Critique de DANS LA MAISON de François Ozon (ce soir, à 20H45, sur Ciné plus club)
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Edito: une passion cannoise
Dans cet édito, je vous parle tout d'abord de ma passion cannoise, et de la genèse de celle-ci, avant de me livrer à un "j'aime", "j'aime pas" cannois. Vous pourrez ensuite y retrouver mes attentes pour cette édition, mon compte rendu de la conférence de presse d'annonce de sélection du festival mais aussi le programme complet (avec les ajouts qui ont été effectués après la conférence de presse du 17 Avril, y compris le jury, Cannes classics etc). Je vous dis aussi comment me suivre en direct "in the mood for Cannes" du 12 au 26 Mai.
A quelques jours d’entrer à nouveau, presque religieusement, dans le mythique et vertigineux Théâtre Lumière, comme une douce réminiscence de la première fois où, en 2001, j’ai découvert, émerveillée, ce lieu qui pour moi représentait la quintessence du cinéma mais aussi un cénacle inaccessible que je regardais à travers l'écran de télévision depuis l'enfance, et en attendant de m’adonner comme tous les festivaliers, à ses rituels sublimes et dérisoires, aujourd’hui, je vous raconte pourquoi j’aime le Festival de Cannes, un peu, beaucoup. Passionnément. Une passion lucide et revendiquée.
Ce festival qui reste le plus grand au monde présente cette particularité d’être un film en soi. Un bon festival est d’ailleurs souvent comme un grand film vous laissant heureux et exténué, joyeusement nostalgique et doucement mélancolique, riche d’émotions et de réflexions, souvent contradictoires , et il faut souvent un peu de recul pour appréhender ces multiples réflexions et émotions qu’il a suscitées, pour découvrir quelles images auront résisté à l’écoulement du temps, aux caprices de la mémoire, à ce flux et flot d’informations ininterrompues.
Même si cette année j'irai avec (comme François-Jean Gabin- dans le chef d'œuvre de Marcel Carné, « Le jour se lève », qui sera projeté dans le cadre de Cannes Classics) « un œil gai et un autre un petit peu triste" en raison de tragiques évènements récents, je sais que le cinéma, toujours, finira par mettre un joli voile sur la tristesse, à m’emporter et transporter, a fortiori à Cannes où, plus qu’ailleurs, il dévoile une palette infinie, miroir de la diversité et de la richesse cinématographique mondiales.
14 ans. Cela fait 14 ans déjà que, pour la première fois, je vivais ce tourbillon grisant de cinéma dans cet antre du septième art grâce au concours du prix de la jeunesse. Fébrile. Impressionnée. Enthousiaste. Je n'imaginais pas alors y retourner tous les ans. Je m'étais simplement promis d'y retourner l'année suivante parce que mes examens de sciences politiques qui se déroulaient le lendemain de mon retour avaient exigé quelques impasses non pas sur les révisions mais sur certaines projections. 14 ans de souvenirs. De souvenirs de films surtout. De projections mémorables. Du "Pianiste" de Polanski à "Inglourious Basterds" de Tarantino ou "The Artist" d"Hazanavicius ou encore des films plus confidentiels comme "Je veux voir" de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige ou des classiques comme "Le Guépard" de Visconti ou des master classes comme celle des Dardenne ou de Catherine Deneuve, tant de moments de cinéma indélébiles parmi une multitude d'autres. Mais aussi 14 ans d’une réalité qui, là-bas, si souvent, a mal porté son nom tant elle ressemblait (et ressemble) à un film étourdissant.
Cannes, c'est avant tout un bonheur inégalé de cinéphile, la plus belle et fascinante fenêtre ouverte sur le cinéma. Et sur le monde. Un monde dont ce festival met en lumière les ombres et les blessures (et cette année ne devrait pas déroger à la règle avec des films sur de très récents évènements historiques) alors que, n’étant pas à un paradoxe près, il nous en tient tellement éloignés.
A Cannes, tout est démultiplié, irréel. Les émotions. Le soleil (ou la pluie!). Les solitudes qui se grisent et s'égarent et se noient dans la multitude. Les soirées sans fin, sans faim à force d'être enchaînées pour certains. La foule impérieuse du festival qui, mieux que nulle autre, sait être passionnément exaltée et aussi impitoyable avec la même incoercible exaltation.
Même si (et parce que) je connais les pièges et revers de ce théâtre des vanités, cette comédie humaine fascinante et terrifiante (un peu, parfois, aussi), la versatilité des personnalités et avis pour un sursaut de vanité, même si je sais que tant d’illusions s’y fracassent, que Cannes peut encenser, broyer, magnifier, dévaster et en a perdu certains et tant à force de les éblouir, les fasciner, les aliéner, oui, malgré tout cela, j’aime ce festival et tous les cinémas qu’il propose avec autant de folie douce que lors de mon premier Festival de Cannes. Entrez dans la danse avec moi pour cette valse filmique cannoise enivrante qui vous grisera de soleil, d’émotions, de cinéma. Et parfois d’illusions.
Cette année, comme chaque année, je vous parlerai quotidiennement du festival sur 3 de mes 7 blogs (Inthemoodforfilfestivals.com, Inthemoodforcannes.com, Inthemoodlemag.com), sur les réseaux sociaux (twitter: sur @moodforcinema -compte principal- et @moodforcannes -mon compte uniquement consacré au festival- mais aussi sur instagram : instagram.com/inthemoodforcinema ) et enfin dans "Clap", et j'en suis ravie. Vous pourrez ainsi, pour un bilan du Festival de Cannes, me retrouver dans ce journal papier dont le premier numéro sera en vente dans tous les kiosques dès le 16 juin. Et peut-être ailleurs pendant le festival: il se peut en effet que je vous réserve quelques surprises! Comme chaque année, il faudra faire des choix cornéliens. Je privilégierai donc la Sélection officielle et surtout la compétition officielle et Un Certain Regard. Il me tarde de découvrir les films de Téchiné, Dolan, des Dardenne, de Cronenberg, Amalric, Hazanavicius, Godard, Ceylan, Leigh...parmi tant d'autres!
Je m’inspire d’ailleurs de cette passion viscérale et de mes pérégrinations cannoises dans 4 des 13 nouvelles de mon recueil sur le cinéma "Ombres parallèles" qui se déroulent dans le cadre du Festival de Cannes et que vous pourrez trouver dans toutes les librairies numériques (Amazon, Fnac etc) ou ici directement sur le site de mon éditeur.
A Cannes, j’aime :
-entendre le petit cliquetis lorsque les contrôleurs scannent les badges à l'entrée de la salle Debussy ou du Grand Théâtre Lumière comme un passeport pour le paradis, celui des cinéphiles,
-me laisser envoûter par le lever du soleil en allant à la première projection presse du matin sur une Croisette alors étrangement déserte et avoir l’impression que le monde m’appartient,
-oublier que ce tourbillon enivrant de cinéma ne durera pas toujours et que des illusions s’y perdent, aussi,
-oublier, l'espace de 11 jours, que la vraie vie n’est pas du cinéma ou n’est pas que du cinéma,
-avoir le cœur qui bat la chamade en entrant dans le Grand Théâtre Lumière, comme la première fois, comme pour un premier rendez-vous, notre premier rendez-vous,
-ce moment palpitant lorsque la salle s'éteint et avant que s’allume l’écran où le souffle de la salle est suspendu à ces premières images qui nous embarqueront pour un nouvel univers, un nouveau monde, une nouvelle aventure,
-ne plus faire la distinction entre le jour et la nuit, la fiction et la réalité, mes souvenirs et mon imaginaire,
-avoir l'impression que tout recommence et que tout est possible,
-entendre Gilles Jacob et Thierry Frémaux partager leur passion du cinéma, avec un constant enthousiasme, rivalisant d'humour et d'érudition,
-ce moment à la fin du film où, aussi, la salle retient son souffle, avant de se taire ou d'applaudir,
-lorsque les applaudissement semblent ne devoir jamais arrêter leur course folle tels une vague de bonheur,
- cette bulle d'irréalité où les émotions, les joies réelles et cinématographiques, si disproportionnées, procurent un sentiment d'éternité fugace et déroutant
- cet ailleurs proche qui abolit les frontières entre fiction et réalité, qui vous fait tout oublier, même que cela ne dure qu’un temps,
- celui qui, de toute façon, sortira vainqueur et qui vous fait oublier tout le reste: le cinéma presque dissimulé derrière tous ceux qui font le leur, le cinéma si multiple, si surprenant, si audacieux, si magique, là plus qu'ailleurs,
-parler cinéma à toute heure du jour et de la nuit, avec des amis ou des inconnus dans les files d'attente( le cinéma: langage universel) avec virulence parfois, comme si la vie en dépendait,
-redécouvrir des classiques du cinéma, ceux par lesquels j'ai commencé à l'aimer et se dire que la boucle est bouclée et que tout recommence, toujours,
-découvrir des bijoux du septième art et en être exaltée,
-être heurtée, brusquée par un film et en être exaltée, aussi, malgré tout,
-gravir les marches les plus célèbres du monde au son de la musique sous un soleil éblouissant et, l'espace d'un instant, être envahie par l'irréalité étincelante que procure ce moment qui suspend le vol du temps,
-entendre Aquarium de Camille de Saint-Saëns et savoir que la magie va à nouveau opérer,
-sortir d'une projection tardive, un peu étourdie, éblouie, arpenter la Croisette et avoir l'impression de me retrouver dans un film de Fellini,
-retrouver la Croisette, celles et ceux, festivaliers, que je ne croise qu'une fois par an là-bas et avoir l'impression de les avoir quittés la veille. Le cinéma: langage intemporel, aussi,
-me souvenir de la petite fille que j'étais qui, avec son père, à la télévision, regardait tout cela de loin, fascinée, impressionnée, comme un monde lointain et inaccessible et avoir conscience de ma chance et à quel point cette passion pour le cinéma est exaltante et, au milieu des vicissitudes de l'existence, salutaire, et à quel point et m'a fait vivre et me fait vivre tant de moments inoubliables, en particulier à Cannes.
Je n’ignore pas qu’à Cannes il y a aussi tous ceux qui font leur cinéma, théâtre des vanités destructeur et assassin et pour cette raison,
à Cannes, j'aime moins:
- les parures d’orgueil que revêtissent ainsi ceux qui s’y donnent l’illusion d’exister,
- les semblants d’amitiés piétinés sans vergogne pour grimper dans l’échelle de la vanité,
- les personnalités qui se révèlent, tristement parfois, dans ce théâtre des apparences,
- l’exacerbation par la hiérarchie festivalière des rancœurs de ceux qui sont en bas et la vanité de ceux qui sont en haut qui croient y déceler là un signe de leur supériorité, et qui oublient que, au bout de dix jours, l’égalité et la réalité reprendront leurs droits,
- les Dorian Gray, Georges Duroy, Rastignac, Lucien de Rubempré (de pacotille) qui s’y croisent, s’y défient, s’y méprisent…et finalement s’y perdent,
- la célérité avec laquelle Cannes passe de l’adoration à la haine : la violente versatilité de la Croisette, sa capacité à déifier puis piétiner, avec la même pseudo-conviction et force,
-ceux qui vous disent "LE" Téchiné, "LE" Dolan au lieu du film de..., pour bien signifier qu'ils appartiennent à un cercle d'initiés, les mêmes qui parleront systématiquement (que) de daubes (que j'exècre ce mot!) ou de chefs-d'œuvre ne connaissant pas la demi-mesure et la nuance et les mêmes qui mettront invariablement "pour le coup" dans chacune de leurs critiques (mais qui a initié cette expression passe-partout?),
- le pathétique acharnement de certains pour paraître cyniques, désabusés, blasés, désinvoltes, las,
-ceux qui montent les marches...pour les redescendre ensuite sans même aller voir le film et qui mépriseront en sortant ceux qui ne rêvaient que de cela,
-ceux qui viennent à Cannes et disent que c'est forcément mieux ailleurs, que c'était forcément mieux avant, que, forcément, ils ne pouvaient pas faire autrement, parce qu'oubliant ou justement se rappelant très bien tous ceux qui aimeraient avoir leur chance,
-préférer l'écriture nocturne au sommeil pour partager ma passion pour les films ...et réaliser que le dernier jour je peine à rester aussi attentive devant un film pourtant captivant,
-quand Cannes se révèle un véritable terrain de guerre où chacun ne lutte que pour son intérêt, et qui révèle les veuleries de certains,
- arriver le jour de la clôture, avoir l'impression que le festival vient de commencer et l'avoir traversé comme un rêve éveillé (mais ça, j'aime, aussi).
Compte rendu de la conférence de presse - Programme complet (avec les compléments de sélection annoncés après la conférence)
Pour faire vous aussi votre planning, téléchargez la grille des projections en cliquant ici. Nous ignorons pour l'instant un seul élément: quel sera le film de clôture!
Avant de vous livrer à nouveau mon compte rendu de la conférence de presse du Festival, ci-dessous, je vous rappelle que quelques jours plus tard a également été annoncé le JURY présidé par Jane Campion et composé de:
Carole BOUQUET (Actrice – France)
Sofia COPPOLA (Réalisatrice, Scénariste, Productrice – Etats-Unis)
Leila HATAMI (Actrice – Iran)
JEON Do-yeon (Actrice – Corée du Sud)
Willem DAFOE (Acteur – Etats-Unis)
Gael GARCIA BERNAL (Acteur, Réalisateur, Producteur – Mexique)
JIA Zhangke (Réalisateur, Scénariste, Producteur – Chine)
Nicolas Winding REFN (Réalisateur, Scénariste, Producteur – Danemark)
En bas de cet article, vous trouverez également les compléments de sélection annoncés après la conférence.
Jeudi 17 Avril 2014. 11h, au cinéma l’UGC Normandie sur les Champs-Elysées. Caméras et journalistes du monde entier sont aux aguets. Des murmures fébriles et impatients parcourent la salle. Ecouter le programme du festival revient à lire le menu d’un grand chef qui allume le regard et les papilles tant le cinéma, quand il est réussi, suscite un émerveillement des sens. Sur l’estrade Marcello Mastroianni, par-dessus ses lunettes, nous observe avec malice et élégance et accueille Gilles Jacob, président du festival (depuis 38 ans ) et Thierry Frémaux (délégué général du festival) venus annoncer la sélection officielle de ce 67ème Festival de Cannes. Rituel immuable et immuablement jubilatoire. Peut-être Mastroianni regarde-t-il aussi le premier avec une tendre complicité tant il possède en commun avec lui l’élégance et la malice comme en témoigne la pointe d’humour dont, comme à l’accoutumée, il assaisonne son discours d’ouverture : « Aujourd’hui si j’ai bien lu les journaux est annoncée la sélection. » Il évoque aussi la passionnante difficulté de la mission de sélectionneur et, à quel point, c’est « captivant pour les critiques, angoissant pour les cinéastes, risqué pour les sélectionneurs » parce qu’il faut accepter "de voir des films dans de mauvaises conditions", parfois « pas finis », parfois "sans sous-titres" avec, notamment, « le risque de sous-estimer par fatigue ou de surestimer par comparaison » mais aussi « de grands bonheurs particulièrement dans la découverte de nouveaux talents ».
Thierry Frémaux, avec son enthousiasme légendaire (je me demande toujours comment du premier au dernier jour du festival, il fait preuve de la même énergie communicative) débute en rendant hommage à ce que l’enseignement de Gilles Jacob, qui va quitter la présidence du festival « mais pas le festival » à l’issue de cette 67ème édition, lui a apporté et à tout ce qu’il a apporté au festival. « J’ai présenté des sélections et je me souviens des trois premières, c’est de lui que j’ai appris. On va tenter de continuer de faire de Cannes toujours le rendez-vous cinématographique mondial. » Quelques journalistes présents me font part de leur émotion que je partage d’être à la dernière conférence de presse de Gilles Jacob tant il est pour moi indissociable de ce festival auquel il a tant apporté. Bien heureusement, la Cinéfondation (dont le jury sera cette année présidé par Abbas Kiarostami) continuera d’être sous son égide, et la littérature y gagnera de nouveaux beaux romans.
1800 longs-métrages ont été présentés à la sélection du Festival de Cannes pour cette 67ème édition. Ont été sélectionnés 49 longs-métrages qui représentent 28 pays, « un voyage dans le cinéma, un voyage dans le monde du cinéma, un voyage dans le monde tout court » comme le définit Thierry Frémaux. Un voyage palpitant, agréablement déroutant, aussi, toujours. Comme une réponse aux reproches absurdes sur le manque de femmes en sélection (pourquoi devrait-on choisir un film en fonction du sexe de son auteur, l’œuvre est jugée et non son auteur), Thierry Frémaux précise que cette année 15 réalisatrices ont vu leurs films sélectionnés. Il salue aussi le rôle de la presse évoquant les 4 piliers de Cannes « le glamour, les auteurs, les professionnels et la presse » rappelant que « Gilles Jacob a voulu accroître le mode d’invitation à certains journalistes » (j’en profite d’ailleurs pour saluer le fait que Cannes s’est ouvert aux blogueurs, s’il me semble avoir été la première accréditée presse il y a plusieurs années, nombreux sont ceux qui peuvent aujourd’hui profiter du festival en tant qu’accrédités presse) mais aussi la précarité économique ressentie dans ses conversations avec les producteurs. Le film de clôture sera annoncé ultérieurement, rappelle-t-il, ainsi que les membres du jury présidé cette année par Jane Campion qui avait obtenu la Palme d'or en 1993 avec "La leçon de piano". La sélection Cannes classics sera annoncée la semaine prochaine également même si nous savons déjà que sera projeté "Paris Texas" de Wim Wenders (palme d'or 1984). Ce dernier viendra également présenter son dernier documentaire "Le sel de la terre", sélectionné à Un Certain Regard, portrait du photographe brésilien Sebastião Salgado.
Par ailleurs, pour cause d’élections européennes, la compétition s’arrêtera le vendredi, les prix seront remis le samedi, et la clôture avec la palme d’or aura lieu le dimanche soir. Thierry Frémaux a rappelé également l’esprit de l’affiche avec Mastroianni qui « porte les réminiscences du cinéma européen, d'une certaine audace" comme un écho au Festival de Cannes. Sublime affiche d’ailleurs qui est un hommage au cinéma d'hier, hommage au cinéma tout court, par cette judicieuse mise en abyme puisqu'elle fait écho à un film sur le cinéma et quel film sur le cinéma! Mastroianni, en regardant par-dessus ses lunettes, avec son regard intense et malicieux, nous invite à regarder, à nous plonger dans son regard, synonyme de toute la poésie et la singularité du 7ème art.
Je vous rappelle également que Lambert Wilson sera l'élégant et charismatique maître de cérémonie de l'ouverture et de la clôture et que le festival s’ouvrira avec "Grace de Monaco", le biopic d’Olivier Dahan avec Nicole Kidman. Thierry Frémaux a précisé que le film serait projeté dans la version voulue par son réalisateur, "la seule version qui existe", évoquant ainsi implicitement le conflit artistique entre le réalisateur et le producteur Harvey Weinstein mais aussi avec la famille royale.
Avant d’annoncer la sélection, Thierry Frémaux a précisé :"Dans cette sélection des films très ancrés dans la réalité contemporaine et des films qui parlent du passé pour parler du présent." L'essence de Cannes et pour moi un des grands bonheurs et honneurs de ce festival que d'être une "fenêtre ouverte sur le monde". Vient ensuite le moment tant attendu de l’annonce de la sélection (que vous pourrez retrouver en détails ci-dessous).
Avant d’en présenter la sélection, Thierry Frémaux rappelle la vocation de "Un Certain Regard » « créé en 1978 : contre programmation de la sélection officielle par elle-même avec de jeunes pousses et de glorieux anciens". En sélection Un Certain Regard, nous retrouverons ainsi notamment cette année "La chambre bleue", adaptation de Simenon par Amalric, film "fulgurant" d'1h15 selon Thierry Frémaux mais aussi, pour le cinéma français, Pascale Ferran avec "Bird people". Dans cette sélection également, le premier film en tant que réalisateur de Ryan Gosling. Seront également en lice le dernier Lisandro Alonso, film "très étrange" selon Thierry Frémaux, avec Viggo Mortensen mais aussi "L'Incomprise" d'Asia Argento. Cinq premiers films figurent également dans la sélection Un Certain Regard dont le film d’ouverture, « Party Girl », de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis. Rappelons également que Pablo Trapero sera le président du jury Un Certain Regard 2014.
Cette année, Cannes sera fidèle à ses "piliers", alliant glamour et auteurs avec, pour le glamour, Robert Pattinson, Hilary Swank, Nicole Kidman, Marion Cotillard, Julianne Moore, Ryan Gosling, Juliette Binoche, Meryl Streep... et de grands auteurs comme Ken Loach (avec "Jimmy's hall", après sa palme d’or en 2006 pour « La vent se lève ») , les frères Dardenne pour un film défini par Thierry Frémaux comme un « western belge », Nuri Bilge Ceylan pour leur "Sommeil d'hier" de 3H16, Cronenberg (« Maps to the stars » , portrait au vitriol de la quête de célébrité hollywoodienne dans lequel il met à nouveau en scène Robert Pattinson après "Cosmopolis"), Atom Egoyan (« Captives ») mais aussi le grands retour de Jean-Luc Godard , un homme "qui fait un cinéma toujours singulier", pour "Adieu au langage".
Hors compétition, le festival célèbrera les vingt ans du studio Dreamworks avec la projection du film d’animation « Dragons 2 ». Hors compétition également, Zhang Yimou viendra présenter « Coming Home ».
Le Festival célèbrera aussi à sa manière les 70 ans du journal « Le Monde, avec « Les Gens du Monde », un documentaire d’Yves Jeuland tourné pendant la campagne présidentielle de 2012.
Côté français, en plus du Suisse Godard (le film est de nationalité française) seront aussi en lice Olivier Assayas avec "Sils Maria" avec Juliette Binoche et Kristen Stewart, Michel Hazanavicius avec "The search" ( trois ans après le prix d’interprétation de Jean Dujardin pour « The Artist », succès international), avec un film sur la guerre en Tchétchénie avec, à l'affiche, Bérénice Bejo et Annette Benning, et enfin Bertrand Bonello pour "Saint Laurent" avec Gaspard Ulliel, Léa Seydoux et Jérémie Rénier, un film dont le scénario est déjà précédé de très bons échos.
Parmi les 18 films en lice, également celui du Malien et Mauritanien Abderrahmane Sissako, "Tombouctou" (Timbuktu).
Le petit génie Xavier Dolan sera pour la première fois en compétition officielle pour « Mommy », film défini par Thierry Frémaux comme « foisonnant, baroque, audacieux qui va être adoré autant qu'exaspérer", ainsi en lice pour être le plus jeune détenteur de la palme d'or. "Les Amours imaginaires" et "Laurence anyways" avaient déjà eu les honneurs de la sélection Un Certain Regard, en 2010 et 2012. Xavier Dolan ne sera pas le seul à figurer pour la première fois en compétition officielle. Il y aura également l’Italienne Alice Rohrwacher et l’Argentin Damian Szifron pour un film produit par...Pedro Almodovar.
Un dix-neuvième film viendra compléter la liste des films en compétition dans les jours à venir.
Le cinéma américain sera représenté par Tommy Lee Jones avec "The Homesman" (avec Hilary Swank et Meryl Streep), son deuxième film en tant que réalisateur (co-produit par Luc Besson) et par Bennett Miller avec "The foxcatcher" avec Channing Tatum, Mark Ruffalo et Steve Miller.
Pour le cinéma britannique, en plus de Ken Loach qui sera pour la 15ème fois en compétition, Mike Leigh, dix-huit ans après sa palme d’or pour « Secrets et mensonges », sera à nouveau en compétition avec « M. Turner » sur la fin de la vie du peintre anglais.
Jean-Pierre et Luc Dardenne, déjà double Palme d'or (avec "Rosetta" en 1999 et "L'Enfant" en 2005), seront peut-être les premiers à obtenir trois palmes d’or avec "Deux jours, une nuit", film avec Marion Cotillard qui revient en compétition cannoise deux ans après « De rouille et d’os » de Jacques Audiard. Ces deux immenses cinéastes et directeurs d'acteurs sont de retour en compétition trois ans après "Le Gamin au vélo" dans lequel ils dérogeaient pour la première fois à leur règle de n'employer que des acteurs non professionnels.
Rappelons enfin que le Jury 2014 de la Cinéfondation et des Courts métrages réunira autour de son président, Abbas Kiarostami, les réalisateurs Noémie Lvovsky, Daniela Thomas, Mahamat-Saleh Haroun, et Joachim Trier et que c’est Nicole Garcia qui présidera cette année le Jury de la Caméra d’or, qui désignera le meilleur premier film présenté à Cannes.
Inutile de vous dire que ce programme particulièrement alléchant me réjouit tout particulièrement. Comme chaque année, j'essaierai de voir un maximum de films de la compétition officielle (Dolan, Leigh, Loach, Dardenne, Cronenberg...mais aussi les petits nouveaux) avec quelques incursions dans les sélections parallèles.
Pour en savoir plus sur ce théâtre des vanités aussi fascinant qu'impitoyable mais aussi sur ma passion dévorante pour ce festival et toutes les émotions contrastées qu'il m'inspire, vous pouvez aussi télécharger mon recueil de 13 nouvelles "Ombres parallèles" (qui en comprend 4 sur Cannes) disponible dans toutes les librairies numériques (fnac ici, Amazon ici, Cultura, Relay, Orange, Kobo etc) ou directement chez mon éditeur Numeriklivres.
Plus enthousiaste que jamais de me retrouver pour la 14ème année consécutive dans cet antre du 7ème art, je vous donne rendez-vous sur mes différents sites (http://inthemoodforfilmfestivals.com, http://inthemoodforcannes.com –sur lesquels vous trouverez toutes les informations sur le Festival de Cannes puisqu'ils sont entièrement consacrés au festival-, http://inthemoodforcinema.com et http://inthemoodlemag.com ) en direct de Cannes du 12 au 26 Mai pour des articles quotidiens mais aussi sur twitter (sur @moodforcinema et @moodforcannes et instagram http://instagram.com/inthemoodforcinema).
SELECTION OFFICIELLE DU FESTIVAL DE CANNES 2014
Film d'ouverture | ||
Olivier DAHAN | GRACE DE MONACO | 1h43 |
*** | ||
Olivier ASSAYAS | SILS MARIA | 2h03 |
Bertrand BONELLO | SAINT LAURENT | 2h15 |
Nuri Bilge CEYLAN |
KIS UYKUSU (Sommeil d'hiver) |
3h16 |
David CRONENBERG | MAPS TO THE STARS | 1h51 |
Jean-Pierre DARDENNE, Luc DARDENNE |
DEUX JOURS, UNE NUIT | 1h35 |
Xavier DOLAN | MOMMY | 2h20 |
Atom EGOYAN | CAPTIVES | 1h53 |
Jean-Luc GODARD | ADIEU AU LANGAGE | 1h10 |
Michel HAZANAVICIUS | THE SEARCH | 2h40 |
Tommy Lee JONES | THE HOMESMAN | 2h02 |
Naomi KAWASE |
FUTATSUME NO MADO (Still the water) |
1h50 |
Mike LEIGH | MR. TURNER | 2h29 |
Ken LOACH | JIMMY’S HALL | 1h46 |
Bennett MILLER | FOXCATCHER | 2h10 |
Alice ROHRWACHER | LE MERAVIGLIE | 1h50 |
Abderrahmane SISSAKO | TIMBUKTU | 1h40 |
Damian SZIFRON |
RELATOS SALVAJES (Wild Tales) |
1h55 |
Andrey ZVYAGINTSEV | LEVIATHAN | 2h20 |
Film d'ouverture | ||
Marie AMACHOUKELI, Claire BURGER, Samuel THEIS |
PARTY GIRL 1er film |
1h35 |
*** | ||
Lisandro ALONSO | JAUJA | 1h41 |
Mathieu AMALRIC | LA CHAMBRE BLEUE | 1h15 |
Asia ARGENTO |
INCOMPRESA (L'Incomprise) |
1h43 |
Kanu BEHL |
TITLI 1er film |
2h04 |
Ned BENSON | ELEANOR RIGBY | 1h59 |
Pascale FERRAN | BIRD PEOPLE | 2h07 |
Ryan GOSLING |
LOST RIVER 1er film |
1h45 |
Jessica HAUSNER | AMOUR FOU | 1h36 |
Rolf de HEER |
CHARLIE’S COUNTRY (Le Pays de Charlie) |
1h48 |
Andrew HULME |
SNOW IN PARADISE 1er film |
1h28 |
July JUNG |
DOHEE-YA (A Girl at my Door) 1er film |
1h59 |
Panos KOUTRAS | XENIA | 2h03 |
Philippe LACÔTE | RUN 1er film |
1h40 |
Ruben ÖSTLUND |
TURIST (Force Majeure) |
2h |
Jaime ROSALES |
HERMOSA JUVENTUD (La Belle Jeunesse) |
1h40 |
WANG Chao | FANTASIA | 1h25 |
Wim WENDERS Juliano RIBEIRO SALGADO |
THE SALT OF THE EARTH (Le Sel de la terre) |
1h40 |
Keren YEDAYA |
HARCHECK MI HEADRO (Loin de son absence) |
1h35 |
Dean DEBLOIS | DRAGONS 2 | 1h45 |
ZHANG Yimou | GUI LAI (Coming Home) |
1h51 |
CHANG | PYO JEOK (The Target) | 1h39 |
Kristian LEVRING | THE SALVATION | 1h30 |
David MICHOD | THE ROVER | 1h40 |
Aida BEGIC, Leonardo DI COSTANZO, Jean-Luc GODARD, Kamen KALEV, Isild LE BESCO, Sergei LOZNITSA, Vincenzo MARRA, Ursula MEIER, Vladimir PERISIC, Cristi PUIU, Marc RECHA, Angela SCHANELEC, Teresa VILLAVERDE | LES PONTS DE SARAJEVO | 1h50 |
Polsky GABE | RED ARMY | 1h25 |
Sergei LOZNITSA | MAIDAN | 2h |
Mohammed OSSAMA | EAU ARGENTÉE | 1h50 |
Stéphanie VALLOATTO | CARICATURISTES - FANTASSINS DE LA DÉMOCRATIE | 1h46 |
Yves JEULAND |
LES GENS DU MONDE
|
Très attendu (par moi en tout cas), ce complément de sélection du 67ème Festival de Cannes est à la hauteur de cette attente avec de belles surprises parmi lesquelles le dernier film de Téchiné "L'homme qu'on aimait trop" qui sera projeté hors compétition.
Comme il a été annoncé par la direction du Festival de Cannes lors de la conférence de presse du 17 avril dernier, les films suivants viennent compléter la composition de la Sélection officielle.
Hors Compétition
L’Homme qu’on aimait trop d’André Téchiné avec Guillaume Canet, Catherine Deneuve et Adèle Haenel (1h56)
Un Certain Regard
Fehér Isten (White God) de Kornél Mundruczó (1h59)
Séances Spéciales
Of Men and War (Des Hommes et de la guerre) de Laurent Bécue-Renard (documentaire, 2h22)
The Owners de Adilkhan Yerzhanov (1h33)
Géronimo de Tony Gatlif, avec Céline Salette, Rachid Yous (1h44)
Le film fera également l’objet d’une séance pour les lycéens de la Région PACA.
Enfin, El Ardor de Pablo Fendrik (1h40), dans lequel joue Gael Garcia Bernal, membre du Jury de la Compétition, sera également présenté en Séance Spéciale.
Cannes Classics qui présente des films anciens et des chefs d'œuvre de l'histoire du cinéma en copies restaurées donne toujours lieu à de grands moments de Cannes et de cinéma. Je lui dois ainsi mon plus beau souvenir du festival avec la projection du "Guépard". Cette année, la sélection nous promet encore de belles émotions avec Sophia Loren en invitée d'honneur, les 30 ans " de "Paris, Texas", un hommage à Henri Langlois, le retour de Kieslowski à Cannes, un chef-d’œuvre du cinéma géorgien, un film méconnu de Raymond Bernard sur la guerre de 14-18, les couleurs de Sayat Nova retrouvées. Je pourrais difficilement résister à l'envie de revoir "Le jour se lève", "Le dernier métro" et tant d'autres. Je vous laisse découvrir cette belle programmation ci-dessous (communiqué de presse officiel du festival).
Il y a dix ans, alors que la relation du cinéma contemporain à sa propre mémoire était sur le point d’être bouleversée par l’apparition naissante du numérique, le Festival de Cannes a créé Cannes Classics, une sélection qui permet d’afficher le travail de valorisation du patrimoine effectué par les sociétés de production, les ayants droit, les cinémathèques ou les archives nationales à travers le monde.
Devenu une composante essentielle de la Sélection officielle, dans une présence de l’histoire du cinéma dont se sont inspirés à leur tour plusieurs festivals internationaux, Cannes Classics présente des films anciens et des chefs-d’œuvre de l’histoire du cinéma dans des copies restaurées.
Parce que Cannes se donne aussi comme mission d’enchanter le rapport du public d’aujourd’hui avec la mémoire du cinéma, Cannes Classics met le prestige du plus grand festival du monde au service du cinéma retrouvé, accompagnant toutes les nouvelles exploitations : sortie en salles, en VOD ou édition en DVD/Blu-ray des grandes œuvres du passé.
Les films sélectionnés pour cette édition 2014 sont projetés dans le Palais des Festivals, Salle Buñuel ou salle du Soixantième, en présence de ceux qui ont restauré ces films et, lorsqu’ils sont encore parmi nous, de ceux qui les ont réalisés.
Le programme de l’édition 2014 de Cannes Classics se compose de vingt-deux longs métrages et de deux documentaires. Les films sont projetés comme voulus par les ayants droit, en DCP 2K ou DCP 4K. Pour la première fois, qu’on le déplore ou qu’on le célèbre, aucune copie 35mm ne sera projetée à Cannes Classics.
Prix d’interprétation féminine en 1961 et présidente du jury en 1966, Sophia Loren est l’invitée d’honneur de Cannes Classics. Elle accompagnera la projection de LA VOCE UMANA (2014, 25mn), réalisé par Edoardo Ponti, qui marque son retour au cinéma. Au cours de la même soirée sera projeté MARIAGE A L’ITALIENNE de Vittorio De Sica (1964, 1h42) dans une restauration réalisée en 4K par L’Immagine Ritrovata. Restauration menée en collaboration entre la Cineteca di Bologna pour Surf Film et la Technicolor Foundation pour Cinema Heritage avec la contribution de Memory Cinema au laboratoire L'Immagine Ritrovata
Sophia Loren a également accepté de faire une « masterclass », dans une conversation qui aura lieu sur la scène de la salle Buñuel.
Pour célébrer la naissance, en 1964, du western italien, la Cinémathèque de Bologne présentera une copie restaurée en 4K par L’Immagine Ritrovata de POUR UNE POIGNEE DE DOLLARS réalisé par Sergio Leone en 1964 avec Clint Eastwood et Gian Maria Volonte. Restauration menée par la Cineteca di Bologna et Unidis Jolly Film au laboratoire L'Immagine Ritrovata. Financement assuré par le Hollywood Foreign Press Association et The Film Foundation.
Projection rendue possible grâce aux ayants droit : la famille Paladino et Unidis Jolly Film, qui a produit et distribué le film. Remerciements également à la famille Leone.
Décernée par le Président du Jury Dirk Bogarde et remise sur scène par Faye Dunaway, la Palme d’or de Paris Texas a trente ans. Wim Wenders revient sur la Croisette (outre sa sélection à Un Certain Regard avec THE SALT OF THE EARTH) avec une copie restaurée de PARIS, TEXAS. Après Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy, Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat ou Le Guépard de Luchino Visconti, le Festival de Cannes montre les copies restaurées de ses Palmes d’or.
Transfert HD fait au laboratoire Deluxe à New York, supervisé par Wim Wenders, et Spirit Scan effectué au laboratoire allemand CinePost Production. Numérisation effectuée par Criterion.
Une présentation de Marceline Loridan et des Archives françaises du film du CNC.
Restauration numérique effectuée à partir de la numérisation en 2K des négatifs 16mm, réalisée par le laboratoire du CNC à Bois d'Arcy. Etalonnage et finitions accomplis par Eclair.
Une présentation du studio Shochiku.
Restauration numérique réalisée en 4K par Shochiku Co., Ltd. sous la supervision de Takashi Kawamata, caméraman de Nagisa Oshima. Le film sera distribué en France par Carlotta Films.
Présenté par Pathé et la Fondation Jérôme Seydoux – Pathé.
Film restauré en 4K par L’Immagine Ritrovata à Bologne.
Une restauration présentée par The Criterion Collection (New York).
Transfert numérique haute définition sous la supervision du réalisateur Stuart Cooper à partir d’une copie neuve 35mm à grain fin. Son mono encodé en 24 bits.
Dans le cadre du projet Rossellini, une restauration réalisée en 4K par L’Immagine Ritrovata à Bologne.
Depuis 2011, Cannes Classics accueille l’ambitieux projet italien, The Rossellini Project, issu de la collaboration entre Instituto Luce Cinecittà, Cineteca di Bologna, CSC-Cineteca Nazionale et Coproduction Office, ce dernier responsable des ventes internationales. Après la présentation de La Macchina Ammazzacattivi (La Machine à tuer les méchants, 1948) et Viaggio In Italia/Journey To Italy (Voyage en Italie, 1954), voici La Paura de Roberto Rossellini.
Copie restaurée par Cineteca di Bologna avec L’Immagine Ritrovata en collaboration avec Istituto Luce Cinecittà , CSC-Cineteca Nazionale et Coproduction Office.
Une présentation du Polish Film Institute.
Restauration réalisée en 2K, avec étalonnage supervisé par le directeur de la photographie
Présenté par MK2 et la Cinémathèque française, avec le soutien du Fonds Culturel Franco-Américain, à l’occasion des trente ans de la disparition de François Truffaut.
Négatif original numérisé en 4K et restauré image par image en 2K par Digimage. Restauration et étalonnage supervisés par Guillaume Schiffman.
Une présentation du Chinese Taipei Film Archive.
Restauration numérique réalisée en 4K par L’Immagine Ritrovata à Bologne à partir du négatif. Le directeur de la photographie a supervisé l’étalonnage.
Restauration 4K présentée par Studio Canal.
Travaux image effectués par Eclair, son restauré par Diapason en partenariat avec Eclair.
Restauration financée par la Film Foundation-World Cinema Project (New York) et réalisée en 4K par L’immagine Ritrovata.
Une présentation de « Éléphant, mémoire du cinéma québécois. »
Saisie numérique faite en 2k à partir du négatif original, son restauré par la Cinémathèque québécoise. Services techniques : Technicolor, services créatifs : Marie-José Raymond et Claude Fournier pour Éléphant.
Présenté par TF1 DA.
Film restauré en 2K chez Mikros à partir du négatif original, avec restauration des stock shots. Etalonnage réalisé en collaboration avec Jean-Paul Rappeneau et Pierre Lhomme, directeur de la photographie. Restauration de la musique de Michel Legrand par Stéphane Lerouge.
Une présentation de Cohen Film Collection LLC.
Restauration numérique réalisée en 4K par 4K RRsat Europe – Ray King et Anthony Badger Finishing Post Productions Ltd – Jason Tufano et Marc Bijum.
Restauration Silverway Média. Le financement a été assuré par Port-Royal Films avec le soutien du CNC et le concours de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Une présentation du Georgian National Film Center.
Numérisation de l'image et du son réalisés à partir du négatif original en 4K par Gosfilmfond Russia.
LOST HORIZON (HORIZONS PERDUS) de Frank Capra (1937, 2h12)
Une présentation de Park Circus, dans une copie restaurée en numérique 4k par Sony Pictures Colorworks, à l’occasion de la restauration de plusieurs titres de Capra.
LA CHIENNE de Jean Renoir (1939, 1h35)
Film présenté par Les Films du Jeudi et la Cinémathèque française avec le soutien du CNC et le concours du Fonds Culturel Franco-Américain (DGA – MPA – SACEM – WGAW).
Restauration image 2K (d’après un scan 4K) faite par Digimage Classics et restauration son par Diapason.
TOKYO ORINPIKKU (TOKYO OLYMPIAD) de Kon Ichikawa (1965, 2h40)
Une présentation du Comité International Olympique.
Le film a été restauré numériquement en 4K à partir des éléments films originaux pour le Comité International Olympique par Warner Bros. Motion Picture Imaging et Audio Mechanics à Burbank, USA.
A noter également, deux documentaires sur le cinéma :
LIFE ITSELF de Steve James (2014, 1h58) : la vie et le parcours de Roger Ebert, grand critique de cinéma américain.
THE GO-GO BOYS: THE INSIDE STORY OF CANNON FILMS de Hilla Medalia (2014, 1h30) : l’histoire de Cannon Films et des producteurs Menahem Golan et Yoram Globus, qui seront présents.
Enfin, en hommage à Marcello Mastroianni et en écho à l’affiche du 67e Festival de Cannes, HUIT ET DEMI de Federico Fellini (1963, 2h13), restauré par Gaumont et Eclair sera projeté en ouverture du programme du Cinéma de la plage.
LA COMPÉTITION DES COURTS METRAGES 2014
LES COURTS METRAGES EN COMPETITION:
Ran HUANG | THE ADMINISTRATION OF GLORY | 15’ | Chine |
Dea KULUMBEGASHVILI | UKHILAVI SIVRTSEEBI (Invisible Spaces) |
10’ | Géorgie |
Masahiko SATO, Takayoshi OHARA, Yutaro SEKI, Masayuki TOYOTA, Kentaro HIRASE | HAPPO-EN | 13’ | Japon |
Simón MESA SOTO | LEIDI | 15' | Colombie Royaume-Uni |
Sergey PIKALOV | SONUNCU (The Last One) |
15’ | Azerbaijan |
Petra SZŐCS | A KIVEGZES (The Execution) |
14’ | Hongrie Roumanie |
Clément TREHIN-LALANNE |
AÏSSA |
8’ | France |
Laura WANDEL | LES CORPS ÉTRANGERS | 15’ | Belgique |
Hallvar WITZØ |
JA VI ELSKER (Yes we Love) |
15’ | Norvège |
* Le film italien A PASSO D'UOMO de Giovanni ALOI a été retiré de la Compétition des courts métrages car il s’est avéré contrevenir au règlement de cette Sélection.
LA SÉLECTION CINÉFONDATION 2014
LA SÉLECTION CINÉFONDATION:
Max CHAN | OUR BLOOD | 25’ | Hampshire College États-Unis |
Pierre CLENET Alejandro DIAZ Romain MAZEVET Stéphane PACCOLAT |
HOME SWEET HOME | 10’ | Supinfocom Arles France |
Omar EL ZOHAIRY | THE AFTERMATH OF THE INAUGURATION OF THE PUBLIC TOILET AT KILOMETER 375 | 18’ | High Cinema Institute, Academy of Arts Égypte |
Reinaldo Marcus GREEN | STONE CARS | 14’ | NYU Tisch School of the Arts États-Unis |
HAN Fengyu | LAST TRIP HOME | 26’ | Ngee Ann Polytechnic Singapour |
Meryll HARDT | UNE VIE RADIEUSE (A Radiant Life) |
17’ | Le Fresnoy France |
Chie HAYAKAWA | NIAGARA | 27’ | ENBU Seminar Japon |
Atsuko HIRAYANAGI
|
OH LUCY! |
21’ | NYU Tisch School of the Arts Asia Singapour |
Inbar HORESH | THE VISIT | 27’ | Minshar for Art, School and Center Israël |
Stefan IVANČIĆ | LETO BEZ MESECA (Moonless Summer) |
31' | Faculty of Dramatic Arts Serbie |
Daisy JACOBS | THE BIGGER PICTURE | 7' | National Film and Television School Royaume-Uni |
György Mór KÁRPÁTI | PROVINCIA | 21' | University of Theatre and Film Arts Hongrie |
KWON Hyun-ju | SOOM (Breath) |
38' | Chung-Ang University Corée du Sud |
Léa MYSIUS | LES OISEAUX-TONNERRE (Thunderbirds) |
22' | La Fémis France |
Fulvio RISULEO | LIEVITO MADRE (Sourdough) |
17' | Centro Sperimentale di Cinematografia Italie |
Annie SILVERSTEIN | SKUNK | 16' | The University of Texas at Austin États-Unis |
Ilan Halimi. Un nom qui était resté gravé dans ma mémoire indissociable de son calvaire effroyable qui semblait surgi d’une époque que nous croyions bienheureusement révolue. Pour que ce nom ne soit pas oublié, pour qu’il reste gravé dans LES mémoires, deux films se penchent sur ce terrible fait de société : Richard Berry avec « Tout, tout de suite », adaptation du roman éponyme de Morgan Sportès (prix Interallié 2011) et « 24 jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi » d’Alexandre Arcady adapté du roman éponyme de la mère du jeune homme, Ruth Halimi, aidée dans l’écriture par Emilie Frèche. La mémoire. La vérité. C’est en tout cas le parti pris du premier film dont l’objectif est avant tout de relater la vérité pour opérer le travail de mémoire que définit ainsi son réalisateur : "J'ai fait 24 jours pour laisser une trace et dire la vérité, pour que cette tragédie ne tombe pas dans l'oubli. Aujourd'hui, quand vous parlez d’Ilan Halimi, peu de gens se souviennent de son nom. En revanche, quand vous évoquez le "gang des barbares", quelque chose résonne. C'est paradoxal de penser qu’en France les bourreaux sont plus connus que les victimes."
Ilan (Syrus Shahidi) travaille dans une boutique de téléphone mobile sur le boulevard Voltaire. Une jeune femme fait semblant de s’intéresser aux nouveaux portables, puis obtient son numéro et s’en va. Elle le rappelle dès le lendemain, lui dit qu’elle veut le revoir. Ilan ne s’est pas méfié. Ilan a vingt-trois ans, la vie devant lui… Il ne pouvait pas se douter que, ce vendredi 20 janvier 2006, rejoignant cette jolie fille dans un café de la porte d’Orléans, il avait rendez-vous avec l’horreur. Avec la mort.
Qui aurait pu croire qu’en France, en 2006, un jeune homme pouvait être enlevé, séquestré et torturé pendant trois semaines avant d’être jeté dans un bois par ses bourreaux...simplement parce qu’il est juif ?
24 jours. 24 jours, telle est la durée de son cauchemar. 24 jours d’angoisses aussi pour sa famille. D’appels incessants (plus de 600 !). D’insultes. De photos de son corps supplicié. De silence de toute une famille pour laisser la police criminelle travailler.
24 jours à travers le regard de la mère d’Ilan Hamili, Ruth, qui nous raconte comment sa vie a brusquement basculé. C’est d’ailleurs face à son regard que le film débute.
Alexandre Arcady n’a pas voulu réaliser un film sur le gang des barbares mais témoigner sur le martyr d’Ilan Halimi. Raconter la vérité. L’insoutenable vérité. Celle du premier juif tué en France à ce « titre » depuis la Shoah. Pour que ne soit pas oubliée la victime de ce terrible et ineffable fait de société. Pour une famille, certes. Pour un pays aussi qui croyait bien en avoir fini avec les démons du passé. Pour « donner l’alerte ».
Les films d’Arcady ont toujours eu pour cadre un contexte historique ou en résonance avec l’actualité, du « Coup de Sirocco (sur les rapatriés d’Afrique du Nord), à « Pour Sacha » (sur la guerre des six jours) ou « K » (sur le parcours d’un criminel nazi et la résurgence de l’extrême droite en Europe), le dédouanant ainsi d’avance de toute accusation d’opportunisme. Le deuxième écueil à éviter était celui du pathos. Pour éviter l’un et l’autre, il s’est basé sur les faits avec un constant souci de vérité, d’authenticité, de véracité même.
Pour cela, tout d’abord, il a tourné au 36 Quai des Orfèvres. Un tournage était ainsi pour la première fois autorisé au 36 Quai des Orfèvres car contrairement à ce qu’on pourrait croire même les films éponymes de Marchal et Clouzot n’y ont pas été tournés. Il a également tourné dans tous les lieux de « l’affaire » afin de tenter de nous faire appréhender l’incompréhensible : comment, en 2006, en France, un jeune homme a-t-il pu mourir d’antisémitisme ? Comment son calvaire a-t-il pu durer 24 jours sans que la police ne parvienne à interpeller ses ravisseurs ? Comment ( et c’est ce qui ajoute encore à l’indicible horreur) est-il possible que tant de personnes aient su, aient été complices, ou aient eu des soupçons, sans rien dire, sans jamais passer le coup de fil qui aurait pu suffire à le sauver ? A l’époque des faits, j’avais été heurtée par ces chiffres inconcevables. 29 interpellations. Un immeuble de 500 personnes. Autant de personnes qui, soit savaient, soit avaient pu avoir des doutes. Pas une seule n’avait parlé. Pas une seule n’avait passé ce coup de fil salutaire. Je voulais comprendre. Mais peut-être comprendre l’incompréhensible ? L’inconcevable. L’intolérable.
Le film rappelle ainsi le contexte dans lequel se déroulent les faits : six mois après l’affaire de « la fille du RER » qui avait d’ailleurs inspiré un film à André Téchiné (le vendredi 9 juillet 2004, une jeune fille déclarait à la police avoir été victime d’une agression à caractère antisémite sur la ligne D du RER. Dès le lendemain, son témoignage provoquait une vague d’indignation et était particulièrement médiatisé mais trois jours plus tard elle reconnaissait avoir tout inventé) mais aussi les erreurs d’appréciation de la police qui a toujours cru ou voulu croire à un crime crapuleux, refusant d’admettre l’hypothèse du crime antisémite comme des emails le laissaient pourtant entendre, notamment celui envoyé par les ravisseurs à un rabbin qui disait « un juif a été kidnappé ». Et puis, si on se souvient de l’enlèvement du Baron Empain en 1978 (qui avait inspiré l’excellent film « Rapt » de Lucas Belvaux), c’est aussi parce que les enlèvements sont peu fréquents en France. La police n’est donc pas forcément habituée à gérer ces situations de crise.
Si ce film n’apporte pas vraiment de réponses sur la criminelle inconscience et le coupable silence des uns ou la barbare violence des autres, il pose en revanche de nombreuses questions, d’une part, sur la résurgence de violences qu’on croyait à jamais annihilées, rendues impossibles par les tragiques leçons de l’Histoire, d’autre part, sur la difficulté de traiter cinématographiquement un fait réel qui se doit de faire consensus au contraire de l’objet filmique, sujet à débats. Au passage, il parait d’ailleurs incroyable qu’Arcady ait eu beaucoup de mal à produire ce film, sans l’aide des télévisions, frileuses, pour qui le consensus semblait donc ne pas être d’une telle évidence.
« Oui, il fallait porter témoignage. Je me suis replongé dans ces 24 jours en préservant ce qui me paraissait indispensable : la vérité. La vérité tout le temps. La vérité des faits. La vérité des insultes de Fofana, puisque tout ce qu'il profère dans ce film est l'exacte réalité. Et la vérité du martyr subi par Ilan. On l'a laissé mourir comme un chien alors qu'il avait le même âge, la même nationalité et les mêmes rêves que les garçons et les filles qui l'ont enlevé. Aucun d'entre eux, à ce jour, n'a eu le moindre geste de compassion. Aucun n'a même demandé pardon. C'est ce qu'il y a de plus effarant. » Le parti pris du cinéaste répond en partie à mes questionnements ci-dessus, celui de vouloir faire acte mémoriel. Avec toute la pudeur qui sied au sujet, le film d’Arcady remplit pleinement ce rôle. En quelques plans, sans insister, il nous montre comment cet enlèvement était un acte anodin pour les complices des ravisseurs en une scène elle aussi a priori anodine dans un magasin mais finalement glaçante et comment ce jeune homme était déshumanisé, traité comme un objet, sans âme, parce que juif.
Zabou Breitman interprète avec justesse le rôle de cette mère digne plongée dans l’horreur, reprenant le rôle qu’aurait dû interpréter Valérie Benguigui décédée le 2 septembre 2013 des suites d'un cancer, le premier jour de tournage du film. Si l’interprétation des seconds rôles est inégale, Sylvie Testud est en revanche parfaite dans le rôle de cette psychologue qui ne doute pas de sa méthode, aveugle à la détresse humaine et aveuglée par sa méthodologie qu’elle applique comme une science froide et exacte. Jacques Gamblin est une nouvelle fois d’une impeccable sobriété dans ce rôle du Commandant Delcour. Peut-être aurait-il été plus judicieux néanmoins de recourir à des acteurs inconnus pour renforcer ce souci de vérité, c’est d’ailleurs le choix qu’a fait Richard Berry, seul acteur connu de son film dans lequel il interprètera le père d’Ilan Halimi.
Le montage procure au film une intensité haletante sans non plus jouer avec un faux suspense qui aurait été indélicat, impudique, vulgaire. On sent le souci constant de respecter la vérité, le drame, les victimes. La vérité a créé un carcan pour Arcady dont il s’évertue à ne pas sortir des limites. Ce qui par certains sera jugé comme un handicap, une paralysie à faire œuvre de cinéma est avant tout une marque de judicieuse retenue. Parce que oui, le cinéma peut avoir d’autres buts que de divertir ou que d’aspirer à devenir une œuvre d’art, il peut aussi faire œuvre de mémoire et de pédagogie. Et n’avoir d’autre objectif que celui-là. Parce que le cinéma peut être une arme pacifiste. Une arme contre le silence. Un silence criminel. Une arme contre l’indifférence. Contre l’ignorance. Alors si le film ne sera pas forcément montré en exemple dans les écoles de cinéma, et n’avait d’ailleurs pas cet objectif, il doit être montré dans les écoles. Pour ne jamais oublier. Pour surtout ne jamais recommencer. Ne jamais plus être témoin et ne rien dire. Ou pire : participer à l’ignominie.
Le film nous laisse bouleversés, m’a bouleversée comme je l’avais été en apprenant ce drame qui m’avait semblé d’un autre temps. Avec, indélébiles, les souvenirs d’un regard, de chiffres, d’un nom. Le regard d’une mère, brisée et digne. Les chiffres implacables : 24 jours. 29 suspects. Le nom d’Ilan Halimi. Et surtout l’envie que plus jamais cette histoire vraie « bien trop vraie. » ne se reproduise. Que plus jamais, en France, on ne meurt de torture, d’épuisement et de froid. Que plus jamais quelqu’un soit tué à cause de sa religion, son identité, sa couleur de peau, quelles qu’elles soient. Qu’on prenne conscience que l’ignorance, la bêtise, l’appât du gain, et leurs conséquences, violences racistes, antisémites, peuvent tuer. Même en France. Même aujourd’hui. Que plus jamais un pseudo-comique ne joue avec le feu, propageant insidieusement un criminel incendie, au nom d’une liberté d’expression soudain bien opportune, oubliant les fondements de liberté, d’égalité et de fraternité de notre société selon lesquels « la liberté de chacun s’arrête là où commence celle des autres ». Y compris celle d’expression. Parce que la liberté de chacun consiste aussi à ne pas subir des propos haineux à cause de son identité, même lorsqu'ils prennent le masque fallacieux de l'humour. Un film poignant, terrifiant, glaçant. Ô combien nécessaire. Qui a finalement opté pour la seule option possible, la vérité et la sobriété. Qui nous laisse malgré tout avec une note d’espoir. Celle d'un square au nom d'Ilan. D’un arbre qui pousse pour rendre hommage à celui qui n’aura pas cette chance, leur chance : grandir. Un arbre qui, en hébreu, se dit : Ilan.
Ce soir, à 20H50, sur France 4, ne manquez pas ce tourbillon fiévreux dont vous ne ressortirez pas indemnes.
Nina (Natalie Portman) est ballerine au sein du très prestigieux New York City Ballet. Elle (dé)voue sa vie à la danse et partage son existence entre la danse et sa vie avec sa mère Erica (Barbara Hershey), une ancienne danseuse. Lorsque Thomas Leroy (Vincent Cassel), le directeur artistique de la troupe, décide de remplacer la danseuse étoile Beth Mcintyre (Winona Ryder) pour leur nouveau spectacle « Le Lac des cygnes », Nina se bat pour obtenir le rôle. Le choix de Thomas s’oriente vers Nina même si une autre danseuse, Lily, l’impressionne également beaucoup, Nina aussi sur qui elle exerce à la fois répulsion et fascination. Pour « Le Lac des cygnes », il faut une danseuse qui puisse jouer le Cygne blanc, symbole d’innocence et de grâce, et le Cygne noir, qui symbolise la ruse et la sensualité. Nina en plus de l’incarner EST le cygne blanc mais le cygne noir va peu à peu déteindre sur elle et révéler sa face la plus sombre.
« Black swan » n’est pas forcément un film d’emblée aimable (ce qui, pour moi, est une grande qualité quand les synopsis des films ressemblent trop souvent à des arguments marketing) : il se confond ainsi avec son sujet, exerçant tout d’abord sur le spectateur un mélange de répulsion et de fascination, entrelaçant le noir et le blanc, la lumière (de la scène ou de la beauté du spectacle, celle du jour étant quasiment absente) et l’obscurité, le vice et l’innocence mais le talent de cinéaste d’Aronofsky, rusé comme un cygne noir, et de son interprète principale, sont tels que vous êtes peu à peu happés, le souffle suspendu comme devant un pas de danse époustouflant.
« Black swan » à l’image de l’histoire qu’il conte (le verbe conter n’est d’ailleurs pas ici innocent puisqu’il s’agit ici d’un conte, certes funèbre) est un film gigogne, double et même multiple. Jeu de miroirs entre le ballet que Thomas met en scène et le ballet cinématographique d’Aronofsky. Entre le rôle de Nina dans le lac des cygnes et son existence personnelle. Les personnages sont ainsi à la fois doubles et duals : Nina que sa quête de perfection aliène mais aussi sa mère qui la pousse et la jalouse tout à la fois ou encore Thomas pour qui, tel un Machiavel de l’art, la fin justifie les moyens.
Aronofsky ne nous « conte » donc pas une seule histoire mais plusieurs histoires dont le but est une quête d’un idéal de beauté et de perfection. La quête de perfection obsessionnelle pour laquelle Nina se donne corps et âme et se consume jusqu’à l’apothéose qui, là encore, se confond avec le film qui s’achève sur un final déchirant de beauté violente et vertigineuse, saisissant d’émotion.
Par une sorte de mise en abyme, le combat (qui rappelle celui de « The Wrestler ») de Nina est aussi celui du cinéaste qui nous embarque dans cette danse obscure et majestueuse, dans son art (cinématographique) qui dévore et illumine (certes de sa noirceur) l’écran comme la danse et son rôle dévorent Nina. L’art, du cinéma ou du ballet, qui nécessite l'un et l'autre des sacrifices. Le fond et la forme s’enlacent alors pour donner cette fin enivrante d’une force poignante à l’image du combat que se livrent la maîtrise et l’abandon, l’innocence et le vice.
Quel talent fallait-il pour se montrer à la hauteur de la musique de Tchaïkovski (qui décidément inspire ces derniers temps les plus belles scènes du cinéma après « Des hommes et des dieux ») pour nous faire oublier que nous sommes au cinéma, dans une sorte de confusion fascinante entre les deux spectacles, entre le ballet cinématographique et celui dans lequel joue Nina. Confusion encore, cette fois d’une ironie cruelle, entre l'actrice Winona Ryder et son rôle de danseuse qui a fait son temps. Tout comme, aussi, Nina confond sa réalité et la réalité, l’art sur scène et sur l’écran se confondent et brouillent brillamment nos repères. Cinéma et danse perdent leur identité pour en former une nouvelle. Tout comme aussi la musique de Clint Mansell se mêle à celle de Tchaïkovski pour forger une nouvelle identité musicale.
La caméra à l’épaule nous propulse dans ce voyage intérieur au plus près de Nina et nous emporte dans son tourbillon. L’art va révéler une nouvelle Nina, la faire grandir, mais surtout réveiller ses (res)sentiments et transformer la petite fille vêtue de rose et de blanc en un vrai cygne noir incarné par une Natalie Portman absolument incroyable, successivement touchante et effrayante, innocente et sensuelle, qui réalise là non seulement une véritable prouesse physique (surtout sachant qu’elle a réalisé 90% des scènes dansées !) mais surtout la prouesse d’incarner deux personnes (au moins...) en une seule et qui mérite indéniablement un Oscar.
Un film aux multiples reflets et d’une beauté folle, au propre comme au figuré, grâce à la virtuosité de la mise en scène et de l’interprétation et d’un jeu de miroirs et mise(s) en abyme. Une expérience sensorielle, une danse funèbre et lyrique, un conte obscur redoutablement grisant et fascinant, sensuel et oppressant dont la beauté hypnotique nous fait perdre (à nous aussi) un instant le contact avec la réalité pour atteindre la grâce et le vertige.
Plus qu’un film, une expérience à voir et à vivre impérativement (et qui en cela m’a fait penser à un film certes a priori très différent mais similaire dans ses effets : « L’Enfer » d’Henri-Georges Clouzot) et à côté duquel le « Somewhere » de Sofia Coppola qui lui a ravi le lion d’or à Venise apparaît pourtant bien fade et consensuel...
« Salaud, on t’aime » de Claude Lelouch fera ce mardi 2 avril l’ouverture du prochain Festival International du Film Policier de Beaune à l’occasion duquel sera rendu un hommage à Johnny Hallyday. À l’occasion de la venue exceptionnelle de Johnny Hallyday à Beaune, le Festival International du Film Policier lui rendra hommage en présentant cinq films emblématiques de sa carrière cinématographique, dans un genre et une couleur qu’il affectionne : »Vengeance » de Johnnie To, »L’homme du train » de Patrice Leconte, »Conseil de famille » de Costa-Gavras, »Détective » de Jean-Luc Godard, »A tout casser » de John Berry. Retrouvez ma critique de « Salaud, on t’aime », ci-dessous.
Programme du Festival International du Film policier de Beaune 2014
FILM D’OUVERTURE SALAUD, ON T’AIME de Claude Lelouch Interprété par Johnny Hallyday, Sandrine Bonnaire, Eddy Mitchell
HOMMAGE À JOHNNY HALLYDAY : NOIR C’EST NOIR
À l’occasion de la venue exceptionnelle de Johnny Hallyday à Beaune, le Festival International du Film Policier lui rendra hommage en présentant cinq films emblématiques de sa carrière cinématographique, dans un genre et une couleur qu’il affectionne :
VENGEANCE de Johnnie To
L’HOMME DU TRAIN de Patrice Leconte
CONSEIL DE FAMILLE de Costa-Gavras
DETECTIVE de Jean-Luc Godard
A TOUT CASSER de John Berry
HOMMAGE à WALTER HILL
Hommage en sa présence, le jeudi 3 avril
Réalisateur, scénariste et producteur (notamment de la saga ALIEN), Walter Hill imprime au polar sa marque, celle d’un cinéaste efficace dans la narration et le filmage, pour le plus grand plaisir du spectateur qu’il transforme sans EXTREME PREJUDICE en BAGARREUR, DRIVER et GUERRIERS DE LA NUIT, dans LES RUES DE FEU pendant 48 HEURES et SANS RETOUR.
HOMMAGE à PAUL HAGGIS
Hommage en sa présence, le vendredi 4 avril
Leçon de cinéma et d’écriture le samedi 5 avril Comment ne pas rêver d’une leçon de cinéma et d’écriture par l’homme qui a réalisé COLLISION (2004), qui a écrit MILLION DOLLAR BABY (2004), LETTRES D’IWO JIMA (2006) et MÉMOIRES DE NOS PÈRES (2006) de Clint Eastwood ainsi que les « James Bond » CASINO ROYALE (2006) et QUANTUM OF SOLACE (2008) ?
LA COMPÉTITION
‘71 de Yann Demange (Royaume-Uni) 1er film
BLACK COAL de Diao Yinan (Chine & Hong Kong)
BLUE RUIN de Jeremy Saulnier (États-Unis) 1er film
IN ORDER OF DISAPPEARANCE de Hans Petter Moland (Norvège)
LE DERNIER DIAMANT d’Éric Barbier (France)
LES POINGS CONTRE LES MURS de David Mackenzie (Royaume-Uni)
THE STONE de Cho Se-rae (Corée du Sud) 1er film
WOLF de Jim Taihuttu (Pays-Bas) 2e film
HORS COMPÉTITION
96 HEURES de Frédéric Schoendoerffer (France)
DEVIL’S KNOT d’Atom Egoyan (États-Unis)
HELI d’Amat Escalante (Mexique)
LA VOIE DE L’ENNEMI de Rachid Bouchareb (France)
SALAUD, ON T’AIME de Claude Lelouch (France)
THE RAID 2 de Gareth Evans (Indonésie) / AVP Européenne
THE TWO FACES OF JANUARY de Hossein Amini (Royaume-Uni)
UGLY d’Anurag Kashyap (Inde)
LE PRIX CLAUDE CHABROL
Après 38 TÉMOINS de Lucas Belvaux et MAINS ARMÉES de Pierre Jolivet (2013/ ex-aequo), le Prix Claude Chabrol 2014 est attribué au film FOXFIRE, CONFESSIONS D’UN GANG DE FILLES de Laurent Cantet. Le Prix Claude Chabrol sera remis le vendredi 4 avril à Laurent Cantet par François Guérif et Aurore Chabrol.
MEXICO POLAR
Depuis sa première édition en 2009, le Festival International du Film Policier de Beaune s’attache à rendre hommage à une ville pour son influence et sa dimension mythologique au sein du genre policier. Après Paris, New York, Hongkong, Londres, Rome et Naples, le Festival s’arrêtera cette année à Mexico.
Cédric Klapisch (président), Jean-Hugues Anglade, François Berléand, Marie Gillain, Marc Lavoine, Pio Marmaï, Anne Parillaud & Fanny Valette
Le Jury Sang Neuf Jacques Maillot (président), Pascal Demolon, Pauline Lefèvre, Sophie Mounicot et Jean-François Rauger
Critique de « Salaud, on t’aime » de Claude Lelouch
« Salaud, on t’aime » de Claude Lelouch fera ce mardi 2 avril l’ouverture du prochain Festival International du Film Policier de Beaune à l’occasion duquel sera rendu un hommage à Johnny Hallyday. À l’occasion de la venue exceptionnelle de Johnny Hallyday à Beaune, le Festival International du Film Policier lui rendra hommage en présentant cinq films emblématiques de sa carrière cinématographique, dans un genre et une couleur qu’il affectionne : »Vengeance » de Johnnie To, »L’homme du train » de Patrice Leconte, »Conseil de famille » de Costa-Gavras, »Détective » de Jean-Luc Godard, »A tout casser » de John Berry.
Lelouch. Prononcez ce nom et vous verrez immédiatement l’assistance se diviser en deux. D’un côté, les adorateurs du cinéaste qui aiment : ses fragments de vérité, ses histoires d’amour éblouissantes, sa vision romanesque de l’existence, sa sincérité, son amour inconditionnel du cinéma, ses phrases récurrentes, ses aphorismes, une musique et des sentiments grandiloquents, la beauté parfois terrible des hasards et coïncidences. De l’autre, ses détracteurs qui lui reprochent son sentimentalisme et tout ce que les premiers apprécient, et sans doute de vouloir raconter une histoire avant tout, que la forme soit au service du fond et non l’inverse. Avec « Roman de gare », les seconds s’étaient rapprochés des premiers, mais pour cela il aura auparavant fallu que le film soit au préalable signé d’un autre nom que le sien. Je fais partie de la première catégorie et tant pis si pour cela je dois subir la condescendance des seconds. Le cinéma est pour moi avant tout affaire de passion, de sincérité, d’audace, de liberté et quoiqu’en disent ses détracteurs, le cinéma de Claude Lelouch se caractérise par ces quatre éléments comme le démontre magnifiquement le documentaire « D’un film à l’autre » réalisé à l’occasion des 50 ans des films 13. Un documentaire qui résume un demi-siècle de cinéma du « Propre de l’homme » à « Ces amours-là ».
La plus flamboyante de ses réussites fut bien sûr « Un homme et une femme », palme d’or à Cannes en 1966, Oscar du meilleur film étranger et du meilleur scénario parmi 42 récompenses … à 29 ans seulement ! L’histoire de la rencontre de deux solitudes blessées qui prouve que les plus belles histoires sont les plus simples et que la marque du talent est de les rendre singulières et extraordinaires. A chaque fois que je le revois (et je ne les compte plus !), je suis frappée par son étonnante modernité, notamment dans le montage avec les alternances de noir et blanc et de couleurs qui jouent alors habilement avec les méandres du temps et de la mémoire émotive, entre le présent et le bonheur passé qui ressurgit sans cesse. Je suis aussi toujours frappée par cette photographie aux accents picturaux qui sublime Deauville (et qui n’est certainement pas étrangère à mon coup de foudre pour le lieu en question) filmée avec une lumière nimbée de mélancolie, des paysages qui cristallisent les sentiments de Jean-Louis et d’Anne, fragile et paradoxalement impériale, magistralement (dirigée et) interprétée par Anouk Aimée. Rares sont les films qui procurent cette impression de spontanéité, de vérité presque. Les fameux « instants de vérité » de Lelouch. Et puis le célèbre « Montmartre 1540 » prononcé par la voix inimitable de Jean-Louis Trintignant. Mais, je m’égare…
Avec sa dernière fiction, « Ces amours-là », Lelouch signait une fresque nostalgique, une symphonie qui s’achevait sur une note d’espoir, la bande originale de son existence cinématographique (qui évitait l’écueil du narcissisme) en guise de remerciements au cinéma, à la musique, à son public, à ses acteurs. Un film qui mettait en exergue les possibles romanesques de l’existence. Un film jalonné de moments de grâce, celle des acteurs avant tout à qui ce film était une déclaration d’amour émouvante et passionnée.
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Cette dernière réalisation qu’est « Salaud, on t’aime » se rapproche peut-être davantage de « Itinéraire d’un enfant gâté », du moins en ce qu’elle raconte l’histoire d’un homme à l’automne de sa vie, un autre « enfant gâté » qui est peut-être passé à côté de l’essentiel et qui, contrairement au film précité, ne va pas fuir sa famille, mais au contraire tenter de la réunir.
Jacques Kaminsky (Johnny Hallyday) est ainsi un photographe de guerre et père absent, qui s’est plus occupé de son appareil photo (enfin plutôt de son impressionnante collection d’appareils photos) que de ses 4 filles (de 4 mères différentes) nommées Printemps (Irène Jacob), Eté (Pauline Lefèvre), Automne (Sarah Kazemy –révélée par le magnifique « En secret » de Maryam Keshavarz ) et Hiver (Jenna Thiam). Avec l’espoir de les réunir, il décide d’acquérir une maison dans les Alpes dont il tombe amoureux en même temps que de celle qui la lui fait visiter, Nathalie Béranger (Sandrine Bonnaire). Tout va se compliquer encore un peu plus quand son meilleur ami, Frédéric Selman (Eddy Mitchell) va tenter de le réconcilier avec sa famille en leur racontant un terrible mensonge.
Avec « Salaud, on t’aime », Claude Lelouch signe son 44ème film. Les réalisations et les années n’ont pourtant pas entamé la jeunesse et la modernité de son cinéma. Ni la curiosité, l’admiration, la fascination avec lesquelles il regarde et révèle les acteurs. Les acteurs et la vie qu’il scrute et sublime. Dès ce premier plan avec le beau visage buriné de Johnny Hallyday et derrière lui les pages d’un livre (écrit par sa fille) qui se consume, j’étais déjà happée. Et les pages de cet autre livre qui se tournent et montrent et rendent hommage au photographe de guerre qu’est Kaminsky, à tous les photographes de guerre et aux horreurs (et quelques bonheurs) de l’Histoire qu’ils ont immortalisées, souvent au péril de leur vie. Deux livres. Deux faces d’un même homme. Peut-être un peu le double de Claude Lelouch qui fut lui-même photographe de guerre à ses débuts.
Dès les premiers plans du film règne à la fois une atmosphère tranquille et inquiétante à l’image de celle de cette maison gardée par un aigle majestueux, sublime, clairvoyant, là comme une douce menace, comme si tout pouvait basculer d’un instant à l’autre dans le drame ou le thriller. Le cinéma de Claude Lelouch ne rentre dans aucune case, situé à la frontière des genres. Ou si: il rentre dans un genre, celui d’un film de Lelouch, tout simplement. Et c’est ce que j’aime par-dessus tout : celle liberté, cet atypisme que j’ai retrouvés dans ce film. Claude Lelouch est né avec la Nouvelle Vague qui ne l’a jamais reconnu sans doute parce que lui-même n’avait « pas supporté que les auteurs de la Nouvelle Vague aient massacré Clouzot, Morgan, Decoin, Gabin », tous ceux qui lui ont fait aimer le cinéma alors qu’il trouvait le cinéma de la Nouvelle Vague « ennuyeux ». Et tous ceux qui M’ont fait aimer le cinéma.
A l’image de ses autres films, sans doute celui-ci agacera-t-il ses détracteurs pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles il m’a enchantée. Ses citations sur la vie, la mort, l’amour, l’amitié :
- « Un ami c’est quelqu’un qui te connait très bien et qui t’aime quand même »,
-« Qu’est-ce que vous préférez le plus au monde, à part votre appareil photo ? Le juste milieu. L’équilibre. Vous savez comme ces types qui viennent de traverser le Grand Canyon sur un fil. »
C’est d’ailleurs ce qui pourrait définir le cinéma de Lelouch. Et ce film. La vie aussi. Et ce qui les rend si singuliers, palpitants et attachants. Cette impression d’être sur un fil, sur le fil, au bord du précipice.
Comme toujours chez Claude Lelouch, la musique est judicieusement choisie entre le sublime jazz d’Ella Fitzgerald et Louis Armstrong, la chanson « Les eaux de mars » de Georges Moustaki, ou encore les « Quatre saisons » de Vivaldi repris par les compositeurs du film, le fidèle Francis Lai et Christian Gaubert.
Et puis il y a les acteurs. Ces acteurs que la caméra de Lelouch aime, scrute, sublime, magnifie, révèle, caresse presque. D’abord, Johnny Hallyday qui n’a pas besoin d’en faire des tonnes pour être ce personnage. Son visage et sa prestance racontent déjà une histoire. Il n’a pas besoin d’en faire ou dire beaucoup pour imposer son personnage grâce à sa forte personnalité, un mélange de douceur, de douleur, de force, de fragilité, de liberté, d’humanité, de rudesse et de tendresse. Et pour l’avoir vu (et revu) sur scène, que ce rôle lui ait été attribué me semble une évidence tant il est et joue sur scène et sait capter et captiver l’attention d’un regard. Leconte dans « L’homme du train » (à mon avis le meilleur film avec Johnny Hallyday) avait déjà compris cet énorme potentiel. Johnny Hallyday avait d’ailleurs déjà tourné sous la direction de Claude Lelouch en 1972 pour « L’Aventure c’est l’Aventure » où il jouait son propre rôle aux côtés de Lino Ventura et Jacques Brel. Ce rôle de Kaminsky semble avoir été écrit pour lui et pourtant il n’était initialement pas pressenti pour jouer le rôle principal de « Salaud, on t’aime ». Le plus sidérant est que Lelouch a dû l’imposer: « Aucune chaîne de télévision ne voulait faire un film avec Johnny et moi, aucune assurance n’a voulu nous suivre, les coproducteurs, les distributeurs, tout le monde s’est montré frileux. » Il y a eu Annie Girardot dans « Les Misérables », Jean-Paul Belmondo dans « Itinéraire d’une enfant gâté » Tant d’autres… Il y aura désormais Johnny Hallyday dans « Salaud, on t’aime ». De fortes personnalités qui, plus que d’incarner des rôles, les imprègnent et les révèlent. Les réveillent même.
A ses côtés, il y a Sandrine Bonnaire avec qui il forme un couple évident. Solaire Sandrine Bonnaire avec son sourire lumineux et empathique et dont on comprend qu’il en tombe immédiatement amoureux.
Et puis les 4 « saisons » dont la photographie reflète judicieusement les caractères au premier rang desquelles Jenna Thiam (Hiver Kaminsky), révélation du film à qui sont dévolues les plus belles partitions. Le temps d’un dialogue dans une voiture qui pourrait constituer à elle seule un court-métrage, Lelouch nous montre quel directeur d’acteurs et quel conteur d’histoire il est. Les « seconds » rôles ne sont pas en reste : Isabelle de Hertogh, Rufus, Agnès Soral, Valérie Kaprisky, Jacky Ido, Antoine Duléry…
Enfin, dernier personnage ici (et non des moindres !): la nature, sublime et sublimée elle aussi, à laquelle ce film est aussi un véritable hymne et qui varie subtilement au gré des saisons.
« Chaque nouvelle invention modifie l’écriture cinématographique. Mes gros plans c’est ma dictature, et les plans larges c’est ma démocratie, et pas de plan moyen. » avait-il dit lors du débat succédant à la projection du documentaire « D’un film à l’autre ». Ce nouveau film ne déroge pas à la règle. Une scène de repas est ainsi particulièrement réussie me faisant songer à celles qu’affectionnait Claude Sautet qui lui aussi aimait tant ces scènes mais aussi, comme Lelouch, raconter la vie. Notre vie.
Ce film comme chaque film de Lelouch comporte quelques scènes d’anthologie. Celle pendant laquelle les deux amis Kaminsky/Johnny et Selman/ Eddy refont « Rio Bravo » est un régal. Mais aussi, à l’opposé, ce brusque basculement du film (que je ne vous révélerai évidemment pas) qui m’a bouleversée. Il n’y a que lui pour oser. De même qu’il n’y a que lui pour oser appeler les 4 filles d’un personnage Printemps, Eté, Automne et Hiver. Et ce sont cette liberté presque irrévérencieuse, cette audace, qui me ravissent. Dans la vie. Au cinéma. Dans le cinéma de Lelouch qui en est la quintessence. La quintessence des deux.
Lelouch, dans ce nouveau film coécrit avec Valérie Perrin, raconte la vie, avec tout ce qu’elle comporte de beauté tragique ou de belle cruauté, de douleurs ineffables aussi, ses paradoxes qui la rendent si fragile et précieuse. En quelques plans, ou même en un plan d’une silhouette, il exprime la douleur indicible de l’absence. Mais c’est aussi et avant tout un film magnifique sur l’amitié et ses mensonges parfois nécessaires, sur le le pardon aussi…sans oublier ces « hasards et coïncidences » qu’affectionne le cinéaste. Ce hasard qui « a du talent » à l’image de celui qui en a fait un de ses thèmes de prédilection. Malgré son titre, peut-être son film le plus tendre, aussi.
Je ne sais pas si le cinéma comme « le bonheur, c’est mieux que la vie » mais en tout cas Claude Lelouch fait partie de ceux dont les films nous la font voir en gros plans majestueux, parfois sans fards, avec une redoutablement sublime vérité, et qui nous la font aimer ardemment. Et ce nouveau film porté par des acteurs solaires, un montage ingénieux, une musique judicieuse, une photographie émouvante ne déroge par à la règle. Le juste milieu entre légèreté et gravité. Les fragments de vérité et les fragments de mensonges. La vie et le cinéma.
Sortie en salles 2 Avril 2014
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Début 2013, deux cinéastes américains de génie, Tarantino et Spielberg, sortaient un film ayant pour toile de fond l’esclavage(sans compter le meilleur film de ce début d'année 2014 "12 years a slave" de Steve Mc Queen). Pour le premier, avec « Django unchained« , c’est même le sujet qui lui permet de réinventer un genre cinématographique, puisqu’un esclave y devient héros de western. Pour le second, c’est ce qui lui permet, en traitant de l’adoption du 13ème amendement qui fit de l’abolition de l’esclavage un fondement permanent de la loi américaine, de tisser le portrait d’une éminente figure politique, celle du Président Abraham Lincoln. L’esclavage était d’ailleurs déjà au centre d’un de ses films, « Amistad ». Le premier a situé l’action de son film deux ans avant la guerre de Sécession, le second lors de sa dernière année. Mais, plus que tout cela, ce qui les différencie, c’est un style : singulier, audacieux, qui à la fois utilise et s’affranchit des règles du western pour Tarantino, avec cette histoire d’amitié et de vengeance romanesque, de duels et de duos, une nouvelle fois jubilatoire. Plus classique, académique diront (à tort) certains est en revanche le film de Spielberg. Imaginez que quelqu’un leur aurait donné pour sujet : « réalisez un film qui évoquera l’esclavage ». Ils l’illustrent chacun à leur manière. Différente mais passionnante. Spielberg d’ailleurs, comme l’indique le titre de son film, évoque Lincoln plus que l’esclavage car même si l’adoption du 13ème amendement est l’enjeu du film, c’est Abraham Lincoln qui en est le centre. Alors, l’un est peut-être trop bon élève, l’autre un élève irrévérencieux, quoiqu’il en soit, tous deux ont en commun d’avoir signé deux films délicieusement bavards. Deux magistrales visions de l’Histoire et deux brillantes leçons de cinéma.
Spielberg se concentre ainsi sur les quatre derniers passionnants mois du 16ème Président des Etats-Unis : Abraham Lincoln (Daniel Day- Lewis). 1865. La nation est déchirée et divisée par la guerre de Sécession. Lincoln veut à la fois mettre fin au conflit, faire unifier le pays et faire adopter le 13ème amendement qui mettrait fin à l’esclavage. Dans le même temps, il doit faire face à des douleurs et conflits personnels : la perte d’un fils qui a ébranlé son couple et le désir d’un autre, brillant étudiant de Harvard, qui désire partir à la guerre.
Adapté de « Team of Rivals : The Political Genius of Lincoln » de Doris Kearns Goodwin, le premier trait de génie du film de Spielberg et d’abord de son scenario (signé Tony Kushner, l’auteur, notamment, d’ « Angels in America », une pièce couronnée par le prix Pulitzer) est de ne pas avoir cédé à la facilité du classique biopic qui finalement nous en aurait appris beaucoup moins que ces quatre mois qui révèlent toute la grandeur et l’habileté politiques de Lincoln, sa détermination, mais aussi sa complexité. En conteurs inventifs, plutôt que de narrer son enfance, en une tirade, Kushner/Spielberg évoquent l’enfance de Lincoln et le rapport, là aussi complexe, à son père permettant ainsi, en ne traitant que de ces quatre mois, de cerner la personnalité de cet homme politique tant aimé des Américains et qui a tant influé sur leur Histoire.
Les premiers plans, marquants (et à dessein puisque, ensuite, l’intrigue se concentrera dans les lieux de pouvoir) nous immergent dans les combats sanglants, impitoyables, de la guerre de Sécession. Spielberg avait déjà retranscrit avec brio toute l’horreur ineffable de la guerre dans « La Liste de Schindler » et « Il faut sauver le soldat Ryan ». Ces quelques secondes nous les rappellent alors que dans « Cheval de guerre », cette violence était essentiellement hors-champ, notamment dans une scène d’une redoutable ingéniosité, celle où deux frères sont fusillés par les Allemands, deux enfants encore, fauchés en pleine innocence, une scène dissimulée par l’aile d’un moulin qui la rendait d’autant plus effroyable.
Ces quelques secondes de ces hommes qui s’affrontent cors-à-corps suffisent là aussi à nous faire comprendre l’âpre violence de cette guerre et dénotent avec le reste du film, essentiellement centré sur les dialogues, ce qui déconcertera peut-être les inconditionnels du cinéaste qui en attendaient plus de spectaculaire ici savamment distillé.
Après cette première scène, Lincoln apparaît, de dos, assis, écouté, admiré. En quelques minutes d’exposition, tout est dit : le conflit, l’admiration, l’esclavage, la complexité de la situation. Spielberg est évidemment le roi de scènes d’exposition. Rappelez-vous celle de « La Liste de Schindler » (que l’on peut d’ailleurs mettre en parallèle avec celle-ci) : Schindler s’habillant méthodiquement, soigneusement, choisissant cravate, boutons de manchette, et épinglant sa croix gammée. Le tout avec la dextérité d’un magicien. Nous n’avons pas encore vu son visage. De dos, nous le voyons entrer dans une boite de nuit où se trouvent des officiers nazis et des femmes festoyant allègrement. Il est filmé en légère contre-plongée, puis derrière les barreaux d’une fenêtre, puis souriant à des femmes, puis observant des officiers nazis avec un regard mi-carnassier, mi-amusé, ou peut-être condescendant. Assis seul à sa table, il semble juger, jauger, dominer la situation. Sa main tend un billet avec une désinvolte arrogance. Son ordre est immédiatement exécuté. Son regard est incisif et nous ignorons s’il approuve ou condamne. Il n’hésite pas à inviter les officiers nazis à sa table, mais visiblement dans le seul but de charmer la femme à la table de l’un d’entre eux. Cette longue scène d’introduction sur la musique terriblement joyeuse (« Por una cabeza » de Gardel), et d’autant plus horrible et indécente mise en parallèle avec les images suivantes montrant et exacerbant même l’horreur qui se joue à l’extérieur, révèle tout le génie de conteur de Spielberg. En une scène, il révélait là aussi tous les paradoxes du personnage, toute l’horreur de la situation. L’ambigüité du personnage est posée, sa frivolité aussi, son tour de passe-passe annoncé.
Cela pour dire que si les films de Spielberg sont en apparence très différents, ils se répondent tous dans leurs thématiques et constructions, comme les thèmes de loyauté, espoir, courage, ténacité étaient à l’honneur dans « Cheval de guerre » et le sont à nouveau ici, aussi différents puissent paraître ces deux films dans leurs formes.
Certains reprocheront à Spielberg une absence d’émotion contrairement à ce à quoi il nous avait habitués. C’est au contraire le grand atout de ce film et c’est justement là encore tout le talent de Spielberg que d’avoir su insérer quelques scènes d’émotion au milieu de ce passionnant parcours politique, de ce film exigeant, de ces joutes verbales. En quelques plans, il nous fait éprouver la détresse et les dilemmes d’un père. Les scènes intimes, rares, n’en sont que plus bouleversantes, souvent filmées dans la pénombre, révélant les zones d’ombre de cet homme éclairé. Le talent de (ra)conteur de Spielberg culmine lors de la scène de l’adoption du 13ème amendement pour laquelle il cède un moment au lyrisme et à l’emphase, et à quelques facilités scénaristiques qui contrastent avec la rigueur de l’ensemble mais témoignent de sa capacité à intéresser et émouvoir en quelques secondes. Il serait d’ailleurs intéressant de mettre en parallèle le montage de cette scène avec celle de la scène de la constitution de la liste dans « La Liste de Schindler », ces scènes étant toutes deux l’apogée de ces films autour desquelles ils sont articulés.
A ces quelques exceptions près, Spielberg a préféré ici raconter l’Histoire plutôt qu’une histoire, même s’il reste un conteur admirable sachant captiver l’attention, et rendant ainsi encore hommage à Lincoln, lui-même conteur malicieux. Quand, aujourd’hui, on tend à tout simplifier et à utiliser des recettes souvent racoleuses pour captiver le spectateur, c’est un défi louable que de réaliser une œuvre aussi dense, foisonnante. D’ailleurs quel meilleur moyen pour évoquer la complexité de la démocratie, ses contradictions ? Indigne hommage que cela aurait alors été que de tout simplifier. Au contraire, par un récit complexe (mais d’ailleurs clair), Spielberg illustre la complexité de la politique, et lui redonne ses lettres de noblesse quand elle est ce qu’elle devrait uniquement représenter : un changement, un espoir, tout en n’éludant pas les compromis et même les compromissions nécessaires lorsque « La fin justifie les moyens », citation plus machiavélienne que machiavélique…
Au-delà de tout, ce qui restera sans doute de ce film, c’est l’incroyable présence de Daniel Day-Lewis qui EST Lincoln, politicien de génie, mari et père confronté à la douleur, homme mélancolique, conteur malicieux, brillant stratège et surtout profondément humain et charismatique. Il fait totalement oublier l’acteur pour donner vie à l’ancien président américain. Dans un rôle aux antipodes de celui qu’il incarnait dans « There will be blood », tout en excès (mais tout aussi magistral), ici tout en nuances, il prouve une nouvelle fois la fascinante étendue de son talent. Spielberg, plutôt que de faire des mouvements de caméra démonstratifs, a mis sa caméra au service de son jeu, se rapprochant au fur et à mesure qu’il captive son auditoire, dans le film, et la salle de cinéma. A côté de lui, une distribution exceptionnelle campe plus d’une centaine de personnages, là encore identifiables et caractérisés en quelques mots, quelques plans. Un véritable défi. Parmi eux, retenons Sally Field impeccable dans le rôle de l’autoritaire et torturée Mrs Lincoln ou encore Tommy Lee Jones qui incarne les contradictions et les compromis nécessaires à l’adoption d’une loi historique qui aura guidé sa vie. Joseph Gordon-Lewitt qui interprète un des fils de Lincoln a lui les honneurs d’un des plus beaux plans du film, d’une tristesse et d’une beauté déchirantes, lorsqu’il découvre un charnier et décide de s’engager. David Strathairn, trop rare encore, est également remarquable en William Seward.
Le film est servi par un souci perfectionniste du détail, des décors aux costumes, en passant par une photographie réaliste d’une élégante sobriété. Ainsi, en un instant, lorsque Lincoln est filmé s’éloignant de dos dans un couloir vide tel un comédien quittant la scène ou dans ce plan de sa silhouette et de celle de son fils dans l’aveuglante lueur d’une fenêtre lorsqu’il apprend l’adoption de l’amendement, Spielberg nous éblouit sans pour autant chercher à en mettre plein la vue. La musique de John Williams alterne entre lyrisme et discrétion et achève ce tableau historique d’une passionnante sobriété.
Un film captivant et exigeant sur un homme et une situation historiques et complexes. Un hommage à Lincoln mais, au-delà, à la politique et ce qu’elle implique d’exigence à laquelle la forme judicieuse du film rend si bien justice. Un film d’une sobriété salutaire qui ne cède que quelques instants et brillamment à l’émotion mais jamais à l’esbroufe. Un film dense aux 2H29 nécessaires. Un travail d’orfèvre servi par une prestation en or, celle d’un Daniel Day-Lewis au sommet de son art, accompagné par une distribution remarquablement choisie et dirigée. Un très grand film dont le classicisme n’est pas un défaut mais au contraire le témoignage de l’humilité et de l’intelligence d’un grand cinéaste devant un grand homme à qui il rend un admirable hommage, de la plus belle manière qui soit, en ne le mythifiant pas mais en le montrant dans toute son humaine complexité.