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Par Sandra Mézière. Le 7ème art raconté avec passion depuis 2003. 4000 articles. Festivals de cinéma en direct : Deauville, La Baule, Cannes, Dinard...Critiques de films : avant-premières, à l'affiche, classiques. Actualité de romancière. Podcast.
Il va falloir changer vos habitudes pour cette 66ème édition qui représente aussi mon 13ème Festival de Cannes (déjà...j'ai du mal à le croire). Cette année pour connaître toute l'actualité du Festival de Cannes, c'est sur http://inthemoodforfilmfestivals.com qu'il faudra vous rendre. Même si je reprendrai quelques articles ici et sur http://inthemoodforcannes.com , c'est néanmoins inthemoodforfilmfestivals.com qui y est désormais entièrement consacré. Cliquez sur l'image ci-dessus pour y accéder directement. Vous y retrouverez mon compte-rendu de la conférence de presse d'annonce de sélection de ce Festival de Cannes 2013, les compléments de programmation, la composition du jury, de nombreuses critiques de films de cinéastes en compétition officielle cette année mais aussi de nombreux bons plans sur le festival et, évidemment, mes critiques et articles en direct de Cannes très prochainement.
En mars dernier, le Festival du Film Asiatique de Deauville rendait hommage au cinéaste japonais Sono Sion, un hommage à l’occasion duquel a été projeté son dernier film « The land of hope », en salles depuis mercredi dernier, malheureusement dans très peu de salles alors que c’est sans aucun doute un des meilleurs films de cette année. Vous pouvez également retrouver mon compte-rendu complet du Festival du Film Asiatique de Deauville 2013 en cliquant ici. « The land of hope » est à l’image des films en compétition de ce Festival du Film Asiatique de Deauville 2013 desquels se dégageait un désespoir commun, même s’il surpasse, et de loin, les autres films vus, et pour cause puisque c’est l’œuvre d’un cinéaste confirmé. A Deauville, il a également donné une masterclass au cours de laquelle il a notamment parlé des cinéastes français qu’il aimait : René Clément, François Truffaut, Julien Duvivier et des poèmes qu’il écrivait dès l’âge de 22 ans, rien d’étonnant au regard de son univers, certes unique mais aussi celui d’un cinéphile poétique.
L’an passé, en compétition, le festival avait projeté « Himizu » du même Sono Sion, film que je qualifiais alors d’une rageuse, fascinante, exaspérante et terrifiante beauté. Les premiers plans, effroyables, nous plongeaient dans le décor apocalyptique de l’après tsunami exploré par de longs travellings, mais le chaos n’était alors pas seulement visuel, c’était surtout celui qui rongeait, détruisait, étouffait les êtres ayant perdu leur identité et tout espoir.
Ce nouveau long-métrage de Sono Sion commence de manière plutôt inattendu : d’abord par son classicisme (relatif, mais du moins pour Sono Sion, moins dans la folie et l’explosion visuelles, ici) et ensuite parce qu’il met en scène un cadre bucolique, des couleurs chatoyantes et des personnages heureux. Evidemment, cela ne va pas durer et la réalité, tragique, terrible, celle du Japon que Sono Sion, films après films, dissèque et dénonce, va ressurgir avec un tremblement de terre qui frappe alors le Japon. Il entraîne l’explosion d’une centrale nucléaire. Sans vraiment en donner la raison, le gouvernement fait évacuer les habitants à proximité de la catastrophe. La famille Ono dont la ferme est située à cheval entre la zone de danger et le périmètre de sécurité, doit choisir entre fuir et rester. Sono sion va alors suivre trois couples : un couple de vieux paysans dont la femme est malade, vraisemblablement atteinte d’Alzheimer, un jeune couple qui s’apprête à avoir un enfant et un autre couple en quête des parents de la jeune femme mais aussi d’un avenir.
Aux scènes joyeuses du début succède un bref et effroyable vacarme puis un silence retentissant avant que la vie et l’image ne deviennent grisâtres puis avant que les couleurs « normales » ne reviennent, plus terrifiantes encore que ces couleurs grisâtres qui les ont précédées car si tout semble banal et quotidien, la menace et le danger sont là, constants, une guerre invisible. Les « autorités » (ici traitées au début comme une dictature par définition inique et intolérante) qui ne se contentent d’être que cela ne sont d’abord que des sortes de combinaisons inhumaines et sans identité. Tout est à la fois banal et singulier, paisible et agité. Comme le titre résonne (déraisonne aussi) alors comme une ironie tragique.
Dans la beauté éclatante de chaque plan (qui n’en est alors que plus redoutablement tragique puisqu’elle n’est que le masque de cet ennemi invisible), dans son humour désenchanté (l’absurdité de cette ligne qui sépare un jardin que Tati n’aurait osé inventer et pourtant terriblement réaliste ou de ces combinaisons de protection et la paranoïa qui seraient risibles si leur existence n’était malheureusement fondée), dans sa poésie d’une beauté et d’une tristesse ravageuses, Sono Sion nous livre son cri de révolte, d’une mélancolie déchirante : révolte contre les autorités (qu’il ne cesse de dénoncer tout au long du film), révolte contre cette centrale qu’« ils » ont malgré tout construite, une telle absurdité là aussi que c’est finalement celle qui a perdu la raison qui ne cesse de la souligner.
Sans doute Sono sion décontenancera-t-il ici ses admirateurs avec ce film plus classique que ses précédents mais, comme ses autres films, d’une beauté désenchantée, d’un romantisme désespéré (cette scène où le couple de vieux paysans danse au milieu du chaos est à la fois terriblement douce et violente, sublime et horrible, en tout cas bouleversante), d’un lyrisme et d’une poésie tragiques avec des paraboles magnifiquement dramatiques comme cet arbre -et donc la vie- qui s’embrasent mais aussi un travail sur le son d’une précision et efficacité redoutables.
Un film porté par un cri de révolte et l’énergie du désespoir, plus efficace que n’importe quelle campagne anti-nucléaire et surtout l’œuvre d’un poète, un nouveau cri d’espoir vibrant et déchirant qui s’achève sur un seul espoir, l’amour entre deux êtres, et une lancinante litanie d’un pas, qui, comme l’Histoire, les erreurs et la détermination de l’Homme, se répètent, inlassablement. Et à nouveau, pourtant, la possibilité d’un lendemain. Malgré tout, malgré l’horreur encore là et invisible. Et Fukushima délaissée par les médias, autre fatalité qui se répète, peut-être plus terrible encore : l’oubli.
Et après la beauté mélancolique du cinéma de Sono Sion, quelques images qui reflètent celle de Deauville et, au passage, pour les amoureux de Deauville, j’en profite pour vous signaler que, la semaine prochaine, sortira mon roman « Les Orgueilleux » qui se déroule entièrement dans le cadre du Festival du Cinéma Américain de Deauville et au sujet duquel vous retrouverez toutes les informations en avant-première sur sa page Facebook, ici : http://facebook.com/LesOrgueilleux.
Après 15 jours sans avoir le temps de retrouver le doux chemin des salles obscures (autant vous dire que, vraiment, je ne pouvais faire autrement), était enfin revenu pour moi « Le temps de l’aventure » ou du moins celui d’aller voir le film éponyme, le 5ème long métrage réalisé par Jérôme Bonnell, six ans après sa belle peinture des âmes, son exquise esquisse de la solitude, « J’attends quelqu’un », qui m’avait fait si forte impression (dans lequel jouait d’ailleurs déjà Emmanuelle Devos), un film sur les savoureuses palpitations de l’attente, le bonheur du possible plutôt que celui de la certitude. La possibilité du bonheur, aussi : ce pourrait être d’ailleurs le titre de ce « Temps de l’aventure ».
Cela commence à Calais, avant l’entrée sur une scène de théâtre d’Alix, comédienne, (Emmanuelle Devos), qui joue une pièce d’Ibsen. Quelques minutes, palpitantes et angoissantes, à retenir son souffle, avant de se jeter dans l’arène. Avant de mettre le masque. Avant de devenir quelqu’un d’autre. Avant le temps de l’aventure. C’est finalement la métaphore de ce qu’elle sera et vivra le reste du film. Elle prend ensuite un train en direction de Paris. Dans le train, elle échange de furtifs regards avec un homme triste, un Anglais (Gabriel Byrne). A cet instant, il est juste un homme triste. Alix se rend ensuite à une audition (un des deux magistraux plans-séquences du film). Une véritable mise à nu. Puis elle remet le masque du jeu, décide s’en trop savoir pourquoi, aimantée, de retrouver « l’homme du train » dont elle a entendu par hasard la destination, et de jouer, d’oser, de se lancer dans l’aventure, de laisser libre cours à ses désirs…
Jérôme Bonnell a réussi à retranscrire ce qu’il y a sans doute de plus beau et de plus fragile dans l’existence : ces moments rares et fugaces où n’existe que le temps présent. Le bonheur en somme qui, parfois, surgit aux moments les plus inattendus ou terribles, et en est alors que plus précieux et exalté. Il dresse un magnifique portrait de deux êtres dans une situation de fragilité, « lost in translation », de ces situations qui conduisent aux belles et redoutables audaces, où le passé et l’avenir cèdent devant la force du présent.
Alix est presque une étrangère dans sa propre ville, perdue et libre à la fois, une actrice dont Paris est alors la nouvelle scène de théâtre, une scène qui la conduira à jouer mais aussi à tomber progressivement le masque. C’est palpitant comme un thriller. Notre souffle est suspendu à leurs regards, à leurs silences, à leurs pas qui peut-être ne se recroiseront plus.
C’est une belle journée d’été, un soir de fête de la musique et ils sont là et nulle part au milieu de cette frénésie et ce tourbillon. Le temps court mais pour eux il semble s’être arrêté. Le film est d’ailleurs aussi une très belle variation sur le temps, en plus de l’être sur le mensonge et la vérité, et le bonheur. Ce sont effet les « 24 heures de la vie d’une femme » coupée de tout ce qui nous relie habituellement à la réalité ou un semblant de réalité : téléphone, carte bleue et qui, peut-être, nous éloigne de l’essentiel. Ne plus pouvoir utiliser l’un et l’autre l’ancre encore plus dans le temps présent.
Ce film est plein de fragilité, de sensibilité, à fleur de peau, plein de délicatesse, aussi lumineux et solaire que son actrice principale qui irradie littéralement et dont la caméra de Jérôme Bonnell est amoureuse. Elle arrive à nous faire croire à cette rencontre qui aurait pu être improbable et à la magie éblouissante de l’instant présent (aidée par la qualité de l’écriture, aussi). Face à elle, Gabriel Byrne impose sa belle présence, emmuré dans le silence, parfois peut-être un peu trop mutique mais cela contribue aussi à son charme mystérieux. De leurs faces-à-faces exhale une émotion incandescente.
Ajoutez à cela une scène aussi hilarante et burlesque que terrible et douloureuse avec la sœur d’Alix et vous obtiendrez un petit bijou non formaté quand le cinéma nous donne de moins en moins d’histoires d’amour ou d’histoires d’amour qui ne soient pas mièvres ou caricaturales et quand le cinéma tend de plus en plus, à mon grand désarroi, à rentrer dans des schémas et quand les médias (les dits traditionnels et les autres d’ailleurs), semblent se contenter d’évoquer ces films-là. Non, il n’y a pas que les profs, gamins et autres amours et turbulences aux titres aussi originaux et subtils que leurs contenus.
Un film sur une passion éphémère (ou peut-être pas…) porté par une actrice étincelante et qui nous prouve que le bonheur peut parfois être un présent, un film qui laisse un goût d’éternité et nous donne envie d’arrêter le temps ou en tout cas de croire que le temps parfois peut s’arrêter, même quand, ou a fortiori quand, la réalité est douloureuse et implacable. « Le temps de l’aventure » est un hymne subtile et délicat au présent, au jeu aussi, à la vie qui peut en être un aussi. Un film d’une mélancolie solaire, une belle réflexion sur le bonheur et la vérité, avec un air truffaldien (plane d’ailleurs l’ombre d’un certain Antoine) qui m’a emportée et m’a accompagnée longtemps après le générique de fin avec le goût persistant de cette parenthèse enchantée, de tristesse et d’espoir mêlés. Finalement une sorte de mise en abyme ou de métaphore du cinéma, et de sa magie : l’espace de quelques minutes, nous faire croire au vol du temps suspendu. Et au spectateur de décider s’il veut y croire, si cela modifiera le cours de l’existence (la sienne et celle des personnages) ou non…
L’an passé, j’avais eu le grand plaisir de faire partie du jury de la deuxième édition du Festival International du Film de Boulogne-Billancourt, aux côtés de Didier Allouch et Thomas Clément. « La Philosophie de ce Festival est de privilégier tout ce qui fait aimer la vie » avait ainsi déclaré Claude Pinoteau, le Président d’honneur de ce festival, dans son édito. L’édition 2012 y était indéniablement parvenue. Il y va des bons festivals comme des beaux voyages : on en revient joyeusement nostalgique et gaiement exténué, la tête pleine de belles rencontres, avec l’irrépressible envie de reprendre un billet immédiatement. Comme pour un voyage, l’atmosphère dépend principalement des organisateurs et des accompagnateurs et dans les deux cas les conditions étaient idéales. Un festival convivial comme ceux qui prennent de l’ampleur n’arrivent parfois pas à le rester. Quand le cynisme est tristement à la mode, c’était une gageure d’organiser un festival qui a pour slogan « le festival qui souffle positif ». Boulogne-Billancourt est la ville idéale pour un festival de cinéma puisque dans ses studios ont été tournés plus de 500 films parmi lesquels des chefs d’œuvre comme « Le dernier métro » de François Truffaut et des films dont vous pouvez d’ailleurs retrouver des critiques ici : « Borsalino » de Jacques Deray, « Ridicule » de Patrice Leconte…ou « César et Rosalie » de Claude Sautet. La boucle est bouclée puisque le cinéma de Claude Sautet avait pour objectif de « faire aimer la vie », à l’image du festival de Boulogne-Billancourt donc.
Ci-dessus, le jury blogueurs du Festival du Film de Boulogne-Billancourt 2012: Thomas Clément, Didier Allouch et moi-même.
A nouveau, le programme du Festival pour cette édition 2013 est particulièrement allèchant et rien d’étonnant à ce que le réalisateur Hugo Gélin ait été choisi comme Président du jury, lui qui a réalisé « Comme des frères », LA comédie tendrement mélancolique de l’année 2013, un de mes grands coups de coeur de 2013 dont vous pouvez retrouver ma critique, en bonus, en bas de cet article. Le jury de cette édition 2013 sera également composé de Mélanie Bernier, David Foenkinos (son très beau film « La Délicatesse » adapté de son roman éponyme par ce dernier et Stéphane Foenkinos sera projeté au festival, vous pouvez également en retrouver la critique en bas de cet article), Camélia Jordana, Baptiste Lecaplain.
Ce sera ainsi la 3ème édition du Festival International du Film de Boulogne-Billancourt « qui souffle positif » et qui se tiendra du 19 au 22 avril dans les salles du Pathé sur la Grand-Place.
5 long-métrages de fiction et 5 documentaires figurent en compétition. Pour l’ouverture du Festival sera projeté en avant-première La fleur de l’âge, un film avec Pierre Arditi, Julie Ferrier et Jean-Pierre Marielle. En clôture ce sera Mud – Sur les rives du Mississippi, avec Matthew McConaughey, Reese Witherspoon et Sam Shepard, un film qui figurait en compétition du 65ème Festival de Cannes.
Le Président d’honneur du festival sera cette année Jean-Jacques Beineix à qui la Ville de Boulogne-Billancourt consacrera une exposition inédite et passionnante « Studio Beineix » inaugurée quelques jours avant.
Vous pourrez retrouver, ci-dessous, le détail du programme et j’en profite pour vous annoncer que mon roman « Les Orgueilleux » qui se déroule dans le cadre du Festival du Cinéma Américain de Deauville sera publié en Mai prochain, chez Numériklivres.
Les films en compétition
Catégorie Longs-métrage
CHEBA LOUISA
France – 2013 – 90mn
Réalisatrice : Françoise Charpiat
Avec : Isabelle Carré, Rachida Brakni, Steve Tran, Rachid Taha
À 30 ans, Djemila, juriste célibataire a enfin son propre appartement… à deux pas de chez ses parents. Française d’origine maghrébine, elle fait tout pour gommer ses origines. emma, sa voisine déjantée et auchée, rame pour élever seule ses deux enfants. alors que tout oppose les deux femmes, une amitié profonde va naître grâce à leur amour de la musique.
En présence de l’équipe du film.
DER SANDMAN
Suisse – 2011 – 88mn – VOSTF
Réalisateur : Peter Luisi
Avec : Fabian Krüger, Irene Brügger
Le philatéliste Benno mène une vie ordonnée, il adore Beethoven et les belles femmes. Sa voisine Sandra, qui chante toutes les nuits dans son café au-dessous de l’appartement de Benno, ne ressemble en rien au genre de femme qu’il aime. Il ne peut donc s’empêcher de l’insulter régulièrement. Un jour, Benno découvre du sable dans son lit. Lorsqu’il réalise que c’est lui-même qui perd du sable et que les pertes augmentent de jour en jour, sa vie ordonnée se transforme en un véritable cauchemar. Il perd non seulement son travail, mais il voit le temps littéralement s’écouler hors de lui. Lorsqu’il se rend compte que seule Sandra peut le sauver, débute alors une course désespérée contre la montre…
MACADAM BABY
France – 2013 – 97mn
Réalisateur : Patrick Brossard
Avec : François Civil, Camille Claris,
Arthur Jugnot
Thomas est un écrivain en herbe. Il n’a hélas pas grand-chose à aconter. et c’est dommage car il le raconte vraiment bien. Il a du style. en venant à Paris et en rencontrant Julie, il va découvrir pour la première fois l’amour avec un grand a. Ce qu’il ignore, c’est que Julie est dans les problèmes jusqu’au cou et qu’en voulant l’aider, il va mettre les pieds dans les emmerdes avec un grand …
En présence de l’équipe du film
SONG FOR MARION
UK – 2012 – 93mn
Réalisateur : Paul Andrew Williams
Avec : Terence Stamp, Gemma Arterton, Christopher Eccleston et Vanessa Redgrave
Arthur et Marion, couple de retraités londoniens, sont profondément unis malgré leurs caractères dissemblables
; Marion est positive et sociable, arthur est morose et fâché avec la terre entière. aussi ne comprend-il pas l’enthousiasme de sa femme à chanter dans cette chorale férue de reprises pop décalées et menée par la pétillante Élizabeth. Mais peu à peu arthur se laisse toucher par la bonne humeur du groupe et par la gentillesse d’Élizabeth. encouragé par cette dernière, qui a inscrit la chorale à un concours, arthur réalise qu’il n’est jamais trop tard pour changer.
TOM LE CANCRE
France – 2011 – 93mn
Réalisateur : Manuel Pradal
Avec : Stéphanie Crayencour, Sacha Bourdo, Steve Le Roi, Matys Soboul
Des enfants de 5 ans s’égarent dans la forêt après que leur maîtresse se soit évanouie en mangeant un fruit sauvage. Ils rencontrent alors un enfant fugueur de 14 ans, Tom le cancre, qui vit dans un chêne centenaire et qui leur propose un marché : il les ramènera à leurs parents quand il leur aura désappris tout ce qu’ils ont appris à l’école. Une classe verte dirigée par un maître cancre ou comment ré-enchanter le monde par la fantaisie et l’impertinence.
Arise capture les portraits et les histoires de femmes extraordinaires à travers le monde qui se réunissent pour réparer le mal fait à la Terre. Ce film poétique musical et artistique se déroule dans des paysages d’une incroyable beauté pour tisser une histoire collective et porteuse d’espoir qui nous inspire pour sauver la Terre.
En présence des deux réalisatrices.
ASSAM, TERRE DES DIEUX
France – 2012 – 52mn
Réalisateur : Patrice Landes
Niché au milieu de la vallée de Brahmaputra, l’assam est un état d’une grande beauté et d’une grande iversité au nord-est de l’Inde. À travers l’histoire, des peuples de différentes cultures, origines et religions ont émigré dans cette région. Les invasions musulmanes ont apporté l’Islam dans la région. Le Sikhisme s’est développé ici à côté de communautés bouddhistes. avec l’apparition de nouvelles fois et de nouvelles religions, de nombreux temples et monuments ont été construits. aujourd’hui, ils sont les témoins silencieux d’un passé glorieux.
En présence du réalisateur.
HE FILM
France – 2011 – 52mn
Réalisatrice : Liliane de Kermadec
Depuis 37 ans, d’abord à pied, ensuite à vélo et à moto, He Fu Quan sillonne les petites routes du Sichuan en apportant partout où il va « la culture et le cinéma », comme il dit. Offerts par le gouvernement chinois, les films sont aujourd’hui envoyés de Pékin par satellite à Chengdu où He Fu Quan, dit « He Film », va les chercher et les emporte sur ses disques durs. arrivé dans un village ou dans une ferme isolée dans la forêt de bambous, il déploie son écran, chacun apporte son tabouret, et, à la nuit ombée, la projection commence. Des paysans, des gens de Pékin et de Chengdu, la Chine de la campagne et de la ville devant l’écran de cinéma.
En présence de la réalisatrice.
L’OMBRELLO DI BEATOCELLO
Suisse – 2011 – 83mn – VOSTF
Réalisateur : Georges Gachot
Ces vingt dernières années, le pédiatre suisse Beat Richner a ouvert cinq hôpitaux pour les enfants au Cambodge, structures hypermodernes et entièrement gratuites. Lorsqu’il ne pratique pas, le médecin quête inlassablement des fonds pour faire tourner son entreprise humanitaire. Il devient Beatocello, violoncelliste et apôtre de la générosité.
En présence du réalisateur.
TOUCHER LE CIEL
Canada (Québec) – 2012 – 90mn – VOSTF
Réalisateur : Adrian Wills
Toucher le ciel est un film documentaire destiné à tous ceux qui ont un jour rêvé de voyager dans l’espace. Pas à pas, nous suivons le fondateur du Cirque du Soleil, Guy Laliberté, sur la route qui le mènera à la station spatiale internationale, jusqu’à son retour – brutal – sur terre. À travers ses confidences, nous entrons dans la tête de l’apprenti cosmonaute, tantôt serein et confiant, tantôt dépassé par les événements, investi de sa mission poétique. Voilà un artiste lancé dans l’espace, avec ses doutes, ses espoirs, mais aussi son émerveillement absolu. et un poème à livrer.
En présence du réalisateur.
Les événements
Ouverture du festival
LA FLEUR DE L’ÂGE
France – 2012 – 83mn
Réalisateur : Nick Quinn
Avec : Pierre Arditi, Julie Ferrier,
Jean-Pierre Marielle
Gaspard Dassonville a 63 ans. Son style de vie en a la moitié : producteur de télévision réputé, il accumule les compagnes trentenaires et s’obstine à ignorer tout signe de vieillissement. Mais le grand âge lui tombe dessus avec fracas : Gaspard est contraint d’accueillir chez lui son père Hubert, devenu dépendant. Le duo se transforme en trio avec l’arrivée de Zana, aidesoignante aux références douteuses et à l’imagination débridée. Fascinés chacun à sa manière par cette femme peu conventionnelle, père et fils s’affrontent et se découvrent.
En présence de l’équipe du film.
Film de clôture
MUD – SUR LES RIVES DU MISSISSIPPI
USA – 2012 – 130mn – VOSTF
Réalisateur : Jeff Nichols
Avec : Matthew McConaughey, Reese Witherspoon, Sam Shepard
Ellis et neckbone, 14 ans, découvrent lors de l’une de leurs escapades quotidiennes, un homme réfugié sur une île au milieu du Mississippi. C’est Mud : une dent en moins, un serpent tatoué sur le bras, un flingue et une chemise porte-bonheur. Mud, c’est aussi un homme qui croit en l’amour, une croyanceà laquelle ellis a désespérément besoin de se raccrocher pour tenter d’oublier les tensions entre ses parents.
Très vite, Mud met les deux adolescents à contribution pour réparer un bateau pour quitter l’île. Difficile cependant pour les garçons de déceler le vrai du faux dans les paroles de Mud. a-t-il vraiment tué un homme, est-il poursuivi par la justice, par des chasseurs de prime ? et qui est donc cette fille mystérieuse qui vient de débarquer dans leur petite ville de l’arkansas ?
Festival de Cannes 2012 – Sélection officielle compétition.
Film jeune public
LES MALHEURS DE SOPHIE
France – 1981 – 90mn
à partir de 8 ans
Adapté du roman Les Malheurs de Sophie, écrit par la Comtesse de Ségur (1858).
Réalisateur : Jean-Claude Brialy
Avec : Paprika Bommenel, Frédéric Mestre, Carine Richard, Sandra Gula,
858. Les aventures de Sophie, une fillette de 6 ans qui vit avec sa mère, Madame de Réan, dans un vaste château. Sophie, curieuse et aventureuse, commet bêtise sur bêtise avec la complicité de son cousin Paul qui lui rend visite pour les vacances. elle a pour amies Camille et Madeleine de Fleurville, des « petites filles modèles » qu’elle peine à imiter, ce qui lui vaut les remontrances de sa mère.
RED DOG
Australie – 2011 – 92mn – Comédie
Version française
à partir de 8 ans
Réalisateur : Kriv Stenders
Avec : Josh Lucas, Rachael Taylor, Noah Taylor, Keisha Castle-Hughes, Luke Ford
Basé sur une histoire vraie, le film relate le voyage d’un chien roux qui a parcouru des milliers de kilomètres à travers l’australie jusqu’à ce qu’il retrouve son maître!
Hors compétition
ALEXANDRE LE BIENHEUREUX
D’Yves Robert
LA DÉLICATESSE
De David et Stéphane Foenkinos
Le Président d’honneur de l’édition 2013 : Jean-Jacques Beineix
Les Membres du jury
Hugo Gélin, président – Mélanie Bernier – David Foenkinos – Camélia Jordana – Baptiste Lecaplain
Le jury remettra :
- Le Prix du Meilleur film – Le prix de la Meilleure actrice – Le prix du Meilleur acteur – Les festivaliers voteront pour le Prix du public et le Prix du meilleur documentaire
Billetterie – A partir du 15 avril Au cinéma Pathé Boulogne et à l’Office du tourisme Tarif unique : 3€ – Pass au tarif de 15€ et 10€ au tarif réduit.
CRITIQUE DE « COMME DES FRERES » D’HUGO GELIN
Nombreuses sont les comédies françaises à être sorties depuis le début de l’année (sans doute le reflet d’une frilosité des producteurs se disant qu’en période de crise, le public est friand de ce genre) et rares sont malheureusement celles à se démarquer et surtout à être autre chose qu’une suite de sketchs (certes parfois très drôles), sans véritable scénario ni mise en scène. Je vous parle d’ailleurs rarement de comédies ici mais je tenais à le faire pour celle-ci pour différentes raisons…
« Comme des frères », c’est l’histoire de trois hommes de trois générations différentes, Boris (François-Xavier Demaison), Elie (Nicolas Duvauchelle) et Maxime (Pierre Niney) qui, a priori, n’ont rien en commun, rien si ce n’est Charlie (Mélanie Thierry), à qui ils étaient tous liés par un sentiment fort et singulier, et qui vient de mourir. Comme elle le leur avait demandé, ils décident de faire ensemble ce dernier voyage qu’elle aurait voulu faire avec eux, direction la Corse et la maison que Charlie aimait tant. 900kms ensemble avec, pour point commun, l’ombre de la lumineuse Charlie, leur chagrin…un voyage après lequel plus rien ne sera tout à fait pareil.
Dès le début de ce film se dégage un charme inexplicable (pléonasme, non ?) qui vous accroche et attache aux protagonistes pour ne plus vous lâcher… Les frères Dardenne (dans un genre de film certes radicalement différent) répètent souvent que ce sont les personnages qui comptent avant les idées et, si la plupart des comédies se contentent d’une bonne idée et d’un bon pitch, négligeant leurs personnages, ici, dans l’écriture du scénario, Hérvé Mimran ( coauteur/coréalisateur d’une autre comédie très réussie qui d’ailleurs présentait aussi cette qualité: « Tout ce qui brille »), Hugo Gélin et Romain Protat, se sont d’abord attelés à construire des personnages forts et particulièrement attachants : le jeune homme lunaire de 20 ans, le trentenaire scénariste noctambule, et l’homme d’affaires, quadragénaire et seul. Trois personnages qui, tous, dissimulent une blessure.
Le chagrin et la personne qui les réunissent annihilent la différence d’âge même si elle est prétexte à un gag récurrent (et très drôle) sur les goûts parfois surannés du personnage de François-Xavier Demaison qui apporte toute sa bonhomie mélancolique et attendrissante et la justesse de son jeu à cet homme qui n’arrive pas -plus- à aimer depuis Charlie. L’autre bonne idée est en effet le casting : outre François-Xavier Demaison, Nicolas Duvauchelle est également parfait, et surtout Pierre Niney ( pensionnaire de la comédie française depuis 2010), découvert au Festival du Film de Cabourg 2011 (où il a cette année reçu le prix de la révélation masculine) dans le très beau premier long-métrage de Frédéric Louf « J’aime regarder les filles » dans lequel il incarnait un personnage d’une maladroite élégance, à la fois léger et grave, immature et obstiné, autodestructeur et volontaire, audacieux et inconscient. Ici il est lunaire, burlesque même, immature (mais finalement pas tant que ça), attachant, et cache lui aussi derrière sa maladresse, une blessure. Pas étonnant que les propositions pleuvent après sa nomination aux César 2012 pour cet acteur par ailleurs humble et sympathique, ce qui ne gâche rien…
Si je vous parle du film de Frédéric Louf, c’est qu’il présente un autre point commun avec le film d’Hugo Gélin : cette vitalité si chère à Truffaut (« Le cinéma c’est la vitalité » disait-il) qui parcourt tout le film. Une vitalité, un sentiment d’urgence, une conscience du dérisoire de l’existence, de sa beauté mélancolique aussi, et de la tendre ironie qu’inspirent souvent les drames de l’existence, qui changent à jamais le regard sur celle-ci, et que ce film parvient magnifiquement à retranscrire.
Hugo Gélin ne recourt jamais au pathos, l’écueil dans lequel il aurait été si facile de tomber avec un tel sujet, mais montre au contraire qu’une révoltante et cruelle injustice de l’existence, peut donner une autre saveur à celle-ci , le goût de l’essentiel et qu’elle peut avoir la capacité de (re)créer des liens, ici quasiment fraternels. Plutôt que de nous montrer Charlie malade et agonisante, il nous la montre telle que la voyaient ses trois amis, radieuse, viscéralement vivante et lumineuse, par une série de flashbacks judicieusement amenés qui retracent le lien si particulier que chacun d’entre eux entretenait avec elle mais aussi la manière dont le quatuor devenu trio s’est construit avec, notamment, la très belle scène chaplinesque sur leur première rencontre, intelligemment placée au dénouement.
Le scénario (qui a le mérité d’être original, de n’être pas l’adaptation d’une BD ou d’un livre, ou la transposition de sketchs d’humoristes désireux de passer derrière et/ou devant la caméra comme c’est très-trop-souvent le cas), sensible, qui nous révèle les liens entre les personnages par petites touches et alterne intelligemment entre rires et larmes, est aussi servi par des dialogues savoureux. Tant pis si certains aspects sont peut-être plus prévisibles comme le prénom donné au bébé de l’un d’entre eux, cela fait aussi partie des codes de ce genre de film.
De ces trois (quatre)-là, vraiment irrésistibles, émane une belle complicité, une alchimie même, à cause de laquelle ou plutôt grâce à laquelle nous les laissons avec regrets nous frustrant presque de n’en savoir pas plus… Un quatuor qui m’a parfois rappelé celui de « Père et fils » de Michel Boujenah qui mettait ainsi en scène un père et ses trois fils. Le tout est servi par une belle photographie signée Nicolas Massart ( avec des plans que certains cyniques jugeront sans doute clichés, comme ce plan de soleil, reflet d’un nouveau jour et de l’espoir qui se lèvent), un film d’une gravité légère à la fois tendre et drôle, pudique et espiègle: en tout cas, charmant et qui prouve qu’une comédie peut sonner juste et actuelle sans recourir systématiquement au trash ou au cynisme.
Ajoutez à ce casting impeccable, ce scénario et ces dialogues réjouissants, cette photographie lumineuse, la musique ensorcelante du groupe Revolver (quelle bonne idée d’ailleurs! J’en profite pour vous signaler qu’ils seront à l’Olympia le 25 octobre prochain !) et vous obtiendrez ce road movie attachant et la comédie tendrement mélancolique de l’année qui, comme chez Claude Sautet, célèbre l’amitié, qu’elle soit amoureuse ou plus fraternelle et vous fait furieusement aimer la vie. Alors, n’attendez plus, allez voir sans hésiter Boris, Elie, Maxime et les autres!
« Comme des frères » vient d’être récompensé aux festivals de cinéma de La Réunion et de Sarlat et Pierre Niney fait partie des révélations pour le César du meilleur espoir masculin 2013.
CRITIQUE DE « LA DELICATESSE » DE DAVID EET STEPHANE FOENKINOS
Il y a deux ans, dans le cadre du jury des lectrices de Elle dont je faisais partie, je découvrais « La Délicatesse », le roman de David Foenkinos en lice pour le prix et dont le film éponyme est l’adaptation signée par ce dernier et Stéphane Foenkinos. Je découvrais aussi l’écriture fantaisiste, précise et délicate de David Foenkinos (oui, je l’avoue, il m’a fallu attendre son 8ème roman pour cela) après avoir remarqué la présence joliment discrète de l’auteur quand d’autres se mettaient en avant avec une ridicule et présomptueuse ostentation, lors d’un débat dans le cadre de feu Forum International Cinéma et Littérature de Monaco. Bien qu’ayant obtenu dix prix littéraires, « La Délicatesse » (à mon grand regret) n’avait pas reçu celui des lectrices de Elle…mais cela ne l’a pas empêché d’en vendre 700000 exemplaires et d’être traduit dans 21 pays…et c’est particulièrement rassurant. Rassurant de voir que pour cela il n’aura fallu ni faire voyager le lecteur dans le temps, ni lui raconter des histoires rocambolesques improbables, ni faire preuve d’un cynisme vengeur et racoleur, ni recourir à un style même pas digne d’un scénario avec deux phrases par page (vous voyez à qui je songe ?). Un livre dont l’auteur ose l’intituler « La Délicatesse » dans une société (pas seulement littéraire) souvent brutale qui prône et glorifie plutôt le cynisme, cela force déjà le respect. A l’encontre d’une société qui veut qu’une pensée se résume à 140 caractères d’exagération ou de mauvaise foi (ah, twitter, mon amour…), ou qu’une personne soit appréhendée et jugée en quelques secondes, le temps d’un regard scrutateur et sentencieux.
« C’est l’histoire d’une femme qui va être surprise par un homme. Réellement surprise ». Ainsi était résumé ce roman. C’est l’inverse aussi. L’histoire d’un homme qui va être surpris par une femme. Réellement surpris. Et c’est surtout l’histoire de Nathalie (Audrey Tautou), une jeune femme qui a tout pour être heureuse, jeune, belle, insouciante, amoureuse de François (Pio Marmaï) qui avait décidé de la séduire parce qu’elle avait choisi un jus d’abricot, ou à peu près. Ils se marièrent et n’eurent pas le temps d’avoir beaucoup d’enfants car François décède brutalement. Tout pourrait s’arrêter là. D’ailleurs, pour elle le temps s’est arrêté, le jour où la lecture de son livre a été interrompue par la mort de François, mais après le deuil va venir le temps de la renaissance, là où et comme on ne l’attendait pas : un jour, sans raison, un peu perdue dans ses rêveries, elle embrasse un de ses collègues, l’insignifiant Markus (François Damiens)…enfin a priori insignifiant. Va alors naitre l’idée de ce couple improbable…
Pas facile de transcrire à l’écran ce qui faisait en partie le charme du roman : l’écriture sensible, à la fois pudique et sensuelle, de David Foenkinos, une écriture émaillée d’une réjouissante fantaisie (aphorismes, digressions aussi savoureuses que décalées) qui faisait de ce roman une passionnante histoire autant qu’une aventure ludique pour le lecteur que Foenkinos, avec, décidément, une délicatesse quasiment amoureuse, n’oubliait jamais, ce qui n’est finalement pas si courant…
« La Délicatesse » est un film à l’image de son personnage principal : d’apparence simple, discret, grave et triste, il se révèle gai, d’une lucidité joyeuse, tendre, et il vous charme d’une manière totalement inexplicable. Le charme des rencontres impromptues, improbables, inattendues. Les plus belles. Et ce n’était pas gagné d’avance. Il faut voir la première apparition de face de Markus, au bout de trente minutes de film (on aperçoit son dos et ses mains lors d’une réunion auparavant mais son visage reste invisible, insignifiant) avec son physique peu évident, son allure débraillée, son assurance hasardeuse. Le jeu du comédien est tel, remarquable François Damiens qui se glisse dans la peau du personnage avec une apparente facilité déconcertante (aidé par la réalisation), que le spectateur finit (presque) par le trouver séduisant, par être charmé à son tour, et en tout cas par comprendre le charme qu’il opère sur Nathalie. Il apparaît comme un personnage aussi lunaire que solaire, grâce à une photographie bienveillante, qui auréole la deuxième partie du film d’une douceur rassurante (très belle photographie de Rémy Chevrin) mais aussi grâce à la douce et énergique bo d’Emilie Simon.
C’est sans doute cela la délicatesse : une sensation indicible, des petits gestes qui vous vont droit au cœur, une empathie du personnage qui emporte celle du spectateur et qui m’a totalement charmée. Par sa fantaisie (celle du roman qui se retrouve par petites touches). Par son mélange subtil de gravité et légèreté. Par sa manière d’appréhender le deuil et de célébrer le retour à l’espoir, à la vie.
Dommage peut-être que Markus ne parle pas davantage puisque dans le roman, le charme opérait surtout par la parole. Il n’empêche que ce film est d’une douceur aussi simple que renversante. Audrey Tautou est l’actrice idéale pour incarner Nathalie. A la fois fragile et décidée, entre détermination énergique et une grâce enfantine qui me fait toujours penser à Audrey Hepburn. Une actrice trop rare qui jongle habilement entre le drame et la comédie, à l’image du film qui mêle subtilement les deux genres.
Un bel hymne à la différence. Un film qui rend hommage aux anonymes, héros du quotidien, ces « émotifs anonymes » (on retrouve d’ailleurs une sensibilité commune avec celle de Jean-Pierre Améris), ces êtres vulnérables qui se découvrent plus qu’ils ne se remarquent mais qui n’en sont que plus intéressants. Avec le même sens de la précision et de l’humour décalé (ah, les joies de la Suède et du 114), avec ces mêmes accents truffaldiens, David et Stéphane Foenkinos réussissent non pas à transposer mais à retranscrire le style enchanteur du roman, son romantisme décalé et dénué de mièvrerie.
Un délicieux film d’une gravité légère à déguster sans modération, l’histoire d’une renaissance lumineuse qui fera du bien tous ceux qui ont été touchés par le deuil, à tous ceux qui ne croient plus à la beauté foudroyante des hasards et coïncidences et des rencontres singulières, qui ne croit plus que le bonheur réside là où on ne l’attend pas. Voilà ce film m’a totalement charmée, aussi rare (et précieux) que la délicatesse qu’il met en scène, avec le même charme progressif et non moins ravageur.
En attendant le programme du Festival de Cannes 2013 dont je vous rappelle que vous pourrez le suivre en intégralité sur mes sites http://inthemoodforfilmfestivals.com et http://inthemoodforcannes.com je vous propose un petit flash back sur le film de ce dernier qui avait reçu le prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2006: "Babel", un de mes plus grands chocs cinématographiques cannois et, pour moi, un chef d'oeuvre. Le film sera projeté ce soir à 20H45 sur Ciné+ Emotion. Voici la critique que j'avais alors publiée:
En plein désert marocain, des enfants jouent avec un fusil que leur père vient d’acheter. Un coup de feu retentit et blesse une touriste américaine dans un bus qui passait sur la route, en contrebas. Les destins de cette femme (Cate Blanchett) et de son mari (Brad Pitt) dont le couple battait de l’aile, les destins des deux enfants responsables du coup de feu, le destin de la nourrice mexicaine des enfants du couple d’Américains, le destin d’une jeune Japonaise, en l’occurrence la fille de l’homme qui a donné le fusil à un Marocain qui l’a revendu au père des deux enfants : ces destins vont tous avoir une influence les uns sur les autres, des destins socialement et géographiquement si éloignés, mais si proches dans l’isolement et dans la douleur.
Rares sont les films que je retourne voir, mais pour Babel vu au Festival de Cannes 2006 où il a obtenu le prix de la mise en scène et celui du jury œcuménique, c’était une vraie nécessité parce que Babel c’est plus qu’un film : une expérience. Ce film choral qui clôt le triptyque du cinéaste après Amours chiennes et 21 grammes fait partie de ces films après lesquels toute parole devient inutile et impossible, de ces films qui expriment tant dans un silence, dans un geste, qu’aucune parole ne pourrait mieux les résumer. De ces films qui vous hypnotisent et vous réveillent. De ces films qui vous aveuglent et vous éclairent. Donc le même choc, la même claque, le même bouleversement, quelques mois après, l’effervescence, la déraison et les excès cannois en moins. Malgré cela.
Si la construction n’avait été qu’un vain exercice de style, qu’un prétexte à une démonstration stylistique ostentatoire, l’exercice aurait été alors particulièrement agaçant mais son intérêt provient justement du fait que cette construction ciselée illustre le propos du cinéaste, qu’elle traduit les vies fragmentées, l’incommunicabilité universelle.
Le montage ne cherche pas à surprendre mais à appuyer le propos, à refléter un monde chaotique, brusque et impatient, des vies désorientées, des destins morcelés. En résulte un film riche, puissant où le spectateur est tenu en haleine du début à la fin, retenant son souffle, un souffle coupé par le basculement probable, soudain, du sublime dans la violence. Du sublime d’une danse à la violence d’un coup de feu. Du sublime d’une main sur une autre, de la blancheur d’un visage à la violence d’une balle perdue et d’une blessure rouge sang. Du sublime du silence et du calme à la violence du basculement dans le bruit, dans la fureur, dans la déraison.
Un film qui nous emmène sur trois continents sans jamais que notre attention ne soit relâchée, qui nous confronte à l’égoïsme, à notre égoïsme, qui nous jette notre aveuglement et notre surdité en pleine figure, ces figures et ces visages qu’il scrute et sublime d’ailleurs, qui nous jette notre indolence en pleine figure, aussi. Un instantané troublant et désorientant de notre époque troublée et désorientée. La scène de la discothèque est ainsi une des plus significatives, qui participe de cette expérience. La jeune Japonaise sourde et muette est aveuglée. Elle noie son désarroi dans ces lumières scintillantes, fascinantes et angoissantes. Des lumières aveuglantes: le paradoxe du monde, encore. Lumières qui nous englobent. Soudain aveuglés et sourds au monde qui nous entoure nous aussi.
Le point de départ du film est donc le retentissement d'un coup de feu au Maroc, coup de feu déclenchant une série d'évènements qui ont des conséquences désastreuses ou salvatrices, selon les protagonistes impliqués. Peu à peu le puzzle se reconstitue brillamment, certaines vies se reconstruisent, d’autres sont détruites à jamais.
Jamais il n’a été aussi matériellement facile de communiquer. Jamais la communication n’a été aussi compliquée, Jamais nous n’avons reçu autant d’informations et avons si mal su les décrypter. Jamais un film ne l’a aussi bien traduit. Chaque minute du film illustre cette incompréhension, parfois par un simple arrière plan, par une simple image qui se glisse dans une autre, par un regard qui répond à un autre, par une danse qui en rappelle une autre, du Japon au Mexique, l’une éloignant et l’autre rapprochant.
Virtuosité des raccords aussi : un silence de la Japonaise muette qui répond à un cri de douleur de l’américaine, un ballon de volley qui rappelle une balle de fusil. Un monde qui se fait écho, qui crie, qui vocifère sa peur et sa violence et sa fébrilité, qui appelle à l’aide et qui ne s’entend pas comme la Japonaise n’entend plus, comme nous n’entendons plus à force que notre écoute soit tellement sollicitée, comme nous ne voyons plus à force que tant d’images nous soit transmises, sur un mode analogue, alors qu’elles sont si différentes. Des douleurs, des sons, des solitudes qui se font écho, d’un continent à l’autre, d’une vie à l’autre. Et les cordes de cette guitare qui résonnent comme un cri de douleur et de solitude.
Véritable film gigogne, Babel nous montre un monde paranoïaque, paradoxalement plus ouvert sur l’extérieur fictivement si accessible et finalement plus égocentrique que jamais, monde paradoxalement mondialisé et individualiste. Le montage traduit magistralement cette angoisse, ces tremblements convulsifs d’un monde qui étouffe et balbutie, qui n’a jamais eu autant de moyens de s’exprimer et pour qui les mots deviennent vains. D’ailleurs chaque histoire s’achève par des gestes, des corps enlacés, touchés, touchés enfin. Touchés comme nous le sommes. Les mots n’ont plus aucun sens, les mots de ces langues différentes. Selon la Bible, Babel fut ainsi une célèbre tour construite par une humanité unie pour atteindre le paradis. Cette entreprise provoqua la colère de Dieu, qui pour les séparer, fit parler à chacun des hommes impliqués une langue différente, mettant ainsi fin au projet et répandant sur la Terre un peuple désorienté et incapable de communiquer.
C’est aussi un film de contrastes. Contrastes entre douleur et grâce, ou plutôt la grâce puis si subitement la douleur, puis la grâce à nouveau, parfois. Un coup de feu retentit et tout bascule. Le coup de feu du début ou celui en pleine liesse du mariage. Grâce si éphémère, si fragile, comme celle de l’innocence de ces enfants qu’ils soient japonais, américains, marocains, ou mexicains. Contrastes entre le rouge des vêtements de la femme mexicaine et les couleurs ocres du désert. Contrastes entres les lignes verticales de Tokyo et l’horizontalité du désert. Contrastes entre un jeu d’enfants et ses conséquences dramatiques. Contraste entre le corps dénudé et la ville habillée de lumière. Contraste entre le désert et la ville. Contrastes de la solitude dans le désert et de la foule de Tokyo. Contrastes de la foule et de la solitude dans la foule. Contrastes entre « toutes les télévisions [qui] en parlent » et ces cris qui s’évanouissent dans le désert. Contrastes d’un côté et de l’autre de la frontière. Contrastes d’un monde qui s’ouvre à la communication et se ferme à l’autre. Contrastes d’un monde surinformé mais incompréhensible, contrastes d’un monde qui voit sans regarder, qui interprète sans savoir ou comment, par le prisme du regard d’un monde apeuré, un jeu d’enfants devient l’acte terroriste de fondamentalistes ou comment ils estiment savoir de là-bas ce qu’ils ne comprennent pas ici.
Mais toutes ces dissociations et ces contrastes ne sont finalement là que pour mieux rapprocher. Contrastes de ces hommes qui parlent des langues différentes mais se comprennent d’un geste, d’une photo échangée (même si un billet méprisant, méprisable les séparera, à nouveau). Contrastes de ces êtres soudainement plongés dans la solitude qui leur permet finalement de se retrouver. Mais surtout, surtout, malgré les langues : la même violence, la même solitude, la même incommunicabilité, la même fébrilité, le même rouge et la même blancheur, la même magnificence et menace de la nuit au-dessus des villes, la même innocence meurtrie, le même sentiment d’oppression dans la foule et dans le désert.
Loin d’être une démonstration stylistique, malgré sa virtuosité scénaristique et de mise en scène Babel est donc un édifice magistral tout entier au service d’un propos qui parvient à nous transmettre l’émotion que ses personnages réapprennent. Notons que malgré la pluralité de lieux, de langues, d'acteurs (professionnels mais souvent aussi non professionnels), par le talent de son metteur en scène, Babel ne perd jamais sa cohérence qui surgit, flagrante, bouleversante, évidente, au dénouement.
La mise en scène est volontairement déstructurée pour refléter ce monde qu'il met en scène, un monde qui s'égare, et qui, au moindre geste , à la moindre seconde, au moindre soupçon, peut basculer dans la violence irraisonnée, un monde qui n'a jamais communiqué aussi vite et mal, un monde que l'on prend en pleine face, fascinés et horrifiés à la fois, un monde brillamment ausculté, décrit, par des cris et des silences aussi ; un monde qui nous aveugle, nous assourdit, un monde de différences si semblables, un monde d’après 11 septembre.
Babel est un film douloureux et clairvoyant, intense, empreint de la fébrilité du monde qu’il parcourt et dépeint de sa lumière blafarde puis rougeoyante puis nocturne. Un film magnifique et éprouvant dont la mise en scène vertigineuse nous emporte dans sa frénésie d’images, de sons, de violences, de jugements hâtifs, et nous laisse avec ses silences, dans le silence d’un monde si bruyant. Le silence après le bruit, malgré le bruit, le silence de l’harmonie retrouvée, l’harmonie éphémère car il suffirait qu’un coup de feu retentisse pour que tout bascule, à nouveau. La beauté et la douleur pareillement indicibles. Babel, tour de beauté et de douleur. Le silence avant les applaudissements, retentissants, mérités. Si le propre de l’Art c’est de refléter son époque et de l’éclairer, aussi sombre soit-elle, alors Babel est un chef d’œuvre. Une expérience dont on ne peut ressortir indemne ! Mais silencieux, forcément.
Il semblerait que François Ozon ait adopté le rythme woodyallenien d’un film par an, signant ainsi avec « Potiche » son douzième long-métrage en douze ans, en passant par des films aussi divers et marquants que « Sitcom », « Swimming pool », « Sous le sable », « Huit femmes »… mais avec toujours la même exigence et toujours un casting de choix (en bas de cet article, en bonus, la critique de son dernier film "Dans la maison").
Ainsi, dans « Potiche » c’est Catherine Deneuve (que François Ozon retrouve ici 8 ans après « Huit femmes ») qui incarne Suzanne Pujol, épouse soumise de Robert Pujol (Fabrice Luchini) que sa propre fille Joëlle (Judith Godrèche) qualifie avec une cruelle naïveté de «potiche ». Nous sommes en 1977, en province, et Robert Pujol est un patron d’une usine de parapluies irascible et autoritaire aussi bien avec ses ouvriers qu’avec sa femme et ses enfants. A la suite d’une grève et d’une séquestration par ses employés, Robert a un malaise qui l’oblige à faire une cure de repos et s’éloigner de l’usine. Pendant son absence, il faut bien que quelqu’un le remplace. Suzanne est la dernière à laquelle chacun pense pour remplir ce rôle et pourtant elle va s’acquitter de sa tâche avec beaucoup de brio, secondée par sa fille Joëlle et par son fils Laurent (Jérémie Rénier)…
Difficile d’imaginer une autre actrice que Catherine Deneuve dans ce rôle (autrefois tenu par une actrice qui ne lui ressemble guère, Jacqueline Maillan, dans la pièce de Barillet et Grédy dont le film est l’adaptation) tant elle y est successivement et parfois en même temps : lumineuse, maligne, snob, touchante, malicieuse, drôle, tendre, naïve, naïvement féroce …et tant ce film semble être une véritable déclaration d’amour à l’actrice. Qu’elle chante « Emmène-moi danser ce soir », qu’elle esquisse quelques pas de danse avec Depardieu ou qu’elle fasse son jogging avec bigoudis, jogging à trois bandes, en parlant aux animaux (et à une nature, prémonitoire, elle aussi moins naïve qu'il n'y paraît) et écrivant des poèmes naïfs ou qu’elle se transforme en leader politique, chacune de ses apparitions (c’est-à-dire une grosse majorité du film) est réellement réjouissante. Depuis que je l’avais vue, ici, lors d’une inoubliable rencontre à sciences-po ou lors de sa leçon de cinéma, tout aussi inoubliable, dans le cadre du Festival de Cannes 2005 (dont vous pouvez retrouver mon récit, ici), j’ai compris aussi à quel point elle était aussi dans la « vraie vie » touchante et humble en plus d’être talentueuse et à quel point sa popularité était méritée. Et puis, je n’oublierai jamais non plus son regard dans la dernière scène de cet autre film, d’une bouleversante intensité à l’image du film en question.
Ici, lorsqu’elle se retrouve avec Babin-Depardieu, c’est toute la mythologie du cinéma que François Ozon, fervent cinéphile, semble convoquer, six ans après leur dernier film commun « Les temps qui changent » de Téchiné et trente ans après le couple inoubliable qu’ils formèrent dans « Le Dernier métro » de Truffaut. Emane de leur couple improbable (Depardieu interprète un député-maire communiste) une tendre nostalgie qui nous rappelle aussi celui, qui l’était tout autant, de « Drôle d’endroit pour une rencontre » de François Dupeyron. Et les parapluies multicolores ne sont évidemment pas sans nous rappeler ceux de Demy dont l’actrice est indissociable.
Si le film est empreint d’une douce nostalgie, et ancré dans les années 1970 et une période d’émancipation féminine, Ozon s’amuse et nous amuse avec ses multiples références à l’actualité et les couleurs d’apparence acidulées se révèlent beaucoup plus acides, pour notre plus grand plaisir. D’un Maurice Babin dont l’ inénarrable inspiration capillaire vient de Bernard Thibault, à un Pujol aux citations sarkozystes en passant par une Suzanne qui s’émancipe et prend le pouvoir telle une Ségolène dans l’ombre de son compagnon qui finit par lui prendre la lumière sans oublier les grèves et les séquestrations de chefs d’entreprise, les années 70 ne deviennent qu’un prétexte pour croquer notre époque avec beaucoup d’ironie. Acide aussi parce qu’une fois de plus il n’épargne pas les faux-semblants bourgeois derrière le vaudeville d’apparence innocente.
Si Catherine Deneuve EST le film, il ne faudrait pas non plus oublier Fabrice Luchini en patron imbuvable, Judith Godrèche en fille réactionnaire aux allures de Farrah Fawcett, Jérémie Rénier en fils à la sexualité incertaine aux allures de Claude François et Karin Viard irrésistible en secrétaire s’émancipant peu à peu du joug de son patron. Les costumes, sont aussi des acteurs à part entière, et en disent parfois plus longs que des discours et montrent à quel point Ozon ne laisse rien au hasard.
Un film à la fois drôle et tendre, nostalgique et caustique dont on ressort avec l’envie de chanter, comme Ferrat et Suzanne, « C’est beau la vie »…malgré un scénario parfois irrégulier et quelques ralentissements que nous fait vite oublier cette savoureuse distribution au premier rang de laquelle Catherine Deneuve plus pétillante, séduisante et audacieuse que jamais .
Critique de "Dans la maison" de François Ozon
Comme je le fais avec certains de ses ainés (Resnais, Téchiné…) du cinéma français, je m’efforce (très doux effort, d’ailleurs) de ne manquer aucun film de François Ozon, promesse toujours d’une promenade dans les méandres de son imagination fertile servie, toujours aussi, par une réalisation maligne, complice ou traitre, qui nous conduit dans les secrets, souvent enfouis ou inavoués, de l’intérieur…des âmes et/ou des habitations. Et justement, ce nouveau long-métrage librement adapté de la pièce espagnole de Juan Mayorga intitulée « Le Garçon du dernier rang » s’intitule « Dans la maison ».
Cette maison, c’est celle dans laquelle s’immisce un garçon de 16 ans, Claude (Ernst Umhauer), celle d’un élève de sa classe, Rapha(ël). C’est ce qu’il commence à raconter à son professeur de français, Germain Germain (incarné par Fabrice Luchini) dans une rédaction, un devoir donné par ce dernier demandant à ses élèves (pardon : ses apprenants) de raconter leur week end. Plus doué que les autres dont les rédactions ne sont qu’une suite de banalités désespérantes, l’élève attire son attention par son intelligence malgré (à cause de ?) son mépris de « l’odeur de la femme de la classe moyenne". La rédaction se termine par « A suivre ». Et des suites, il y en aura beaucoup. Reprenant goût à l’enseignement, Germain le professeur aigri, écrivain raté, continue à donner des cours particuliers et à demander des rédactions à son brillant élève qui dénote parmi ses élèves à uniformes (et uniformisés) et qui continue ainsi à lui raconter et/ou inventer les suites de son aventure et de son intrusion dans la maison. Germain va alors devenir le complice, le manipulateur et la victime de cette brillante rédaction/manipulation à suivre encore et toujours…
« Dans la maison » commence avec Germain, professeur sans histoire(s), dans le hall vide et austère du lycée, à l’image de son existence, un premier plan auquel le dernier très hitchcockien (je ne vous dirai évidemment pas en quoi il consiste), au contraire riche d’histoires, fait brillamment écho. Entre les deux, François Ozon, s’amuse avec les mots, rend hommage à leur prodigieux pouvoir, à leur troublante beauté, nous donne des pistes pour mieux nous en écarter, bref, nous manipule tout comme son élève manipule son professeur par un savant jeu de mise en abyme. Jeu de doubles, de miroirs et de reflets dans la réalisation comme dans les identités : Germain Germain, les deux jumelles (très courte mais irrésistible apparition de Yolande Moreau) et évidemment la plus maligne et féroce d’entre toutes, le spectateur et Germain pareillement manipulés, voyant leur curiosité aiguisée par un autre duo Claude/Ozon.
Et c’est ce qu’est avant tout ce nouveau film de François Ozon : une brillante leçon de manipulation et (donc) surtout d’écriture et de scénario (de ce point de vue comme le prolongement de « Swimming pool » et, dans une moindre mesure, de « Sous le sable »). Tout comme Germain donne un cours d’écriture à Claude en lui parlant de personnages, d’objectifs et de conflits ou encore de ce en quoi consiste une bonne fin (« Quand le spectateur se dit Je ne m’attendais pas à ça et ça ne pouvait pas finir autrement »), Ozon nous en donne une à nous aussi, en ne suivant justement pas ce schéma habituel, pour mieux nous dérouter, manipuler, et maintenir ainsi constamment le suspense, la surprise, voire l’emprise. Nous sommes sa marionnette consentante, dans la même situation que Germain, avides de connaître ce que cache ce « A suivre », Claude étant d’ailleurs, plus qu’un brillant écrivain, surtout très habile pour encourager la fibre voyeuriste de son lecteur (enfin, de ses lecteurs, puisque Germain lit tous ses textes à son épouse). Ce n’est évidemment pas un hasard si Germain et cette dernière vont au cinéma pour voir « Match point » de Woody Allen, la plus brillante des leçons de scénario et manipulation qui soit (critique en bonus à la fin de cet article, avec celle de « Potiche » également de François Ozon).
Et puis, surtout, Ozon s’amuse. Avec les mots, faussement dérisoires ou terriblement troublants et périlleux. Avec les noms propres (Germain Germain). Avec les codes de l’art : son absurdité, parfois (scènes irrésistibles dans la galerie de l’épouse de Germain interprétée par Kristin Scott Thomas) et sa beauté, souvent (« L’art nous éveille à la beauté des choses » ). Cela pourrait devenir un thriller mais Ozon se contente d’une inquiétante normalité qui, d’un instant à l’autre, semble pouvoir dériver vers le drame, toujours latent, retenant ainsi constamment notre attention. Riche de ses influences et références : de Pasolini (« Théorème ») à Hitchcock (« Fenêtre sur cour »), ce nouveau film de François Ozon se situe quelque part entre Chabrol et Polanski mais surtout témoigne de son style bien à lui prouvant, si besoin en était, la vitalité du cinéma français qui compte parmi les meilleurs films de cette année ( dans des genres différents : « J’enrage de son absence », « Une bouteille à la mer », « Vous n’avez encore rien vu », « Les Adieux à la reine », « Comme des frères »… ).
Le jeu trouble des acteurs, les angles changeants de la caméra (souvent trompeurs et doubles, eux aussi) permettent de brouiller les repères et de mêler les genres cinématographiques, les perceptions, la fiction et la réalité, de s’amuser avec ce jeu dangereux et délectable qu’est l’écriture, avec les clichés aussi. Clichés d’une famille qui semble tout droit sortie d’une sitcom avec sa maison à la décoration proprette, le père incarné par un Denis Ménochet moustachu et réjouissant (qui se prénomme Rapha comme le fils, brouillant là aussi d’autres repères) obsédé par la Chine et le basket, le fils totalement insipide, et la mère (Emmanuelle Seigner, parfaite dans ce contre-emploi de femme au foyer) constamment plongée dans ses magazines de décoration, caricatures de la classe moyenne vue par l’esprit arrogant de Claude.
Puis il y a Luchini, plus juste que jamais, cet amoureux des mots, sublimes et périlleux, auxquels Ozon rend si bien hommage, citant justement les auteurs que l’acteur aime tant : La Fontaine, Flaubert, Céline, ou encore Dostoïevski (à qui Woody Allen faisait d’ailleurs largement référence dans « Match point ») qui transpose « des êtres pathétiques, nuls, en personnages inoubliables ». Je vous reparlerai de Luchini et de l’amour des mots demain avec mon compte-rendu de la Master class de Jean-Laurent Cochet, le maître de l’acteur qui continue d’ailleurs de le citer régulièrement.
Un film brillant et ludique, un labyrinthe (avec et sans minotaure) joyeusement immoral, drôle et cruel, une comédie grinçante et un jeu délicieusement pervers, qui ne pourra que plaire aux amoureux de la littérature et de l’écriture qui sortiront de la salle heureux de voir que, toujours, le cinéma et l’écriture illuminent (ou, certes, dramatisent) l’existence et, en tout cas, sortent vainqueur, et peut-être sortiront-ils aussi en ressassant cette phrase : « Même pieds nus la pluie n’irait pas danser ». A suivre…
Pour sa 5ème édition, le Festival International du Film Policier de Beaune rendra hommage à l’actrice américaine Kathy Bates, en plus de l’hommage rendu à David Lynch, deux nouvelles excellentes raisons de venir au festival cette année! Je vous propose de retrouver , ci-dessous, mes précèdents articles sur la programmation du festival.
Chaque année, je me promets d’y aller, étant une inconditionnelle du cinéma policier (pour l’occasion retrouvez ma critique d’un grand -le plus grand?- classique du cinéma policier, en cliquant ici), ayant eu par ailleurs la chance de profiter du prédecesseur de ce festival, le Festival du Film Policier de Cognac, qui avait déjà un programme particulièrement attractif, et l’ayant par ailleurs découvert dans les circonstances exceptionnelles d’un jury de cinéphiles.
Je n’ ai pas encore eu l’occasion de découvrir le Festival de Beaune mais, à n’en pas douter, le programme de cette année du Festival International du Film Policier de Beaune devrait être particulièrement tentant d’autant qu’on nous annonce déjà que »Après London Polar en 2012, le Festival International du Film Policier de Beaune rend hommage, pour sa cinquième édition, à deux villes emblématiques pour leur influence et leur dimension mythologique au sein du genre policier », Rome et Naples avec une thématique intitulée « Rome – Naples : Boulevard du crime ».
Au programme également de cette édition 2013 qui se déroulera du 3 au 7 Avril 2013:
STOKER le nouveau film de Park Chan-wook sera présenté en avant-première française durant . Bien avant sa sortie prévue en mai 2013, les festivaliers pourront découvrir le nouvel opus du génie du thriller coréen, Grand Prix du Festival de Cannes en 2003 pour OLD BOY et Prix du Jury en 2009 pour THIRST, CECI EST MON SANG. Premier long-métrage hollywoodien pour son auteur, STOKER a bénéficié des talents de la star de la série télévisée PRISON BREAK, Wentworth Miller, qui en signe le scénario. À l’affiche, les comédiennes australiennes Nicole Kidman (dont c’est la première collaboration avec un réalisateur asiatique) et Mia Wasikowska (vue dernièrement dans JANE EYRE de Cary Fukunaga et RESTLESS de Gus Van Sant).
LE PRIX CLAUDE CHABROL
« J’ai pour principe de ne pas trop emmerder les gens et, franchement, avec le polar, il faut vraiment être très mauvais pour les emmerder totalement. »
Claude Chabrol
Créé en 2011 suite à la disparition du réalisateur Claude Chabrol, le Prix Claude Chabrol récompense chaque année un film français sorti dans l’année écoulée dont les qualités cinématographiques font honneur au genre policier, en hommage à celui qui fut le « Président à vie » du Festival du Film Policier de Cognac et naturellement le premier président du Jury du Festival International du Film Policier de Beaune. Lors de la précédente édition du festival, le film PRÉSUMÉ COUPABLE de Vincent Garencq avec Philippe Torreton (qui racontait la tragédie d’Alain Marécaux, accusé à tort dans l’affaire du procès d’Outreau), avait ainsi été récompensé.
Pour cette 5e édition du Festival International du Film Policier de Beaune, le Prix Claude Chabrol 2013 est attribué, ex-aequo, aux films 38 TÉMOINS de Lucas Belvaux et MAINS ARMÉES de Pierre Jolivet. Le Prix Claude Chabrol sera remis le samedi 6 avril à Beaune, en présence des réalisateurs Lucas Belvaux et Pierre Jolivet.
Et, enfin, une vidéo pour vous donner envie de découvrir ce festival et vous faire redécouvrir un des maîtres du genre qui a donné son nom au prix précité:
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site officiel du festival: