie, de dialogues, d’enjeu.

    Il y aura aussi eu la traditionnelle adaptation d’une série télévisée désastreuse avec « L’agence tous risques » Les scènes d'action y sont certes spectaculaires, bruyantes et nous en mettent là aussi plein la vue mais elles semblent finalement n'être là que pour noyer notre attention dans un flot successif et indigeste et nous faire oublier la vacuité affligeante du scénario.

     Il y aura eu le traditionnel film de l’animateur-trice télé (« Il reste du jambon ») qui croit que faire du cinéma c’est planter une caméra devant des gens qui parlent, un film  qui bat allègrement le record d’alignement de clichés.

    Il y aura eu le film insoutenable qui essaie de combler la vacuité du fond et de justifier la violence par une forme démonstrative et prétentieuse : « White lightnin ». Une plongée dans l'enfer des pensées désordonnées, vengeresses et surtout démentes de Jesco White qui, de séjours en maisons de redressement et en asiles de fous, entrecoupés de leçons de danse sur de la musique country,  forge sa folie meurtrière et sanglante ; un rythme démentiel, névrotique, saccadé et frénétique, qui imprègne la forme de ce film hypnotique, sans concessions au politiquement correct (à moins justement, qu'il ne le soit, à force de ne pas vouloir l'être à tout prix...), à la bande sonore très étudiée et réussie avec une voix off qui se voudrait ironique et décalée, à l'interprétation irréprochable mais dont la maîtrise formelle (oui, d'accord, Dominic Murphy a un univers et sait brillamment le démontrer) ne parvient pas à me faire oublier la vacuité du fond qui pour moi importe, quand même, beaucoup.

     Il y aura eu le film ("Fatal" de Michael Youn) qui tire profit de ce qu'il feint de dénoncer, dans lequel l'autodérision n'est finalement qu'un argument commercial dissimulé. Le comble de la société de consommation et du cynisme. Un film guidé par une lucidité aussi brillante que désolante et surtout opportuniste.

     Il y aura eu aussi un film qui a fait l’éloge de la médiocrité (« Les meilleurs amis du monde »)

    Il y a eu pas mal d’autres déceptions cette année mais je préfère me concentrer sur ce qui a été à l’origine de la création de mes blogs, il y a  7 ans : l’envie de partager mes coups de cœur et découvertes cinématographiques et mes pérégrinations festivalières.

    Combien de ces films laisseront une empreinte dans l’histoire du cinéma ? Un seul d’entre eux peut-il même prétendre au titre de chefs d’œuvre dont certains abusent ? Pour moi, d’ailleurs, le chef d’œuvre de cette année (de tous les temps ?), c’est un film ressortie en version restaurée, un film qui date de et d’ailleurs lié à un de mes meilleurs souvenirs de 2010 : « Le Guépard », la fresque majestueuse de Luchino Visconti.

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     Je n’ai pas parlé de « The social network » de David Fincher qui pour moi ne fait pas partie des meilleurs films de cette année mais restera peut-être comme une parabole ingénieuse d’une génération frénétique et narcissique, un film qui aura même sans doute valeur sociologique mais qui, en revanche, ne mérite pas l’appellation de « film de l’année » qui me laisse perplexe… sans doute l’aspect très narcissique qui flatte l’ego d’une génération qui se reconnait dans cet entrepreneur certes brillant mais effroyablement, cyniquement et sinistrement avide de reconnaissance

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    2011 sur inthemoodforcinema : objectifs, projets, voeux pour 2011…

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    Après une année cinématographique 2010 mitigée, le bilan pour ce blog (et les autres, ainsi que le petit dernier nouveau « In the mood for luxe ») est néanmoins (très) positif (comme vous pourrez le constater dans le best of vidéo en bas de cet article des César à Deauville, en passant par Cannes), il m’a permis de vivre des aventures inattendues, passionnantes, et c’est avec plus de motivation et d’enthousiasme que jamais que je débute cette nouvelle année. Tant que le plaisir d’écrire, de découvrir, de partager sera intact, je continuerai. Même si tout n’est pas parfait, par exemple il m’est compliqué d’écrire sur chaque blog chaque jour, je continuerai à écrire quotidiennement sur inthemoodforcinema et surtout à écrire seule même si je reçois régulièrement de sympathiques offres de collaboration. Je tiens au caractère personnel de ce blog. Je tiens aussi à la longueur des articles, à ne justement pas tomber dans le souci d’immédiateté et la frénésie évoquée précédemment, et tant pis si j’égare quelques lecteurs au passage, des lecteurs qui néanmoins sont de plus en plus nombreux. Je continuerai aussi à ne pas mettre de notes aux films, et j'y tiens.

     Mes projets pour 2011 ne sont pas seulement bloguesques ni même cinématographiques, peut-être cette page-ci vous en donnera-t-elle une idée. 2011 débute comme chaque année avec son lot de projets (ir)réalistes, j’espère bientôt vous en faire partager quelques uns.

    Comme chaque année j’essaierai de m’intéresser à tous les cinémas (bon d’accord, je m’intéresse peut-être un peu moins au cinéma d’horreur et d’animation), à tout ce qui fait l’actualité cinématographique, à vous emmener dans les plus grands évènements cinématographiques. Comme chaque année vous pourrez (probablement) me suivre au Festival du Film Asiatique de Deauville (du 9 au 13 mars), peut-être au Forum International Cinéma et Littérature de Monaco (dont les dates n’ont pas encore été communiquées), bien sûr et certainement pour la 11ème année à Cannes, du 11 au 22 mai (après les partenariats avec Orange et 20 minutes, j’espère pouvoir vous proposer des nouveautés cette année pour un traitement toujours plus « in the mood for Cannes » du festival, j'en profite pour vous signaler la création d'une nouvelle page Facebook sur laquelle vous pourrez tout savoir sur le Festival de Cannes 2011). J’aimerais aussi retourner à Cabourg, aux Journées romantiques  (cette année du 15 au 19 juin). Je serai probablement au Festival Paris Cinéma (du 2 au 13 juillet). Bien sûr, il y aura l’incontournable rendez-vous du Festival du Cinéma Américain de Deauville pour la 18ème année (du 2 au 11 septembre) ! A moins que je ne cède à la tentation de Venise (du 31 août au 10 septembre). En octobre, il y aura bien sûr le Festival du Film Britannique de Dinard, auquel je reste fidèle depuis ma participation à son jury en 1999 et dont inthemoodforcinema était cette année partenaire. Et fin octobre, il y aura un nouveau festival, puisque j’ai été sollicitée pour être partenaire officiel. Ce festival se déroule dans le lieu dont la photo figure ci-dessous.

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     Voilà pour ce qui est prévu mais je ne doute pas que cette année (me et vous) réservera son lot d’heureuses surprises. J'essaierai de faire aussi plus d'interviews et de travailler davantage mes vidéos.

    Je terminerai en vous souhaitant ce que nous rappelle Christopher Nolan dans « Inception », ce que nous ne devrions pas oublier: ne jamais avoir peur de rêver trop grand. Je vous souhaite vous aussi de vous perdre dans un délicieux dédale de rêves. J’essaierai le mieux possible de vous embarquer dans le mien, à nouveau en 2011, et de faire que cette année soit jalonnée de belles surprises cinématographiques. « Faîtes que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore pas votre rêve », j’emploie à nouveau cette citation de Saint-Exupéry qui résume ce que je vous souhaite pour 2011 ainsi qu’une année cinématographiquement et personnellement lumineuse et exaltante. Merci à ceux qui me suivent quotidiennement et aussi à ceux qui prennent le temps de commenter.

    Cette année vous pourrez continuer à me suivre sur :

    -Mes 4 blogs :

     http://www.inthemoodforcinema.com (blog quotidien principal) ,

     http://www.inthemoodforcannes.com (blog consacré au Festival de Cannes),

     http://www.inthemoodfordeauville.com (blog consacré aux Festivals du Film Asiatique et du Cinéma Américain de Deauville),

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    -La chaîne youtube d'inthemoodforcinema: http://www.youtube.com/user/Inthemoodforcinema

    Pour tout savoir sur les objectifs de mes blogs, mon parcours, mes blogs dans les médias… : http://www.inthemoodforcinema.com/about.html

     TOP 10 2010- S'il ne fallait garder que 10 films de l'année 2010 (cliquer sur les titres pour accéder à mes critiques de ces films):

          « Shutter island » de Martin Scorsese

         « Les Amours imaginaires » de Xavier Dolan

         « Copie Conforme » d’Abbas Kiarostami

     

        Inception » de Christopher Nolan

     « Tournée » de Mathieu Amalric

       « Des hommes et des dieux » de Xavier Beauvois

         « Gainsbourg »(vie héroïque)de Joann Sfar

         « The Ghost-writer » de Roman Polanski

        « A single man » de Tom Ford

         « Amore » de Luca Guadagnino 

    Quelques uns de mes meilleurs moments de 2010 « bloguesques » et (presque toujours) cinématographiques  en vidéos, vous y verrez (notamment) Leonardo DiCaprio, Isabelle Adjani, Mick Jagger, Charlie Winston, Martin Scorsese, Alain Delon, Marion Cotillard et beaucoup d'autres ( pour voir le reste de ce dont il ne figure que des extraits ci-dessous, rendez-vous sur la chaîne youtube d'inthemoodforcinema: http://www.youtube.com/user/Inthemoodforcinema )

    Isabelle Adjani à la cérémonie des Lumières 2010

    Dans les coulisses du jt de France 2:

    Marion Cotillard (Dans les coulisses des César 2010):

    Tahar Rahim (dans les coulisses des César 2010):

    Isabelle Adjani (coulisses des  César 2010):

    Harrison Ford (dans les coulisses des César 2010):

    JT de M6 du 18 mai (merci Célia): 

    Lien : http://video.fr.msn.com/watch/video/12-45-du-18-mai/13q08krfb

    Interview de Bernard Blancan (merci à touscoprod et à ce dernier ):

    

    "Le Guépard" à Cannes avec Alain Delon, Claudia Cardinale et Martin Scorsese

    

    Mick Jagger au Festival de Cannes:

    Concert  privé de Charlie Winston (vip room Festival de Cannes):

    Dans les coulisses du Grand journal (Festival de Cannes):

    Discours de Woody Allen (festival Paris cinéma):

    Master class Jane Fonda (festival Paris cinéma):

    Interview des acteurs d"Inception de Christopher Nolan:

    

     

     

    Conférence de presse d"Inception:

    Conférence de presse d'Annette Bening à Deauville:

    Clôture du Festival du Cinéma Américian de Deauville

    Master class du Festival de Dinard avec Peter Mullan

    Conférence de presse de Denzel Washington

    Ouverture du cycle Melville à la Cinémathèque

    Master class de Paul Haggis

    Lien permanent Imprimer Catégories : BILAN DE L'ANNEE CINEMA 2010 Pin it! 6 commentaires
  • Première d'Une journée ordinaire avec Anouchka et Alain Delon au théâtre des Bouffes Parisiens, le 21 janvier

    journée2.jpg

    journée.jpgDans le cadre du cycle consacré à Alain Delon sur ce blog (lequel, au passage, a déclaré récemment dans le Journal du Dimanche qu'il "ne trouve pas de scénario"... encore faudrait-il pouvoir lui envoyer directement, je connais quelqu'une que cela intéresserait, encore et toujours... à bon entendeur... ), voici toutes les informations concernant la pièce qu'il jouera au théâtre dans "Une journée ordinaire" à partir de janvier.

    La première aura lieu le 21, date à laquelle j'y serai. Vous pourrez donc retrouver ma critique, ici, au plus tard, le 22.

     Cette pièce écrite par Eric Assous à la demande d'Alain Delon se jouera donc à partir du 21 janvier au théâtre des Bouffes Parisiens. Alain Delon souhaitait en effet jouer au théâtre avec sa fille Anouchka avec laquelle il avait déjà joué dans le très beau téléfilm "Le lion" réalisé par José Pinheiro, en 2003 et dans lequel le talent de cette dernière était réellement bluffant.

     Eric Assous avait déjà écrit "Les Montagnes russes" qu'Alain Delon avait joué au théâtre Marigny (et dont vous pouvez retrouver ma critique en cliquant ici). En 2007, c'est dans "Sur la route de Madison" qu'il avait à nouveau foulé les planches (voir ma critique ici) puis en 2008 avec Anouk Aimée dans "Love letters" (voir ma critique ici) mais c'est sans aucun doute dans "Variations énigmatiques", une très belle pièce d'Eric Emmanuel Schmitt qu'il avait été le plus bouleversant, face à Francis Huster. Bien entendu, j'essaierai de ne pas manquer cette "journée ordinaire" dont vous pourrez retrouver ma critique ici.

     Eric Assous dit ainsi de cette pièce : "J'espère que la pièce sera à la fois drôle et émouvante. Il y a des passages entiers où le personnage que joue Alain Delon se confond avec ce qu'il est réellement. Dur et fragile, autoritaire et attendrissant, qui collectionne tous les signes de la réussite mais qui reste pourtant profondément ébréché." 

    Résumé officiel de la pièce: "Entre un père et sa fille, la séparation est inéluctable. Un jour, elle part avec un autre, il faut l'accepter, faire bonne figure. Pas facile de donner à un inconnu ce qu'on a de plus précieux. Julie a 20 ans. Elle rêve de liberté et d'émancipation. Et en plus, elle est amoureuse. Seulement voilà, elle vit avec son père. Veuf depuis 12 ans, il n'a pas l'intention de voir Julie quitter la maison. Alors, elle lui propose un marché. Lui présenter son amoureux et faire la connaissance dans la même soirée de la femme que son père voit de temps à autre."

    Location ouverte du 21 janvier au 12 mars 2011. Du mardi au samedi à 20H30. Matinée le samedi à 17H. De 12€ à 70€. Réservations sur le site des Bouffes Parisiens: http://www.bouffesparisiens.com/ .

    Cliquez ici pour lire mes autres articles consacrés à Alain Delon.

     

    Lien permanent Imprimer Catégories : CYCLE ALAIN DELON Pin it! 0 commentaire
  • Concours: gagnez votre place pour l'avant-première de "Black swan" de Darren Aronofsky

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    Toujours dans le cadre du partenariat d'inthemoodforcinema.com avec le Gaumont Parnasse qui se poursuit en 2011, je vous propose aujourd'hui de gagner 2 places (attribuées à 2 gagnants différents) pour l'avant-première de "Black swan" de Darren Aronofsky, au Gaumont Parnasse, le 31 janvier à 20H (le film sort en salles, le 9 février). Le grand choc cinématographique de ce début d'année que j'ai eu le plaisir de découvrir en avant-première et dont vous pouvez retrouver ma critique en bas de cet article.

     Pour remporter une de ces places, il vous faudra répondre à une seule question à inthemoodforcinema@gmail.com avec pour intitulé de l'email "Concours Black Swan". Vous avez jusqu'au 21 janvier pour répondre.

    -Quel est pour vous le plus beau film évoquant la musique classique et/ou l'opéra et pourquoi?

    Peu importe que je sois d'accord avec votre opinion sur le film dont vous parlerez. L'esssentiel est que vous soyez passionné et enthousiaste!

    Je vous rappelle que vous pouvez encore remporter des places pour l'avant-première exceptionnelle de "Poupoupidou" en cliquant ici.

    CRITIQUE DE "BLACK SWAN" De DARREN ARONOFSKY:

    Le 10 décembre, au mk2 Bibliothèque était projeté en avant-première le nouveau film de Darren Aronofsky « Black swan », une projection suivie d’un débat avec le cinéaste. Après une année cinématographique 2010 plutôt tiède (vous pourrez retrouver mon bilan de l’année ces jours prochains), autant le dire tout de suite, l’année cinéma 2011 (« Black swan » sortira en salles le 9 février) débutera par un vrai choc cinématographique, un tourbillon fiévreux dont vous ne ressortirez pas indemnes.

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    Nina (Natalie Portman) est ballerine au sein du très prestigieux New York City Ballet. Elle (dé)voue sa vie à la danse et partage son existence entre la danse et sa vie avec sa mère Erica (Barbara Hershey), une ancienne danseuse. Lorsque Thomas Leroy (Vincent Cassel), le directeur artistique de la troupe, décide de remplacer la danseuse étoile Beth Mcintyre (Winona Ryder) pour leur nouveau spectacle « Le Lac des cygnes », Nina se bat pour obtenir le rôle. Le choix de Thomas s’oriente vers Nina même si une autre danseuse, Lily, l’impressionne également beaucoup, Nina aussi sur qui elle exerce à la fois répulsion et fascination.  Pour « Le Lac des cygnes », il faut  une danseuse qui puisse jouer le Cygne blanc, symbole d’innocence et de grâce, et le Cygne noir, qui symbolise la ruse et la sensualité. Nina en plus de l’incarner EST le cygne blanc mais le cygne noir va peu à peu déteindre sur elle et révéler sa face la plus sombre.

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     « Black swan » n’est pas forcément un film d’emblée aimable (ce qui, pour moi, est une grande qualité quand les synopsis des films ressemblent trop souvent à des arguments marketing) : il se confond ainsi avec son sujet, exerçant tout d’abord sur le spectateur un mélange de répulsion et de fascination, entrelaçant le noir et le blanc, la lumière (de la scène ou de la beauté du spectacle, celle du jour étant quasiment absente) et l’obscurité, le vice et l’innocence mais le talent de cinéaste d’Aronofsky, rusé comme un cygne noir, et de son interprète principale, sont tels que vous êtes peu à peu happés, le souffle suspendu comme devant un pas de danse époustouflant.

    « Black swan » à l’image de l’histoire qu’il conte (le verbe conter n’est d’ailleurs pas ici innocent puisqu’il s’agit ici d’un conte, certes funèbre) est un film gigogne, double et même multiple. Jeu de miroirs entre le ballet que Thomas met en scène et le ballet cinématographique d’Aronofsky. Entre le rôle de Nina dans le lac des cygnes et son existence personnelle. Les personnages sont ainsi à la fois doubles et duals : Nina que sa quête de perfection aliène mais aussi sa mère qui la pousse et la jalouse tout à la fois ou encore Thomas pour qui, tel un Machiavel de l’art, la fin justifie les moyens.

     Aronofsky ne nous « conte » donc pas une seule histoire mais plusieurs histoires dont le but est une quête d’un idéal de beauté et de perfection. La quête de perfection obsessionnelle pour laquelle Nina se donne corps et âme et se consume jusqu’à l’apothéose qui, là encore, se confond avec le film qui s’achève sur un final déchirant de beauté violente et vertigineuse, saisissant d’émotion.

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    Par une sorte de mise en abyme, le combat (qui rappelle celui de « The Wrestler ») de Nina est aussi celui du cinéaste qui nous embarque dans cette danse obscure et majestueuse, dans son art (cinématographique) qui dévore et illumine (certes de sa noirceur) l’écran comme la danse et son rôle dévorent Nina. L’art, du cinéma ou du ballet, qui nécessite l'un et l'autre des sacrifices. Le fond et la forme s’enlacent alors pour donner cette fin enivrante d’une force poignante à l’image du combat que se livrent la maîtrise et l’abandon, l’innocence et le vice.

    Quel talent fallait-il pour se montrer à la hauteur de la musique de Tchaïkovski (qui décidément inspire ces derniers temps les plus belles scènes du cinéma après « Des hommes et des dieux ») pour nous faire oublier que nous sommes au cinéma, dans une sorte de confusion fascinante entre les deux spectacles, entre le ballet cinématographique et celui dans lequel joue Nina. Confusion encore, cette fois d’une ironie cruelle, entre l'actrice Winona Ryder et son rôle de danseuse qui a fait son temps.  Tout comme, aussi, Nina confond sa réalité et la réalité, l’art sur scène et sur l’écran se confondent et brouillent brillamment nos repères. Cinéma et danse perdent leur identité pour en former une nouvelle. Tout comme aussi la musique de Clint Mansell se mêle à celle de Tchaïkovski pour forger une nouvelle identité musicale.

    La caméra à l’épaule nous propulse dans ce voyage intérieur au plus près de Nina et nous emporte dans son tourbillon. L’art va révéler une nouvelle Nina, la faire grandir, mais surtout réveiller ses (res)sentiments et transformer la petite fille vêtue de rose et de blanc en un vrai cygne noir incarné par une Natalie Portman absolument incroyable, successivement touchante et effrayante, innocente et sensuelle, qui réalise là non seulement une véritable prouesse physique (surtout sachant qu’elle a réalisé 90% des scènes dansées !) mais surtout la prouesse d’incarner deux personnes (au moins...) en une seule et qui mérite indéniablement un Oscar.

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     Un film aux multiples reflets et d’une beauté folle, au propre comme au figuré, grâce à la virtuosité de la mise en scène et de l’interprétation et d’un jeu de miroirs et mise(s) en abyme. Une expérience sensorielle, une danse funèbre et lyrique, un conte obscur redoutablement grisant et fascinant, sensuel et oppressant dont la beauté hypnotique nous fait perdre (à nous aussi) un instant le contact avec la réalité pour atteindre la grâce et le vertige.

    Plus qu’un film, une expérience à voir et à vivre impérativement (et qui en cela m’a fait penser à un film certes a priori très différent mais similaire dans ses effets : « L’Enfer » d’Henri-Georges Clouzot) et à côté duquel le « Somewhere » de Sofia Coppola qui lui a ravi le lion d’or à Venise apparaît pourtant bien fade et consensuel...

    Ci-dessous la bande-annonce et tout en haut de cet article, ma vidéo de Darren Aronofsky lors de l'avant-première: il explique la genèse du film.

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    Lien permanent Imprimer Catégories : CONCOURS Pin it! 0 commentaire