Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

film - Page 13

  • Critique de TÉNOR de Claude Zidi Jr. (au cinéma le 4 mai 2022)

    Critique de TENOR de Claude Zidi Jr..jpg

    Quand les horreurs et les incongruités de l’actualité obscurcissent autant l’horizon, la salle de cinéma fait plus que jamais office d'antre où s’abriter des tumultes du monde, et plus encore quand elle nous donne à voir des films lumineux dont on ressort revigoré avec l’envie d'enlacer chaque seconde et d’embrasser l’avenir, malgré tout. Telles furent les émotions suscitées par mes trois derniers coups de cœur, uniquement des films français qui d’ailleurs témoignent de la vitalité et de la diversité du cinéma hexagonal (La Brigade de Louis-Julien Petit - au cinéma depuis le 23 mars -, En corps de Cédric Klapisch - au cinéma depuis le 30 mars -, et Les Magnétiques de Vincent Maël Cardona -disponible en DVD et Blu-ray le 19 avril et depuis peu en VOD-) auxquels il faudra donc d’ores et déjà ajouter un quatrième long métrage, Ténor de Claude Zidi Jr., à découvrir au cinéma le 4 mai prochain.

    Antoine (Mohamed Belkhir -MB14-), jeune banlieusard parisien, suit des études de comptabilité sans grande conviction, partageant son temps entre les battles de rap qu’il pratique avec talent et son job de livreur de sushis. Lors d’une course à l’Opéra Garnier, sa route croise celle de Mme Loyseau (Michèle Laroque), professeure de chant dans la vénérable institution, qui détecte chez Antoine un talent brut à faire éclore. Malgré son absence de culture lyrique, Antoine est fasciné par cette forme d’expression et se laisse convaincre de suivre l’enseignement de Mme Loyseau. 

    La magie opère dès les premiers plans, un combat de boxe de rue chorégraphié tel un ballet, sous la pluie, filmé au ralenti, porté par une flamboyante musique opératique. La caméra fluide de Claude Zidi Jr. zigzague avec habileté, capture notre attention et nous immisce immédiatement dans l’action et dans le jubilatoire choc des cultures auquel nous invite le film. Confrontation d’univers, urbains mais aussi musicaux : la banlieue de Bondy et l’Opéra Garnier, le rap et l’opéra.

    Comme Madame Loyseau l’enseigne à ses élèves, la technique doit toujours être au service de l’émotion. Et ici, elle l’est, incontestablement, d’emblée. Elle permet de nous transmettre celle d’Antoine quand il écoute Madame Butterfly face à la tour Eiffel. Quand un des plus beaux et célèbres poèmes de Victor Hugo, Demain, dès l’aube, est déclamé en rap. Quand Antoine s’adonne à une battle de rap et que les mots cristallisent la violence, comme si Cyrano s’était réincarné. Quand Paris s’offre, majestueuse, depuis le toit de l’Opéra Garnier et qu’Antoine, tel Rastignac, semble la défier de son indissociable « À nous deux ».

    Les histoires d’univers et d'êtres opposés qui se rencontrent (se défient puis s'allient) sont souvent synonymes de succès au cinéma et ce film mériterait de ne pas déroger à la règle. Si Toledano et Nakache sont les rois d’un cinéma qui marie avec maestria rires et larmes, et qui fait se rencontrer ceux dont les destinées n’auraient jamais dû se croiser, Claude Zidi Jr., avec ce premier film en solo semble leur emboîter le pas. Cette « filiation » est aussi celle d’un cinéma universel. Si le parcours d’Antoine est évidemment singulier, chacun pourra se reconnaître dans ce combat face à soi-même, cette lutte pour sortir des cases dans lesquelles la société veut nous claquemurer, pour trouver sa voie parmi les routes entre lesquelles il faut choisir. Une jeune femme de Bondy peut devenir militaire comme un jeune rappeur livreur de sushis peut devenir ténor. Tout comme, dans Le Brio d’Yvan Attal, la jeune banlieusarde incarnée par Camelia Jordana devenait la reine des concours d’éloquence.

    Le scénario, malin (cosigné Cyrille Droux, Raphaël Benoliel, Claude Zidi Jr. en collaboration avec Hector Cabello-Reyes) frôle les clichés pour mieux les contourner, pour démontrer que rien ne nous assigne à un rôle prédéterminé.  

    En regardant l’émission the Voice dont il était un des candidats, le producteur et le réalisateur ont eu la bonne idée de contacter Mohamed Belkhir alors connu sous le nom de MB14 qui, à l’image de son personnage qui débute dans l’opéra, fait ici ses premiers pas dans la comédie. Cette première expérience et le naturel déconcertant de son interprétation (comme l'est celle de son personnage) apportent une fraicheur supplémentaire. Une énergie revigorante. Sans que cela nuise à sa justesse, indéniable.

    Face à lui, Michèle Laroque dans ce rôle d’ancienne cantatrice devenue professeure de chant (dont on oublie parfois qu’elle a tourné avec Leconte, Sautet, Berliner, Veber, Kurys...parmi d'autres) trouve ici son meilleur rôle depuis Ma vie en rose avec ce personnage particulièrement attachant auquel elle apporte à la fois folie et gravité, humour et énergie, vivacité, liberté et émotion à fleur de peau, sans jamais tomber dans le pathos ou dans l’outrance comme aurait pu l’y inviter la maladie à laquelle est confronté son personnage. Elle semble se délecter à jouer ses dialogues comme son personnage déguste chaque fraction de seconde. Et quand elle dit « Je vais savourer chaque goutte de de vin et je vais regarder par la fenêtre même si elle est de plus en plus petite », il serait difficile de ne pas la croire, et de ne pas en être ému. Les seconds rôles sont tout aussi parfaits, de Maeva El Aroussi (Samia) à l’irrésistible Samir Decazza (Elio) qui a peur de la…pluie, un des nombreux ressorts comiques du film, ou encore Guillaume Duhesme qui incarne le personnage du frère d’Antoine, Didier, mais aussi Stéphane Debac (Pierre), Marie Oppert (Joséphine), Louis de Lavignère (Maxime). Dans un magnifique plan-séquence, Roberto Alagna fait aussi une apparition marquante.

    La réalisation n’est jamais empesée ou statique comme aurait pu l’y contraindre le prestige et la magnificence de l’Opéra Garnier ou comme se cantonnent souvent à l’être les mises en scène de comédies. La cité comme l’opéra sont sublimés par le chef opérateur Laurent Dailland. Un soin particulier a aussi été porté aux décors grâce à la cheffe décoratrice, Lise Péault.

    La caméra virevolte comme la musique originale de Laurent Perez del Mar dont les notes délicates accompagnent la mélancolie et la nostalgie de Marie Loyseau. Elles apportent aussi une profondeur et une douceur réconfortante comme si la précieuse beauté du présent prenait le pas sur son angoisse de l’avenir. Elle suggère subtilement les sentiments qui unissent, malgré tout, les deux frères, quand la violence verbale s’empare d’eux. Elle devient plus poignante quand Didier découvre la passion secrète de son frère. Elle évoque la fougue aventureuse de la jeunesse quand elle accompagne, tels des battements de cœurs, la première visite d’Antoine à l’Opéra Garnier. Et, à la fin, elle devient carrément bouleversante, tout en étant solaire et lyrique, allant crescendo, prenant de l'ampleur et de l'amplitude, telle l’émotion qui nous envahit, lorsqu’elle accompagne le magnifique montage (signé Benjamin Favreul) et la lecture d’une lettre (que je vous laisse découvrir). Comme un écho vibrant à l’injonction à vivre sa vie et à croire en soi que ses mots exaltent.  Nous donnant envie de gravir quatre à quatre l’escalier de Garnier…et de l’existence. Sa musique se mêle parfaitement aux notes de Verdi, Puccini, au rap...Une diversité de genres musicaux qui fait de ce film un véritable hymne à la musique et à son pouvoir émotionnel, ici une véritable arme dans le combat pour trouver sa voie/voix car, pour Mme Loyseau, il s'agit autant de transmettre l'apprentissage de la musique que la route pour devenir soi, et le clamer haut et fort.

    Produit par Raphaël Benoliel, (qui a notamment coproduit Chéri de Stephen Frears, Minuit à Paris et Magic in the moonlight de Woody Allen), ce conte des temps modernes, tendre, drôle, émouvant, tout en étant savamment pudique et elliptique, nous insuffle une bouffée d’oxygène plus que jamais indispensable. Aussi parce qu’il nous rappelle ce dont il est  crucial de se souvenir, tout particulièrement ces jours-ci, que l’altérité n’est pas une menace mais un enrichissement. Ou encore que tout peut être possible avec de la détermination et un coup de pouce du destin. Et qu'il faut s'accrocher à ses rêves. Comme dans ces films, britanniques surtout (Billy Elliot, Joue-la comme Beckham, Once...) dans lesquels les héros, après avoir bataillé contre la terre entière et surtout contre eux-mêmes, accomplissent leurs rêves, en apparence initialement impossibles. Comme le réalisateur s'est cramponné à celui de ce film qu'il porte depuis de nombreuses années...Et il a bien fait !

    Il nous laisse quitter notre antre avec les yeux et le cœur remplis de l'émotion de Nessun dorma de Puccini et de la vision du plafond mirifique de Chagall (qui rend d’ailleurs hommage à quatorze compositeurs et à leurs œuvres). Et avec l’envie de prendre notre place. De saisir chaque étincelle de vie. Là. Maintenant. Tout de suite. Intensément. Et de ne pas attendre pour cela d’être confronté à sa fragilité et à sa vanité.

    Ténor vient de recevoir le prix du Public des rencontres du cinéma de Gérardmer. Une raison de plus de le découvrir en salle le 4 mai si celles énumérées ci-dessus ne vous semblaient pas suffisantes.

    Lien permanent Imprimer Catégories : CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE EN 2022 Pin it! 0 commentaire
  • Critique de TOURNER POUR VIVRE de Philippe Azoulay (au cinéma le 11 mai 2022)

    Tourner pour vivre 2.jpg

    Pour ce documentaire, Tourner pour vivre, Philipe Azoulay a suivi Claude Lelouch pendant sept ans. Sept années de tournage pendant lesquelles il nous invite à partager la vie du cinéaste et sa croyance en l’incroyable fertilité du chaos. Un voyage inédit, une aventure artistique, une expérience humaine et spirituelle avec Claude Lelouch. Deux films servent principalement de fils conducteurs à ce documentaire, Salaud, on t’aime (2014) et Un + Une (2015). Mais aussi, plus brièvement, le tournage et la projection cannoise du film Les plus belles années d’une vie. J’espère que mes quelques digressions vont donneront envie de (re)voir ces trois films formidables qui ne reçurent pas forcément le succès qu’ils auraient mérité d’avoir. J’espère aussi bien sûr vous donner envie de découvrir ce passionnant documentaire.

    Philippe Azoulay est un réalisateur et producteur indépendant dont les fictions et documentaires furent souvent récompensés en festival. Depuis les années 2000, il s’est également activement engagé dans l’organisation d’évènement internationaux qui touchent aux problèmes environnementaux et humains.

    En 2015 sortait ainsi Un + une de Claude Lelouch, un film dans lequel « l’amour est l’unique religion ». Un hymne à l’amour, à la tolérance, au voyage, aussi bigarré et généreux que le pays qu’il nous fait traverser. Un joyeux mélange de couleurs, de fantaisie, de réalité rêvée ou idéalisée, souligné et sublimé par le lyrisme de la musique du fidèle Francis Lai et celle de la Sérénade de Schubert, par des acteurs que le montage inspiré, la musique lyrique, la photographie lumineuse ( de Robert Alazraki), le scénario ingénieux (signé Valérie Perrin et Claude Lelouch), et l’imparable et incomparable direction d’acteurs de Lelouch rendent plus séduisants, convaincants, flamboyants et vibrants de vie que jamais. Une « symphonie du hasard » mélodieuse, parfois judicieusement dissonante, émouvante et tendrement drôle avec des personnages marquants parce que là comme ils le sont rarement et comme on devrait toujours essayer de l’être : passionnément vivants. Comme chacun des films de Lelouch le sont. C’est aussi une déclaration d’amour touchante et passionnée. Au cinéma. Aux acteurs. A la vie. A l’amour. Aux hasards et coïncidences. Et ce sont cette liberté et cette naïveté presque irrévérencieuses qui me ravissent. Et qui transparaissent à merveille dans ce documentaire de Philippe Azoulay qui nous donne envie de revoir ce film en révélant l'incroyable et saisissante aventure humaine que fut ce tournage.

    La vie de Lelouch a débuté sous le signe du cinéma. Il se réfugiera ainsi dans un cinéma pendant la guerre. Et ses parents se sont rencontrés dans un cinéma, pendant un film de Fred Astaire et Ginger Rogers, lesquels, des années plus tard, lui remettront son Oscar. Comme dans une scène d'un film de Lelouch glorifiant les hasards et coïncidences...

    Lelouch. Prononcez ce nom et vous verrez immédiatement l’assistance se diviser en deux. Les adorateurs et les détracteurs. Les seconds condamnant ce que les premiers (dont je suis) adorent : ses fragments de vérité, ses histoires d’amour éblouissantes, sa vision romanesque de l’existence, sa sincérité, son amour inconditionnel du cinéma, ses aphorismes, une musique et des sentiments grandiloquents, la beauté parfois cruelle des hasards et coïncidences. Et surtout, ce que même les seconds ne pourraient lui nier : une passion communicative et intacte qui transpire dans ce palpitant documentaire. Une passion contagieuse qui, en sortant de ce documentaire, vous donnera envie de revoir tous ses films, de La bonne année, le film préféré de Kubrick, à Itinéraire d’un enfant gâté. Mais aussi d’empoigner une caméra tant ce film fait aimer follement le cinéma (et, évidemment, le cinéma de Lelouch), ou l’aimer encore plus.

    Le parcours de Claude Lelouch est jalonné de réussites flamboyantes et d’échecs retentissants. La plus flamboyante de ses réussites fut bien sûr Un homme et une femme, palme d’or à Cannes en 1966, Oscar du meilleur film étranger et du meilleur scénario parmi 42 récompenses … à 29 ans seulement ! Film que Claude Lelouch a, comme souvent réalisé, après un échec. Ainsi le 13 septembre 1965, désespéré, il roule alors vers Deauville où il arrive la nuit, épuisé. Réveillé le matin par le soleil, il voit une femme depuis sa voiture, elle marche sur la plage avec un enfant et un chien. Sa « curiosité est alors plus grande que la tristesse ». Il commence à imaginer ce que peut faire cette femme sur cette plage, avec son enfant, à cette heure matinale. Cela donnera Un homme et une femme, la rencontre de deux solitudes blessées qui prouve que les plus belles histoires sont les plus simples et que la marque du talent est de les rendre singulières et extraordinaires. C’est une des histoires que vous trouverez dans ce documentaire.

    Nous découvrons à quel point Lelouch, éternel enthousiaste, éternel grand enfant, fourmille de projets (plusieurs, toujours, en même temps), le parcours du combattant (et initiatique) qu’a été le tournage de Un + Une. Et bien sûr sa si singulière méthode de tournage qui fait de lui un directeur d’acteurs si exceptionnel qui arrive à capter ces « fragments de vérité ». C’est passionnant, parfois bouleversant. Lorsque depuis l’Inde, on apprend l’horreur des événements de janvier 2015 en France. Lorsque Claude Lelouch qu’on aura rarement vu aussi mélancolique, évoque cette fin de vie qu’il n’exclut pas de choisir. Et parfois révoltant quand on voit les difficultés qu’il rencontre pour monter ses films, l’énergie qu’il déploie face à des financiers cyniques.

    On découvre aussi l’échec que fut Salaud, on t’aime. Ce film qui, pourtant, comme chaque film de Lelouch comporte des scènes d’anthologie. Celle pendant laquelle les deux amis Kaminsky/Johnny et Selman/ Eddy refont Rio Bravo est un régal. Mais aussi, à l’opposé, ce brusque basculement du film (que je ne vous révélerai évidemment pas) qui m’a bouleversée.  Il n’y a que lui pour oser. De même qu’il n’y a que lui pour oser appeler les 4 filles d’un personnage Printemps, Eté, Automne et Hiver. Et ce sont cette liberté presque irrévérencieuse, cette audace, qui me ravissent dans son cinéma.  Lelouch, dans ce film coécrit avec Valérie Perrin, raconte la vie, avec tout ce qu’elle comporte de beauté tragique ou de belle cruauté, de douleurs ineffables aussi, ses paradoxes qui la rendent si fragile et précieuse. En quelques plans, ou même en un plan d’une silhouette, il exprime la douleur indicible de l’absence. Mais c’est aussi et avant tout un film magnifique sur l’amitié et ses mensonges parfois nécessaires, sur le pardon aussi…sans oublier ces « hasards et coïncidences » qu’affectionne le cinéaste. Ce hasard qui « a du talent » à l’image de celui qui en a fait un de ses thèmes de prédilection.  Malgré son titre, peut-être son film le plus tendre, aussi. Ce film porté par des acteurs solaires, un montage ingénieux, une musique judicieuse, une photographie émouvante ne déroge pas à la règle. Le juste milieu entre légèreté et gravité. Les fragments de vérité et les fragments de mensonges. La vie et le cinéma.

    Et puis le film s’achève par quelques images du tournage du long-métrage Les plus belles années d’une vie dont la projection cannoise me laissa un souvenir impérissable...Il pleuvait ce soir-là à Cannes. Inlassablement. Mais il pleuvait gaiement. Parce que c’était joyeux de monter les marches pour retrouver 53 ans après Anne Gauthier et Jean-Louis Duroc dans la ville et le festival qui ont vu et fait éclore leur incroyable destin avec la Palme d’or 1966. Oui, c’était joyeux. Même sous une pluie intarissable. Comme dans un film de Sautet. Intarissable comme mon émotion dès les premières minutes du film. L’émotion d’être là. L’émotion d’avoir rendez-vous avec mes premiers élans cinématographiques. L’émotion d’entendre les notes de musique de Francis Lai, notes mythiques d’un film mythique dans une salle elle aussi devenue mythique. Rendez-vous avec la mythologie du cinéma. L’émotion communicative de l’équipe du film. L’émotion d’une partie du public du Grand Théâtre Lumière. L’émotion dès les premières minutes, lors de ces plans sur le visage de Jean-Louis Duroc / Trintignant. L'émotion autant de retrouver le personnage de Jean-Louis Duroc que de retrouver Jean-Louis Trintignant au cinéma. Et quel Jean-Louis Trintignant ! Ce film qui aurait pu être morose est au contraire plein de vie même si et justement même parce qu’on y entend à plusieurs reprises « La mort, c’est l’impôt de la vie. »  La vie est là, tout le temps. Eblouissante. Quand Anne et Jean-Louis s’évadent en voiture et que le soleil insolent perce à travers les feuilles.  Quand Jean-Louis crie fougueusement à Anne « Embrassez-moi ». Quand les femmes regardent Jean-Louis, ou que Jean-Louis regarde les femmes de sa vie. Avec tant de tendresse. La tendresse, ce film en regorge. L’humour aussi. Lors de multiples clins d’œil au film de 1966 comme lorsque Jean-Louis roule sur les planches et s’étonne que ce soit interdit et qu’un policier lui rétorque que c’est interdit « depuis 50 ans, depuis qu’un crétin a roulé ici avec sa Ford Mustang. » Quelle justesse lorsqu’il dit « Je me souviens d’elle comme si c’était hier » ou lorsqu’elle dit « On est toujours beaux quand on est amoureux ». Cela aurait pu être mièvre. Par le talent de ces deux immenses acteurs et de Lelouch c’est infiniment beau et émouvant. Et ce visage de Trintignant quand soudain il s'illumine par la force des souvenirs de son grand amour, comme transfiguré, jeune, si jeune soudain. Et la majesté d'Anouk Aimée, sa grâce quand elle remet sa mèche de cheveux. Il faut dire aussi qu’ils sont si amoureusement filmés. Et que d'intensité poétique et poignante lorsqu'ils sont l'un avec l'autre comme si le cinéma (et/ou l'amour) abolissai(en)t les frontières du temps et de la mémoire. Encore un des pouvoirs magiques du cinéma auxquels ce film est aussi un hommage. Et évidemment il y a la musique, toujours si importante dans les films de Lelouch, a fortiori dans Un homme et une femme. Un film infiniment lumineux, tendrement drôle (d'une infinie tendresse), émouvant, joyeusement nostalgique, gaiement mélancolique, optimiste, hymne à la vie, à l’amour, hommage au cinéma, sublimé par la beauté si lumineuse de Trintignant et Aimée. 

    Un beau moment de vie et de cinéma entremêlés et il me semble encore entendre le fameux « Dabada Daba » que le public du Grand Théâtre Lumière a repris en chœur résonner dans ma tête  comme cette pensée que « Les plus belles années d’une vie sont celles qu’on n’a pas encore vécues ».  C’est au fond ce que nous racontent tous les films de Claude Lelouch auxquels ce documentaire rend magnifiquement hommage. Si Lelouch se définit comme un « reporter du réel » qui essaie d’en capter les « grains de sable », il aspire au fond à une chose : nous faire « aimer un peu plus la vie » qui est « le plus grand cinéaste du monde », cette vie qu'il fait tournoyer sous sa caméra, vibrante et intense. Ce à quoi il parvient magistralement et ce que reflète ce documentaire, à voir absolument.

  • Le film de la semaine - EN CORPS de Cédric Klapisch

    critique, film, En corps, Cédric Klapisch, Klapisch

    Quelques mots sur le formidable En corps qui, je l’espère, vous donneront envie de découvrir ce 14ème film de Cédric Klapisch, coécrit avec Santiago Amigorena. Alors que son précédent long métrage, « Deux moi », s’achevait par un cours de danse lors duquel les destinées parallèles de ses protagonistes se croisaient enfin, celui-ci est entièrement consacré à cet art.
     
    En corps est l’histoire d’une reconstruction, celle d’Élise (Marion Barbeau), grande danseuse classique qui, pendant un spectacle de La Bayadère, surprend son compagnon avec une autre danseuse. Le choc va entraîner une chute. Et une autre blessure, physique celle-ci, compromettant son avenir de danseuse. En Bretagne, dans une résidence d'artistes, elle va se rapprocher d’une compagnie de danse contemporaine et trouver un nouvel élan. De vie. D’envies. De danse.
     
    Le film commence par 15 minutes fascinantes. 15 minutes entre la scène et les coulisses. Un tourbillon éblouissant de bleu et de rouge. Une explosion étourdissante de couleurs et de mouvements.
     
    Avec toujours un regard rempli d’empathie, dénué de condescendance, une sorte de légèreté profonde portée par des envolées filmiques, Klapisch suit la reconstruction d’Élise. Il célèbre la force des fragilités. La beauté du ballet aussi, qu’il soit classique, aérien, poétique même, presque abstrait et celle de la danse contemporaine, une beauté brute, presque véhémente et pourtant tout aussi vibrante. Celle du danseur et chorégraphe israélien Hofesh Schechter qui signe également la musique avec la participation de Thomas Bangalter, des Daft Punk.
     
    Comme toujours, Klapisch capte la beauté et le romanesque de Paris mais aussi l’air du temps. Dans Paris notamment, il filmait comme nul autre cette ville au cœur battant, insouciante, qui vibre, qui danse, une ville de tous les possibles, une ville et une vie où rien n’empêche personne de « donner une chance au hasard », de faire valser les fils du destin. Élise (Marion Barbeau, danseuse de l’Opéra de Paris, quelle révélation, à la fois fragile et forte, si solaire et incroyablement juste), elle aussi, donne une chance au hasard.


    Ce film lumineux met le cœur en joie, vous cueille quand vous ne vous y attendez pas, par un flashback et un plan, de loin, d’un père qui enlace sa fille, filmés tout en pudeur. On découvre en effet peu à peu qu’Élise a une autre blessure à panser. Le deuil de sa mère à laquelle la relie sa passion.
     
    Ajoutez à cela des seconds rôles remarquables au premier rang desquels celui qui incarne son père, Denis Podalydès, aussi terriblement gauche qu’émouvant, François Civil en kinésithérapeute éthéré et Muriel Robin, propriétaire de la résidence pour artistes, qui interprète avec sobriété cette autre blessée de la vie à l’écoute bienveillante. Et vous obtiendrez un joyeux élan de vie, de danse, d’espoir. Un film duquel se dégage une grâce énergique qui vous donne envie de croire encore (en corps) et plus que jamais qu’il est toujours possible de faire danser la vie, de se relever, de s’élever même, malgré les chutes et les blessures.
     
    Pour moi, il y aura désormais deux films références sur la danse. Un film entrelaçant le noir et le blanc, une quête de perfection obsessionnelle, une expérience sensorielle, une danse funèbre et lyrique, un conte obscur sensuel et oppressant à la beauté hypnotique : Black swan de Darren Aronofsky. Et son exact contraire, En corps. Dans l'un, la passion de la danse détruit. Dans l'autre, elle élève. Alors, n’écoutez pas les critiques vengeresses qui qualifient ce beau film de mièvre. C’est tout sauf cela. C’est tendre, drôle, émouvant, faussement léger, profond, réconfortant, énergique, optimiste. Cela donne envie d’étreindre l’existence. Bref, foncez-y ! Rien que son (sublime) générique vaut le déplacement !
    Lien permanent Imprimer Catégories : CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE EN 2022 Pin it! 0 commentaire
  • Critique - LA RÈGLE DU JEU de Jean Renoir (sortie en version restaurée 4k, le 6 avril 2022)

    cinéma, film, critique, la Règle du jeu, Jean Renoir, version restaurée

    À l'occasion de la sortie en version restaurée de "La Règle du jeu" de Jean Renoir dont la première projection publique a eu lieu le 31 mars à 20 h à la Cinémathèque Française, dans le cadre du festival Toute la mémoire du monde (festival international du film restauré), je vous propose cette analyse du film extraite de mon mémoire de Sciences Politiques consacré à la vision de la société française et de la montée des périls dans le cinéma de 1936-1939, raison pour laquelle il s'agit plus d'une analyse sous ce prisme que d'une critique.

    La Règle du jeu: le clairvoyant "drame gai" de Jean Renoir (1939)

     Souvent classé comme le meilleur film de tous les temps, c’est en tout cas incontestablement un chef d’œuvre de l’Histoire du cinéma…

     La règle du jeu : le constat désespéré et la métaphore cynique d’une société en crise

    Au premier rang de ces nombreux films qui, avant-guerre, dépeignaient une société en crise se trouve La règle du jeu, qui, derrière son apparente légèreté, établit un constat cynique et désespéré de la décomposition morale de la France et qui en fit un chef d’œuvre annonciateur d’un avenir inéluctable. Le dernier film d’avant-guerre de Renoir est aussi le film annonciateur de la guerre. Les successions de styles auxquels recourt Renoir, entre vaudeville, satire et tragédie ne sont pas utilisées gratuitement mais contribuent à créer une véritable peinture sociale.

    Une alliance subtile de vaudeville, satire et tragédie

    Dès le départ le cadre est planté, Renoir sous-titrant son film « fantaisie dramatique » et en définissant ainsi l’atmosphère. Tout comme son synopsis le film échappe à toute définition, Renoir prenant néanmoins soin de nous préciser au préalable que « ce divertissement dont l’action se passe à la veille de la guerre de 1939 n’a pas la prétention d’être une étude de moeurs. Les personnages qu’il présente sont purement imaginaires. » Ces personnages, ce sont d’abord André Jurieux (Roland Toutain), le film débutant par l’atterrissage de son avion au Bourget. Celui-ci vient en effet de battre un record après avoir traversé l’Atlantique.

    Ovationné il ne pense qu’à Christine de La Chesnaye ( Nora Grégor), une femme du monde avec qui il avait une eu liaison platonique et qu’il s’attendait à voir à son retour. Il crie son désespoir à la radio puis tente de se suicider en voiture. Afin d’arranger les choses son ami Octave (Jean Renoir), également ami des La Chesnaye, le fait inviter à une partie de chasse que ceux-ci donnent dans leur propriété en Sologne, à La Colinière. Les terres sont surveillées par l’ombrageux Schumacher, qui surprend en flagrant délit de braconnage Marceau (Carette). Amusé, le marquis le prend alors à son service. Christine découvre par hasard la liaison de son mari avec une de leurs amies Geneviève de Marras (Mila Parély). Par dépit, elle répond aux avances du fade Saint-Aubin (Pierre Nay)…mais Octave aussi est amoureux d’elle. Une fête costumée va alors devenir le cadre d’un véritable vaudeville où maîtres et valets vont s’entrecroiser, Jurieux se battant avec Saint-Aubin, puis le marquis avec Jurieux, Schumacher courant après Marceau l’ayant surpris dans les bras de sa femme, Lisette (Paulette Dubost). Alors que tout s’apprêtait à rentrer dans l’ordre, Schumacher (Gaston Modot) se méprend en croyant Lisette dans les bras d’Octave alors qu’il s’agissait de Christine et abusé par un échange de costumes, il tue Jurieux d’un coup de carabine. Les Chesnaye après ce « déplorable accident » vont sauver la face après le salut final… Comme au théâtre tout le monde revient saluer à la fin. On passe du vaudeville à la satire. Les personnages paraissent en effet de prime abord fantasques, au début le film s’apparente à un vaudeville même s’il commence avec un ton tragique et la tentative de suicide d’André Jurieu. Le vaudeville est d’ailleurs annoncé dès l’exergue avec la citation de Beaumarchais : « Si l’amour porte des ailes, n’est-ce pas pour voltiger ».Dans ce vaudeville, les couples s’échangent et les portes claquent. Renoir avait d’ailleurs songé à appeler son film Les caprices de Marianne.

    C’est même le burlesque qui succède au vaudeville lorsqu’Octave ne parvient pas à enlever sa peau d’ours et lorsque tout le monde passe devant lui sans prendre le temps de la lui enlever. On repasse ensuite à la tragédie : les personnages sincères, comme Octave ou Jurieu, sont écartés du jeu. Mais c’est la satire qui prédomine : les personnages deviennent alors odieux. Tous les styles de récit se mêlent sans que cela jamais ne paraisse incohérent. Le ton est annoncé dès le début par La Chesnaye : « nous jouerons la comédie, nous nous déguiserons », mais ce déguisement là n’est pas seulement vestimentaire c’est aussi celui derrière lequel se dissimule l’hypocrisie des personnages.

    La volonté satirique de Renoir

    Renoir annonce donc ambitionner de faire « une description exacte des bourgeois de notre époque ». Le jeu annoncé par le titre est pourtant le jeu social et dans ce jeu-là Renoir n’épargne personne qu’il s’agisse des riches ou des pauvres...et les deux seuls personnages qui échappent à ce règlement de comptes se retrouveront hors du jeu, qu’il s’agisse de l’aviateur André Jurieu qui sera assassiné ou Octave, évincé, après avoir rêvé un moment de pouvoir partir avec Christine. Les femmes ne sont pas épargnées, elles y sont aussi cyniques. Tel Beaumarchais, Renoir raille les manèges mondains, La Règle du jeu étant empreinte de l’esprit du 18ème siècle, ne serait-ce que l’exergue empruntée au Mariage de Figaro. La volonté satirique est par ailleurs flagrante comme à travers cette réplique dont la censure exigea la suppression : « On est à une époque où tout le monde ment : les prospectus des pharmaciens, les gouvernements, le cinéma, la radio, les journaux…Alors pourquoi veux-tu que nous autres les simples particuliers, on ne mente pas aussi ? ». Le monde dépeint par Renoir est un spectacle dans lequel chacun a ses raisons d’endosser un rôle.

    C’est avant tout la violence de la société que dénonce Renoir, une société pour qui tout peut rentrer dans l’ordre après une mort comme tout rentre dans l’ordre après la mort de Jurieu, une société qui vient saluer comme si de rien n’était après ce « déplorable accident ». Les personnages ne sont pas spontanés et malgré les sentiments qu’il éprouve pour Christine, Jurieu veut avoir une conversation avec La Chesnaye : «Christine tout de même il y a des règles. » Chacun affecte le respect des convenances sociales et le respect d’autrui. Ainsi, La Chesnaye fait l’éloge de la liberté : « Sur cette terre il y a quelquechose d’effroyable, c’est que chacun a ses raisons. » « D’ailleurs je suis pour que chacun les expose librement (…) contre les barrières. » Quant aux domestiques ils ne sont pas épargnés : ils réinventent une société à l’image de celle des maîtres qu’ils critiquent. Les employés singent leurs maîtres comme lors de cette scène de repas. Ils semblent libres mais sont en réalité totalement assujettis, La Chesnaye signifiant ainsi à Schumacher qu’il n’a pas le droit d’être dans le château, que ce n’est pas son domaine, qu’il doit se cantonner à l’extérieur. Le mépris des uns pour les autres est également fustigé : « Au contraire, il faut bien que ces gens-là s’amusent comme les autres. » Les différentes classes font donc preuve de la même hypocrisie et ont les mêmes défauts, les mêmes faiblesses.

    Un chef d’œuvre-testament : le film annonciateur d’un avenir inéluctable

    Dans La règle du jeu, Renoir fait preuve d’une réelle virtuosité technique qui presque 70 ans après, reste encore un véritable modèle. Cette virtuosité n’est pas une simple démonstration ostentatoire et gratuite mais elle est au service d’un véritable propos dont l’acuité est, aujourd’hui encore, sidérante.

    La virtuosité technique de l’œuvre

    La règle du jeu est ainsi d’une force plastique saisissante. Ce qui apparaît d’abord, c’est le goût du théâtre ou plutôt de la théâtralité à travers les déguisements, les chassés croisés. Le final est d’ailleurs très théâtral et annoncé par la citation de Beaumarchais du début.

    Mais si les références au théâtre sont multiples La règle du jeu est loin d’être une pièce filmée. La caméra semble voguer au hasard et dissimule en réalité un brio inégalé grâce à une profondeur et une largeur de champ si signifiantes. Les dialogues semblent être improvisés, les situations semblent se chevaucher. On a l’impression de voir la rapidité et la confusion d’images réelles même si pour Bazin « toute image cinématographique est réaliste par essence. » Le travail sur le son est admirable provenant tantôt de la TSF, du phono, de la poupée mécanique, des instruments etc. La musique n’est pas non plus anodine, elle révèle la fausseté des sentiments comme ces grenouilles qui coassent à la fin du film. La virtuosité technique de l’œuvre notamment grâce à la profondeur de champ ajoute encore à la complexité de l’œuvre et à celle du propos qui, derrière le vaudeville, dissimule la gravité.

    La virtuosité observatrice de l’œuvre : un regard clairvoyant sur une société aveugle et aveuglée

    Cette virtuosité technique n’est donc pas innocente mais au contraire utilisée au service d’un propos. Ce qui pourrait n’être qu’une comédie virevoltante est en réalité un des films qui observent et décryptent le mieux sa société et les causes de la guerre. Renoir dépeint en effet la fin d’un monde dont l’aveuglément permet l’émergence du fascisme. La tension est d’ailleurs à son comble pendant le tournage, Hitler ayant envahi la Tchécoslovaquie au mois de Mars. Le marquis, qui est d’origine juive, se fait ainsi traiter dans son dos de « métèque » par un des domestiques, ce à quoi le cuisinier réagit vivement : « A propos de juif, La Chesnaye, tout
    métèque qu’il est… » L’antisémitisme et le racisme y sont latents, les domestiques insistent ainsi sur le fait que « La mère de La Chesnaye avait un père qui s’appelait Rosenthal et qui arrivait tout droit de Francfort ». On y parle « des histoires de nègres » et il est question de « parasites ». Le film n’est pas prémonitoire mais révélateur de la dégradation de la société que Renoir a minutieusement observée.

    Les réactions que suscita le film à ce sujet furent d’ailleurs tout aussi révélatrices d’un état d’esprit comme celui du journaliste d'extrême-droite Brasillach qui estima que c’était inquiétant « d’oser montrer pour la première fois un juif sympathique », estimant que « de La Chesnaye est plus juif que jamais…Une autre odeur monte de lui du fond des âges, une autre race qui ne chasse pas, qui n’a pas de château, pour qui la Sologne n’est rien… Jamais peut-être l’étrangeté du juif n’avait été aussi fortement, aussi brutalement montrée. » C’est pourtant le film que sera fustigé et non ces propos outrageants. La scène de la chasse est par ailleurs particulièrement révélatrice du climat de l’époque. Les tireurs, hommes ou femmes, tuent avec froideur. La mort est d’ailleurs omniprésente comme lorsque les personnages sont déguisés en squelettes : la mort danse, les fantômes rodent autour d’eux. C’est le spectre de la guerre qui rôde. C’est une époque où « c’est assommant les gens sincères. » Etre sincère, c’est voir la réalité, et dans la réalité le monde est à la veille de la guerre. Et même derrière les lieux communs, on perçoit la crainte de l’avenir, et la noirceur du présent. Ainsi pour Marceau : « Dans notre partie, c’est comme dans tout y a la crise. » Rien n’est laissé au hasard. Ainsi, Marceau, justement est le nom du plus grand général républicain de la Révolution Française. La véritable terreur pour La Chesnaye et ses invités c’est le Front Populaire. Dans La Marseillaise, La Chesnaye est d’ailleurs un défenseur ultraroyaliste… L’œuvre de Renoir devient en quelque sorte une véritable Comédie humaine où les mêmes personnages ou du moins les mêmes noms et caractéristiques se retrouvent de films en films. Quand la société se donne en spectacle les tenues ne sont pas innocentes : ils sont déguisés en tyroliens et chantent une chanson ultranationaliste, un hymne boulangiste à la gloire de l’armée française. Les idéaux d’avant sont tournés en dérision et ceux qui sont mis en avant laissent présager un avenir inquiétant.

    Comme la société qu’il retranscrit le film oscille constamment entre le drame et la tragédie… et cette audace à une période où on ne pouvait plus rire de tout fut certainement une des causes de l’échec commercial que connut La règle du jeu. Qu’il s’agisse d’un « drame gai » ou d’une « fantaisie dramatique », la qualification demeure antithétique à l’image de cette société de paradoxes que Renoir décrit. Si le film se présente comme une comédie frivole en dehors de l’actualité, c’est en donc réalité une comédie grinçante qui en démontre subtilement les travers. « On sait jamais, y a rien d’impossible. » dit Marceau à de La Chesnaye, oui rien semble vouloir nous dire Renoir : pas même l’horreur qui se profile aux portes de la France…, pas même l’aveuglement de la société face au danger imminent qui la menace.

     Un échec commercial : une société qui refuse de se reconnaître

    Tout comme la réalité et le destin échappent au déserteur du Quai des brumes, il échappe au bourgeois et à l’aristocrate de La règle du jeu, pourtant la réussite du premier fut tout aussi retentissant que l’échec du second. Même après le retrait par Renoir de 23 minutes du film, La règle du jeu suscite un rejet unanime de la part du public. On cassait même les fauteuils dans certaines salles. Il provoqua également le rejet de la critique même s’il fut moins unanime, Georges Sadoul le qualifiant ainsi « d’incohérence ». Renoir songea même à abandonner le cinéma, il se résolut finalement à l’exil. À la veille de la seconde guerre mondiale on ne peut en effet applaudir une telle fantaisie, aussi dramatique fut-elle, ou peut-être justement parce qu’elle fut aussi dramatique. On ne supporta pas la dénonciation de l’hypocrisie sociale de ce petit monde « dansant sur un volcan. » Renoir disait en effet avoir voulu « peindre une société qui danse sur un volcan » . Est-ce là l’origine du mal qui progresse et menace l’Europe ? Renoir semble le sous-entendre. On ne pardonna pas non plus à Renoir d’avoir utilisé un juif pour manifester un semblant d’humanité.

    L’amitié même n’y est qu’un leurre…et « c’est la fatalité qui a voulu qu’André Jurieu soit victime de cette erreur. »« Au contraire, il faut bien que ces gens-là s’amusent comme les autres. » La caricature y est plus visible que dans les autres films de Renoir et le public ne l’admet pas tout comme ce drame gai aux portes d’un drame, un drame imminent rappelé par les danses macabres : spectres armés de lanternes précédant le squelette de la mort au son de la Danse macabre de Saint-Saëns. La fête permet d’oublier que l’on est aux portes d’une catastrophe et on ne pardonnera pas à Renoir de l’avoir interrompue. Les remous suscités par la première projection furent tels que Renoir se hâta de préciser qu’il n’avait pas eu la prétention de faire une étude de mœurs, les personnages étant « purement imaginaires. » Quand le film ressortit en copie complète dans les ciné-clubs en 1960 il fut pourtant reconnu comme un chef-d’œuvre incontesté...

     

  • Critique - LES MAGNÉTIQUES de Vincent Maël Cardona (prix d’Ornano-Valenti du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2021)

    Film Les Magnétiques.jpg

    Les Magnétiques de Vincent Maël Cardona sort cette semaine en VOD sur Universcine.com. Ce film, présenté dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs 2021, avait reçu le prix de la SACD. Il fut également lauréat du Prix d’Ornano-Valenti du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville, toujours un gage de talent et de qualité. En bref, je vous donne quelques excellentes raisons de le découvrir, urgemment. Avant cela, son synopsis.

    Une petite ville de province au début des années 80. Philippe (Thimotée Robart) vit dans l’ombre de son frère, Jérôme (Joseph Olivennes), le soleil noir de la bande, extraverti, extravagant même. Entre la radio pirate, le garage du père (Philippe Frécon) et la menace du service militaire, les deux frères ignorent qu’ils vivent là les derniers feux d’un monde sur le point de disparaître. La première partie se déroule en province, entre la radio, le garage de leur père…et la belle Marianne (Marie Colomb), en stage dans le salon de coiffure local, la petite amie de Jérôme dont Philippe tombe fou amoureux. La deuxième partie se déroule à Berlin où Philippe effectue son service militaire, n’ayant pas réussi à se faire réformer.


    Ce sublime titre sied magnifiquement à ce film enfiévré de sons et de musiques qui est cela de la première à la dernière seconde. Magnétique !

    Le film débute le 10 mai 1981.  Quatre jours avant le premier tour de la Présidentielle 2022, voilà de quoi vous plonger dans l’ambiance de celle de 1981. Celle de l’’espoir et du sentiment de tous les possibles. Et d’un monde scindé en deux qu’on croyait à jamais révolu…Mais, surtout, si vous avez connu les années 1980, ce film vous insufflera forcément un parfum de nostalgie tout en étant d’une contemporanéité et modernité époustouflantes.

    Ce  film suinte la fougue, l’énergie, le désir, les certitudes folles, l’urgence ardente, la fragilité, le charme et la déraison de la jeunesse. Comme il y en a peu.

    Vous serez forcément emportés par ce maelstrom de sons, de musiques, d’émotions, ce vertige fascinant d’ondes et de lueurs stroboscopiques. Par ce montage visuel et sonore d’une inventivité rare qui sublime la puissance sensuelle des sons et de la musique. Une véritable expérience sensorielle.

    Vous serez aussi forcément fascinés par la mise en scène inspirée de Vincent Maël Cardona et ses nombreux moments d’anthologie, d’une déclaration originale sur les ondes, à une scène tout en pudeur et « magnétisme » sur la musique de Claude-Michel Schönberg. Sans oublier des plans dans l’embrasure d’une porte qui se répondent comme un hommage à John Ford.

     Vous serez forcément charmés par son héros timide et discret, interprété magistralement par Thimotée Robart (toute la distribution est d’ailleurs remarquable), un ancien perchman (une belle ironie pour un film qui met tant en valeur le son), avec sa voix qui vous emporte comme une mélopée qui vous dit : « La maladie de la jeunesse ce n'est pas de savoir ce qu'on veut mais de le vouloir à tout prix. Moi je sais ce que je veux. Je détestais ma voix. C'était tout ce que j'avais à l'intérieur tout ce que je voulais cacher. »

    Croyez-moi, ce film vous donnera envie d’empoigner, célébrer et danser la vie, l’avenir et la liberté.

    Et puis un film qui cite les Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke est forcément recommandable : « Les êtres jeunes, neufs en toutes choses, ne savent pas encore aimer ; ils doivent apprendre. »  Pour terminer, une autre citation de « Lettres à un jeune poète » (qui n’est pas dans le film mais qui pourrait s’appliquer à celui-ci) : « Si beaucoup de beauté est ici, c'est que partout il y a beaucoup de beauté. »

  • CESAR 2022 : nominations commentées et palmarès détaillé

    cinéma, César 2022, cinéma, film,

    1/ Nominations commentées

    (retrouvez en bas de cet article le palmarès commenté mis à jour le 26/02/2022)

    Ce soir, retransmise à 21h, sur Canal +, en direct de l'Olympia, aura lieu la 47ème cérémonie des César, un mois avant la cérémonie des Oscars qui se tiendra le 27 mars. Bien sûr, dans cet effroyable contexte de l’invasion de l’Ukraine et de la guerre, tout cela peut sembler futile et anecdotique, néanmoins nombreux sont les films en lice à nous rappeler que le cinéma est aussi cela : un moyen de mettre en lumière les ombres du monde (comme dans La Loi de Téhéran), de donner un coup de projecteur sur les maux de la société et des êtres (comme dans La Fracture, Médecin de nuit, Les Intranquilles...), souvent porté par une volonté sincère de changer les choses à l’exemple aussi d’ailleurs de films qui sortiront le mois prochain et dont je vous ai parlé il y a quelques jours comme Goliath de Frédéric Tellier ou La Brigade de Louis-Julien Petit.

    L’édition 2021 des César avait été marquée par le contexte sanitaire et par la surprenante apparition de Corinne Masiero. Il ne fait aucun doute que la situation internationale s’invitera ce soir à L’Olympia.

    Après Marina Foïs, ce sera Antoine de Caunes qui présentera la cérémonie cette année…pour la dixième fois, avec la volonté de « remettre le cinéma au cœur du dispositif, qu'on parle de cinéma, qu'on ait du plaisir à retourner dans les salles. »

    C’est la scénariste et réalisatrice Danièle Thompson qui présidera la soirée.

     A l’image de l’affiche de cette édition, la cérémonie rendra hommage à Jean-Paul Belmondo ou encore à Bertrand Tavernier. La soirée sera dédiée à Gaspard Ulliel. Xavier Dolan lui rendra hommage.

    Le César d’honneur sera attribué à Cate Blanchett.

    Parmi les 2217 professionnels du cinéma proposés aux suffrages des votants de l’Académie, subsistent 126 nominations et forcément quelques oubliés qui auraient mérité d'y figurer que vous trouverez dans ma rubrique "Critiques des films à l'affiche en 2021" comme les remarquables Rose d'Aurélie Saada, My son de Christian Carion, L'Etat du Texas contre Melissa de Sabrina van Tassel ou encore Albatros de Xavier Beauvois.

    cinéma, César 2022, cinéma, film,

    Illusions perdues, la sublime adaptation de Balzac par Xavier Giannoli figure en tête des nominations,  15 fois en lice. Pour ce film, Xavier Giannoli était accompagné de Jacques Fieschi au scénario, il y avait donc déjà fort à parier que ce serait une réussite, l’un et l’autre ayant à leur actif des peintures ciselées des dissonances du cœur et des tourments de l’âme. Jacques Fieschi est en effet notamment le scénariste de Quelques jours avec moi, Un cœur en hiver, Nelly et Monsieur Arnaud, Place Vendôme, Mal de pierres, Un balcon sur la mer. Le casting est aussi pour beaucoup dans cette réussite. À commencer par Benjamin Voisin qui crevait déjà l'écran dans Eté 85 de François Ozon qui, au bout de quelques minutes, m’a fait oublier l’image de Lucien de Rubempré que je m’étais forgée. Le héros de Balzac aura désormais ses traits, sa naïveté, sa fougue, son cynisme, sa vitalité, sa complexité (c’est aussi une richesse de cette adaptation de ne pas en faire un personnage manichéen) auxquels il donne corps et âme avec une véracité déconcertante. Il EST Lucien qui évolue, grandit, se fourvoie puis chute, Lucien ébloui par ses ambitions et sa soif de revanche jusqu’à tout perdre, y compris ses illusions. Vincent Lacoste est tout aussi sidérant de justesse dans le rôle d’Etienne à la fois charmant et horripilant. Xavier Dolan aussi dans le rôle de Nathan, un personnage qui est une judicieuse idée parmi d’autres de cette adaptation. Jeanne Balibar est une Marquise d'Espard manipulatrice et perfide à souhait. Cécile de France est, comme toujours, parfaite. Gérard Depardieu en éditeur qui ne sait ni lire ni écrire mais très bien compter bouillonne et tonitrue avec ardeur, Louis-Do de Lencquesaing est irréprochable en patron de presse, Jean-François Stévenin aussi en cynique marchant de succès et d’échecs, sans oublier Salomé Dewaels, vibrante Coralie qui a l’intelligence du cœur qui se donne sans retenue, corps et âme, telle que je l’aurais imaginée. Il faudrait encore parler de la photographie de Christophe Beaucarne et de la musique, notamment de Schubert, qui achèvent de nous transporter dans ce monde d’hier qui ressemble à s’y méprendre à celui d’aujourd’hui. Cette adaptation d’un classique de la littérature qu’est Illusions perdues est tout sauf académique. Cette satire de l’arrivisme, du théâtre des vanités que furent et sont encore Paris et le monde des médias, des « bons » mots, armes vengeresses qui blessent et tuent parfois, est d’une modernité époustouflante comme l’était l’œuvre de Balzac. Bien sûr, comme le roman, l’adaptation de Giannoli n’est pas seulement une peinture sociale mais aussi un film d’amour condamné sur l’autel d’une fallacieuse réussite. « L'amour véritable offre de constantes similitudes avec l'enfance : il en a l'irréflexion, l'imprudence, la dissipation, le rire et les pleurs. » écrivit ainsi magnifiquement Balzac dans Illusions perdues. Si, comme moi, vous aimez passionnément Balzac, son écriture, ses peintures de la société et des sentiments et leurs illusions (nobles, sacrifiés, sublimés, éperdus, terrassés), alors cette adaptation parfois intelligemment infidèle mais toujours fidèle à l’esprit de l’œuvre devrait vous séduire. Et si vous ne connaissez pas encore ce roman alors la modernité, la beauté, la clairvoyance et la flamboyance de cette adaptation devraient vous donner envie de le dévorer surtout que vous ne verrez pas passer ces 2H29 absolument captivantes qui s’achèvent sur cette citation de Balzac terrible et sublime : « Je pense à ceux qui doivent trouver quelque chose en eux après le désenchantement ». Espérons que, comme cela est parfois arrivé à certains films multi-nommés lors de précédentes éditions, malgré ses 15 nominations, le film de Xavier Giannoli ne repartira pas bredouille.

    cinéma, César 2022, cinéma, film,

    Vient ensuite Annette avec 11 nominations, l’opéra-rock poétiquement sombre de Léos Carax. Cette expérience déroutante et flamboyante, lyrique, tragique, étourdissante, cruelle, captivante, ode au pouvoir de l’imaginaire et donc du cinéma, a récemment reçu deux Paris Film Critics Awards, l’un pour la photographie envoûtante de Caroline Champetier et l’autre pour la musique originale des Sparks, qui mériteraient aussi d’être récompensés lors de ces César. Adam Driver, nommé comme meilleur acteur, sera présent à la cérémonie.  Face à lui, des comédiens auxquels on doit aussi  de formidables prestations comme Damien Bonnard dans  Les intranquilles de Joachim Lafosse, Vincent Macaigne dans Médecin de nuit d' Elie Wajeman , ou encore Benoît Magimel dans De son vivant d'Emmanuelle Bercot.

    cinéma,césar 2022,film

    Ensuite figure Aline de Valérie Lermercier  avec ses 10 nominations et Bac Nord de Cédric Jimenez  avec 7 nominations.

    cinéma, César 2022, cinéma, film,

    Le film de Catherine Corsini, La Fracture, a été nommé 6 fois. Catherine Corsini, une fois de plus, avec cette tragicomédie sociale, a su brillamment marier  et manier les genres cinématographiques et faire se côtoyer les mondes pour nous emporter avec elle dans ce tourbillon à la fois drôle et désespéré sur la fracture et les maux d’une époque. Un cri d’alerte retentissant et surtout clairvoyant. Les acteurs sont pour beaucoup dans cette réussite au premier rang desquels des comédiens non professionnels comme Aissatou Diallo Sagna (nommée au César de la meilleure actrice dans un second rôle). Elle est absolument bouleversante dans le rôle de l’infirmière Kim. Valeria Bruni-Tedeschi (nommée pour le César de la meilleure actrice) est une Raf à la fois exaspérante et touchante, égocentrique et attachante, et surtout blessée dans tous les sens du terme. Quant à Pio Marmaï (également nommé, pour le César du meilleur acteur), il incarne l’énergie du désespoir avec une conviction qui force l’admiration.

    cinéma, César 2022, cinéma, film,

    Notons également 5 nominations pour Boîte noire de Yann Gozlan qui narre l’histoire d’un Technicien au BEA, autorité responsable des enquêtes de sécurité dans l’aviation civile, Mathieu Vasseur (Pierre Niney, nommé pour le César du meilleur acteur) est propulsé enquêteur en chef sur une catastrophe aérienne sans précédent. Après un premier plan séquence vertigineux à l’intérieur de l’avion, ensuite pendant (presque) tout le film le point de vue est celui de Matthieu. Hermétique, méticuleux, même maniaque, n’esquissant jamais l’ombre d’un sourire, s’exprimant d’une voix atone. Comme dans Un homme idéal néanmoins, se dessine peu à peu le portrait d’un homme face à ses contradictions, ses failles, ses rêves brisés (les siens ou ceux que son père avait forgés pour lui) qui veut tout contrôler et qui semble perdre progressivement le contact avec la réalité. Dans les deux films, la réalisation de Yann Gozlan enserre le protagoniste pour souligner son enfermement mental. Déjà dans Un homme idéal les brillantes références étaient savamment distillées : Plein soleil, Match point, La Piscine, Tess, Hitchcock pour l’atmosphère, Chabrol pour l’auscultation impitoyable de la bourgeoisie… La mise en scène était déjà précise, signifiante et le scénario, terriblement efficace, allait à l’essentiel, ne nous laissant pas le temps de réfléchir, le spectateur ayant alors la sensation d’être claquemuré dans le même étau inextricable que Mathieu, aux frontières de la folie.  C’est ici à nouveau le cas avec un scénario signé Yann Gozlan, Simon Moutaïrou, Nicolas Bouvet. Un film sobre, intense, haletant, dans lequel le son et la musique de Philippe Rombi jouent un rôle à part entière. Un film qui s’inspire autant des héros melvilliens, des films noirs avec leur fatalité inexorable, que de Sydney Pollack et des thrillers des années 70. Dans le rôle de l’épouse glaciale (en écho à l’archétype de la femme fatale du film noir) toujours époustouflante et si différente à chaque rôle, Lou de Laâge, dont la carapace se fissure peu à peu, la froideur laissant finalement place à l’émotion qui la saisit, enfin, et nous saisit à l’issue de cette quête effrénée de vérité, où la machine comme l’homme laissent apparaître leurs failles. Un film palpitant, brillamment interprété, mis en scène et en « sons ».

    cinéma,césar 2022,film

    L'événement d’Audrey Diwan est également nommé 4 fois et pourrait aussi figurer parmi les lauréats, le film ayant déjà remporté de nombreux prix comme le Lion d'Or à la Mostra de Venise.

     La palme d'or du dernier Festival de Cannes, Titane de Julia Ducournau, a également récolté 4 nominations.

    cinéma,césar 2022,film

    Arthur Harari est, quant à lui, nommé 4 fois. Il a récemment reçu le prix du meilleur réalisateur aux Paris Films Critics Awards pour Onoda, 10 000 nuits dans la jungle, un prix que lui a remis Régis Wargnier qui a ainsi déclaré que : « La grande mise en scène se voit assez mais ne dépasse jamais le récit » et qui a qualifié Arthur Harari de «fils naturel de Lean et Kurosawa» tout en ajoutant que «C’est une folie de faire un film pareil.» Ce film est en effet une expérience, d’une lenteur paradoxalement palpitante, l’histoire vraie d’un Japonais qui, sur une île philippine, obsédé par une croyance obsessionnelle, a continué à se battre pendant des années après la fin de la Seconde Guerre mondiale, et cela malgré la reddition du Japon, ou la mise en scène inspirée d’une prison mentale ou d'un huis-clos dans un décor extérieur.

    cinéma,césar 2022,film

    Seulement une nomination pour The Father de Florian Zeller (dans la catégorie César du meilleur film étranger) . Il y a parfois des brûlures nécessaires pour nous rappeler la glaçante vanité de l’existence mais aussi pour nous rappeler de ne pas oublier l’essentiel : les sentiments, la fugacité du bonheur et de la mémoire, la fuite inexorable du temps qu’une montre ne suffit pas à retenir (ce n’est pas un hasard si c’est l’objet auquel s’accroche tant Anthony), la fragilité des êtres car il n’y a guère que sur un tableau (qui d’ailleurs finira aussi par disparaître) qu’une petite fille court sans jamais vieillir, sans jamais s’abîmer, sans jamais devoir mourir. « Je ne me souviens plus du film, mais je me souviens des sentiments » entend-on ainsi le personnage incarné Jean-Louis Trintignant dire en racontant une anecdote à son épouse, victime d’une attaque cérébrale, dans Amour d’Haneke, film dans lequel ces deux octogénaires sont enfermés dans leur appartement, unis pour un ultime face à face, une lente marche vers la déchéance puis la mort. Un Impromptu de Schubert accompagne cette marche funèbre. Dans The Father, Anthony lui aussi a son appartement pour seul univers et la musique pour compagnie (Norma de Bellini, Les Pêcheurs de perles de Bizet). De l’autre côté de sa fenêtre, la vie s’écoule, immuable, rassurante, mais à l’intérieur de l’appartement, comme dans son cerveau, tout est mouvant, incertain, fragile, inquiétant. Un labyrinthe inextricable, vertigineux. Peu à peu le spectateur s’enfonce avec lui dans ce brouillard, plonge dans cette expérience angoissante. Les repères spatio-temporels se brouillent, les visages familiers deviennent interchangeables. Dans chaque instant du quotidien s’insinue une inquiétante étrangeté qui devient parfois une équation insoluble. Une mise en scène et en abyme de la folie qui tisse sa toile arachnéenne nous envahit et progressivement nous glace d’effroi.  Pour cela nul besoin d’artifices mais un scénario, brillant, de Christopher Hampton et Florian Zeller, qui nous fait expérimenter ce chaos intérieur. L’interprétation magistrale d’Anthony Hopkins y est aussi pour beaucoup, jouant de la confusion entre son personnage (qui s’appelle d’ailleurs, à dessein, Anthony) et l’homme vieillissant qui l’incarne. Comment ne pas être bouleversée quand The Father redevient un enfant inconsolable secoué de sanglots, réclamant que sa maman vienne le chercher, l’emmener loin de cette prison mentale et de cette habitation carcérale ? Quand je suis sortie de la salle, une chaleur, accablante, s’est abattue sur moi, ressentie comme une caresse, celle de la vie tangible et harmonieuse, une respiration après ce suffocant voyage intérieur, me rappelant cette phrase du film : « Et tant qu’il y a du soleil il faut en profiter car cela ne dure jamais. »   Une brûlure décidément nécessaire.  Pour mieux savourer la sérénité de ces feuilles qui bruissent, là, de l’autre côté de la fenêtre, avant ou après la tempête. Ou la beauté d’un Impromptu de Schubert.

    cinéma,césar 2022,film

    Une seule nomination aussi pour Les choses humaines d'Yvan Attal, dans la catégorie du César de la meilleure adaptation. Ce film a presque inventé un genre, le thriller sociétal, qui dresse un tableau passionnant mais effrayant de notre société, dans laquelle des mondes se côtoient sans se comprendre, dans laquelle même dans l’ère post #Metoo des comportements inacceptables restent banalisés. Il questionne notre époque, et dans celle-ci le rapport à l’autre, à la vérité, au corps. Il en est un instantané brillant et nuancé. Un film qui fait confiance à l’intelligence du spectateur à qui il appartiendra de se forger une opinion après ce plan de la fin et ce visage, poignant, qui pour moi apporte une réponse sur ces faits qu’Yvan Attal a eu la brillante idée de laisser hors champ. Mais pour chacun sans doute cette réponse sera-t-elle différente. Et là réside aussi le mérite de ce film :  susciter le débat sur la manière dont chacun perçoit les « choses humaines ». Et les restituer dans toute leur ambivalence. Un film qui m’a laissée bouleversée et KO comme au dénouement d’un thriller, palpitant.

    cinéma,césar 2022,film

    Un film en écho au poignant film de Charlène Favier, Slalom, qui mériterait également de trouver sa place au palmarès.

    cinéma,césar 2022,film

    A noter également, 3 nominations pour Les magnétiques (pour Thimotée Robart dans la catégorie meilleur espoir masculin, dans la catégorie son, et comme meilleur premier film ) qui porte si bien son nom qui mériterait d’être récompensé ne serait-ce que pour le formidable travail sur le son.

    cinéma,césar 2022,film

    Dans la catégorie meilleur premier film, il faudra aussi compter sur Gagarine de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh,  un conte envoûtant qui nous embarque dans une sorte de rêve, en apesanteur, un périple qui nous évade de la réalité  comme le ferait un voyage interstellaire. Un film audacieux, métaphorique, onirique, fabuleux. Un film qui, tout en douceur, prône la résistance par le rêve et par la puissance de l'imaginaire et du cinéma pour faire face aux fracas de la réalité et pour ne pas quitter l'enfance.

    Retrouvez l’ensemble des nominations ci-dessous.

     

    2. Nominations et palmarès commenté (Article complété le 26/02/2022)

    Au regard des nominations commentées ci-dessous, vous ne serez pas surpris que j’écrive à quel point ce palmarès me réjouit. Mais aussi que le cinéma ait été au centre de la cérémonie globalement réussie, sans égarements, et que la situation internationale n’ait pas non plus été oubliée, mentionnée par plusieurs lauréats (Vincent Maël Cardona, Cate Blanchett, Nelly Quettier) et aussi en ouverture par le maître de cérémonie :  « Ce que nous célébrons ce soir est précieux. Ce soir nous pensons aux Ukrainiens. Et soyons à la hauteur de la chance qu’ils n’ont pas. » Cette soirée a été un bel hommage au cinéma, à la salle de cinéma (« la magie de la salle de cinéma que jamais rien ne remplacera » comme l’a évoquée la présidente de cette 47ème édition, Danièle Thompson, et en écho le cri de colère de Arthur Harari, César du meilleur scénario original pour Onoda, 10 000 nuits dans la jungle qui a ainsi déclaré : « on ne va pas au supermarché pour avoir une émotion »). De cette édition, je retiendrai : les 7 César dont celui du meilleur film pour Illusions perdues de Xavier Giannoli (qui avait battu le record de nominations avec 15 citations) et 5 pour Annette dont celui de la meilleure réalisation pour Léos Carax, amplement mérités (cf ce que je vous disais ci-dessus sur ces deux films), le César du meilleur film étranger pour The Father de Florian Zeller, la reconnaissance du travail de scénariste du prolifique et si talentueux Jacques Fieschi, le vibrant hommage de Xavier Dolan à Gaspard Ulliel et l’évocation de la plaie béante du deuil dans une magnifique lettre ouverte adressée à la mère du disparu, la reconnaissance du talent magistral d’un acteur exceptionnel avec le sacre de Benoît Magimel mais aussi de la prestation d’une non professionnelle, Aissatou Diallo Sagna, dans la formidable tragicomédie de Catherine Corsini, La Fracture, le César du meilleur premier film pour Les Magnétiques, un film qui l’est tellement, justement magnétique, la classe de Cate Blanchett, la prestation enchanteresse des Sparks (récompensés pour la musique originale d’Annette), l’hommage trop court à Bertrand Tavernier au regard de son immense carrière… Et, malgré tout, une belle célébration du septième art, rudement éprouvé ces dernières années, qui a mis en lumière la richesse et la diversité du cinéma français.

    Je vous laisse découvrir le palmarès complet ci-dessous.

    CÉSAR DE LA MEILLEURE ACTRICE

     

    LEÏLA BEKHTI dans LES INTRANQUILLES

    VALERIA BRUNI TEDESCHI dans LA FRACTURE

    LAURE CALAMY dans UNE FEMME DU MONDE

    VIRGINIE EFIRA dans BENEDETTA

    VICKY KRIEPS dans SERRE MOI FORT

    VALÉRIE LEMERCIER dans ALINE

    LÉA SEYDOUX dans FRANCE

     

     CÉSAR DU MEILLEUR ACTEUR

     

    DAMIEN BONNARD dans LES INTRANQUILLES

    ADAM DRIVER dans ANNETTE

    GILLES LELLOUCHE dans BAC NORD

    VINCENT MACAIGNE dans MÉDECIN DE NUIT

    BENOÎT MAGIMEL dans DE SON VIVANT

    PIO MARMAÏ dans LA FRACTURE

    PIERRE NINEY dans BOÎTE NOIRE

     

    CÉSAR DE LA MEILLEURE ACTRICE DANS UN SECOND RÔLE

     

    JEANNE BALIBAR dans ILLUSIONS PERDUES

    CÉCILE DE FRANCE dans ILLUSIONS PERDUES

    AISSATOU DIALLO SAGNA dans LA FRACTURE

    ADÈLE EXARCHOPOULOS dans MANDIBULES

    DANIELLE FICHAUD dans ALINE

     

    CÉSAR DU MEILLEUR ACTEUR DANS UN SECOND RÔLE

     

    FRANÇOIS CIVIL dans BAC NORD

    XAVIER DOLAN dans ILLUSIONS PERDUES

    VINCENT LACOSTE dans ILLUSIONS PERDUES

    KARIM LEKLOU dans BAC NORD

    SYLVAIN MARCEL dans ALINE

     

    CÉSAR DU MEILLEUR ESPOIR FÉMININ

     

    NOÉE ABITA dans SLALOM

    SALOMÉ DEWAELS dans ILLUSIONS PERDUES

    AGATHE ROUSSELLE dans TITANE

    ANAMARIA VARTOLOMEI dans L’ÉVÉNEMENT

    LUCIE ZHANG dans LES OLYMPIADES

     

    CÉSAR DU MEILLEUR ESPOIR MASCULIN

     

    SANDOR FUNTEK dans SUPRÊMES

    SAMI OUTALBALI dans UNE HISTOIRE D’AMOUR ET DE DÉSIR

    THIMOTÉE ROBART dans LES MAGNÉTIQUES

    MAKITA SAMBA dans LES OLYMPIADES

    BENJAMIN VOISIN dans ILLUSIONS PERDUES

     

    CÉSAR DU MEILLEUR SCÉNARIO ORIGINAL

     

    VALÉRIE LEMERCIER, BRIGITTE BUC pour ALINE

    LEOS CARAX, RON MAEL, RUSSELL MAEL pour ANNETTE

    YANN GOZLAN, SIMON MOUTAÏROU, NICOLAS BOUVET-LEVRARD pour BOÎTE NOIRE

    CATHERINE CORSINI, LAURETTE POLMANSS, AGNÈS FEUVRE pour LA FRACTURE

    ARTHUR HARARI, VINCENT POYMIRO pour ONODA, 10 000 NUITS DANS LA JUNGLE

     

    CÉSAR DE LA MEILLEURE ADAPTATION

     

    YAËL LANGMANN, YVAN ATTAL pour LES CHOSES HUMAINES

    AUDREY DIWAN, MARCIA ROMANO pour L’ÉVÉNEMENT

    XAVIER GIANNOLI, JACQUES FIESCHI pour ILLUSIONS PERDUES

    CÉLINE SCIAMMA, LÉA MYSIUS, JACQUES AUDIARD pour LES OLYMPIADES

    MATHIEU AMALRIC pour SERRE MOI FORT

     

    CÉSAR DE LA MEILLEURE MUSIQUE ORIGINALE

     

    RON MAEL, RUSSELL MAEL pour le groupe Sparks pour ANNETTE

    GUILLAUME ROUSSEL pour BAC NORD

    PHILIPPE ROMBI pour BOÎTE NOIRE

    RONE pour LES OLYMPIADES

    WARREN ELLIS, NICK CAVE pour LA PANTHÈRE DES NEIGES

     

    CÉSAR DU MEILLEUR SON

     

    OLIVIER MAUVEZIN, ARNAUD ROLLAND, EDOUARD MORIN, DANIEL SOBRINO pour ALINE

    ERWAN KERZANET, KATIA BOUTIN, MAXENCE DUSSÈRE, PAUL HEYMANS, THOMAS GAUDER

    pour ANNETTE

    NICOLAS PROVOST, NICOLAS BOUVET-LEVRARD, MARC DOISNE pour BOÎTE NOIRE

    FRANÇOIS MUSY, RENAUD MUSY, DIDIER LOZAHIC pour ILLUSIONS PERDUES

    MATHIEU DESCAMPS, PIERRE BARIAUD, SAMUEL AÏCHOUN pour LES MAGNÉTIQUES

     

    CÉSAR DE LA MEILLEURE PHOTO

     

    CAROLINE CHAMPETIER pour ANNETTE

    CHRISTOPHE BEAUCARNE pour ILLUSIONS PERDUES

    PAUL GUILHAUME pour LES OLYMPIADES

    TOM HARARI pour ONODA, 10 000 NUITS DANS LA JUNGLE

    RUBEN IMPENS pour TITANE

     

    CÉSAR DU MEILLEUR MONTAGE

     

    NELLY QUETTIER pour ANNETTE

    SIMON JACQUET pour BAC NORD

    VALENTIN FÉRON pour BOÎTE NOIRE

    FRÉDÉRIC BAILLEHAICHE pour LA FRACTURE

    CYRIL NAKACHE pour ILLUSIONS PERDUES

     

    CÉSAR DES MEILLEURS COSTUMES

     

    CATHERINE LETERRIER pour ALINE

    PASCALINE CHAVANNE pour ANNETTE

    MADELINE FONTAINE pour DÉLICIEUX

    THIERRY DELETTRE pour EIFFEL

    PIERRE-JEAN LARROQUE pour ILLUSIONS PERDUES

     

    CÉSAR DES MEILLEURS DÉCORS

     

    EMMANUELLE DUPLAY pour ALINE

    FLORIAN SANSON pour ANNETTE

    BERTRAND SEITZ pour DÉLICIEUX

    STÉPHANE TAILLASSON pour EIFFEL

    RITON DUPIRE-CLÉMENT pour ILLUSIONS PERDUES

     

    CÉSAR DES MEILLEURS EFFETS VISUELS

     

    SÉBASTIEN RAME pour ALINE

    GUILLAUME PONDARD pour ANNETTE

    OLIVIER CAUWET pour EIFFEL

    ARNAUD FOUQUET, JULIEN MEESTERS pour ILLUSIONS PERDUES

    MARTIAL VALLANCHON pour TITANE

     

    CÉSAR DE LA MEILLEURE RÉALISATION

     

    VALÉRIE LEMERCIER pour ALINE

    LEOS CARAX pour ANNETTE

    CÉDRIC JIMENEZ pour BAC NORD

    AUDREY DIWAN pour L’ÉVÉNEMENT

    XAVIER GIANNOLI pour ILLUSIONS PERDUES

    ARTHUR HARARI pour ONODA, 10 000 NUITS DANS LA JUNGLE

    JULIA DUCOURNAU pour TITANE

     

    CÉSAR DU MEILLEUR FILM DE COURT MÉTRAGE D’ANIMATION

     

    EMPTY PLACES

    réalisé par GEOFFROY DE CRÉCY,

    produit par NICOLAS SCHMERKIN

    FOLIE DOUCE, FOLIE DURE

    réalisé par MARINE LACLOTTE,

    produit par CHRISTIAN PFOHL

    LE MONDE EN SOI

    réalisé par SANDRINE STOÏANOV, JEAN-CHARLES FINCK,

    produit par JÉRÔME BARTHÉLEMY, DANIEL SAUVAGE

    PRÉCIEUX

    réalisé par PAUL MAS,

    produit par MARC JOUSSET, PERRINE CAPRON

     

    CÉSAR DU MEILLEUR FILM DE COURT MÉTRAGE DOCUMENTAIRE

     

    AMERICA

    réalisé par GIACOMO ABBRUZZESE,

    produit par SÉBASTIEN HUSSENOT, MARIE SAVARE DE LAITRE

    LES ANTILOPES

    réalisé par MAXIME MARTINOT,

    produit par QUENTIN BRAYER

    LA FIN DES ROIS

    réalisé par RÉMI BRACHET,

    produit par JOSÉPHINE MOURLAQUE, ANTOINE SALOMÉ

    MAALBEEK

    réalisé par ISMAËL JOFFROY CHANDOUTIS,

    produit par LIONEL MASSOL, PAULINE SEIGLAND, JULES REINARTZ, MAXENCE VOISEUX

     

    CÉSAR DU MEILLEUR FILM DE COURT MÉTRAGE DE FICTION

     

    L’ÂGE TENDRE

    réalisé par JULIEN GASPAR-OLIVERI,

    produit par HÉLÈNE MITJAVILE

    LE DÉPART

    réalisé par SAÏD HAMICH BENLARBI,

    produit par SOPHIE PENSON

    DES GENS BIEN

    réalisé par MAXIME ROY,

    produit par ALICE BLOCH

    LES MAUVAIS GARÇONS

    réalisé par ELIE GIRARD,

    produit par LIONEL MASSOL, PAULINE SEIGLAND

    SOLDAT NOIR

    réalisé par JIMMY LAPORAL-TRÉSOR,

    produit par MANUEL CHICHE, VIOLAINE BARBAROUX, NICOLAS BLANC, SARAH EGRY

     

    CÉSAR DU MEILLEUR FILM D’ANIMATION

     

    MÊME LES SOURIS VONT AU PARADIS

    réalisé par DENISA GRIMMOVÁ, JAN BUBENICEK,

    coproducteurs France ALEXANDRE CHARLET, JONATHAN HAZAN

    LE SOMMET DES DIEUX

    réalisé par PATRICK IMBERT,

    produit par JEAN-CHARLES OSTORERO, DIDIER BRUNNER, DAMIEN BRUNNER

    LA TRAVERSÉE

    réalisé par FLORENCE MIAILHE,

    produit par DORA BENOUSILIO, LUC CAMILLI

     

    CÉSAR DU MEILLEUR FILM DOCUMENTAIRE

     

    ANIMAL

    réalisé par CYRIL DION,

    produit par GUILLAUME THOURET, CÉLINE ROUX, PATRICE LORTON, JEAN-MARIE MICHEL,

    THOMAS BÉNET, CYRIL DION, PATRICK FOURNIER

    BIGGER THAN US

    réalisé par FLORE VASSEUR,

    produit par DENIS CAROT, FLORE VASSEUR

    DEBOUT LES FEMMES !

    réalisé par GILLES PERRET, FRANÇOIS RUFFIN,

    produit par THIBAULT LHONNEUR

    INDES GALANTES

    réalisé par PHILIPPE BÉZIAT,

    produit par PHILIPPE MARTIN, DAVID THION

    LA PANTHÈRE DES NEIGES

    réalisé par MARIE AMIGUET, VINCENT MUNIER,

    produit par LAURENT BAUJARD, PIERRE-EMMANUEL FLEURANTIN, VINCENT MUNIER

     

    CÉSAR DU MEILLEUR PREMIER FILM

     

    GAGARINE

    réalisé par FANNY LIATARD, JÉRÉMY TROUILH,

    produit par JULIE BILLY, CAROLE SCOTTA

    LES MAGNÉTIQUES

    réalisé par VINCENT MAËL CARDONA,

    produit par MARC-BENOÎT CRÉANCIER, TOUFIK AYADI, CHRISTOPHE BARRAL

    LA NUÉE

    réalisé par JUST PHILIPPOT,

    produit par THIERRY LOUNAS, MANUEL CHICHE

    LA PANTHÈRE DES NEIGES

    réalisé par MARIE AMIGUET, VINCENT MUNIER,

    produit par LAURENT BAUJARD, PIERRE-EMMANUEL FLEURANTIN, VINCENT MUNIER

    SLALOM

    réalisé par CHARLÈNE FAVIER,

    produit par ÉDOUARD MAURIAT, ANNE-CÉCILE BERTHOMEAU

     

    CÉSAR DU MEILLEUR FILM ÉTRANGER

     

    COMPARTIMENT N°6

    réalisé par JUHO KUOSMANEN,

    distribution France HAUT ET COURT DISTRIBUTION

    DRIVE MY CAR

    réalisé par RYÛSUKE HAMAGUCHI,

    distribution France DIAPHANA DISTRIBUTION

    FIRST COW

    réalisé par KELLY REICHARDT,

    distribution France CONDOR DISTRIBUTION

    JULIE (EN 12 CHAPITRES)

    réalisé par JOACHIM TRIER,

    coproduction France MK PRODUCTIONS (Nathanaël Karmitz, Juliette Schrameck, Elisha Karmitz)

    LA LOI DE TÉHÉRAN

    réalisé par SAEED ROUSTAEE,

    distribution France WILD BUNCH DISTRIBUTION

    MADRES PARALELAS

    réalisé par PEDRO ALMODÓVAR,

    distribution France PATHÉ

    THE FATHER

    réalisé par FLORIAN ZELLER,

    coproduction France F COMME FILM (Jean-Louis Livi), CINÉ-@. (Philippe Carcassonne)

     

    CÉSAR DU MEILLEUR FILM 

     

    ALINE

    produit par EDOUARD WEIL, ALICE GIRARD, SIDONIE DUMAS,

    réalisé par VALÉRIE LEMERCIER

    ANNETTE

    produit par CHARLES GILLIBERT,

    réalisé par LEOS CARAX

    BAC NORD

    produit par HUGO SÉLIGNAC,

    réalisé par CÉDRIC JIMENEZ

    L’ÉVÉNEMENT

    produit par EDOUARD WEIL, ALICE GIRARD,

    réalisé par AUDREY DIWAN

    LA FRACTURE

    produit par ELISABETH PEREZ,

    réalisé par CATHERINE CORSINI

    ILLUSIONS PERDUES

    produit par OLIVIER DELBOSC, SIDONIE DUMAS,

    réalisé par XAVIER GIANNOLI

    ONODA, 10 000 NUITS DANS LA JUNGLE

    produit par NICOLAS ANTHOMÉ, LIONEL GUEDJ,

    réalisé par ARTHUR HARARI

     

    * Les 7 films nommés au César du Meilleur Film seront également soumis au vote de 1866 lycéens pour le César des Lycéens.

     

    DECOMPTE DES NOMINATIONS

     

    15 pour ILLUSIONS PERDUES

    11 pour ANNETTE

    10 pour ALINE

    7 pour BAC NORD

    6 pour LA FRACTURE

    5 pour BOÎTE NOIRE

    5 pour LES OLYMPIADES

    4 pour L’ÉVÉNEMENT

    4 pour ONODA, 10 000 NUITS DANS LA JUNGLE

    4 pour TITANE

    3 pour EIFFEL

    3 pour LES MAGNÉTIQUES

    3 pour LA PANTHÈRE DES NEIGES

    2 pour DÉLICIEUX

    2 pour LES INTRANQUILLES

    2 pour SERRE MOI FORT

    2 pour SLALOM

    1 pour L’ÂGE TENDRE

    1 pour AMERICA

    1 pour ANIMAL

    1 pour LES ANTILOPES

    1 pour BENEDETTA

    1 pour BIGGER THAN US

    1 pour LES CHOSES HUMAINES

    1 pour COMPARTIMENT N°6

    1 pour DE SON VIVANT

    1 pour DEBOUT LES FEMMES !

    1 pour LE DÉPART

    1 pour DES GENS BIEN

    1 pour DRIVE MY CAR

    1 pour EMPTY PLACES

    1 pour LA FIN DES ROIS

    1 pour FIRST COW

    1 pour FOLIE DOUCE, FOLIE DURE

    1 pour FRANCE

    1 pour GAGARINE

    1 pour INDES GALANTES

    1 pour JULIE (EN 12 CHAPITRES)

    1 pour LA LOI DE TÉHÉRAN

    1 pour MAALBEEK

    1 pour MADRES PARALELAS

    1 pour MANDIBULES

    1 pour LES MAUVAIS GARÇONS

    1 pour MÉDECIN DE NUIT

    1 pour MÊME LES SOURIS VONT AU PARADIS

    1 pour LE MONDE EN SOI

    1 pour LA NUÉE

    1 pour PRÉCIEUX

    1 pour SOLDAT NOIR

    1 pour LE SOMMET DES DIEUX

    1 pour SUPRÊMES

    1 pour THE FATHER

    1 pour LA TRAVERSÉE

    1 pour UNE FEMME DU MONDE

    1 pour UNE HISTOIRE D’AMOUR ET DE DÉSIR

    TOTAL : 126 NOMINATIONS

    Lien permanent Imprimer Catégories : CESAR 2022, IN THE MOOD FOR NEWS (actualité cinématographique) Pin it! 0 commentaire
  • Critique de LA FRACTURE de Catherine Corsini

    critique de LA FRACTURE.jpg

    Ce film figurait en compétition officielle du Festival de Cannes 2021 puis fut présenté à Deauville dans la section « L’heure de la Croisette ».

    Dans Partir, Suzanne (Kristin Scott Thomas) menait une vie bien (trop) tranquille avec son mari médecin (Yvan Attal) dans une belle maison, glaciale, à l’image de ce dernier, avant de rencontrer Ivan (Sergi Lopez), un ouvrier espagnol employé au noir vivant de petits boulots et ayant fait de la prison, chargé de leurs travaux. Un accident allait les rapprocher et bientôt une passion irrépressible les emporter. Dans ce film déjà, Catherine Corsini confrontait ainsi des mondes qui n’auraient pas dû se rencontrer. C’était aussi le sujet au centre du palpitant et bien nommé Trois mondes, un film s’inspirant du cinéma de Sautet et de celui d’Hitchcock, entre histoire d’amour et thriller. Dans son dernier film, Un amour impossible, deux mondes se télescopaient aussi : celui de Rachel (Virginie Efira), modeste employée de bureau, et celui de Philippe (Niels Schneider), brillant jeune homme issu d'une famille bourgeoise. Cette fois encore, dans La Fracture, ce sont donc des mondes qui se confrontent. Des genres cinématographiques qui se mêlent aussi.

     Cela commence pour un réveil en sursaut comme celui auquel nous invite Catherine Corsini. Raf (Valeria Bruni-Tedeschi) envoie une salve de textos furieux à sa compagne Julie (Marina Foïs) qui dort profondément à ses côtés. Elles sont au bord de la rupture. En voulant rattraper Julie, Raf chute et se retrouve dans un service d’Urgences proche de l'asphyxie le soir d'une manifestation parisienne des Gilets Jaunes. Leur rencontre avec Yann (Pio Marmaï), un manifestant blessé et en colère, va faire voler en éclats les certitudes et les préjugés de chacun. À l'extérieur, la tension monte. L’hôpital, sous pression, doit fermer ses portes. Le personnel est débordé. La nuit va être longue…

    Dès ce réveil brusque, La Fracture nous emporte dans un tourbillon porté par la caméra à l’épaule de Catherine Corsini aidée de sa cheffe opératrice Jeanne Lapoirie, et ne nous lâchera plus, si ce n’est le temps de quelques pas dans un Paris faussement apaisé. Le rire est constamment au bord des larmes. La colère laisse parfois affleurer un instant de douceur. Catherine Corsini n’a en effet pas son pareil pour marier les paradoxes et nous emporter dans ce maelstrom d’émotions porté par une énergie folle. L’humour, aux frontières du burlesque, en une fraction de seconde, vient désamorcer ce cauchemar suffocant, parfois par le comique de répétition (les chutes, nombreuses, de Raf). Le film lorgne aussi du côté du documentaire en dressant un état des lieux terrifiant (et malheureusement réaliste) de l’hôpital en pleine implosion qui se décompose même au sens propre. L’infirmière Kim a ainsi enchaîné six nuits de garde alors que la loi n’en permet pas plus de trois. Le personnel est en grève. Tous les services de psychiatrie étant fermés, les urgences reçoivent aussi ceux qui devraient y être.  Certains meurent dans la solitude.

    Dans ce chaos et ce huis-clos, la cohabitation forcée va conduire des êtres qui n’auraient jamais dû se côtoyer à se rapprocher. Là, il n’y a pas de privilèges, plus de barrières sociales. Un routier et une dessinatrice peuvent se retrouver dans la même situation de détresse, face au même infirmier désabusé et insensible. Ou une éditrice parisienne peut croiser un ancien camarade de Valenciennes venu à Paris pour manifester. La fracture (sociale) provient avant tout d’un manque de dialogue, d’écoute, d’un vacarme assourdissant. La fracture (physique) va les rapprocher.

    Les acteurs sont pour beaucoup dans cette réussite au premier rang desquels des comédiens non professionnels comme Aissatou Diallo Sagna (nommée au César de la meilleure actrice dans un second rôle). Elle est absolument bouleversante dans le rôle de l’infirmière Kim. Valeria Bruni-Tedeschi (nommée pour le César de la meilleure actrice) est une Raf à la fois exaspérante et touchante, égocentrique et attachante, et surtout blessée dans tous les sens du terme. Quant à Pio Marmaï (également nommé, pour le César du meilleur acteur), il incarne l’énergie du désespoir avec une conviction qui force l’admiration.

    Et puis il y a ce dernier plan, d’une tristesse implacable, qui témoigne d’un répit illusoire et nous laisse comme l’infirmière : abattus, impuissants, sidérés devant cette situation suffocante. Catherine Corsini, une fois de plus, avec cette tragicomédie sociale, a su brillamment marier les genres et faire se côtoyer les mondes pour nous emporter avec elle dans ce tourbillon à la fois drôle et désespéré sur la fracture et les maux d’une époque. Un cri d’alerte retentissant et surtout  clairvoyant.