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film - Page 65

  • César 2013 : clip de Dominique Issermann des révélations 2013

    Découvrez le clip de 120 secondes, réalisé par Dominique Issermann, diffusé dans plus de quatre cent salles de cinéma en France du 16 au 29 janvier 2013 et qui met en lumière les trente deux jeunes comédiennes et comédiens choisis par le Comité Révélations de l’Académie, dans le cadre du vote pour les César du Meilleur Espoir Féminin et du Meilleur Espoir Masculin,qui seront décernés le vendredi 25 février prochain à l’issue du vote des 4199 membres de l’Académie.

     

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  • Critique – « Zero dark thirty » de Kathryn Bigelow avec Jessica Chastain…

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    En 2009, Kathryn Bigelow remportait l’Oscar du meilleur film avec “Démineurs”. Elle est à nouveau nommée cette année, de retour avec son scénariste/producteur Mark Boal, avec « Zero dark thirty », dans pas moins de 5 catégories et à nouveau dans celle du meilleur film face à Argo, L’Odyssée de Pi, Lincoln, Django unchained. Mérite-t-elle cette récompense ?

    « Zero dark thirty » raconte les dix années de traque qui aboutirent à la mort de Ben Laden et à le découvrir non pas terré dans une grotte inaccessible comme le voulait la rumeur mais vivant confortablement dans une habitation fortifiée de la banlieue d’Abbottābād, au Pakistan, ce qui lui permettait de communiquer efficacement et facilement, et ainsi de transmettre ses ordres. C’est à travers les yeux de Maya (Jessica Chastain), agent de la CIA, que nous suivons cette traque depuis le 11 septembre 2001 jusqu’à Zero dark thirty (qui signifie 0H30 dans le langage militaire), heure à laquelle Ben Laden a été trouvé et tué, dix ans plus tard.

    Reconnaissons au moins à Kathryn Bigelow l’intelligence de n’avoir pas fait de son film une fiction à la gloire des Etats-Unis s’achevant (forcément) par une bannière étoilée flottant insolemment et fièrement et alors que la sortie avait été repoussée les Républicains redoutant que le film ne soit à la gloire de l'administration Obama, à la veille des élections (ce qui est d'ailleurs très loin d'être le cas). Pour le reste, rarement un film m’aura inspiré une telle indifférence,  ce qui est sans doute étonnant au regard de la polémique suscitée par le film (Kathryn Bigelow est accusée de faire l’apologie de la torture puisque celle-ci ici est ouvertement montrée et permet d’obtenir des informations cruciales). Au contraire, j’ai plutôt eu l’impression qu’elle se glorifiait d’oser l’aborder  tout en se justifiant en montrant tout de même que l'agent Dan (Jason Clarke) qui menait ces actes de tortures et y initie en quelque sorte Maya finit par quitter le terrain des opérations pour Washington, subitement las de cette torture qui semblait d’ailleurs à aucun moment auparavant ne lui poser problème. Dans le même temps, elle montre bien que les agents de la CIA sont davantage motivés par leur avancement que la gloire de la patrie et qu’ils sont dotés d’un cynisme redoutable : « Faites votre boulot et amenez moi des gens à tuer » dit ainsi George (Mark Strong), chef des divisions d’antiterrorisme d’Afghanistan et du Pakistan.  Quelle courageuse, cette Kathryn Bigelow.

    Elle revendique par ailleurs de ne pas faire de psychologie, mais de là à créer des personnages aux motivations totalement opaques, il y a un fossé qu’elle a allègrement franchi. Jessica Chastain, sans doute très bonne actrice par ailleurs, a ici deux expressions à son actif (l'abattement et la détermination) et passe de l’une à l’autre de manière complètement incompréhensible et injustifiée.  Son Golden Globe et sa nomination comme meilleure actrice aux Oscars demeurent un mystère pour moi. On ne comprend jamais pourquoi elle s’investit à ce point et encore moins (parait-il en partie pour protéger la personne qui a inspiré le rôle mais alors pourquoi dans ce cas ne pas avoir opté pour de la fiction pure ou au contraire pour le documentaire) pourquoi en un quart de seconde elle semble passer de la terreur devant la torture à la résignation puis à son adoption.  On ne comprend JAMAIS ses motivations, ni son changement de caractère.

    Kathryn Bigelow, elle-même, semble constamment hésiter entre l’œuvre exigeante basée sur des informations réelles, un vrai travail de recherche et les concessions à un film divertissant destiné au plus grand nombre (le film fait d’ailleurs un carton au box office américain).  Preuve en sont ces dernières minutes dans l’habitation de Ben Laden à Abbottabad filmées avec un minimum de lumière par une caméra très sensible, l’Alexa qui, comme Kathryn Bigelow l’a elle-même expliqué, « donne aux images une texture unique qui ne s’apparente ni à du 35 mm ni à du numérique. La netteté n’est pas parfaite, le rendu est un peu grenu, mais avec une large échelle de couleurs qui permet une image dense, saturée et riche". En émane un sentiment de réalisme  et en résulte une scène plutôt réussie dont les effets sont totalement annihilés lorsqu’un des Seals (agents du Raid) appelle « Oussama » pour le faire sortir de sa cachette,  ce qui a d’ailleurs suscité l’hilarité d’une partie de la salle. Le dernier plan, en pleine lumière, qui répond à l’obscurité ( et la noirceur) du début du film nous laisse aussi décontenancés et perdus que celle qui a consacré dix ans de sa vie à un but enfin atteint.

    Ce film ne m’a pas ailleurs rien appris que je ne savais déjà, ne m’a même pas ennuyé, m’a simplement laissé indifférente (ce qui est pire que tout).  Finalement, on ne sait jamais ce que Kathryn Bigelow souhaite dire, dénoncer, montrer et quel est sont point de vue, elle-même paraissant constamment écartelée entre le désir de susciter l’intérêt du plus grand monde et  le souci de véracité, faisant finalement des concessions aux uns et aux autres et aboutissant à cette œuvre tiède et sans personnalité.

    La musique du compositeur français Alexandre Desplat  et le « plaisir » de retrouver le talentueux comédien français Reda Kateb dans le rôle (particulièrement difficile) d’Ammar ne m’auront pas sortie de ma léthargie.

    Vous l’aurez compris : ma préférence va largement à « Django unchained » de Tarantino et plus encore à « Lincoln » de Spielberg pour cet Oscar du meilleur film à côté duquel cette polémique certes biaisée devrait faire passer Kathryn Bigelow, si l’absence de qualités de ce film sans âme et finalement dénué de réel point de vue (d’où la polémique qui fait que chacun a sa propre interprétation, celle que veut donner la réalisatrice/scénariste du film étant particulièrement floue) n’y suffisent pas.

    Sortie en salles : le 23 janvier 2013

     

  • Avant-première - Critique - "Les Misérables" de Tom Hooper avec Hugh Jackman, Russell Crowe, Anne Hathaway, Amanda Seyfried, Eddie Redmayne…

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    « Les Misérables » par Tom Hooper, « Gatsby le magnifique » par Baz Luhrmann, « L’écume des jours » par Michel Gondry : 2013 sera l’année des chefs d’œuvre de la littérature adaptés au cinéma. Si les adaptations foisonnent chaque année, celles-ci présentent la particularité d’être particulièrement attendues, chacune pour des raisons différentes. Pour ce qui concerne « Les Misérables », il s’agira de la 42ème adaptation du roman de Victor Hugo, réalisée cette fois par Tom Hooper (dont le précédent film « Le Discours d’un roi » avait été 12 fois nommé aux Oscars et notamment récompensé de ceux du meilleur film et de meilleur réalisateur) mais aussi l’adaptation de la comédie musicale d'abord mise en scène par Robert Hossein à Paris en 1980,  (re)créée au Barbican Theatre de Londres le 8 octobre 1985 mais qui surtout, 27 ans après sa création londonienne, détient un record de longévité et de popularité inégalés dans le monde entier. Le scénario est signé ici William Nicholson d'après la comédie musicale éponyme précitée de Claude-Michel Schönberg, Alain Boublil et Herbert Kretzmer.

     Une adaptation doit toujours relever d’une symbiose fragile : entre l’interprétation et le point de vue sur une œuvre et la fidélité à l’auteur. Alors, en l’occurrence, est-ce une réussite ? Tom Hooper est-il parvenu à traduire toute la puissance émotionnelle, le discours social, philosophique, romantique des « Misérables » sans trahir l’essence de l’œuvre de Victor Hugo ? Etant toujours inquiète quand un tel chef d’œuvre est adapté au cinéma, et  pas vraiment une inconditionnelle des comédies musicales, c’est avec réticence que je suis allée à la rencontre des ces « Misérables »…

    1815.  Après 19 ans de bagne, le prisonnier 24601, Jean Valjean (Hugh Jackman),  est relâché en liberté conditionnelle par Javert (Russell Crowe) chargé de la main-d’œuvre carcérale. Huit ans plus tard, ayant brisé sa conditionnelle, Jean Valjean est devenu un Maire de village et directeur d’usine respecté. Fantine (Anna Hathaway), une de ses ouvrières,  travaille durement pour que sa fille illégitime,  Cosette, bénéficie d’une éducation décente. Renvoyée pour avoir refusé les avances du contremaitre de l’usine et suite à la révélation de son secret par les autres ouvrières, Fantine doit vendre ses cheveux, ses dents et son corps pour gagner de l’argent et en envoyer à sa fille. C’est parmi les prostituées que Valjean la retrouve et lui promet de sauver Cosette de son destin tragique. Cette dernière se trouve chez les Thénardier (Helena Bonham Carter et Sacha Baron Cohen), deux escrocs tenanciers d’une auberge qui l’exploitent impitoyablement. Valjean va alors l’emmener et la prendre sous sa protection tandis que Javert le poursuit inlassablement…

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    Dans « Le Discours d’un roi », Tom Hooper avait fait le judicieux  choix de l’intime, le monde extérieur et ses rumeurs étant étouffés par l’atmosphère ouatée et non moins redoutable des allées du pouvoir, filmant ce roi à portée d’homme avec ses angoisses et ses failles. Il n’apparaissait alors pas comme le puissant lointain éloigné de nous historiquement et humainement mais comme un homme devant affronter ses faiblesses en lesquelles chacun pouvait se reconnaître, Hooper mettant ainsi l’accent sur la résonance universelle de ces dernières. Et c’est finalement le même parti pris que celui de Tom Hooper pour ces « Misérables ». Tout en n’oubliant jamais le souffle épique de l’œuvre d’Hugo, il met avant tout l’accent sur son universalité et son humanité. La parole (chantée certes) est donc ici aussi, comme dans « Le Discours d’un roi », au centre du film. La détresse, la combattivité, le courage, l’amour proclamés en chansons par les personnages, sont filmés en gros plan, ce qui renforce le caractère d’universalité et d’intemporalité de ce roman de 1862. Quel meilleur moyen pour rendre hommage à l’œuvre d’Hugo ?

     Plutôt que de faire des mouvements de caméra grandiloquents et permanents pour donner une illusion de sens et pour anticiper toute accusation de théâtre filmé comme en abuse par exemple Baz Luhrmann, Tom Hooper a compris que c’était en leurs âmes que se centraient les combats de ses personnages, en plus des combats pour la liberté et l’égalité qui se livrent sur les barricades, ce qui n’empêche d’ailleurs pas certains plans plus larges, d’autant plus magnifiques et significatifs qu’ils sont d’une rareté avisée, parfois d’ un souffle épique d’une beauté ravageuse.

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    Plutôt que de créer des décors strictement réalistes, Tom Hooper avec l’aide notamment de sa chef décoratrice Eve Stewart et du directeur de la photographie Danny Cohen, a auréolé ce réalisme de couleurs grisâtres, d’une théâtralité revendiquée et d’une poésie sombre qui ne sont pas sans rappeler la beauté désenchantée du réalisme poétique des films de Marcel Carné, procurant au film une  vraie «gueule d’atmosphère ». Y évoluent des personnages vêtus de costumes avec des dominantes de bleu, blanc, rouge qui rappellent leur combat mais aussi le célèbre « La Liberté guidant le peuple », le tableau de 1830 d’Eugène Delacroix dont Hugo s’est lui-même inspiré pour l’écriture des « Misérables » et auquel certains plans font explicitement référence.

    Bien sûr, la comédie musicale et donc le film ont pris des libertés avec le roman notamment en oubliant Waterloo (là où aussi Thénardier rencontre le père de Marius), l’évasion des galères, et Gavroche (étonnant Daniel Huttlestone) n’est pas immédiatement identifié comme le fils des Thénardier mais l’essentiel, l’âme, la beauté des personnages, l’humanité, le courage et la force de Valjean sont là et les thématiques de l’œuvre subtilement et magnifiquement mises en exergue.

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    La force épique nous saisit d’ailleurs dès les spectaculaires premières secondes qui nous montrent Jean Valjean au bagne face à un Javert intraitable  mais Hooper n’a pas oublié que, comme l’écrit Hugo, « Les grands dangers sont au dedans de nous». Alors, certes, il met en scène le combat  social et politique (n’oublions pas que Hugo était avant tout un auteur engagé et qu’il fut contraint 20 ans à l’exil), le combat entre Javert et Valjean mais surtout  le combat des âmes et des contradictions humaines. Le combat de Jean Valjean entre le bien et le mal, sa rédemption jusqu'à son abnégation. Le combat de Javert entre le respect obsessionnel de la loi et l’indulgence morale que lui inspirera finalement Valjean, entre le devoir et la morale. Le combat entre la politique et l’amour pour Marius. Le combat des amours contrariées de Fantine ou Eponine.

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    A l’intelligence de la mise en scène, la puissance de la musique (tant pis si certains esprits cyniques et sinistres la trouvent sirupeuse), s’allient des performances d’acteurs impressionnantes avec un Hugh Jackman exceptionnel conciliant qualité du chant et de l’interprétation et devenant un Valjean par exemple très différent de Jean Gabin dans le film de Le Chanois de 1958 ou de Belmondo dans le film de Lelouch de 1995, moins en force physiquement peut-être mais d’une humanité brute et poignante. Je suis plus réservée sur le choix de Helena Bonham Carter et surtout de l’insignifiant Sacha Baron Cohen en Thénardier, lâches, vénaux et égoïstes mais surtout ici habillés et traités comme des personnages clownesques sans doute pour créer une respiration mais ce qui les rend finalement plus ridicules que redoutables, et finalement moins méprisables que dans le roman. Parmi le reste de la distribution, Eddie Redmayne (découvert dans « My week with Marilyn » de Simon Curtis dont il était la révélation) est un excellent Marius passionné, idéaliste et amoureux de la jeune Cosette (lumineuse et naïve Amanda Seyfried).

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     Quelle judicieuse idée en tout cas que d’avoir demandé aux acteurs d’interpréter en direct leurs chansons sur le plateau, cela contrebalance l’aspect artificiel du chant, renouvelle la comédie musicale au cinéma et s’il faut quelques secondes pour s’accoutumer à ce que tout soit chanté et à ce que la musique ne s’interrompe jamais, on oublie rapidement qu’il ne s’agit pas là de dialogues classiques grâce à l’interprétation, la discrétion habile de la caméra qui sait s’envoler quand il le faut, et le texte qui réinterprète Hugo sans le trahir.

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    « Les Misérables » récoltent 8 nominations aux Oscars : meilleur film, meilleur acteur, meilleure actrice dans un second rôle meilleurs décors, meilleurs costumes, meilleurs maquillages et coiffures, meilleur mixage de son, meilleure chanson et il semblerait qu’Anne Hathaway, il est vrai ici Fantine époustouflante et bouleversante notamment dans son interprétation de « I Dreamed a Dream », soit favorite. Après « Django unchained » de Tarantino et « Lincoln » de Spielberg (également nommés, avec 12 nominations pour le second), et maintenant avec ces « Misérables », entre lesquels il me serait bien difficile de choisir (de même qu’il sera difficile de départager Hugh Jackman et Daniel Day-Lewis en Lincoln), quel début d’année cinématographique enthousiasmant, après une année 2012 cinématographiquement médiocre !

    Un film d’une force émotionnelle rare qui a eu l’intelligence de ne jamais sacrifier les fondements de l’œuvre à l’impératif du divertissement et qui rend hommage à l’œuvre d’Hugo, traduisant sans les trahir son intemporalité et son universalité, son caractère à la fois romanesque, réaliste et épique, mais surtout la beauté de ses personnages, les combats auxquels leurs âmes tourmentées et la triste fatalité et leurs rêves brisés les confrontent. J’ai été emportée par cette adaptation à la fois originale et respectueuse de l’essence et l’âme des « Misérables ». Ne manquez pas ce grand et beau spectacle qui, je l’espère, vous donnera envie de relire Hugo et, en attendant sa sortie, allez voir la magnifique adaptation de « L’homme qui rit » par Jean-Pierre Améris, un autre roman de Victor Hugo, certes moins connu mais qui a aussi énormément inspiré le cinéma, une histoire d’amour absolu, idéalisée, universelle traitée comme un enchantement mélancolique et comme un conte funèbre et envoûtant.  

    Sortie en salles : le 13 février 2013

  • Annonce des nominations aux Oscars 2013 en direct

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    C'est à 14H30, aujourd'hui, que seront annoncés les films nommés aux Oscars 2013. Je ne manquerai pas de vous livrer la liste complète ici avec les commentaires... même s'il n'y a guère de doutes quant aux présences dans la liste des nommés de "Lincoln" de Spielberg (dont je vous ai dit tout le bien que j'en pensais hier, ici) et de son prodigieux acteur principal Daniel Day-Lewis, d' "Argo" de Ben Affleck, et d' "Amour" de Michael Haneke. Pour le reste, nous éviterons toute supputation pour attendre sagement les annonces que vous pourrez suivre sur la vidéo ci-dessous, en direct.

    Cliquez sur le lien suivant pour en savoir plus: http://www.oscars.org/ . Retrouvez les nominations commentées cet après-midi sur ce blog et sur http://inthemoodforfilmfestivals.com .

  • Critique - "The social network" de David Fincher, ce soir, à 20H45, sur Ciné + premier

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    Comment rendre cinématographique un sujet qui ne l’est a priori pas ? Telle est la question que je m’étais posée quand, pour la première fois, j’avais entendu parler du sujet de ce film dont j’avoue qu’il m’avait laissée pour le moins sceptique, un scepticisme toutefois amoindri par le nom du cinéaste à la manœuvre : le talentueux David Fincher par lequel, par le passé, j’ai été plus (« L’étrange histoire de Benjamin Button », « Seven», « The game ») ou moins (« Zodiac ») enthousiasmée.

    Le sujet, c’est donc le site communautaire Facebook ou plutôt l’histoire de sa création et de son créateur Mark Zuckerberg (Jesse Eisenberg), un soir d’octobre 2003 bien arrosé, pour cause de déception sentimentale. Ce dernier pirate alors le système informatique de Harvard pour créer une base de données de toutes les filles du campus. Il est alors accusé d’avoir intentionnellement porté atteinte à la sécurité, aux droits de reproduction et au respect de la vie privée. Son exploit retentissant arrive jusqu’aux oreilles de trois autres étudiants qui avaient un projet similaire à ce qui deviendra Facebook. Mark leur apporte son soutien technique mais surtout s’empare de l’idée et la perfectionne évinçant complètement les trois autres du projet. Ce nouveau site prend une ampleur considérable et inattendue, d’abord à Harvard puis dans les autres universités américaines et finalement dans le monde entier.

    Le film est adapté du livre de Ben Mezrich "The accidental Billionaires ( "La revanche d'un solitaire").

    « The social network » est passionnant à plus d’un titre et cela dès la première scène, un dialogue dont la brillante vivacité accroche immédiatement le spectateur et nous donne la clé de la réussite de Mark Zuckerberg, ou plutôt de sa soif de réussite : une quête éperdue de reconnaissance sociale. Un échange à la vitesse de l’éclair avec sa petite amie qui aboutira à leur rupture et dans lequel il fait preuve d’une sorte de fascination obsessionnelle pour les clubs qui pullulent à Harvard, marque d’ascension sociale aux rites souvent puérils. D’une fascinante intelligence, et d’une saisissante arrogance, son esprit et ses motivations deviennent plus palpitants à suivre que bien des thrillers notamment grâce au montage d’une limpidité virtuose qui mêle plusieurs histoires liées à Mark Zuckerberg et plusieurs temporalités: la création de Facebook et les procès suscités par celle-ci.

    C’est pour moi avant tout le montage, ingénieusement elliptique, et le scénario (signé Aaron Zorkin) qui font la grande richesse du film, en ce qu’ils apportent un rythme soutenu mais aussi en ce qu’ils illustrent la création de Mark Zuckerberg : Facebook où les informations fusent et s’entrecroisent. Le film, à l’image du créateur et de sa création, passe d’une idée à une autre à une rythme frénétique. Génération Facebook où tout doit aller vite, une idée ( ou un-e- ami-e-) en remplacer un(e) autre.

    Montage, scénario, interprétation (Jesse Eisenberg mais aussi Justin Timberlake dans le rôle du fondateur de Napster, ou encore Andrew Garfield dans le rôle d’Eduardo, l’ami jalousé-jaloux et trahi) sont la grande réussite de ce film au sujet a priori improbable, un film sur un sujet générationnel dont c’est d’ailleurs peut-être la limite même si les autres thèmes qu’il illustre ( trahison, prix et moteurs de la réussite ) restent universels.

    L’idée brillante est certainement d’avoir réalisé un film à l’image de son sujet (Marck Zuckerberg) et de son objet (Facebook), égocentrique, centré sur lui-même et qui redoute l’ennui, le temps mort, plus que tout et n’en laisse donc aucun plongeant le spectateur dans un flux hypnotisant (plus que captivant, à l’image de Facebook, là encore) d’informations. La forme judicieuse fait apparaître la confusion significative entre le créateur et sa création, Mark Zuckerberg et Facebook. Milliardaire solitaire dont la réussite s’apparente à un échec (qui n’est pas sans rappeler le héros d’un autre film de David Fincher) et qu’illustre parfaitement la redoutable dernière scène. Le créateur est alors à l’image de la création phénomène qu’il a engendrée : l’outil d’une communication à outrance qui finalement isole plus qu’elle ne rassemble et qui n’est qu’un voile flatteur mais illusoire sur une criante solitude.

    Un brillant film générationnel qui est aussi une ingénieuse parabole et qui témoigne une nouvelle fois de l’éclectisme du talent de David Fincher et qui aura même sans doute valeur sociologique mais qui, en revanche, ne mérite pas l’appellation de « film de l’année » qui me laisse perplexe… sans doute l’aspect très narcissique qui flatte l’ego d’une génération qui se reconnait dans cet entrepreneur certes brillant mais effroyablement, cyniquement et sinistrement avide de reconnaissance.

    Précisons enfin que Mark Zuckerberg a désavoué le film qui, s’il nuit au créateur de Facebook, devrait encore davantage populariser sa création.

    Ci-dessous, le vrai Mark Zuckerberg évoque "The social network".



     

     

  • Avant-première - Critique - « Lincoln » de Steven Spielberg avec Daniel Day-Lewis, Sally Field, Tommy Lee Jones…

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    En ce début d’année 2013, deux cinéastes américains de génie, Tarantino et Spielberg, sortent un film ayant pour toile de fond l’esclavage. Pour le premier, avec "Django unchained", c’est  même le sujet qui lui permet de réinventer un genre cinématographique, puisqu’un esclave y devient héros de western. Pour le second, c’est ce qui lui permet, en traitant de l’adoption du 13ème amendement qui fit de l’abolition de l’esclavage un fondement permanent de la loi américaine, de tisser le portrait d’une éminente figure politique, celle du Président Abraham Lincoln. L’esclavage était d’ailleurs déjà au centre d’un de ses films, « Amistad ».  Le premier a situé l’action de son film deux ans avant la guerre de Sécession, le second lors de sa dernière année. Mais, plus que tout cela, ce qui les différencie, c’est un style : singulier, audacieux, qui à la fois utilise et s’affranchit  des règles du western pour Tarantino, avec cette  histoire d’amitié et de vengeance romanesque, de duels et de duos, une nouvelle fois jubilatoire. Plus classique, académique diront (à tort) certains est en revanche le film de Spielberg. Imaginez que quelqu’un leur aurait donné pour sujet : « réalisez un film qui évoquera l’esclavage ». Ils l’illustrent chacun à leur manière. Différente mais passionnante. Spielberg d’ailleurs, comme l’indique le titre de son film, évoque Lincoln plus que l’esclavage car même si l’adoption du 13ème amendement est l’enjeu du film, c’est Abraham Lincoln qui en est le centre. Alors, l’un est peut-être trop bon élève, l’autre un élève irrévérencieux, quoiqu’il en soit, tous deux ont en commun d’avoir signé deux films délicieusement bavards. Deux magistrales visions de l’Histoire et deux brillantes leçons de cinéma.

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    Spielberg se concentre ainsi sur les quatre derniers passionnants mois du 16ème Président des Etats-Unis : Abraham Lincoln (Daniel Day- Lewis). 1865. La nation est déchirée et divisée par la guerre de Sécession. Lincoln veut à la fois mettre fin au conflit, faire unifier le pays et faire adopter le 13ème amendement qui mettrait fin à l’esclavage. Dans le même temps, il doit faire face à des douleurs et conflits personnels : la perte d’un fils qui a ébranlé son couple et le désir d’un autre, brillant étudiant de Harvard, qui désire partir à la guerre.

    Adapté de « Team of Rivals : The Political Genius of Lincoln » de Doris Kearns Goodwin, le premier trait de génie du film de Spielberg et d’abord de son scenario (signé Tony Kushner, l'auteur, notamment, d’ « Angels in America », une pièce couronnée par le prix Pulitzer) est de ne pas avoir cédé à la facilité du classique biopic qui finalement nous en aurait appris beaucoup moins que ces quatre mois qui révèlent toute la grandeur et l’habileté politiques de Lincoln, sa détermination, mais aussi sa complexité. En conteurs inventifs, plutôt que de narrer son enfance, en une tirade, Kushner/Spielberg évoquent l’enfance de Lincoln et le rapport, là aussi complexe, à son père permettant ainsi, en ne traitant que de ces quatre mois, de cerner la personnalité de cet homme politique tant aimé des Américains et qui a tant influé sur leur Histoire.

    Les premiers plans, marquants (et à dessein puisque, ensuite, l’intrigue se concentrera dans les lieux de pouvoir) nous immergent dans les combats sanglants, impitoyables, de la guerre de Sécession. Spielberg avait déjà retranscrit avec brio toute l’horreur ineffable de la guerre dans « La Liste de Schindler » et « Il faut  sauver le soldat Ryan ». Ces quelques secondes nous les rappellent alors que dans « Cheval de guerre », cette violence était essentiellement hors-champ, notamment dans une scène d’une redoutable ingéniosité, celle où deux frères sont fusillés par les Allemands, deux enfants encore, fauchés en pleine innocence, une scène dissimulée par l’aile d’un moulin qui la rendait d’autant plus effroyable.

    Ces quelques secondes de ces hommes qui s’affrontent cors-à-corps suffisent là aussi à nous faire comprendre l’âpre violence de cette guerre et dénotent avec le reste du film, essentiellement centré sur les dialogues, ce qui déconcertera peut-être les inconditionnels du cinéaste qui en attendaient plus de spectaculaire ici savamment distillé.  

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    Après cette première scène, Lincoln apparaît, de dos, assis, écouté, admiré. En quelques minutes d’exposition, tout est dit : le conflit, l’admiration, l’esclavage, la complexité de la situation. Spielberg est évidemment le roi de scènes d’exposition. Rappelez-vous celle de « La Liste de Schindler » (que l’on peut d’ailleurs mettre en parallèle avec celle-ci) : Schindler s’habillant méthodiquement, soigneusement, choisissant cravate, boutons de manchette, et épinglant sa croix gammée. Le tout avec la dextérité d’un magicien. Nous n’avons pas encore vu son visage. De dos, nous le voyons entrer dans une boite de nuit où se trouvent des officiers nazis et des femmes festoyant allègrement. Il est filmé en légère contre-plongée, puis derrière les barreaux d’une fenêtre, puis souriant à des femmes, puis observant des officiers nazis avec un regard mi-carnassier, mi-amusé, ou peut-être condescendant. Assis seul à sa table, il semble juger, jauger, dominer la situation. Sa main tend un billet avec une désinvolte arrogance. Son ordre est immédiatement exécuté. Son regard est incisif et nous ignorons s’il approuve ou condamne. Il n’hésite pas à inviter les officiers nazis à sa table, mais visiblement dans le seul but de charmer la femme à la table de l’un d’entre eux. Cette longue scène d’introduction sur la musique terriblement joyeuse (« Por una cabeza » de Gardel), et d’autant plus horrible et indécente mise en parallèle avec les images suivantes montrant et exacerbant même l’horreur qui se joue à l’extérieur, révèle tout le génie de conteur de Spielberg. En une scène, il révélait là aussi tous les paradoxes du personnage, toute l’horreur de la situation. L’ambigüité du personnage est posée, sa frivolité aussi, son tour de passe-passe annoncé.

    Cela pour dire que si les films de Spielberg sont en apparence très différents, ils se répondent tous dans leurs thématiques et constructions, comme  les thèmes de loyauté, espoir, courage, ténacité étaient à l’honneur dans « Cheval de guerre » et le sont à nouveau ici, aussi différents puissent paraître ces deux films dans leurs formes.

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    Certains reprocheront à Spielberg une absence d’émotion contrairement à ce à quoi il nous avait habitués. C’est au contraire le grand atout de ce film et  c’est justement là encore tout le talent de Spielberg que d’avoir su insérer quelques scènes d’émotion au milieu de ce passionnant parcours politique, de ce film exigeant, de ces joutes verbales. En quelques plans, il nous fait éprouver la détresse et les dilemmes d’un père. Les scènes intimes, rares, n’en sont que plus bouleversantes, souvent filmées dans la pénombre, révélant les zones d’ombre de cet homme éclairé.  Le talent de (ra)conteur de Spielberg culmine lors de la scène de l’adoption du 13ème amendement pour laquelle il cède un moment au lyrisme et à l’emphase, et à quelques facilités scénaristiques qui contrastent avec la rigueur de l’ensemble mais témoignent de sa capacité à intéresser et émouvoir en quelques secondes. Il serait d’ailleurs intéressant de mettre en parallèle le montage de cette scène avec celle de la scène de la constitution de la liste dans « La Liste de Schindler », ces scènes étant toutes deux l’apogée de ces films autour desquelles ils sont articulés.

    A ces quelques exceptions près, Spielberg a préféré ici raconter l’Histoire plutôt qu’une histoire, même s’il reste un conteur admirable sachant captiver l’attention, et rendant ainsi encore hommage à Lincoln, lui-même conteur malicieux. Quand, aujourd’hui, on tend à tout simplifier et à utiliser des recettes souvent racoleuses pour captiver le spectateur, c’est un défi louable que de réaliser une œuvre aussi dense, foisonnante. D’ailleurs quel meilleur moyen pour évoquer la complexité de la démocratie, ses contradictions ? Indigne hommage que cela aurait alors été que de tout simplifier. Au contraire, par un récit complexe (mais d’ailleurs clair), Spielberg illustre la complexité de la politique, et lui redonne ses lettres de noblesse quand elle est ce qu’elle devrait uniquement représenter : un changement, un espoir, tout en n’éludant pas les compromis et même les compromissions nécessaires lorsque « La fin justifie les moyens », citation plus machiavélienne que machiavélique...

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    Au-delà de tout, ce qui restera sans doute de ce film, c’est l’incroyable présence de Daniel Day-Lewis qui EST Lincoln, politicien de génie, mari et père confronté à la douleur, homme mélancolique, conteur malicieux, brillant stratège et surtout profondément humain et charismatique. Il fait totalement oublier l’acteur pour donner vie à l’ancien président américain. Dans un rôle  aux antipodes de celui qu’il incarnait dans « There will be blood », tout en excès (mais tout aussi magistral), ici tout en nuances, il prouve une nouvelle fois la fascinante étendue de son talent. Spielberg, plutôt que de faire des mouvements de caméra démonstratifs, a mis sa caméra au service de son jeu, se rapprochant au fur et à mesure qu’il captive son auditoire, dans le film, et la salle de cinéma. A côté de lui, une distribution exceptionnelle campe plus d’une centaine de personnages, là encore identifiables et caractérisés en quelques mots, quelques plans. Un véritable défi. Parmi eux, retenons Sally Field impeccable dans le rôle de l’autoritaire et torturée Mrs Lincoln ou encore Tommy Lee Jones qui incarne les contradictions et les compromis nécessaires à l’adoption d’une loi historique qui aura guidé sa vie. Joseph Gordon-Lewitt qui interprète un des fils de Lincoln a lui les honneurs d'un des plus beaux plans du film, d’une tristesse et d’une beauté déchirantes, lorsqu’il découvre un charnier et décide de s’engager. David Strathairn, trop rare encore, est également remarquable en William Seward.

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    Le film est servi par un souci perfectionniste du détail, des décors aux costumes, en passant par une photographie réaliste d’une élégante sobriété. Ainsi, en un instant, lorsque Lincoln est filmé s’éloignant de dos dans un couloir vide tel un comédien quittant la scène ou dans ce plan de sa silhouette et de celle de son fils dans l’aveuglante lueur d’une fenêtre lorsqu'il apprend l'adoption de l'amendement, Spielberg nous éblouit sans pour autant chercher à en mettre plein la vue.  La musique de John Williams alterne entre lyrisme et discrétion et achève ce tableau historique d’une passionnante sobriété.

    Un film captivant et exigeant sur un homme et une situation historiques et complexes. Un hommage à Lincoln mais, au-delà, à la politique et ce qu’elle implique d’exigence à laquelle la forme judicieuse du film rend si bien justice. Un film d’une sobriété  salutaire qui ne cède que quelques instants et brillamment à l’émotion mais jamais à l’esbroufe. Un film dense aux 2H29 nécessaires. Un travail d’orfèvre servi par une prestation en or, celle d’un Daniel Day-Lewis au sommet de son art, accompagné par une distribution remarquablement choisie et dirigée. Un très grand film dont le classicisme n’est pas un défaut mais au contraire le témoignage de l’humilité et de l’intelligence d’un grand cinéaste devant un grand homme à qui il rend un admirable hommage, de la plus belle manière qui soit, en ne le mythifiant pas mais en le montrant dans toute son humaine complexité.

    Je vous parlais ici du film au lendemain de sa projection, je pense qu'il me faudra encore un peu de temps pour vous en parler comme il le mérite, et avec le recul nécessaire, donc j'y reviendrai.

    Retrouvez aussi cette critique sur "In the mood - Le Magazine" en cliquant ici.

    Sortie en salles : le 30 janvier 2013

  • L'homme qui rit, Jean-Pierre Améris, Gérard Depardieu ...et l'amour du cinéma.

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    Je sais: je vous ai déjà parlé de ce film que, peut-être, vous n'avez aucune envie d'aller voir pour des raisons autres que cinématographiques même si je trouve complètement ridicule cette campagne anti-Depardieu qui reste un acteur extraordinaire (Le Dernier Métro, Police, Camille Claudel, La Femme d'à côté, Cyrano de Bergerac, Jean de Florette, Loulou parmi tant d'autres sont d'immenses films mais en partie en raison de sa présence et de son interprétation) et qui est actuellement traité par les médias comme s'il était pire qu'Ahmadinejad, Bachar El-Assad et Kim Jong-un réunis (d'ailleurs d'un coup éclipsés de l'actualité, j'imagine que le deuxième vient subitement de laisser son peuple tranquille) faisant depuis plusieurs jours la une des jt y compris de France 2 (dont j'apprécie d'habitude la ligne éditoriale davantage tournée vers l'actualité internationale que celle des autres JT), une "affaire" qui devient prétexte à tous les donneurs de leçon ou oubliés du petit ou grand écran pour donner leur avis sur la question (il ferait bien de s'époumoner pour des sujets ou "causes" qui en valent la peine comme celui précité), voire à exprimer une certaine rancoeur ou jalousie à l'égard de celui qui était et reste un immense comédien, certes parfois excessif, mais libre (une qualité devenue rare) et probablement provocateur mais sans doute davantage parce que fragile et homme blessé comme le serait un enfant un peu trop capricieux et/ou sensible que méprisable comme certains s'enorgueillissent bêtement de le faire croire. Bref, tout cela pour dire que, quoique vous pensiez, ce n'est pas une raison pour ne pas aller voir le très beau film de Jean-Pierre Améris "L'homme qui rit" et, si je vous en parle aujourd'hui, c'est parce qu'il semblerait que le film soit victime d'un certain boycott en raison de "l'affaire" qui n'en est pas une "Depardieu"... alors il faudrait boycotter aussi les films avec Catherine Deneuve et Jeanne Moreau parce qu'elles l'ont défendu et tous les films avec des acteurs ayant eu des problèmes avec le fisc ou la justice. Bref, c'est ridicule alors: ALLEZ VOIR CE FILM (plutôt que des inepties comme "Jack Reacher") qui, en plus de ce que je vous en dis dans ma critique ci-dessous, a le grand mérite de donner envie de (re)lire Victor Hugo. Le cinéma reste « le plus beau des abris » y compris de toutes les absurdes polémiques comme Jean-Pierre Améris définit ainsi si bien le septième art dans cette interview que je vous recommande vraiment d'écouter...elle ne pourra que vous donner envie de voir ce film, davantage que ma critique sans doute.

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    Comme étais-je passée à côté de ce roman de Victor Hugo ? Mystère… La sortie du film a pour moi été l’occasion de cette magnifique découverte, d’un texte ardu mais passionnant, riche de multiples digressions, d’une langue admirable (évidemment), et surtout d’un personnage monstrueusement séduisant auquel tous ceux qui se sont un jour sentis différents pourront s’identifier : Gwynplaine sur lequel Jean-Pierre Améris a eu la bonne idée de centrer son film.

     

    Alors que la tempête de neige fait rage, Ursus (Gérard Depardieu), le forain en apparence revêche mais généreux, recueille deux orphelins dans sa roulotte. Le premier de ces deux orphelins, c’est Gwynplaine, un jeune garçon dont une cicatrice qui ressemble à un rire insolemment triste barre le visage, l’œuvre des Comprachicos (un mot qui est une invention de Victor Hugo provenant de l’espagnol comprar -qui signifie acheter- et chicos -qui signifie enfant- signifiant donc «acheteurs d’enfants»), spécialisés dans le commerce d’enfants, qu’ils achètent ou volent et revendent après les avoir mutilés. L’autre enfant, c’est Déa une petite fille aveugle que ce dernier a trouvée sur son chemin. Quelques années plus tard, ils sillonnent toujours les routes et présentent un spectacle dont Gwynplaine (Marc-André Grondin) alors adulte, est devenu la vedette, accompagné de Déa (Christa Théret), également sur scène. Partout, on souhaite voir « L’homme qui rit » celui qui fait rire et émeut les foules mais un autre théâtre, bien plus redoutable, celui de l’aristocratie, va l’éloigner de ceux qu’il aime et qui l’aiment…

     

    Hugo a écrit « L’homme qui rit » entre 1866 et 1869 durant son exil politique dans les îles Anglo-Normandes. Adapter les 750 pages de ce roman était un véritable défi tant le roman est foisonnant, allégorique aussi, et tant l’auteur digresse sur la politique, la philosophie et même l’architecture. Jean-Pierre Améris et Guillaume Laurant (notamment scénariste de films de Jean-Pierre Jeunet dont « Le fabuleux destin d’Amélie Poulain ») ont réalisé un incroyable travail d’adaptation et ont eu l’excellente idée de transposer le roman qui se déroule dans l’Angleterre du XVIIème sicèle dans un lieu et une époque imprécis (le film a été tourné en studios à Prague) et surtout d’en faire un conte sombre, et ainsi fascinant. Pour rendre l’histoire plus moderne et accessible, Jean-Pierre Améris a volontairement utilisé des éléments plus contemporains, pour les dialogues mais aussi pour les costumes, comme l’avaient fait Baz Luhrmann pour « Roméo et Juliette » ou Sofia Coppola pour « Marie-Antoinette ».

     

    Dès les premiers plans dans la neige et la tempête, la poésie lugubre et la féérie sombre des images captivent. Du roman baroque d’Hugo Jean-Pierre Améris a fait une fable intemporelle d’une beauté triste mais ensorcelante. C’est un magnifique roman (et film) sur la différence, la dualité, entre blancheur et noirceur, entre beauté et laideur, entre théâtre et réalité, entre aveuglement et clairvoyance, des contrastes que l’esthétique du film souligne magnifiquement et dont elle souligne aussi les paradoxes. « Qu’est-ce que ça veut dire être laid ? Laid c’est faire le mal ! Toi tu me fais du bien », résume si bien l’aveugle et sensible Déa.

     

    La vie est à la fois sublimée et plus réelle sur les planches comme elle peut l’être dans « Le Carrosse d’or », « Les enfants du paradis », « Le dernier métro » et c’est là que l’amour impossible de Déa (la jeune aveugle qui voit la beauté de l’âme, allégorie simple et tellement magnifique) et Gwynplaine est le plus éclatant. La monstruosité, le théâtre, la noirceur se situent finalement dans la réalité et du côté de l’aristocratie comme dans le « Ridicule » de Patrice Leconte. « Ne quitte jamais les planches. Ici les gens t’aimeront, mais dans la vie réelle, ils te feront souffrir » le prévient pourtant Ursus mais pour son plus grand malheur, Gwynplaine ne l’écoutera pas…

     

    Jean-Pierre Améris (dont j’ai découvert le cinéma avec « C’est la vie » et « Poids léger » que je vous recommande vivement et dont le dernier film « Les Emotifs anonymes » était une comédie très réussie), pour son 12ème film, est une nouvelle fois attiré par une histoire de marginaux qu’il sait si bien comprendre et pour lesquels il sait si bien susciter de l’empathie. Il a ainsi fait de Gwynplaine un personnage éminemment séduisant : innocent, révolté, libre, d’une laideur attrayante. Gwynplaine est moins connu que Quasimodo et pourtant sa belle monstruosité a énormément inspiré les artistes, à commencer par Tim Burton pour « Edward aux mains d’argent ». Le film de Jean-Pierre Améris, sans jamais le singer, m’a d’ailleurs beaucoup fait penser à l’univers du cinéaste américain par sa beauté baroque, entre rêve et cauchemar, par ses personnages d’une beauté étrange et fascinante (très felliniens, aussi), par sa mise en scène inspirée. Tim Burton n’était d’ailleurs pas le seul à avoir été inspiré par Gwynplaine. Les dessinateurs Jerry Robinson et Bob Kane reconnaissaient ainsi volontiers s’être inspirés de Gwynplaine pour le personnage du Joker, dans les comics Batman. Et le roman d’Hugo est longuement évoqué dans « Le Dahlia noir » de James Ellroy, présent également dans l’adaptation cinématographique de Brian De Palma.

     

    C’est aussi un très bel hymne à la différence, et à ceux qui se battent pour les autres (Hugo était un écrivain engagé, Jean-Pierre Améris, l’est aussi à sa manière dans chacun de ses films ou même teléfilms comme « Maman est folle »). Magnifique scène de la tirade au Parlement ! Il s’agit d’un discours exalté dans lequel Marc-André Grondin met beaucoup d’éloquence et de conviction : « Ce qu’on fait à ma bouche, c’est ce qu’on fait au peuple. On le mutile » dit-il notamment (le texte, magnifique, est là repris de Hugo). Marc-André Grondin apporte toute sa beauté, sa fraîcheur à ce homme bouleversant caché derrière ce masque tragiquement rieur, se mettant ainsi à nu, dévoilant son visage mais surtout sa belle âme, face à la vraie monstruosité.

     

    Le film bénéficie aussi d’un casting impeccable : outre Marc-André Grondin, Gérard Depardieu impose sa force tranquille et sa générosité (au passage, que les pseudo-politiquement corrects laissent tranquille cet homme terriblement libre, vivant, cet immense artiste, plutôt que d’utiliser sa vie personnelle pour, probablement, exprimer une certaine rancœur, voire jalousie, et qu’ils s’engagent et mettent leur énergie vindicative au service de causes qui en sont vraiment). J’espère que cela permettra aussi à certains de découvrir Swann Arlaud que j’avais découvert au Festival de Cabourg dans le court-métrage « Alexis Ivanovich vous êtes mon héros » de Guillaume Gouix dans lequel il incarne admirablement un personnage radieux et joyeusement désinvolte qui, en une fraction seconde, blessé dans son orgueil, va tout remettre en question, découvrant ne pas être le héros qu’il aurait aimé être aux yeux de son amoureuse. Emmanuelle Seigner est une incarnation sublime de la tentation diabolique et finalement, malgré tout, touchante (comme chez Hugo, même ou car monstrueux, ses personnages restent humains), et comme elle le dit elle-même, le visage de Gwynplaine est le reflet de son âme sombre. Enfin, Christa Théret dont le visage est si expressif (à voir aussi absolument dans « Renoir », dans un rôle très différent dans lequel elle excelle également) est la tentation angélique, incarnation du mélange de force et de fragilité, d’aveuglement et de clairvoyance.

     

    Mon seul reproche concerne le montage, et la durée, l’impression que la fin est un peu brusque…et que sans digresser autant que le fait Hugo dans son livre, le film aurait encore gagné en densité en gagnant un peu en longueur.

     

    Ce film est néanmoins vraiment un enchantement, un enchantement mélancolique, la forme reflétant ainsi le fond et toutes les sublimes dualités que l’histoire recèle. C’est aussi un opéra moderne ( la musique a été enregistrée à Londres avec un orchestre de 65 musiciens et elle apporte une force lyrique au film) . C’est également une histoire d’amour absolu, idéalisée, intemporelle (elles sont trop rares au cinéma pour s’en priver). C’est enfin un film universel au dénouement bouleversant. N’ayez pas peur de l’humour grinçant, la noirceur, la tragédie, ils sont sublimés par un personnage émouvant qui à la fois nous ressemble si peu et tellement (pour peu que nous nous sentions un tout petit peu différents) et un univers fascinant, poignant : celui d’un conte funèbre et envoûtant. La très belle surprise de cette fin d’année.

     

    Quelques citations extraites du livre « L’homme qui rit » de Victor Hugo, pour terminer :

     

    « Les aristocrates ont pour orgueil ce que les femmes ont pour humiliation, vieillir. »
    « De telles innocences dans de telles ténèbres, une telle pureté dans un tel embrassement, ces anticipations sur le ciel ne sont possibles qu’à l’enfance, et aucune immensité n’approche de cette grandeur des petits. »
    « Ca doit se fourrer dans des trous, le bonheur. Faites-vous encore plus petits que vous n’êtes, si vous pouvez. Dieu mesure la grandeur du bonheur à la petitesse des heureux. Les gens contents doivent se cacher comme des malfaiteurs. »
    « Deux coeurs qui s’aiment, n’allez pas chercher plus loin la poésie; et deux baisers qui dialoguent, n’allez pas chercher plus loin la musique. »

     

    L’homme qui rit a été présenté en clôture de la 69ème Mostra de Venise