En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Par Sandra Mézière. Le 7ème art raconté avec passion depuis 2003. 4000 articles. Festivals de cinéma en direct : Deauville, La Baule, Cannes, Dinard...Critiques de films : avant-premières, à l'affiche, classiques. Actualité de romancière. Podcast.
En amont de l’annonce des nominations pour les César2021 qui aura lieu ce 10 février tandis que la cérémonie se tiendra le 12 mars, voici (dans un ordre aléatoire) mes 13 films coups de cœur de 2020. Si vous êtes membre votant de l’Académie des César, il est encore temps de les découvrir. Parmi ces films qui témoignent de la vitalité et de la diversité du cinéma français, beaucoup de premiers longs métrages. On y retrouve des thèmes récurrents (deuil, quête d’identité, amours contrariées). Des films souvent bouleversants, beaucoup de drames intimes aux frontières du thriller, portés par des comédiens remarquables et des mises en scène inventives. Tous méritent d’être nommés dans plusieurs catégories.
Quelques mots en bref sur chacun d’entre eux et les nominations qu’ils méritent :
MADRE de Rodrigo Sorogoyen
Le téléphone sonne. Le fils d’Elena, 6 ans, paniqué, perdu, seul, sur une plage des Landes, appelle sa mère, à des kilomètres de là et dit ne plus trouver son père. C’est par ce plan séquence brillantissime, haletant, qui nous met dans la peau d’Helena, saisie par cette angoisse absolue, que débute ce film captivant, suffocant, déroutant, comme il le sera jusqu’à la dernière seconde. Constamment, il brouille les pistes, les genres même, comme le deuil lui-même abolit toute notion de réalité, aux frontières de la morale et de la folie : savant écho entre le fond et la forme dans ce thriller sur la confusion des sentiments autant que sur l’absence inacceptable. Ajoutez à cela un sens rare du cadre et hors-champ, une interprétation magistrale (de Marta Nieto et Jules Porier) et vous obtiendrez un film palpitant. Et rare.
ETE 85 de François Ozon
(Extrait de ma critique complète à lire, ici, sur Inthemoodforcinema.com.) Les premières minutes des films d’Ozon, brillants exercices d’exposition mais aussi de manipulation, sont des éléments incontournables de ses scénarii ciselés, délicieusement retors et labyrinthiques, et sont toujours annonciatrices des thématiques que chacun de ses films explore : deuil, mensonge, désir, enfoui et/ou inavoué et/ou dévorant. Avec toujours ce sens précis de la mise en scène (maligne, complice ou traitre), riche de mises en abyme. Dès les premières secondes, il happe l’attention et pose les fondations d’un univers dont la suite consistera bien souvent à le déconstruire. « Été 85 » ne déroge pas à la règle. […] Un film fougueux, électrique, malicieusement dichotomique, sombre et lumineux, cruel et doux, tragique et ironique, qui enfièvre la réalité, enragé de fureur de vivre et d’aimer, pour raconter la mort. Ou la défier peut-être... Et une fois de plus, une passionnante réflexion sur le pouvoir des illusions, artistiques ou amoureuses, qui, au dénouement de ce film intense, portent et emportent vers un avenir radieux empreint de la beauté mélancolique d’un vers de Verlaine. Ou d’une danse funèbre, terriblement sublime, à jamais gravée dans nos mémoires de spectateurs. Sélection Cannes 2020. Film lauréat des Prix Lumières de la meilleure image pour Hichame Alaouié et de la révélation masculine pour Félix Lefebvre et Benjamin voisin.
SOL de Jézabel Marques
Sol (Chantal Lauby), célèbre interprète de Tango argentin, vit à Buenos-Aires depuis longtemps. Elle ne s’est jamais réellement remise de la perte de son fils unique avec qui elle avait rompu tout lien. Elle revient à Paris dans l’espoir de rencontrer enfin son petit-fils. Elle loue le studio situé sur le palier où vivent sa belle-fille (Camille Chamoux) qu’elle ne connaît pas et ce dernier…Ce premier long métrage possède une grâce ineffable, celle d’une histoire poignante racontée avec une touchante modestie qui fait affleurer l’émotion de la première à la dernière seconde. Un film à l’image de la musique qui le porte et lui donne la note : un tango argentin chaleureux et mélancolique, réconfortant et nostalgique, qui étreint l’âme et entremêle force, délicatesse et sensualité. Un film embrasé de douceur et de lumière malgré l’ombre de l’absence qui, constamment, plane. Un film qui exhale l’innocence inestimable de l’enfance et la force des liens du cœur. Des dialogues savoureux, caustiques et tendres (scénario de Jézabel Marques, Faïza Guène et Vincent Cappello). Chantal Lauby est remarquable en grand-mère fantasque d’une justesse et vitalité communicative qui se fait « adopter » par son petit-fils et sa belle-fille (Camille Chamoux, très sobre, qui traine sa tristesse abyssale). Des solitudes qui s’apprivoisent et dont la rencontre va panser les plaies béantes et culpabilités et qui vont se redonner le goût de vivre et d’aimer comme ce tango envoûtant (musique signée Laurent Perez del Mar) y enjoint. Un petit bijou de simplicité et de sensibilité, d’une tendre drôlerie, à fleur d’âme et de peau.
LA NUIT VENUE de Frédéric Farrucci
(Extrait de ma critique complète à lire ici) Les films auxquels nous fait songer cette « nuit venue » ne manquent pas : « Taxi Driver », « Drive », « Collatéral », « Le Samouraï », « In the mood for love » mais ce premier long métrage de fiction de Frédéric Farrucci, notamment grâce au scénario coécrit avec Nicolas Journet et Benjamin Charbit, avec son identité singulière, son propre rythme poétique qui vous emporte dans sa danse tragique ne ressemble finalement à aucun autre. « La nuit venue » a obtenu les prix de la mise en scène et de la meilleure musique originale (signée Rone) au Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz 2019, c’était déjà une bonne raison de le découvrir. Je vous y engage fortement. […] Peut-être peut-on trouver un dernier point commun avec « Le Samouraï », des plans de début et de fin qui se répondent. Ici, ce sont deux visages en miroir. Là, en revanche, contrairement à ce qui se joue dans le film de Melville, l’espoir est, malgré tout, permis, celui que porte la musique qui électrise et immortalise les émotions dont ce film foisonne à l'image de celle qui, parfois, nous saisit une fois la nuit venue : d'une mélancolie troublante.
DEUX de FILIPPO MENEGHETTI
Aux yeux des autres seulement voisines de palier, Nina et Madeleine sont en réalité profondément amoureuses l’une de l’autre. Elles projettent de vendre leurs appartements respectifs et de terminer leur vie à Rome. Mais Madeleine n’a rien dit de cette relation à ses enfants. Jusqu’au jour où elle subit un AVC ... En un instant, pour Nina tout s’effondre. Le palier qui sépare leurs deux appartements devient alors comme une frontière infranchissable. Le symbole de l’enfermement. De l’amour cadenassé, condamné au silence. Prenant et claustrophobique comme un thriller (on songe au brillant « Jusqu’à la garde » où là aussi la quotidienneté se transforme en horreur) et bouleversant comme la sublime histoire d’amour qu’il est aussi, ce film mérite amplement sa sélection comme représentant de la France aux #Oscars2021. Barbara Sukowa et Martine Chevallier sont lumineuses, intenses, infiniment émouvantes dans ces rôles de femmes qui s’aiment envers et contre tout et tous. Là aussi l’émotion affleure du début à la fin. Un premier long métrage incroyablement maitrisé, avec une utilisation judicieuse du cadre, du hors-champ, de l’arrière-plan dès la première seconde. Aussi, un tableau sans concessions et juste de l’infantilisation de ceux qu’on « abrutit de médicaments pour qu'ils vous obéissent ». Ce mélodrame subtil est avant tout une histoire d’amour aux frontières du thriller qui s’achève par une danse d’une beauté renversante. « Deux » vient de recevoir les Prix Lumières du meilleur film et de la meilleure interprétation féminine pour ses deux actrices, en effet exceptionnelles.
LES CHOSES QU’ON DIT, LES CHOSES QU’ON FAIT d’Emmanuel Mouret
Un chassé-croisé amoureux délicieusement drôle, infiniment romanesque, sur les rendez-vous manqués et la complexité et la beauté des vertiges de l’amour. Le scénario particulièrement inventif entrelace les histoires avec brio, servi par des dialogues ciselés joués par quatre comédiens d’une justesse admirable : Camélia Jordana, Niels Schneider, Vincent Macaigne et Emilie Dequenne qui irradient de talent. Un film plein de fantaisie qui n’est pas sans rappeler Rohmer ou Woody Allen, l’élégance de la mise en scène comprise. Un film maitrisé (quel sens de la construction du récit !) sur l’inconstance, sur nos conflits intérieurs, des variations auxquelles font écho les musiques de Chopin, Debussy, Vivaldi, Mozart qui accompagnent cette promenade au charme renversant. Une histoire non pas d’amour mais de sentiments qui se déguste sans modération… qui nous dit que « l'amour c'est quelque chose de grave et c'est justement parce que c'est grave que c'est important et que c'est beau », « Pour qu'il y ait une faute il fa utqu'il y ait une règle bien claire mais en amour quelle est la règle ? », «Le véritable amour ne s'intéresse qu'au bonheur de l'autre. Il ne se soucie pas de posséder. », « C'est fou comme quelques mots alignés les uns derrière les autres peuvent changer quelque chose en nous. » Sélection Cannes 2020.
UN FILS de Mehdi M.Barsaoui
Farès et Meriem forment avec Aziz, leur fils de 9 ans, une famille tunisienne moderne issue d’un milieu privilégié. Lors d’une virée dans le sud de la Tunisie, leur voiture est prise pour cible par un groupe terroriste et le jeune garçon est grièvement blessé. Le film se déroule en 2011, année d’un tournant politique et social en Tunisie. Le tsunami provoqué par l’accident sur la famille est aussi celui, politique, qu’a vécu le pays avec la chute de Ben Ali dans une Tunisie où règnent la corruption, les lois iniques, et rigoristes. Cette course contre le temps est haletante et comme dans les premières minutes de « Madre » l’identification est immédiate face à cette douleur absolue : la mise en danger d’un enfant face à laquelle les parents se sentent impuissants. Comme dans « Madre » toujours, le drame indicible fait frôler voire franchir les frontières de la morale et de la folie. Encore un premier long métrage, pour lequel Sami Bouajila a remporté le prix du meilleur acteur à Venise mais aussi aux @prixlumieres (Najla Ben Abdallah aurait aussi mérité d’être récompensée). Un drame intime aux frontières du thriller, là encore. Mais aussi un film politique et une radiographie de la société tunisienne de 2011. Le chaos politique fait ainsi écho au chaos intime, un piège inextricable, et l’exacerbe encore. Un suspense encore accru par la nervosité de la caméra à l’épaule au plus près de la solitude et de l’enfermement des personnages. Un suspense qui s’achève par un dernier plan qui suspend notre souffle au pardon possible.
POLICE d’Anne Fontaine
Police est l'adaptation du roman éponyme d’Hugo Boris. On y suit trois policiers parisiens : Virginie, Erik et Aristide, obligés d’accepter une mission inhabituelle : reconduire un étranger à la frontière. Sur le chemin de l’aéroport, Virginie comprend que leur prisonnier risque la mort s’il rentre dans son pays. Face à cet insoutenable cas de conscience, elle cherche à convaincre ses collègues de le laisser s’échapper. Anne Fontaine nous plonge dans l’intimité de ces trois policiers, leurs doutes, leurs fragilités, leurs blessures dissimulés derrière le masque de la fonction. Parfois la même scène est montrée sous trois points de vue différents, mettant ainsi en exergue la polysémie de la vie et de l’âme. L’éblouissante photo d’Yves Angelo nous donne l’impression que la caméra les caresse avec empathie, enfermés dans leurs cas de conscience. Là encore (décidément !), un drame intime aux frontières du thriller interprété par trois comédiens talentueux, Virginie Efira, Omar Sy et Grégory Gadebois. Comme la caméra sur eux, l’étau se resserre, et le portrait de groupe devient un huis-clos oppressant. Passionnant !
K CONTRAIRE de Sarah Marx
Quand Ulysse, 25 ans sort de prison, il doit gérer sa réinsertion et la prise en charge de sa mère malade. Sans aide sociale, il lui faut gagner de l’argent et vite. Avec son ami David, ils mettent en place un plan : vendre de la Kétamine. Une drogue. La même que celle avec laquelle on veut aussi soigner sa mère. D’où le K « contraire ». D’où le paradoxe. Comme celui du fils qui devient finalement le « parent » de sa propre mère. Comme cette vie « en liberté » qui devient finalement synonyme d’enfermement. Là encore un premier long métrage qui vaut d’abord pour sa mise en scène nerveuse et l’éclosion d’un acteur impressionnant (Sandor Funtek) face à une Sandrine Bonnaire qui l’est toujours autant.
LA DERNIERE VIE DE SIMON de Léo Karmann
Simon a 8 ans, il est orphelin et rêve de trouver une famille prête à l’accueillir. Mais Simon n’est pas un enfant comme les autres, il a un pouvoir secret : il est capable de prendre l’apparence de chaque personne qu’il a déjà touchée. Ce premier long métrage que j’ai découvert au Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2019 est un hommage à Spielberg, Zemeckis, Cameron, à ces films à double lecture souvent, qui font briller autant les yeux des enfants que des adultes. Malgré ses brillantes références, il possède sa propre singularité. Celle d’un drame enchanteur. Un conte sombre, hybride, dans une Bretagne ensorcelante. Un conte merveilleux et cruel sur un amour sacrificiel qui évoque donc des sujets graves (deuil, maladie, quête d’identité, métaphore des mutations de l’adolescence) par le biais du fantastique. Un film à la hauteur de ses ambitions, avec un scénario d’une indéniable originalité, d’une réconfortante naïveté, et pourtant dénué de toute mièvrerie.
LES PARFUMS de Grégory Magne
Anne Walberg (Emmanuelle Devos) est « nez » : elle crée des fragrances et vend son incroyable talent à toutes sortes de sociétés. Véritable diva, elle a pour nouveau chauffeur le seul qui n’a pas peur de lui tenir tête, sans doute la raison pour laquelle elle ne le renvoie pas. Ce film rempli de charme vaut avant tout pour son personnage féminin attachant, subtilement (d)écrit, dénué de manichéisme, et pour le formidable duo qu’elle forme avec le tout aussi juste Grégory Montel. Les personnages secondaires sont aussi particulièrement bien écrits. Une comédie délicieuse et séduisante.
ADOLESCENTES de Sébastien Lifshitz
Emma et Anaïs sont inséparables et, pourtant, tout les oppose. Adolescentes suit leur parcours depuis leurs 13 ans jusqu’à leur majorité. A travers cette chronique de la jeunesse, le film dresse aussi le portrait de la France de ces 5 dernières années. Quel talent, quelle patience, quelle acuité, quelle sensibilité faut-il pour atteindre un tel niveau d’intimité (sans que cela ne soit jamais impudique), une telle force dans chaque seconde de ce documentaire qui ressemble à une fiction tant la vie « a plus d’imagination que nous ». Ajoutez à cela une réalisation inspirée, la malice, la vitalité de ces deux adolescentes et vous obtiendrez un film fort et délicat où l’émotion est constamment présente. Un tableau saisissant de notre époque ( de ses drames aussi dont on revit toute l’horreur) mais aussi des réminiscences de ce âge, instant suspendu, fragile, fiévreux, où tout se décide, âge de tous les possibles, de tous les émois. A la fois intime et universel, drôle, vif, émouvant, mélancolique, cruel parfois, ce documentaire est porté par une magie imprévisible, celle de la vie qui éclate sous nos yeux. Fascinant. Prix Louis-Delluc 2021.
LA FILLE AU BRACELET de Stéphane Demoustier
Lise (Melissa Guers), 18 ans, vit dans un quartier résidentiel sans histoire et vient d'avoir son bac. Depuis deux ans, Lise porte un bracelet car elle est accusée d'avoir assassiné sa meilleure amie. Cet examen quasi clinique d’un procès est avant tout celui des adolescents d’aujourd’hui dont le procès permet finalement de livrer le portrait, comme des boîtes de gigogne qui délivreraient sans cesse de nouveaux secrets et feraient peu à peu tomber le masque d’impassibilité, sans pour autant lever complètement le mystère de celle qui est une inconnue pour ses proches. Un thriller intime sur une personnalité insaisissable, déstabilisante. Un scénario brillant (de Stéphane Demoustier) et des seconds rôles là aussi ciselés (Anaïs Demoustier en avocate générale, Chiara Mastroianni et Roschdy Zem en parents dépassés). Une démonstration implacable et glaçante.
Retrouvez la plupart de ces films sur Universcine.com.
A deux jours de Noël, vous manquez d'idées de cadeaux ? Pas de panique. J'ai ce qu'il vous faut. Un cadeau original, pour les amoureux du cinéma, qui en plus s'égrènera tout au long de l'année et auquel vous serez sans doute le seul ou la seule à avoir pensé : un abonnement à la Box fait son cinéma.
J'ai moi-même la chance de la recevoir chaque mois et c'est à chaque fois une excellente surprise. Je n'ai pas résisté à l'envie de revoir les classiques reçus comme "Taxi driver" ou "Forrest Gump".
Il s'agit ainsi de la toute 1ère box surprise sur abonnement dédiée à l’univers des plus grands films. Une mine d'or pour cinéphiles! Et un plaisir enfantin que de découvrir les surprises que recèlent la boîte.
Le principe est simple : les abonnés reçoivent chaque mois à domicile une box surprise composée d’un film qu’il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie (format DVD ou Bluray au choix lors de l’inscription) et de produits soigneusement sélectionnés en lien avec le film et/ou sa thématique ainsi qu’un vrai kit clé en main pour plonger dans l’atmosphère du film et organiser son propre ciné club à la maison.
Cet abonnement mensuel automatiquement renouvelable est au tarif de 17,90€ + 4€ de frais d’envoi. Mais il est bien sûr sans engagement, les clients peuvent se désabonner à tout moment sur un simple clic dans leur compte client.
Chaque boîte contient un livret explicatif aussi instructif que ludique qui fourmille d'anecdotes passionnantes sur le film ou l'époque de celui-ci, des questions, des informations sur les lieux de tournage, des liens qui vous permettent de vous plonger dans l'univers musical du film etc. Bref, rien que pour le livret, cela vaudrait déjà la peine de s'abonner! A ce livret que vous trouverez dans chaque box, comme dans la box "Nouvelle Vague" vient s'ajouter le DVD du film, en l'espèce "A bout de souffle", La Petite anthologie des Cahiers du cinéma sur la Nouvelle vague (une passionnante mine d'informations sur les films de la Nouvelle Vague), un petit carnet La Box fait son cinéma qui ne me quitte déjà plus (idéal pour griffonner les idées pour mon prochain roman, des bribes de critiques de films ou tout ce que vous voudrez), le célèbre et indémodable T-shirt porté par Jean Seberg dans "A bout de souffle" et même un sachet de popcorn!
Vous devinerez aisément à quel film était associé le tshirt ci-dessous ...
Voici les films reçus jusqu'à présent:
Je vous laisse deviner à quels films étaient associés les cadeaux ci-dessous, en plus des livres:
Alors? Vous voulez la commander? Cliquez sur ce lien ou sur l'affiche de "La Box fait son cinéma" dans la colonne de droite du blog ou sur le visuel ci-dessous. Dans quelques jours, je vous présenterai la Box suivante. Je suis déjà impatiente de découvrir quelles surprises elle me réserve !
Et pour ceux qui ne seraient pas intéressés par la Box, ou qui souhaiteraient des idées, par exemple de livres en plus de celle-ci, mon éditeur Les Editions du 38 vous donne aussi quelques idées:
Pourquoi 15 films me direz-vous... Tout simplement parce que je n'ai pu me résoudre à en choisir moins même si vous pouvez voir, ci-dessus, ma première sélection de 9 films publiés sur mon compte instagram.
Ci-dessous vous retrouverez mes critiques de ces 15 différents films, parfois juste quelques mots, parfois de longues critiques. Une fois de plus, c'est dans le cadre du Festival de Cannes que j'ai découvert le plus de pépites cinématographiques (11 sur 15!), la preuve, une nouvelle fois, de la richesse et de la diversité de sa sélection. C'est dans un autre festival que j'ai découvert le film que j'ai décidé de placer en numéro un même si l'ordre de ce classement est assez aléatoire et fluctuant (j'avais un temps mis le numéro 11 en numéro 1...). Quelques thèmes ressortent de cette sélection comme le deuil, une année cinématographique à l'image de cette année si rude pour le monde, trop souvent endeuillé par d'effroyables événements...
Demain, je vous parlerai à la radio (sur France Bleu Mayenne, à 6H, 7H, 8H et 9H) et ici de ce qui fut peut-être mon plus grand moment de cinéma 2015.
1. VICTORIA de Sébastian Schipper 2. LA LOI DU MARCHE de Stéphane Brizé 3. MIA MADRE de Nanni Moretti 4. A MOST VIOLENT YEAR de J.C Chandor... 5.LE FILS DE SAUL de László Nemes 6. LA TÊTE HAUTE d'Emmanuelle Bercot 7. A PEINE J'OUVRE LES YEUX de Leyla Bouzid 8. THE LOBSTER de Yorgos Lanthimos 9. NOTRE PETITE SOEUR de KORE-EDA 10. BELIERS de Grímur Hákonarson 11. VALLEY OF LOVE de Guillaume Nicloux 12. MOUNTAINS MAY DEPART de Jia Zhangke 13. NOS FUTURS de Rémi Bezançon 14.L' HOMME IRRATIONNEL de Woody Allen 15. YOUTH de Paolo Sorrentino et 2 films bonus à découvrir dans l'article ci-joint...et (rectificatif de 13:01 pour ajouter un film dont je ne m'explique pas l'oubli: "L'Hemine" de Christian Vincent).
CLIQUEZ SUR "LIRE LA SUITE" POUR CONNAÎTRE LES DETAILS DU CLASSEMENT ET LIRE MES CRITIQUES DE CHACUN DE CES FILMS CI-DESSOUS.
En ce qui concerne les festivals de cinéma, cette année 2015 a été pour moi très enrichissante : un début en fanfare avec le Festival International du Film Policier de Beaune que j’ai eu le plaisir de couvrir pour la première fois, dans des conditions exceptionnelles (avec en prime la découverte du film que je place en premier dans mon classement 2015 que je vous livrerai demain), un festival de Cannes jalonné de moments cinématographiques (et accessoirement gastronomiques pour mon blog Inthemoodforhotelsdeluxe.com) inoubliables et de pépites cinématographiques (là aussi, plusieurs figurent dans mon top de l’année), le Festival de Cabourg où je suis retournée après quelques années d’absence suivi du Festival du Cinéma Américain de Deauville, véritable parenthèse enchantée pour moi cette année, un retour au Festival du Film Britannique de Dinard là aussi après quelques années d’absence et enfin le Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule qui, en deux ans d’existence, a pris une véritable ampleur avec deux concerts inoubliables et une sélection particulièrement diversifiée et de grande qualité. J'ajoute à ces festivals les deux cérémonies incontournables pour moi chaque année: les prix Lumières et les César. Ci-dessous, retrouvez les liens vers mes bilans très détaillés de ces différents festivals et événements. Demain, je vous livrerai mon top 2015. L'année à venir sera sans doute pour moi aussi littéraire (voire plus littéraire) que cinématographique avec la sortie de mon premier roman en papier au printemps prochain, un projet que j'ai hâte de partager ici avec vous...
En allant au cinéma ce 25 décembre, vous soutiendrez la magnifique association "Les toiles enchantées" qui offre des séances de cinéma pour les enfants hospitalisés. Ne vous en privez donc pas! Joyeux Noël à tous...et vive le cinéma !
Du 11 au 15 novembre, j’ai eu le plaisir d’être invitée à assister au Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule, pour moi le dernier festival de l’année après Beaune, Cannes, Cabourg, Deauville, Dinard. Je vous avais dit tout le bien que je pensais de la première édition de ce festival, ici, un festival dont j’ai du mal à croire qu’il s’agissait seulement de sa deuxième édition tant la programmation fut riche et passionnante (et, par ailleurs, je n’y ai vu QUE de bons films). Par ailleurs, la convivialité chère à Christophe Barratier, (guitariste émérite, producteur et bien sûr cinéaste : « Les Choristes », « Faubourg 36 », « La Nouvelle guerre des boutons »et, bientôt, sa nouvelle réalisation « Avis de tempête » sur l’affaire Kerviel, lequel sera incarné par Arthur Dupont, d’ailleurs présent au festival pour présenter « La vie est belge »), co-président du festival avec Sam Bobino (fondateur de Sam Bobino Consulting et désormais également directeur des relations internationales aux Journées Cinématographiques de Carthage qui auront lieu du 21 au 28 novembre 2015), fut toujours au rendez-vous malgré le remarquable essor pris par le festival en une année.
Une musique et un silence salutaires
Avant d’en venir au Festival en lui-même, ceux qui me suivent sur les réseaux sociaux (twitter @moodforcinema et instagram @sandra_meziere, compte instagram sur lequel vous pourrez retrouver d’autres photos et vidéos du festival) sur lesquels je l’ai largement commenté en direct, ont peut-être remarqué que j’ai brusquement cessé, après vendredi soir. Par respect pour ce deuil national, cette ignominie, cette tragédie, et surtout les victimes et leurs familles, il me semblait indécent d’évoquer tout autre sujet, et le cœur n’y était d’ailleurs pas, mais ne plus parler de cinéma, de musique, tout ce qu’on a voulu étrangler, ce serait aussi une bien triste abdication alors…je reprends doucement me souvenant aussi que, comme l’a très justement cité le cofondateur du Festival, Sam Bobino, lors de la clôture, dans ce film qui reste pour moi un des plus beaux et tragiquement clairvoyant de ces dernières années, « Timbuktu » (et alors que le Mali est lui aussi à nouveau dramatiquement touché) d’Abderrahmane Sissako (dont vous pouvez retrouver ma critique, ici), la musique est justement une des cibles de cette violence inepte comme elle l’a été au Bataclan.
Comme un écho à « Timbuktu » de Sissako
Je me souviens en effet, dans « Timbuktu », de ces plans d’œuvres d’art détruites : des masques et statuettes qui servent de cible à des exercices de tir. La violence absurde, ridicule, terrible des fanatiques face à la culture, la poésie et la beauté. Sissako montre des fanatiques parfois courtois, mais surtout hypocrites (par exemple interdisant de fumer et fumant en cachette), interdisant la musique, les cigarettes, le football, finalement tout ce qui a été visé ce tragique vendredi 13. Dans le film, des personnages se dressent contre l’horreur, justement en musique, comme une jeune fille flagellée parce qu’elle a chanté et qui se met à chanter tandis qu’elle subit son châtiment. Un exemple de cette résistance, une scène qui a la force poignante de « la Marseillaise » chantée dans « Casablanca» de Michael Curtiz que j’avais envie de vous partager ci-dessous avant de vous parler du festival. Dans « Timbuktu », la musique, aussi, est splendide. Signée Amine Bouhafa, elle ajoute de l’ampleur et de la force à ce film sublimé aussi par la photographie de Sofiane El Fani (directeur de la photographie de « La vie d’Adèle) qui nimbe le film d’une douceur poétique enivrante.
La force poignante et combattive de la musique
Le voyage musical et cinématographique dans lequel m’a entraînée ce Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule a été pour moi passionnant, particulièrement instructif, bouleversant parfois, diversifié aussi, du rap en passant par la musique classique, à la musique rock ou folklorique. Il a montré les multiples visages de la musique : l’expression d’une passion, ou d’une révolte, d’une résistance, d’un élan de vie, d’un désarroi, de poésie et parfois même tout cela à la fois dans un même film comme dans le remarquable « A peine j’ouvre les yeux » de Leyla Bouzid, mon grand coup de cœur de ce festival, lauréat de l’Ibis d’or du meilleur film mais aussi de la meilleure actrice (prix ex-aequo pour les deux actrices principales du film) et de la meilleure musique.
La musique est bien souvent un combat pacifiste contre les différences, le silence assourdissant des non dits, des oppressions, mettant en scène des êtres épris de liberté, bref une arme de paix.
Tous les genres de films étaient représentés avec des classiques (quel plaisir ce fut pour moi de revoir « West side story » le lendemain du ciné-concert des 70 musiciens du La Baule Symphonic mais aussi de découvrir enfin « Le Maître de musique » de Gérard Corbiau, président du jury 2015 aux côtés de Edouard Montoute, Pauline Lefèvre, Elisa Tovati, Eric Michon), des comédies (« La vie est belge », « Comment c’est loin »…), des concerts (ciné-concert« West side story », concert exceptionnel de Michel Legrand), des documentaires (splendides « Janis, « Le Maître d’école », « Abdel Rahman El Bacha »), et même un magistral film d’animation (« Le Prophète »). Le festival rendait également hommage à Michel Legrand et Jacques Demy (après Francis Lai et Claude Lelouch, l’an passé), a fêté les 25 ans de « La Baule Les Pins » de Diane Kurys, a proposé une rétrospective Gérard Corbiau. Bref, une programmation à donner le tournis !
L’émotion a souvent été au rendez-vous dans la salle de cinéma ou de concert, a fortiori le 14 novembre lors du concert exceptionnel de Michel Legrand, bouleversé, qui a débuté son concert de 1H30 par un morceau improvisé et deux mesures de La Marseillaise. Un grand moment qui restera gravé dans nos mémoires auquel a succédé sa passionnante master class le lendemain (cf mes vidéos de la master class, en bas de cet article).
Je suis partie de ce festival avec une envie fiévreuse de m’enivrer de musiques : d’écouter du Chopin a fortiori quand il est interprété par le fascinant Abdel Rahman El Bacha, de passer en boucle la musique de « West side story », de revoir les films de Jacques Demy et les autres films dont la musique fut signée par Michel Legrand, d’écouter Yodelice (qui a signé la chanson originale du « Maître de Musique »), de mettre à tue-tête Janis Joplin, de m’étourdir joyeusement avec la voix de Jacques Higelin, d’aller à l’Opéra.
La Baule, l’élégante…
L’élégante quiétude de La Baule sied décidément parfaitement à ce festival qui se déroule dans le petit cinéma du Gulf Stream situé Avenue de Gaulle qui mène à l’impétueuse et lunatique Atlantique et dont les concerts ont lieu dans la splendide salle Atlantia. Ce fut aussi pour moi l’occasion de découvrir de nouvelles adresses.
Il m’a été impossible de tout voir tant la programmation était riche (j’ai notamment hâte de rattraper « House of time » de Jonathan Helpert présenté en avant-première et dont on m’a dit le plus grand bien) mais, en attendant, ci-dessous, retrouvez mes coups de cœur du festival, en avant-première et/ou en compétition mais aussi des classiques et concerts avec, en bonus, quelques vidéos dont celles de la Master Class de Michel Legrand.
« La musique, c’est du bruit qui pense » écrivait Victor Hugo, alors en ces temps troublés, faisons en sorte que, plus que jamais, partout, le bruit pense intensément, envers et contre tout !
Avant-première – « L’attente » de Julien Piero Messina (en salles le 16 décembre 2015)
Un film avec Juliette Binoche dont les choix cinématographiques sont toujours judicieux, est déjà en soi une promesse de bon film. « Copie conforme » de Kiarostami reste pour moi une des plus exceptionnelles performances d’actrices à laquelle il m’ait été donné d’assister. Malgré sa jeune carrière, Lou de Lâage se distingue par l’intelligence de ses choix et par son immense talent qui crève l’écran de « J’aime regarder les filles » de Frédéric Louf à « Respire » de Mélanie Laurent. J’étais donc impatiente de voir les deux réunies pour ce film réalisé par un ex assistant de Paolo Sorrentino et produit par les producteurs de « Youth » et « La Grande Bellezza ». Lors du débat d’après film, dans le cadre du festival, le producteur nous a expliqué qu’il ne fut pas évident de trouver une « jeune femme qui puisse faire face à Juliette Binoche ». Et je ne vois pas quel meilleur choix il y aurait pu avoir que celui de Lou de Lâage.
Synopsis : Dans les grands salons d’une ancienne villa marquée par le temps, Anna (Juliette Binoche), touchée par un deuil soudain, passe ses journées dans la solitude. La campagne sicilienne, sauvage et d’une grande beauté, entoure la maison et l’isole tandis que le brouillard se lève lentement sur les flancs de l’Etna. Seuls les pas de Pietro, l’homme à tout faire, rompent le silence. A l’improviste arrive Jeanne (Lou de Lâage), la petite amie de Giuseppe, le fils d’Anna, qu’il a invitée à venir passer quelques jours en Sicile. Anna ignorait l’existence de Jeanne et Giuseppe est absent. Il va revenir bientôt, très bientôt…c’est ce que dit Anna à Jeanne. Les jours passent, les deux femmes apprennent lentement à se connaître et attendent ensemble le jour de Pâques, où Giuseppe rentrera pour la procession.
La sonnerie du téléphone qui retentit dans cette villa glacialement vide, sombre et silencieuse dans laquelle déambule Anna, livide, fantomatique, annonce le surgissement de la vie, de l’imprévu, impression renforcée par l’arrivée de Jeanne avec, en fond sonore, une musique pop qui contraste avec l’atmosphère recueillie de la scène qui précède. Dans cette villa déserte où ne déambule que l’homme à tout faire et sur laquelle semble peser un chagrin ineffable, va s’instaurer une relation trouble entre les deux femmes et la vie s’y immiscer à nouveau. Jeanne va apporter sa fougue, sa jeunesse, sa fraîcheur, son aveuglement, sa gaieté et la vie dans cette maison qui en a soudainement été dénuée. Sans doute a-t-elle tous les éléments pour comprendre, mais sans doute plus sidérée et incapable d’affronter la réalité que réellement aveugle à celle-ci, elle se jette à corps perdu dans le mensonge d’Anna.
Le véritable mensonge étant finalement celui que les deux femmes se font à elles-mêmes. Les scènes lors desquelles cette dernière semble sur le point de lui avouer la vérité sont d’une rare justesse et se prêtent à ces diverses interprétations. Ces deux femmes en apparence si différentes se ressemblent finalement beaucoup. Le film est d’ailleurs baigné de contrastes, entre le soleil et la noirceur, les rires et les silences, le deuil et la vie éclatante que représente Jeanne. Certains plans sont d’une beauté à couper le souffle comme lorsque les rayons du soleil se réverbèrent sur l’eau du lac dans lequel se baigne Jeanne. Le deuil renforce la beauté douloureuse de ce qui entoure les deux femmes qui le vivent.
Parmi les très belles scènes de ce film qui n’en est pas avare, la danse envoûtante de Jeanne sur une chanson de Leonard Cohen (au titre à propos :« Waiting for miracle ») suspend le vol du temps et est à l’image de ce film : sensuel, sombre et solaire, ensorcelant et âpre comme un village de Sicile et, surtout, est porté par deux splendides et talentueuses actrices qui apportent toute leur sensibilité à ces personnages exhalant la vie et la bienveillance et à ce beau film empreint de vie et de mélancolie, belle variation sur l’indicible attente et absence.
« Le Prophète » de Roger Allers d’après l’œuvre de Khalil Gibran – (En salles le 2 décembre 2015)
Sombre et solaire, « Le Prophète » de Roger Allers l’est également. Au programme du festival figurait ainsi également un film d’animation que j’attendais de voir avec d’autant plus d’impatience que j’en avais découvert les premières images, dont la poésie m’avait captivée et fascinée, lors du Festival de Cannes. Cette séance « jeune public »a autant marqué les adultes que les enfants qui en ont certainement eu une lecture différente.
Synopsis : Sur l’île fictionnelle d’Orphalese, Almitra, une petite fille de huit ans, rencontre Mustafa, prisonnier politique assigné à résidence. Contre toute attente, cette rencontre se transforme en amitié. Ce même jour, les autorités apprennent à Mustafa sa libération. Des gardes sont chargés de l’escorter immédiatement au bateau qui le ramènera vers son pays natal. Sur son chemin, Mustafa partage ses poèmes et sa vision de la vie avec les habitants d’Orphalese. Almitra, qui le suit discrètement, se représente ces paroles dans des séquences oniriques visuellement éblouissantes. Mais lorsqu’elle réalise que les intentions des gardes sont beaucoup moins nobles qu’annoncées, elle fait tout son possible pour aider son ami. Arrivera-t-elle à le sauver ?
« Le Prophète » est un best-seller, universel et intemporel, de l’auteur libanais Khalil Gibran, c’est un recueil de 26 essais philosophiques rédigés en anglais dans une prose poétique. Ce livre a été traduit en plus de 40 langues et vendu à plus de 100 millions d’exemplaires ne cessant d’être réédité depuis sa première publication en 1923.
Pour les producteurs, seule l’animation était capable de rendre le lyrisme intemporel du livre à l’écran. «L’animation nous semble être en quelque sorte la forme cinématographique la plus proche de la poésie ». Au départ, le film était conçu comme une suite de courts-métrages animés, mais l’actrice et productrice Salma Hayek-Pinault, quand elle a rejoint le projet, s’est prononcée en faveur d’une trame narrative unique pour établir le lien entre chacun des « chapitres » inspirés par le chef-d’œuvre de Khalil Gibran. « Je voulais que le film soit encore plus important, encore plus unique », dit-elle. « J’ai proposé d’utiliser une histoire principale pour accompagner les poèmes et rendre ainsi le film plus accessible, plus familial. L’histoire permet de relier une suite de courts-métrages animés dont l’un est notamment réalisé par Joann Sfar (sur le mariage et le couple avec un tango chorégraphié par Philippe Découflé) et huit autres des plus grands noms de l’animation internationale. Le long-métrage est une galerie de tableaux où les animateurs ont puisé dans les techniques picturales les plus anciennes.
Pour imaginer ce fil conducteur, les producteurs se sont tournés vers Roger Allers, un scénariste-réalisateur plébiscité et réputé pour son travail sur certains dessins animés Disney qui ont remporté le plus de succès. Après avoir signé le scénario de « La Belle et la Bête » et d’ « Aladdin », il a réalisé le blockbuster « Le Roi Lion ». Il l’a également adapté pour la comédie musicale éponyme donnée à Broadway depuis de nombreuses années.
Le livre de Gibran aborde toutes les grandes questions de l’existence et prend une résonance toute particulière ces jours-ci. Il évoque ainsi l’amour et de la mort, les enfants et le travail. Voici quelques citations extraites du film :
« L’amour ne possède pas, ni ne veut être possédé. »
« Car la liberté n’est possible que lorsqu’elle n’est plus un but. »
« Le travail, c’est l’amour rendu visible. »
« Aimez- vous mais ne faites pas un lien d’amour : qu’il soit plutôt une mer mouvante entre les rivages de votre âme. »
« Car qu’est- ce que le mal sinon le bien torturé par sa propre faim et sa propre soif ? »
« La vie et la mort ne font qu’un, comme ne font qu’un la rivière et la mer. »
« Quand le bien a faim il cherche partout de quoi se nourrir. »
« Que me reste-t-il si je renie mes convictions les plus profondes. »
« Lorsqu’on aime un ami, on ne doit pas pleurer car ce qu’on aime en lui peut être plus clair en son absence. En amitié seule compte la profondeur de l’âme. »
La musique douce et envoûtante de Gabriel Yared permet de lier ces différents chapitres et corrobore le lyrisme et la poésie des mots et des images. J’ai entendu parfois (de la part d’adultes et non d’enfants) que ce film était ennuyeux. Il est tout le contraire. Il nous touche en plein cœur et nous met du baume à l’âme, il nous emporte et nous élève. La musique, les personnages, les textes, tout contribue à l’ensorcellement du spectateur. A l’image d’Almitra, le spectateur effectue un parcours initiatique dont chaque étape exhale une poésie fascinante. La fin, bouleversante, intelligemment polysémique, fera sourire les enfants et pleurer les adultes. Ajoutez à cela la voix douce du talentueux Mika, celle délicate de Salma Hayek et celle de Nicolas Duvauchelle et vous obtiendrez un divertissement brillant, passionnant, lyrique et poétique. Je vous laisse imaginer l’effet que produit ce texte magnifique prononcé par la voix de Mika :
« Je vais te dire un secret, je me suis souvent envolé loin d’ici. Nous ne sommes emprisonnés ni par des murs ni par nos corps. Nous sommes des esprits, libres comme l’air. Pour être libres, il faut briser les liens avec lesquels on s’est soi-même enchainés. Quand l’amour te fait signe, il faut le suivre même si la route est difficile et abrupte. Les mots sont mes ailes et toi tu es mon messager. »
« Comment c’est loin » de Orelsan (Sortie en salles le 9 décembre 2015)
La poésie promettait d’être moins au rendez-vous avec « Comment c’est loin » d’Orelsan, mais le cinéma est aussi là pour faire voler en éclats les préjugés ou en tout cas pour nous embarquer dans des univers parfois diamétralement opposés.
Synopsis : Après une dizaine d’années de non-productivité, Orel et Gringe, la trentaine, galèrent à écrire leur premier album de rap. Leurs textes, truffés de blagues de mauvais goût et de références alambiquées, évoquent leur quotidien dans une ville moyenne de province. Le problème : impossible de terminer une chanson. À l’issue d’une séance houleuse avec leurs producteurs, ils sont au pied du mur : ils ont 24h pour sortir une chanson digne de ce nom. Leurs vieux démons, la peur de l’échec, la procrastination, les potes envahissants, les problèmes de couple, etc. viendront se mettre en travers de leur chemin.
Je l’avoue, le talent incontestable des deux compères pour la procrastination, la nonchalance et le phrasé si singulier d’Orelsan m’ont plus d’une fois amusée et même de certaines scènes se dégage une incongruité touchante comme celle dans laquelle intervient la propre grand-mère d’Orelsan. Elle n’est d’ailleurs pas la seule proche d’Orelsan à intervenir, il a également fait appel à ses amis d’enfance de Caen. Caen où se déroule l’intrigue (ou la non intrigue) devient un personnage à part entière et les deux anti-héros adoptent sa lenteur, ou inversement. Signalons aussi que Orelsan a été fortement aidé pour le scénario (par Stéphanie Murat) et par le célèbre chef opérateur Christophe Offenstein (aussi réalisateur de « En solitaire »)
Les deux anti-héros ne sont pas sans nous rappeler d’autres anti-héros du cinéma français comme dans « Marche à l’Ombre » de Michel Blanc. Dix titres originaux accompagneront la sortie du film le 9 décembre 2015. Même si quelques jours après, il ne me reste pas grand-chose de ce film, si ce n’est le bon rap final, forcément attendu tout au long du film, ce film parlera sans doute à une génération désabusée ou désenchantée, drôlement lucide ou lucidement drôle, qui rêvait en grand et qui a dû se résoudre à une « médiocrité » honnie pour tenter de vivre tant bien que mal dans une société qui ne permet pas toujours aux rêves de se concrétiser même si la fin nous montre qu’il ne faut jamais cesser de persévérer et d’y croire. Le duo de compères fonctionne indéniablement. Dommage que les personnages féminins ne soient que de pathétiques faire-valoir. Un film de génération qui, sans doute, ravira les fans du duo
« Abdel Rahman el Bacha, un piano entre Orient et Occident » de Gérard Corbiau
Retour à la poésie et changement radical d’univers avec ce portrait fascinant du non moins fascinant pianiste Abdel Rahman el Bacha réalisé par le président du jury de ce Festival du Film de La Baule 2015, Gérard Corbiau. Qu’il parle ou qu’il joue, le pianiste franco-libanais apaise ceux qui l’écoutent par son intelligence, son humanisme, sa vision de la musique et son message de liberté, de fraternité et de paix qu’elle porte en elle et qu’il semble irradier d’un pays à l’autre, la musique étant pour lui un moyen de jeter un pont entre l’Orient et l’Occident. Si la musique orientale l’a bercé, c’est aussi vers Bach, Beethoven, Prokofiev et Chopin que va son admiration. Vainqueur du Concours Reine Elisabeth en 1978, à 19 ans (à l’unanimité pour la première fois de l’histoire du concours !), il est aujourd’hui Maître de piano, donne des concerts dans le monde entier et enseigne à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth. Une mémoire, une passion, un travail, une détermination, une intelligence exceptionnels mais surtout un amour immodéré de la musique. Le tournage a ainsi duré trois ans et le film s’articule essentiellement autour d’une croisière musicale en Méditerranée, à laquelle participait le pianiste, lieu mythique et symbolique. C’est à cette occasion qu’il interprétera l’intégrale des sonates de Beethoven qu’il a donnée sur cinq jours consécutifs au festival de piano de la Roque d’Anthéron. Notre souffle est alors suspendu à chaque note, à chaque respiration, à chaque mouvement de ses doigts sur le piano lors de cette performance exceptionnelle qui relève de la magie. C’est absolument magnifique. Si entendre parler ce pédagogue, humaniste, philosophe de la musique, est passionnant, l’entendre jouer est un moment de magie pure et ce portrait m’a donné envie de venir l’écouter et nul doute que cela produira le même effet sur tout spectateur de ce documentaire.
« Mon Maître d’école » de Emilie Thérond (Sortie en salles le 13 janvier 2016) – Avant-première
Autre documentaire. Autre portrait d’humaniste et de pédagogue, celui que réalise Emilie Thérond de son ancien instituteur dans « Mon Maître d’école », un documentaire produit par François-Xavier Demaison (que vous pouvez entendre dans ma vidéo ci-dessus, je suis désolée pour la très mauvaise qualité de l’image).
A St Just-et-Vacquières, Jean-Michel Burel, maitre d’école d’une classe à plusieurs niveaux, commence sa dernière année scolaire avant la retraite. L’instituteur enseigne la tolérance et la sagesse au même titre que l’orthographe et les mathématiques. Il mène son programme avec détermination. Il s’évertue à soutenir les élèves pour leur donner confiance et les élever plus haut. À travers les yeux d’une ancienne élève, aujourd’hui réalisatrice, se dessine une école intemporelle où la rigueur se conjugue avec la bonne humeur, une école où la liberté commence avec le respect de celle des autres. Une école qui appartient à tous et au domaine universel de l’enfance
Cette école et ce maître-là sont ceux que nous aurions tous rêvés d’avoir. L’homme est passionné par son métier, attachant, iconoclaste et l’école devient une sorte d’Eden où les élèves apprennent tout en s’épanouissant. Tout cela semble tellement idyllique qu’on peine à croire qu’il est réel et l’émotion nous envahit à l’idée que cet homme ne puisse plus enseigner même s’il continuera à être dans le bureau d’à côté. Ajoutez à cela la musique enchanteresse de Yodelice (dont vous connaissez forcément le « Talk to me » des « Petits mouchoirs ») et vous obtiendrez une bouffée de fraîcheur et d’optimisme, un documentaire plein de tendresse sur un homme attachant.
« A peine j’ouvre les yeux » de Leyla Bouzid- Compétition (Sortie en salles le 23 décembre 2015)
C’est aussi le portrait d’une femme libre que nous dresse Leyla Bouzid dans ce film qui a remporté l’Ibis d’or du meilleur film, de la meilleure musique et de la meilleure actrice ex-aequo, des prix amplement mérités pour ce film magistral.
La Tunisie, dont les représentants du dialogue national ont cette année reçu le Prix Nobel de la Paix, a aussi été victime du terrorisme avec les attentats du Bardo à Tunis et de Sousse, un cauchemar qui a succédé à un autre, celui de la Tunisie de Ben Ali dans laquelle la corruption gangrénait la société et dans laquelle les libertés étaient restreintes et réprimées. Je n’oublierai jamais ce 14 janvier 2011, jour où Ben Ali a été chassé du pouvoir. Jour historique.
Tunis, été 2010, quelques mois avant la Révolution, Farah, (Baya Medhaffar), 18 ans passe son bac et sa famille l’imagine déjà médecin… mais elle ne voit pas les choses de la même manière. Elle chante au sein d’un groupe de rock engagé. Elle vibre, s’enivre, découvre l’amour et sa ville de nuit contre la volonté d’Hayet (Ghalia Benali), sa mère, qui connaît la Tunisie et ses interdits.
Dès les premières minutes, j’ai été captivée, estomaquée par la beauté furieuse de ce film. Par la vitalité, la force, la fougue de la mise en scène et de la jeune Farah (et de son interprète principale d’une maturité, d’une justesse sidérantes) qui dévore la vie et qui doit lutter pour exercer sa passion : chanter. Les textes qu’elle chante sont ouvertement opposés au régime et malgré sa volonté et son désir forcenés, progressivement le piège va se refermer sur elle jusqu’à ce que sa voix soit étouffée. Littéralement.
Non seulement la manière dont la réalisatrice démontre les restrictions imposées par le régime est aussi passionnante qu’édifiante, mais elle raconte avec autant de précision et sensibilité la relation amoureuse (Farah va aussi découvrir l’amour et la trahison) et la relation mère/fille. Ghalia Benali qui interprète la mère de Farah est elle aussi bouleversante, et sa dureté ne dissimule que sa lucidité et ses craintes pour sa fille qui lui ressemble finalement tant. La scène lors de laquelle la mère pousse sur l’accélérateur de sa voiture pour effrayer sa fille et lui faire promettre de ne pas sortir chanter est d’une force rare, poignante et redoutable, à la hauteur de la peur ressentie par la mère pour sa fille.
Ces yeux qui s’ouvrent du titre, ce sont à la fois ceux de Farah sur la vie, la réalité du monde qui l’entoure, mais aussi ceux de sa mère sur ce que veut et doit faire sa fille mais aussi l’éveil d’une Tunisie trop longtemps réprimée et condamnée à la soumission et au silence par vingt années de dictature. Farah représente finalement la Tunisie et cette jeunesse qui crie sa colère, sa révolte et son désir de se délivrer de ses chaînes malgré les risques encourus. La musique, fiévreuse, transcrit les élans de la jeunesse et devient un opposant incontrôlable, une arme de liberté et de paix.
Un film engagé, fiévreux, fougueux, poétique, porté par deux actrices exceptionnelles, une réalisation d’une force et d’une intensité rares, des textes et des musiques remarquables et qui montrent la puissance de liberté de la musique. C’est aussi une histoire d’amour. L’amour d’un pays. L’amour de la musique et de son pouvoir. L’amour de la liberté. L’amour d’une mère pour sa fille qui explose dans ce dernier plan d’une douceur et d’une émotion ravageuses. (Le jury ne s’y est pas trompé en primant, ex-aequo, les deux actrices). Un grand film. Un chant de liberté. Un film à l’image de sa jeune actrice : incandescent et brûlant de vie.
Lors de la clôture du festival, Baya a lu un message de la réalisatrice Leyla Bouzid. Elle a rappelé les attentats qui ont touché Tunis et Sousse avant Paris : « Un triste lien de mort unit la France et la Tunisie. Il s’agit d’un film d’un élan de vie vif et inaliénable. C’est bien d’être ici pour cet élan de vie malgré ce qui s’est produit. J’ai envie de vous dire que notre élan de vie est inaliénable. Vive la vie, la musique, et la liberté. Personne n’arrivera à les tuer. »
« L’Orchestre des aveugles » de Mohamed Mouftakir – Compétition
Réalisé par Mohamed Mouftakir avec une musique originale de Didier Lockwood, « L’Orchestre des aveugles » est un film marocain en grande partie autobiographique qui raconte l’histoire de Houcine et de sa famille, dans les années 70, à Casablanca. Ils vivent dans la maison familiale de sa femme, Halima. Cette maison est un lieu de cohabitation animée : une galerie de personnages hauts en couleurs s’y croise au rythme de la vie de l’orchestre et de ses danseuses traditionnelles (les Chikhates). Cet orchestre est particulier, les musiciens hommes sont parfois obligés de se faire passer pour des aveugles afin de jouer dans les fêtes réservées aux femmes chez des familles conservatrices marocaines.
Ce film est fois un hommage et un pardon de Mohamed Mouftakir à son père. Il y exprime ce qu’il n’a pas pu lui dire avant sa disparition. Comme dans le film de Leyla Bouzid, il est question de liberté réprimée et de délit d’opinion et comme pour le film de Leyla Bouzid « L’Orchestre des aveugles » le jury a couronné ex –aequo ses deux acteurs (Ibis d’or du meilleur acteur-Groupe Barrière pour les comédiens Younes Megri et El Jihani Llyas, ex-aequo). Le cadre est ici celui du Maroc des années 70. Le film évoque en effet la liberté de parole et le délit d’opinion dans les années 70. L’oncle d’Houcine rêve de révolution marxiste. Plus timoré et classique que le film de Leyla Bouzid, « L’Orchestre des aveugles » privilégie l’implicite même si, en filigrane, apparaît une société patriarcale qui rêve de s’émanciper. Ce parti pris peut aussi se justifier par le fait que le regard est celui que porte un enfant triste et nostalgique sur son passé. Au dénouement, les émotions, toujours en filigrane au cours du film, éclatent pour laisser la tristesse affleurer enfin. Un film à l’image de son jeune personnage principal, touchant et sensible.
« La Passion d’Augustine » de Léa Pool – Compétition (Date de sortie en salles le 30 mars 2016)
Egalement en compétition et également au palmarès ( Ibis d’or du meilleur scénario), « La Passion d’Augustine » nous embarque sous une autre latitude et dans une autre atmosphère, celui d’un couvent du Québec des années 60.
Simone Beaulieu, devenue Mère Augustine, dirige ainsi avec succès un petit couvent sur le bord du Richelieu. Passionnée, elle met toute son énergie et son talent de musicienne au service de ses élèves. Lorsque sa nièce Alice lui est confiée, c’est non seulement une nouvelle pianiste prodige qui fait son entrée, mais aussi une jeune femme dont les aspirations sont au diapason de l’époque et qui rappelle à Mère Augustine un passé qu’elle avait cru mis de côté définitivement.
Là aussi, dans ce film lumineux, rempli de générosité, d’espoir et de bons sentiments, la musique est une arme de résistance au chagrin, d’éducation à l’art et à la vie. Il vaut surtout par la prestation de Céline Bonnier en Mère Augustine, beau portrait d’une femme qui se dévoile au propre comme au figuré, et la musique de François Dompierre, qui a retravaillé plusieurs oeuvres de Bach et Chopin, dont la beauté élève le film.
« Move ! » de Fanny Jean-Noël – Compétition
Atypique. S’il fallait ne choisir qu’un adjectif pour qualifier ce film (et sa réalisatrice) ce serait sans doute celui-là. Fascinant et étourdissant de beauté aussi. Seule avec sa petite caméra, Fanny Jean-Noël a ainsi réalisé le portrait d’une vingtaine de personnages à travers le monde (au gré de ses rencontres, passant au début 25 jours dans chaque pays) ayant tous une passion commune qui va changer leur vie : la danse ! Une fiction-documentaire sur le langage universel de la danse, besoin vital, premier né des arts.
De la poésie à l’état pur qui montre avec une force poignante ce qui nous rassemble au-delà de toutes les supposées différences, au-delà des frontières. Le résultat est une ode à la musique, à l’art comme vecteur universel de joie, d’émotions qui permet de transcender les différences. Elle cite Nietzsche qui dit « Considérons comme perdue toute journée où n’avons pas dansé au moins une fois » et fait de la musique un art de vivre, intensément, d’aimer, d’affronter la vie.
Elle explore ainsi toutes les fonctions de la danse : danse guerrière, de séduction, de cour, incantatoire, de rituel, aux rois ou aux ancêtres…Son tour du monde devient ainsi une quête des représentations des différentes fonctions de la danse, en suivant les âges de la vie : l’enfance, l’apprentissage, la mort. Certains passages (à vrai dire presque tous) sont d’une beauté à couper le souffle. La réalisatrice sait marier les contrastes, saisissants, pour accentuer la beauté de ces instants magiques, hors du temps que ce soit à Bali, en Irlande, en Espagne, au Japon, à Madagascar, au Maroc, en Géorgie, en Inde…
1h15 magiques qui irradient de beauté, de lumière, de poésie. La danse (aucun dialogue ici) devient un langage universel, un étourdissant vertige qui nous laisse heureux et essoufflés avec une seule envie, entrer dans la danse ! (Musique originale de Piers Faccini).
« Janis » de Amy Berg (USA) (Sortie en salles le 6 janvier 2016) – Compétition
Janis que son prénom suffit à désigner, c’est donc Janis Joplin, l’une des plus mythiques chanteuses de rock et de blues de tous les temps mais aussi une écorchée vive, forte et vulnérable, aussi sensible que sa voix était puissante. L’histoire de la courte vie d’une femme passionnée qui changea le cours de l’histoire de la musique, qui a enfreint tous les codes dans sa vie comme dans la musique, se jetant à corps perdu dans l’une comme dans l’autre. Elle décéda ainsi en 1970 à l’âge de 27 ans (le fameux « Club des 27″, l’âge auquel décédèrent les autres légendes du rock : Jim Morrison, Jimmy Hendrix, Kurt Cobain et Amy Winehouse).
Peut-être, dans son dispositif un peu classique pour une femme aussi libre et iconoclaste, « Janis » repose néanmoins sur une belle idée. Celle d’une voix off qui lit des lettres que Janis avait adressées à sa famille créant ainsi une proximité avec le spectateur qui a l’impression de recueillir ses confidences, d’entendre sa voix intérieure aussi fragile que sa musique était puissante.
Ce dispositif épistolaire permet d’esquisser un portrait plus nuancé et nous donne à voir, derrière les images enfiévrées, fascinantes, explosives, électriques, des concerts, la femme blessée, avide d’amour, à jamais complexée et surtout fragilisée par les humiliations qu’elle a subies dans son enfance. Bouleversante est la scène où, devenue une star, elle revient dans son ancien lycée et, où dans sa voix et son regard perdus, à fleur de peau, subsistent les bleus à l’âme de l’enfant blessée qu’elle semble alors être à nouveau et à jamais.
Se dessine ainsi, derrière l’artiste hors normes, au talent qui transpire l’écran et nous fait frissonner d’émotion, le portrait d’une femme terriblement attachante, sensible, empathique, pétrie d’incertitudes, de manque d’amour et de confiance qu’elle tentait de noyer dans des plaisirs artificiels.
La fin du documentaire, ce rendez-vous manqué que n’aurait osé inventer le plus audacieux des scénaristes, est absolument bouleversante et nous laissent ko avec une seule envie, entendre à nouveau sa voix immortelle, fiévreuse et incandescente.
« Ce que le temps a donné à l’homme » de Sandrine Bonnaire
Autre portrait d’un chanteur libre et à fleur de peau, celui réalisé par l’actrice et réalisatrice Sandrine Bonnaire (aussi talentueuse en tant que réalisatrice qu’ en tant qu’actrice, on se souvient ainsi notamment du sublime « J’enrage de son absence » que je vous recommande à nouveau vivement et dont vous pouvez retrouver ma critique, ici) a suivi son ami Jacques Higelin pendant un an derrière sa caméra pour réaliser un « portrait intimiste » du chanteur. Cela a donné un film bouillonnant, de vie, de sincérité, de musique, intitulé « Ce que le temps a donné à l’homme » que les deux artistes sont venus présenter à La Baule. Leur complicité transparait à l’écran et permet de livrer un portrait à la fois personnel, singulier, lumineux qui ne soit jamais indiscret et impudique et, d’ailleurs, à l’issue du documentaire de 52 minutes, le mystère demeure et c’est bien heureux, mais surtout elle nous donne envie d’écouter encore et encore les musiques à l’image de l’artiste, « tendre et sauvage » et d’aller le voir en concert. (Je garde un souvenir inoubliable de sa prestation au Festival du Film de Cabourg, il y a quelques années.) Sandrine Bonnaire avait déjà réalisé un documentaire, un autre magnifique portrait, poignant mais ni larmoyant ni complaisant, celui de sa sœur Sabine dans « Elle s’appelle Sabine ».
« Le Maître de musique » de Gérard Corbiau
Ce festival fut aussi pour moi l’occasion de voir (mieux vaut tard que jamais !) « Le Maître de musique », un film du président du jury de ce Festival de La Baule, Gérard Corbiau. Ce film de 1988 a été nommé pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1989.
Au début du XXe siècle, Joachim Dallayrac, fameux baryton, annonce qu’il met un terme à sa carrière lyrique, pourtant au sommet de la gloire. Il a en effet décidé de se consacrer entièrement à l’enseignement de la jeune Sophie dont il recherche la perfection vocale, surprenant et décevant ainsi les critiques. Jusqu’au jour où il rencontre Jean, un jeune voyou dont il entame le travail vocal. Ses deux élèves sont alors conviés au concours lyrique organisé par l’éternel rival de Dallayrac, le Prince Scotti. Jean et Sophie se joignent au concours…
Je reviendrai ultérieurement sur ce film, d’une étonnante maîtrise, et dont il est difficile de croire que c’est un premier film. Construit comme un opéra dans lequel la musique exprime les sentiments passionnés, parfois réfrénés, des protagonistes, et grâce un montage remarquable, une photographie somptueuse ce film est un moment de pure poésie et de musique violemment enchanteresses.
Hommage à Michel Legrand, concert exceptionnel et master class
L’an passé, le compositeur Francis Lai avait reçu un Ibis d’Or pour l’ensemble de sa carrière (et pour ses 50 ans de collaboration avec Claude Lelouch). Cette année, c’était au tour d’un autre très grand compositeur de musiques de films, Michel Legrand, d’être honoré par le Festival (avec un concert unique et exceptionnel lors de la clôture, un grand moment).
C’est l’occasion aussi pour moi de faire une petite parenthèse pour vous recommander l’excellent film « Cinq jours en juin » réalisé par Michel Legrand. Un film méconnu de 1988 que Michel Legrand a réalisé. Le film est certes de facture classique mais la réalisation est loin d’être inintéressante ou banale et, en plus d’être un musicien génial, Michel Legrand se révèle être un cinéaste doué, pudique et inspiré. Dans ce film, il raconte une histoire fortement inspiré de la sienne: Michel, âgé de quinze ans, (Matthieu Rozé) remporte son prix de piano au conservatoire de Paris le jour où les alliés débarquent sur les plages de Normandie. Les trains sont réquisitionnés, lui et sa mère (Annie Girardot) ne peuvent plus rentrer en Normandie. Avec Yvette ( Sabine Azéma), une jeune femme délurée, ils volent des bicyclettes et partent pour Saint-Lô. Sur leur chemin, ils échappent à des bombardements et à des combats, assistent à la débâcle des troupes allemandes et rencontrent des soldats américains. Michel tombe amoureux d’Yvette. Ce film exhale un parfum entêtant et enivrant qui doit s’appeler le charme qui doit beaucoup au trio de comédiens avec une Sabine Azéma, rayonnante, mutine, malicieuse, éclatante de vie et une Annie Girardot, à la fois grave et sereine et bienveillante, comme toujours d’une justesse remarquable. Un film plein de vitalité et d’émotions, de celle qui nous envahit quand on écrit pour les êtres chers disparus, de celle qui vient du cœur, qui transparait dans chacun des plans de ce film qui mérité d’être vu.
« Les circonstances dramatiques ont créé l’envie de se rassembler et de célébrer la chance d’être en vie et cela s’est senti dans chaque note » a très justement précisé Christophe Barratier en préambule de cette passionnante master class lors de laquelle l’émotion fut au rendez-vous. Pardon pour la mauvaise qualité de l’image mais je tenais néanmoins à partager ici les propos passionnants de Michel Legrand. La master class a été précédée d’un montage d’extraits emblématiques de musiques de films signées de ce grand artiste :
« La musique au cinéma est comme un deuxième dialogue. La musique que j’écris, elle dérange » a ainsi expliqué Michel Legrand
2. Le deuxième extrait fut celui de la scène si sensuelle de la partie d’échecs dans « L’Affaire Thomas Crown »
3. Le troisième extrait, « Les parapluies de Cherbourg » a clos cette master class. « J’ai musiqué un film écrit pour être parlé », a ainsi raconté Michel Legrand à propos de ce chef d’œuvre de Demy, palme d’or 1964.
-Ciné-concert « West side story »
Quel plaisir ce fut aussi de revoir « West side story » le lendemain du concert donné par les 70 musiciens du La Baule Symphonic, de me laisser à nouveau conquérir par la musique de Leonard Bernstein, de me laisser bouleverser par ce Roméo et Juliette du Upper West Side à New York. La noirceur du thème, la musique sophistiquée, les problèmes sociaux évoqué restent étonnamment actuels sans parler de la partition de Bernstein et ses inoubliables et intemporels Something’s coming, Maria, America, Somewhere, Tonight, Jet Song, I Feel Pretty, One Hand, One Heart, Gee, Officer Krupke et Cool.
Le film remporta dix Oscars (sur onze nominations) lors de la 34e cérémonie des Oscars.
« Toutes mes vocations sont nées de ce film » a expliqué Mathilda May venue rendre hommage à George Chakiris finalement absent pour raisons de santé.
« Le Bolero » de Maurice Ravel (la musique du film « Les Uns et Les Autres » de Claude Lelouch…) par lequel s’est terminé ce concert m’a emportée dans ce tourbillon de musique éblouissant, ce que fut aussi ce 2ème Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule. Une indéniable réussite. Vivement le prochain!
Palmarès
Ibis d’or du meilleur film
« A peine j’ouvre les yeux » de Leyla Bouzid (Tunisie)
Ibis d’or de la meilleure musique de film :
Khyam Allami pour « A peine j’ouvre les yeux » de Leyla Bouzid (Tunisie)
Ibis d’or du meilleur scénario :
« La Passion d’Augustine » de Lea Pool (Canada, Québec)
Ibis d’or du meilleur acteur – Groupe Barrière :
Younes Megri et El Jihani Llyas (ex-aequo)
pour « L’Orchestre des aveugles » de Mohamed Mouftakir (France / Maroc)
Ibis d’or de la meilleure actrice :
Baya Medhaffer et Ghalia Benali (ex-aequo)
pour « A peine j’ouvre les yeux » de Leyla Bouzid (Tunisie)
Ibis d’or Prix du public :
« La Passion d’Augustine » de Lea Pool (Canada, Québec)
Le Champs-Elysées Film Festival dont j’ai eu le plaisir d’être cette année « blog partenaire », un évènement initié par la productrice, distributrice et exploitante Sophie Dulac et dont c’était la deuxième édition (et non seconde car j’espère que d’autres lui succéderont), s’est déroulé sur la plus belle avenue du monde du 12 au 18 juin 2013 avec pour présidents Olivier Martinez et Julie Gayet, avec cette année, 18000 spectateurs malgré une météo capricieuse et la concurrence de « Cinema Paradiso » au Grand Palais. Même si la réalité m’a malheureusement rattrapée et même si je n’ai pas pu voir autant de films que prévu parmi cette alléchante programmation ( 60 films français et américains, à la fois des avant-premières et des films en compétition, des films intimistes et/ou indépendants et des blockbusters), des films projetés dans les cinémas suivants : le Balzac, le Gaumont Champs-Elysées, le Lincoln, le Publicis Cinéma, l’UGC George V et le MK2 Grand Palais), j’ai tout de même découvert de beaux films dont vous pourrez retrouver mes critiques ci-dessous.
Ci-dessus, la Présidente du festival (qui en est aussi à l'origine) Sophie Dulac, avec le Président d'honneur 2013, Olivier Martinez et, plus haut, avec l'autre Présidente d'honneur, Julie Gayet.
Aussi différents que les cinémas qui jalonnent les Champs-Elysées et dans lesquels ont lieu les projections du festival, les films de ce Champs-Elysées Film Festival 2013 m’ont ainsi permis de réaliser d’impressionnants bonds dans les genres cinématographiques et même dans le temps, un voyage aussi réjouissant que déroutant (Passez de « World War Z », blockbuster qui a perdu son scénariste en cours de route, au sublime « Elle s’en va » -film de l’année !-, en passant par des films indépendants aussi haletants que « Blood pressure ») ponctué par de très agréables escales sur la terrasse du Publicis (partenaire du festival), en haut des Champs-Elysées, avec sa vue surplombant Paris, vue sublimement vertigineuse, éblouissante et changeante. Quel plaisir de se découvrir touriste dans sa propre ville et de se rendre chaque jour sur les Champs-Elysées en ayant à chaque fois la sensation de partir pour de nouvelles pérégrinations, cinématographiques en tout cas, et en rentrant, le soir, en ayant la sensation de me retrouver dans « Minuit à Paris » de Woody Allen dans lequel ce dernier plus inventif et juvénile que jamais, joue et se joue des fantasmes d’une ville qu’il revendique d’idéaliser, ce Paris qui, à l’image du titre du roman d’Hemingway « est une fête », ce Paris dans lequel passé et présent, rêve et réalité, littérature et peinture vous étourdissent, un hymne à la magie de Paris et du cinéma qui permettent même au passé et au présent de se rencontrer et s’étreindre, dans lequel le cinéma est une évasion salutaire « dans une époque bruyante et compliquée ». Mais je m’égare…
Parmi les nombreuses personnalités présentes cette année (pas dans « Minuit à Paris » mais au Champs Elysées Film Festival 2013) : Darren Criss (qui aura fait augmenter considérablement le niveau des décibels comme vous le verrez dans ma vidéo ci-dessous, je dois avouer humblement que je ne connaissais pas cet acteur avant le festival) et l’humoriste américaine Kristen Wiig pour le film de clôture «Imogène », Halle Berry, invitée d’honneur de la soirée caritative des Toiles Enchantées, Frédérick Wiseman et Cédric Klapisch pour leur master class et de très nombreuses équipes de films.
Je vous propose de retrouver ci-dessous les meilleurs moments de mes pérégrinations avec quelques films à ne surtout pas manquer dont je vous reparlerai bien entendu au moment de leurs sorties.
Avant d’évoquer les films qui m’ont marquée (« Five dances », « Le Quatuor », « Elle s’en va », « Grand Central », « Blood pressure » etc) et de ne pas évoquer d’autres plus dispensables ( comme « Chez nous c’est trois » dont la présentation aura néanmoins été un moment épique avec la présence de toute l’équipe du film -photo ci-dessus-… et l’obstination de Claude Duty à appeler Julien Doré –qui y fait une apparition- Julien Clerc) , je commence avec un des meilleurs moments de cette édition :
LA MASTER CLASS DE CEDRIC KLAPISCH :
-Grand moment de cette édition 2013 (après la master class de Michael Madsen et celle de Donald Sutherland, l’an passé, pour la première édition du festival) la master class de Cédric Klapisch, au cours de laquelle ce dernier a répondu aux questions même les plus « ineptes » (ceux qui auront vu un des films du festival en avant-première avec Andy Garcia comprendront la raison de l’utilisation de cet adjectif) de la salle avec beaucoup de courtoisie, d’humilité et de précision, un moment trop court qui aura notamment été ponctué par la projection de son court-métrage « En transit » qui contient déjà les thèmes de son cinéma (des personnages solitaires, « en transit », entre deux -vies, villes et parfois amours-, son goût pour le voyage, et que je vous propose de retrouver ci-dessous. Les plus attentifs y verront notamment Todd Solonz. Il s’agit du film de fin d’études de Cédric Klapisch réalisé à New York où il étudiait le cinéma, avec notamment de nombreux plans fixes inspirés par la photo. Il nous a d’ailleurs dit y avoir choisi de filmer une plage abandonnée par « plaisir photographique », et qu’il invente souvent des scènes dans l’optique de filmer certains lieux, que parfois aussi une scène peut lui être inspirée par une musique.
Le cinéaste a été interviewé sur la scène du Publicis par la pétillante Béatrice que les habitués d’un autre festival de cinéma connaissent bien. Cédric Klapisch venait tout juste de terminer « Casse-tête chinois ». Il a d’abord évoqué ses débuts par la photo jusqu’à ses 17 ans/18 ans, à l’origine de son « goût pour le visuel ». Il fut ensuite chef opérateur sur des courts-métrages. Ses deux échecs au concours de l’Idhec l’ont ensuite conduit dans une école de cinéma aux Etats-Unis. Comme cinéastes qu’il admire, il a cité au passage Scorsese, Allen, Jarmusch.
Il a également parlé de son acteur fétiche qu’il a révélé, Romain Duris, qui « n’était pas certain d’être acteur jusqu’à L’Auberge espagnole ».
Il a aussi évoqué son seul César, meilleur scénario pour « Un air de famille », « écrit à 95% par Jaoui /Bacri. »
Il a également confié que son envie d’être cinéaste était venue sur les Champs-Elysées et que Saint-Pétersbourg était la ville qu’il avait eue le plus de plaisir à filmer.
Selon lui, ce qui nous intéresse en tant que public, c’est « avoir une sorte de reportage sur le cerveau de quelqu’un qui n’est pas comme nous. […] Je trouve qu’il y a une diversité géniale dans le cinéma français unique au monde. En France, difficile de dire que Francis Weber est un auteur. Moi je trouve que c’est un auteur au même titre que Sergio Leone ou Almodovar car il a inventé un univers. »
En cadeau, les spectateurs de la master class ont eu le droit de voir le générique et le début de « Casse-tête chinois » qui sortira en salles le 4 décembre. Xavier (Romain Duris) a maintenant 40 ans. Il est père de deux enfants et parle/écrit toujours à 100 à l’heure. Après Paris, Barcelone, Saint-Pétersbourg, Londres, pour ne pas vivre loin de ses enfants le voilà cette fois parti pour New York pour un « casse-tête chinois ». Les premières images sont prometteuses, il vous faudra attendre le 4 décembre pour les découvrir à votre tour.
Sans aucun doute mon énorme coup de cœur de ce festival (et même de :l’année) ;
ELLE S’EN VA d’EMMANUELLE BERCOT avec Catherine Deneuve
Un film avec Catherine Deneuve est en soi déjà toujours une belle promesse, une promesse d’autant plus alléchante quand le film est réalisé par Emmanuelle Bercot dont j’avais découvert le cinéma avec « Clément », présenté à Cannes en 2001, dans le cadre de la Section Un Certain Regard, alors récompensé du Prix de la jeunesse dont je faisais justement partie cette année-là, l’histoire poignante et délicate (et délicatement traitée) de l’amour d’un adolescent pour une femme d’âge plus mûr (d’ailleurs interprétée avec beaucoup de justesse par Emmanuelle Bercot). Une histoire intense dont chaque plan témoignait, transpirait de la ferveur amoureuse qui unissait les deux protagonistes. Puis, il y a eu « Backstage », et l’excellent scénario de « Polisse » dont elle était coscénariste.
L’idée du road movie avec Catherine Deneuve m’a tout d’abord fait penser au magistral « Je veux voir » de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige dans lequel le dernier regard de Catherine Deneuve à la fois décontenancé et ébloui puis passionné, troublé, troublant est un des plus beaux plans qu’il me soit arrivé de voir au cinéma contenant une multitude de possibles et toute la richesse de jeu de l’actrice. « Elle s’en va » est un road movie centré certes aussi sur Catherine Deneuve mais très différent et né du désir « viscéral » d’Emmanuelle Bercot de la filmer (elle n’est sans doute pas la seule mais nous comprenons rapidement pourquoi l’actrice a accepté ici) comme l’a précisé la réalisatrice avant la projection.
L’actrice incarne ici Bettie (et non Betty comme celle de Chabrol), restauratrice à Concarneau, veuve (je vous laisse découvrir comment…), vivant avec sa mère (Claude Gensac !) qui la traite encore comme une adolescente. L’amant de Bettie vient de quitter sa femme… pour une autre qu’elle. Sa mère envahissante, son chagrin d’amour, son restaurant au bord de la faillite vont la faire quitter son restaurant, en plein service du midi, pour aller « faire un tour » en voiture, puis pour acheter des cigarettes. Le tour du pâté de maisons se transforme bientôt en échappée belle. Elle va alors partir sur les routes de France, et rencontrer toute une galerie de personnages dans une France qui pourrait être celle des « sous-préfectures » du « Journal de France » de Depardon. Et surtout, son voyage va la mener sur une voie inattendue…et nous aussi tant ce film est une surprise constante.
Après un premier plan sur Catherine Deneuve, au bord de la mer, éblouissante dans la lumière du soleil, et dont on se demande si elle va se « jeter à l’eau » (oui, d’ailleurs, d’une certaine manière), se succèdent des plans montrant des commerces fermées et des rues vides d’une ville de province, un chien à la fenêtre, une poésie décalée du quotidien aux accents de Depardon. Puis Bettie apparaît dans son restaurant. Elle s’affaire, tourbillonne, la caméra ne la lâche pas…comme sa mère, sans cesse après elle. Bettie va ensuite quitter le restaurant pour ne plus y revenir. Sa mère va la lâcher, la caméra aussi, de temps en temps : Emmanuelle Bercot la filme sous tous les angles et dans tous les sens ( sa nuque, sa chevelure lumineuse, même ses pieds, en plongée, en contre-plongée, de dos, de face, et même à l’envers) mais alterne aussi avec des plans plus larges qui la placent dans des situations inattendues dans de « drôle[s] d’endroit[s] pour une rencontre », y compris une aire d’autoroute comme dans le film éponyme.
Si l’admiration de la réalisatrice pour l’actrice transpire dans chaque plan, en revanche « Elle s’en va » n’est pas un film nostalgique sur le « mythe » Deneuve mais au contraire ancré dans son âge, le présent, sa féminité, la réalité. Emmanuelle Bercot n’a pas signé un hommage empesé mais au contraire un hymne à l’actrice et à la vie. Avec son jogging rouge dans « Potiche », elle avait prouvé (à ceux qui en doutaient encore) qu’elle pouvait tout oser, et surtout jouer avec son image d’icône. « Elle s’en va » comme aurait pu le faire craindre son titre (le titre anglais est « On my way ») ne signifie ainsi ni une révérence de l’actrice au cinéma (au contraire, ce film montre qu’elle a encore plein de choses à jouer et qu’elle peut encore nous surprendre) ni un film révérencieux, mais au contraire le film d’une femme libre sur une autre femme libre. Porter une perruque improbable, se montrer dure puis attendrissante et s’entendre dire qu’elle a dû être belle quand elle était jeune (dans une scène qui aurait pu être glauque et triste mais que la subtilité de l’écriture et de l’interprétation rendent attendrissante )…mais plus tard qu’elle sera « toujours belle même dans la tombe» : elle semble prendre un malin plaisir à jouer avec son image.
Elle incarne ici un personnage qui est une fille avant d’être une mère et une grand-mère, et surtout une femme libre, une éternelle amoureuse. Au cours de son périple, elle va notamment rencontrer un vieil agriculteur (scène absolument irrésistible tout comme sa rencontre d’une nuit -belle découverte que Paul Hamy-). Sa confrontation avec cette galerie de personnages incarnés par des non professionnels pourrait à chaque fois donner lieu à un court-métrage tant ce sont de savoureux moments de cinéma, mais une histoire et un portrait se construisent bel et bien au fil de la route. Le film va ensuite prendre une autre tournure lorsque son petit-fils l’accompagnera dans son périple. En découvrant la vie des autres, et en croyant fuir la sienne, elle va au contraire lui trouver un nouveau chemin, un nouveau sens, la libérer du poids du passé.
Si le film est essentiellement interprété par des non professionnels (qui apportent là aussi un naturel et un décalage judicieux), nous croisons aussi Mylène Demongeot (trop rare), le peintre Gérard Garouste et la chanteuse Camille (d’ailleurs l’interprète d’une chanson qui s’intitule « Elle s’en va » mais qui n’est pas présente dans le film) dans le rôle de la fille cyclothymique de Bettie et enfin Nemo Schiffman, irréprochable dans le rôle du petit-fils. Ajoutez à cela une remarquable BO et vous obtiendrez un des meilleurs films de l’année 2013.
Présenté en compétition officielle de la Berlinale 2013 et en compétition du Champs-Elysées Film Festival 20013, « Elle s’en va » a permis à Catherine Deneuve de recevoir le prix coup de cœur du Festival de Cabourg 2013.
« Elle s’en va » est d’abord un magnifique portrait de femme sublimant l’actrice qui l’incarne en la montrant paradoxalement plus naturelle que jamais, sans artifices, énergique et lumineuse, terriblement vivante surtout. C’est aussi une bouffée d’air frais et d’optimisme qui montre que soixante ans ou plus peut être l’âge de tous les possibles, celui d’un nouveau départ. En plus d’être tendre (parfois caustique mais jamais cynique ou cruel grâce à la subtilité de l’écriture d’Emmanuelle Bercot et le jeu nuancé de Catherine Deneuve), drôle et émouvant, « Elle s’en va » montre que, à tout âge, tout peut se (re)construire, y compris une famille et un nouvel amour. « Elle s’en va » est de ces films dont vous ressortez émus et le sourire aux lèvres avec l’envie d’embrasser la vie. Un bonheur ! Et un bonheur rare. Le film sort en salles le 18 septembre. Ne le manquez pas.
-Parmi les autres belles surprises de ce festival :
- LE QUATUOR de YARON ZILBERMAN
Ce film qui sera en salles le 10 juillet raconte l’histoire de quatre musiciens d’un quatuor à cordes incarnés par Philip Seymour Hoffman, Catherine Keener, Mark Ivanir et Christopher Walken dont la belle harmonie va être mise à rude épreuve quand va se déclarer la maladie de l’un d’entre eux qui va alors faire voler en éclats les certitudes et l’entente du groupe. Ils devront alors se confronter à la vie de laquelle finalement la musique les tenait éloignés. Vont alors se révéler les fêlures et les egos dans cette famille de musiciens unis par la musique.
Le cinéaste Yaron Zilberman s'est inspiré du "Quatuor à cordes, opus 131 en ut mineur" de Beethoven pour écrire et réaliser son film, un film sans grandiloquence, mais fragile et beau comme les relations qui unissent les différents personnages de ce groupe. Au-delà de la force poignante de la musique (trop peu présente, on en redemande), l’autre force de ce film est la construction des personnages, aux caractères nuancés avec une mention spéciale pour celui de Philip Seymour Hoffman, bouleversant et vulnérable… Ce même dernier adjectif pourrait s’appliquer inhabituellement à Christopher Walken, étonnamment en retenue.
-Parmi mes autres coups de cœur, un film en compétition :
BLOOD PRESSURE de SEAN GARRITY
Avec les films en compétition, d’une diversité vraiment appréciable, de ce Champs-Elysées Film Festival, je serai ainsi notamment passée de l’Amérique rurale de « Hide your smiling faces », film en compétition de Daniel Patrick Carbone, qui confronte de jeunes adolescents à la mort d’un de leurs amis, au milieu d’une nature à la fois hostile et reposante, en tout cas dans laquelle la mort rôde constamment, une mort qu’ils apprivoisent à l’image de la dureté de la vie à laquelle ils sont confrontés, à « How to make money selling drugs » de Mattheu Cooke qui ferait passer Michael Moore pour le cinéaste le plus objectif et le moins démagogique de la terre, non sans talent néanmoins. S’y succède une série d’entretiens avec des stars, des dealers, des employés de prison, ainsi que des lobbyistes argumentant chacun leur point de vue sur le marché de la drogue et ses conséquences. Mon grand coup de cœur de cette compétition (je regrette de n’avoir pu voir tous les films qui la composaient) est ainsi « Blood pressure » de Sean Garrity.
Réalisé par le Canadien Sean Garrity (photo ci-dessus), « Blood pressure » fut projeté au cinéma Le Balzac (un cinéma que je vous recommande pour la qualité et l’originalité de ses programmations et notamment pour ses ciné-concerts et les nombreuses autres initiatives de son directeur -depuis 35 ans !- Jean-Jacques Schpoliansky qui a su en faire un vrai lieu de vie et de cinéma, et faire survivre son cinéma malgré la rude concurrence des grands groupes qui l’environnent ) présenté par son enthousiaste réalisateur Sean Garrity qui a déclaré faire des films comme ceux qu’il rêverait de voir au cinéma. Le film en question étant par ailleurs résumé dans le programme comme « Le thriller psychologique le plus troublant de l’année », voilà qui était pour le moins intriguant. Et intriguant, « Blood pressure » l’est particulièrement, et cela dès les premières secondes qui, je dois l’avouer, m’ont captivée comme cela ne m’était pas arrivé depuis un moment ! Alors que la caméra survole des maisons tristement identiques, une voix off lit une lettre anonyme d’un mystérieux bienfaiteur adressée à une femme qui vit justement dans une de ces maisons. Si elle accepte que le mystérieux bienfaiteur continue à lui écrire, elle devra déposer une feuille verte sur sa fenêtre, sinon elle n’entendra plus jamais parler de lui. Si cette lettre semble bienveillante, son caractère anonyme, son ton étrange ne la rendent que plus inquiétante, visiblement pas pour Nicole qui n’hésite pas bien longtemps avant de se laisser entraîner…mais jusqu’où ? Et surtout…par qui ?
Sean Garrity capte ainsi immédiatement notre attention, d’abord parce que nous sommes placés au même niveau de connaissance que la destinataire de la lettre sur son expéditeur, l’identification est donc immédiate, ensuite parce que, avec beaucoup de subtilité, et simplement par un montage alerte et une réalisation astucieuse, Sean Garrity instaure un climat étrange, à la frontière des genres, un thriller intime et intimiste dans lequel le quotidien semble pouvoir basculer dans l’horreur à tout moment comme nous le font craindre, notamment, ces lettres rouges qui s’impriment sur les murs quand Nicole lit ces lettres en apparence inoffensives.
Ces lettres ne lui apportent en effet au début que des choses positives : le mystérieux bienfaiteur lui offre d’abord un soin de beauté en institut, des billets pour elle et son mari pour le voyage au Mexique où elle rêve de s’évader depuis si longtemps sans parler de ce moment irréel sur un toit de la ville auquel elle a été conduite par des lumières disposées sur la route… S'instaure pourtant progressivement une distorsion entre ce que ressent le spectateur qui pressent le danger et la menace planer et la confiance aveugle que Nicole semble éprouver envers son expéditeur (qu'elle imagine d'ailleurs avec une douce voix féminine).
Cette femme de 41 ans qui travaille aussi dans une pharmacie (élément qui aura ensuite son importance), délaissée par son mari et méprisée par ses enfants pour qui elle est juste là pour faire la cuisine et les emmener à leurs cours, va trouver une raison de vivre et se laisser entraîner dans ce jeu de pistes inquiétant et troublant, une sorte de rêve qui semble à tout instant pouvoir basculer dans le cauchemar. Ces lettres vont lui donner l’adrénaline que son existence ne lui procurait pas ou plus et surtout un sentiment d’exister. Nicole est incarnée par Michelle Giroux (dont le visage même va changer de manière assez spectaculaire au fur et à mesure des lettres et de la confiance qu’elle prend en elle), parfaite dans ce rôle de de femme docile et se sentant inutile qui va devenir une vraie combattante.
Par des éléments a priori anodins, comme le regard de son collègue de pharmacie qui épie ses moindres faits et gestes (Serait-il le mystérieux expéditeur ? A moins qu’il ne s’agisse de son mari ? Ou de son amie qui semble tellement bien la connaître et si-trop ?-bienveillante ?), la manière de filmer en plongée, à travers une vitre comme si elle était épiée, la numérotation décroissante des lettres portant des messages de plus en plus précis et intrigants, le réalisateur instille ainsi une inquiétude croissante…et maintient notre intérêt, nous lançant sur de fausses pistes.
A l’image de toutes ces routes qui se croisent, s’enchevêtrent et s’entrecroisent et que le réalisateur filme en plongée, Nicole est à un carrefour et elle doit choisir la (bonne ?) voie… Plus les lettres vont l’entraîner loin, plus Nicole va s’affirmer mais aussi s’enfoncer dans ses illusions jusqu’à un basculement (un peu trop ?) soudain qui va la confronter à la réalité.
Même si l’écriture n’est pas parfaite (personnages secondaires caricaturaux et notamment le mari, quelques plans et artifices inutiles), grâce à la vivacité du montage, une réalisation inspirée, l’interprétation et une écriture précises, Sean Garrity nous captive jusqu’à la dernière seconde, et jusqu’à une résolution totalement inattendue transformant le thriller en un film d’un romantisme désespéré et bouleversant. A l’image de ces routes qui s’entrecroisent filmées par Sean Garrity, l’écriture astucieusement déroutante et notre imagination déroutée, ne cessent de nous faire prendre des chemins différents et palpitants. Un thriller haletant, ludique, d’une indéniable originalité.
-Autre gros coup de cœur de ce festival :
GRAND CENTRAL de REBECCA ZLOTOWSKI
Dans ce nouveau film de Rebecca Zlotowski, Tahar Rahim incarne Gary, un jeune homme agile, frondeur, qui apprend vite, embauché dans une centrale nucléaire, au plus près des réacteurs, où les doses radioactives sont les plus fortes et dangereuses. Là, où le danger est constant. Il va y trouver ce qu’il cherchait, de l’argent, une équipe à défaut d’une famille (on ne verra de sa vraie famille qu’une sœur dont le conjoint le rejette visiblement, et une grand-mère dont la porte restera impitoyablement fermée) même si elle le devient presque, mais aussi Karole (Léa Seydoux), la femme de son collègue Toni (Denis Menochet). Tandis que les radiations le contaminent progressivement, une autre forme de chimie (ou d’alchimie), l’irradie, puisqu’il tombe amoureux de Karole. Chaque jour, la menace, de la mort et de la découverte de cette liaison, planent.
La première bonne idée du film est de nous faire découvrir cet univers dans lequel des hommes côtoient le danger et la mort chaque jour, dans des conditions terrifiantes que Rebecca Zlotowski parvient parfaitement à transcrire notamment par un habile travail sur le son, des bruits métalliques, assourdissants qui nous font presque ressentir les vibrations du danger. A l’image d’un cœur qui battrait trop fort comme celui de Gary pour Karole. J’ignore ce qui est réel dans sa retranscription des conditions de vie des employés de la centrale nucléaire tant elles paraissent iniques et inhumaines mais j’imagine qu’elles sont tristement réelles puisque Claude Dubout, un ouvrier qui avait écrit un récit autobiographique, « Je suis décontamineur dans le nucléaire », a été le conseiller technique du film. Le film a par ailleurs été tourné dans une centrale nucléaire jamais utilisée, en Autriche, ce qui renforce l’impression de réalisme.
Ne vous y trompez pas, « Grand Central » n’est néanmoins pas un documentaire sur les centrales nucléaires. C’est aussi et avant tout une histoire d’amour, de désirs dont la force est renforcée par la proximité d’un double danger. C’est un film sensuel, presque animal qui pratique une économie de dialogues et qui repose sur de beaux parallèles et contrastes. Parallèle entre l’amour de Gary pour Karole qui se laisse irradier par elle et pour rester auprès d’elle. Parallèle entre le sentiment amoureux, presque violent, impérieux, qui envahit lentement et irrémédiablement celui qui l’éprouve comme la centrale qui contamine. Parallèle entre les effets du désir amoureux et les effets de la centrale : cette dose qui provoque « la peur, l’inquiétude », les jambes « qui tremblent », la « vue brouillée » comme le souligne Karole. Parallèle entre ces deux dangers que Gary défie, finalement malgré lui. Contraste entre cette centrale clinique, carcérale, bruyante et la nature dans laquelle s’aiment Gary et Karole et que Rebecca Zlotowski filme comme une sorte d’Eden, ou comme dans « Une partie de campagne » de Renoir, même si elle n’élude rien des difficiles conditions de vie des ces ouvriers/héros qui habitent dans des mobile-homes près des centrales, telle une Ken Loach française.
Rebecca Zlotowski dresse le portrait de beaux personnages incarnés par d’excellents comédiens ici tout en force et sensualité au premier rang desquels Tahar Rahim, encore une fois d’une justesse irréprochable, Denis Menochet, bourru, clairvoyant et attendrissant, un beau personnage qui échappe au manichéisme auquel sa position dans le film aurait pu le réduire, ou encore Olivier Gourmet ou Johan Libéreau (trop rare).
Encore un film dont je vous reparlerai qui à la fois nous emporte par la beauté de ses personnages, leur rudesse tendre, la radieuse force des sentiments (amitié, amour) qui les unit … et qui nous glace d’effroi, en nous montrant les conditions de travail de ceux qui risquent chaque jour leur vie dans l’une de ces 19 centrales françaises et avec un retentissement sonore final que vous n’êtes pas prêts d’oublier.
-Autre bonne surprise :
FIVE DANSES de ALAN BROWN
Avec sa douceur séduisante, sa sensibilité lumineuse, l’interprétation nuancée, sa chorégraphie en 5 temps et 5 danses (métaphores des relations entre les personnages qui se cherchent, rapprochent, se combattent, s’éloignent, se rapprochent à nouveau), l’histoire de l’émancipation et du premier amour du jeune Chip, jeune danseur qui débarque à New York pour intégrer une troupe de danse moderne à Soho.
-Autre grand moment de cette édition :
-PROJECTION DE LA VERSION RESTAUREE DE « PLEIN SOLEIL » de RENE CLEMENT
Dans ce film de 1960, Alain Delon est Tom Ripley, qui, moyennant 5000 dollars, dit être chargé par un milliardaire américain, M.Greenleaf, de ramener son fils Philippe (Maurice Ronet) à San Francisco, trouvant que ce dernier passe de trop longues vacances en Italie auprès de sa maîtresse Marge (Marie Laforêt). Tom est constamment avec eux, Philippe le traite comme son homme à tout faire, tout en le faisant participer à toutes ses aventures sans cesser de le mépriser. Mais Tom n’est pas vraiment l’ami d’enfance de Philippe qu’il dit être et surtout il met au point un plan aussi malin que machiavélique pour usurper l’identité de Philippe.
« Plein soleil » est une adaptation d’un roman de Patricia Highsmith (écrite par Paul Gégauff et René Clément) et si cette dernière a été très souvent adaptée (et notamment le roman le « Talentueux Monsieur Ripley » titre originel du roman de Patricia Highsmith qui a fait l’objet de très nombreuses adaptations et ainsi en 1999 par Anthony Minghella avec Matt Damon dans le rôle de Tom Ripley), le film de René Clément était selon elle le meilleur film tiré d’un de ses livres.
Il faut dire que le film de René Clément, remarquable à bien des égards, est bien plus qu’un thriller. C’est aussi l’évocation de la jeunesse désinvolte, oisive, désœuvrée, égoïste, en Italie, qui n’est pas sans rappeler la « Dolce vita » de Fellini.
Cette réussite doit beaucoup à la complexité du personnage de Tom Ripley et à celui qui l’incarne. Sa beauté ravageuse, son identité trouble et troublante, son jeu polysémique en font un être insondable et fascinant dont les actes et les intentions peuvent prêter à plusieurs interprétations. Alain Delon excelle dans ce rôle ambigu, narcissique, où un tic nerveux, un regard soudain moins assuré révèlent l’état d’esprit changeant du personnage. Un jeu double, dual comme l’est Tom Ripley et quand il imite Philippe (Ronet) face au miroir avec une ressemblance à s’y méprendre, embrassant son propre reflet, la scène est d’une ambivalente beauté. Si « Plein soleil » est le quatrième film d’Alain Delon, c’est aussi son premier grand rôle suite auquel Visconti le choisit pour « Rocco et ses frères ». Sa carrière aurait-elle était la même s’il avait joué le rôle de Greenleaf qui lui avait été initialement dévolu et s’il n’avait insisté pour interpréter celui de Tom Ripley ? En tout cas, avec « Plein soleil » un mythe était né et Delon depuis considère toujours Clément comme son « maître absolu ». Ils se retrouveront d’ailleurs peu après pour les tournages de « Quelle joie de vivre » (1960), « Les Félins » (1964) et enfin « Paris brûle-t-il ? » en 1966.
Face à lui, Ronet est cynique et futile à souhait. Le rapport entre les deux personnages incarnés par Delon et Ronet est d’ailleurs similaire à celui qu’ils auront dans « La Piscine » de Jacques Deray 9 ans plus tard, le mépris de l’un conduisant pareillement au meurtre de l’autre. Entre les deux, Marge se laisse éblouir par l’un puis par l’autre, victime de ce jeu dangereux mais si savoureux pour le spectateur qui ne peut s’empêcher de prendre fait et cause pour l’immoral Tom Ripley.
L’écriture et la réalisation de Clément procurent un caractère intemporel à ce film de 1960 qui apparaît alors presque moins daté et plus actuel que celui de Minghella qui date pourtant de 1999 sans compter la modernité du jeu des trois acteurs principaux qui contribue également à ce sentiment de contemporanéité.
« Plein soleil » c’est aussi la confrontation entre l’éternité et l’éphémère, la beauté éternelle et la mortalité, la futilité pour feindre d’oublier la finitude de l’existence et la fugacité de cette existence.
Les couleurs vives avec lesquelles sont filmés les extérieurs renforcent cette impression de paradoxe, les éléments étant d’une beauté criminelle et trompeuse à l’image de Tom Ripley. La lumière du soleil, de ce plein soleil, est à la fois élément de désir, de convoitise et le reflet de ce trouble et de ce mystère. Une lumière si bien mise en valeur par le célèbre chef opérateur Henri Decaë sans oublier la musique de Nino Rota et les sonorités ironiquement joyeuses des mandolines napolitaines. L’éblouissement est celui exercé par le personnage de Tom Ripley qui est lui-même fasciné par celui dont il usurpe l’identité et endosse la personnalité. Comme le soleil qui à la fois éblouit et brûle, ils sont l’un et l’autre aussi fascinants que dangereux. La caméra de Clément enferme dans son cadre ses personnages comme ils le sont dans leurs faux-semblants.
Acte de naissance d’un mythe, thriller palpitant, personnage délicieusement ambigu, lumière d’été trompeusement belle aux faux accents d’éternité, « Plein soleil » est un chef d’œuvre du genre dans lequel la forme coïncide comme rarement avec le fond, les éléments étant la métaphore parfaite du personnage principal. « Plein soleil », un film trompeusement radieux par lequel je vous conseille vivement de vous laisser éblouir !
- Parmi les événements de cette édition, il y a également eu :
BELLE DU SEIGNEUR de GLENIO BONDER avec Jonthan Rhys-Meyers et Natalia Vodianova
Je suis allée voir ce film (en avant-première, dans le cadre du Champs-Elysées Film Festival, en présence de Natalia Vodianova et de Jonathan Rhys Meyers -vous l'entendrez parler du film dans ma vidéo ci-dessus, tout juste descendu de son avion pour Paris-), avec autant d’impatience que d’appréhension, ce roman étant pour moi inadaptable (pas seulement pour moi d’ailleurs, il est réputé comme tel) et étant surtout celui que je dévore, invariablement, irrationnellement, à chaque lecture, celui que j’aime autant pour son écriture vertigineuse, sa satire si acerbe et juste d’une société avide d’ascension sociale- ah le pathétisme hilarant d’Adrien Deume et de sa médiocrité- que parce qu’il s’agit d’un sublime roman d’amour, ou plutôt roman de désamour d’ailleurs puisque la passion y étouffe ceux qui la vivent, les sublimes et tragiques Ariane et Solal. Roman flamboyant, inoubliable dans lequel Albert Cohen décrit mieux que personne la naissance et la désagrégation de la passion. Un roman éblouissant et terrifiant. Comme les sentiments qu’il dépeint, qu’il dissèque. Un roman, une expérience même, qu’on adore ou déteste mais qui ne laisse sûrement pas indifférent.
« Belle du Seigneur » a ainsi reçu en 1968 le Grand Prix de l'Académie française. Traduit dans 13 langues, il s'est vendu à plus d'un million d'exemplaires.
Pour le réalisateur, Glenio Bonder, ancien diplomate brésilien aux Etats-Unis, (qui avait déjà réalisé un portrait d’Albert Cohen) « Belle du Seigneur » était plus qu’un film : le projet d’une vie. Comment ne pas le comprendre tant l’adaptation de ce sublime roman, véritable vertige littéraire, est un défi magnifique pour un réalisateur ?
C’est au milieu des années 1980, alors qu'il est diplomate pour le gouvernement brésilien qu’il commence ainsi à se passionner pour le sujet. Après avoir réalisé des courts métrages, des documentaires et des publicités pour de grandes marques, Glenio Bonder écrit alors un scénario de 120 pages, mais il devra attendre jusqu'en 2010 pour débuter le tournage. Il décèdera avant de voir la version finale de ce film auquel il aura consacré 25 ans de sa vie.
En 1935/1936, à Genève, le séduisant Solal (Jonathan Rhys Meyers), qui travaille à la SDN (Société des Nations), tente de séduire Ariane Deume (Natalia Vodianova), aristocrate protestante et épouse de son subalterne Adrien, qui l’éblouit lors d’une soirée. Solal s'introduit ainsi chez Ariane et, dissimulé, il lui déclare sa passion. Il jure alors de la séduire, comme il séduit toutes les autres femmes. Le même jour, il accorde à Adrien Deume la promotion que celui-ci espérait. Ce dernier ne rêve en effet que d'ascension sociale dans le monde de la diplomatie de la Société des Nations. Adrien invite alors Solal à dîner, avec la fierté aveugle que vous pouvez imaginer. Mais Solal ne vient pas…
Passé le plaisir de retrouver, l’espace d’un instant, ces personnages qui m’intriguent et me fascinent tant (il faut avouer que Jonathan Rhys Meyers, physiquement du moins, correspond à l’image que je pouvais me faire de Solal), malgré la musique de Gabriel Yared, malgré la présence à l’écriture de Vincenzo Cerami, scénariste reconnu qui a notamment coécrit « La vie est belle » avec et de Roberto Benigni, cette adaptation s’est révélée être une terrible déception. Mais comment pouvait-il en être autrement ? Comment retranscrire à l’écran la complexité des personnages et plus encore de cette écriture unique, fascinante, qui vous happe comme la relation entre Solal et Ariane qui les entraînent irrésistiblement vers cette issue tragique, comme une tentation hypnotique et dangereuse ? Comment retranscrire l’avidité de la passion entre les deux amants, et entre ce livre d’une beauté redoutable et le lecteur ?
Les personnages d’Albert Choen si complexes, successivement détestables et compréhensibles, ne sont ici que mièvres, capricieux, totalitaires, sans nuances. Nulle trace ici de cette écriture éblouissante, à la fois ardue et limpide, d’Albert Cohen, avec ses digressions, ses apartés, avec ses phrases interminables et étourdissantes, sans ponctuation, terriblement belles et clairvoyantes, aussi lyriques que parfois réalistes, et qui vous font chavirer d’admiration. Comment retranscrire les voix des personnages qui se croisent, s’entrechoquent ? Comment retranscrire cette exaltation de la passion et cette écriture elle-même exaltée à laquelle Albert Cohen semble vouer un amour aussi fou que celui d’Ariane et Solal ?
Là où le film a également échoué c’est dans la transcription du pathétique, dans la satire de l'administration et du monde de la diplomatie (que le réalisateur connait pourtant bien !). Tous les sarcasmes, les nuances, l’ironie, le soin du détail d’Albert Cohen sont ici absents. Quel don de l’observation, quelle acuité chez Albert Cohen pourtant dans la transcription de l'autosatisfaction, la paresse, la médiocrité d’Adrien Deume et de l’administration, dans la description de la vacuité de son travail. Et quelles universalité et intemporalité !
L’épaisseur du roman rend les ellipses inéluctables mais elles ne sont pas toujours judicieuses ici avec notamment l’absence des « Valeureux », cousins orientaux de Solal, qui le retrouvent à Genève, essentiels à la compréhension de la personnalité de Solal, avec aussi la disparition subite d’Adrien de l’histoire ou encore l’absence de l’évocation de la rencontre entre Adrien et Ariane, et même de la tentative de suicide de cette dernière. Le spectateur qui n’a pas lu le roman comprendra aussi difficilement le titre, Ariane étant « Belle du Seigneur », de son « Seigneur », « religieuse de l'amour » , l’amour devenant un art, un mythe même. Ceux qui n’ont pas lu le roman auront aussi sans doute du mal à saisir pourquoi Solal a été chassé de la SDN et a perdu sa nationalité. Nous passerons sur les présences de… Jack Lang et Georges Kiejman. Signalons que le rôle de Mariette (la servante d’Ariane) est (plutôt bien) interprétée par Marianne Faithfull.
Ariane et Solal, par ailleurs, n’apparaissent jamais dans toute leur complexité, Solal qui est certes irrésistiblement beau mais, aussi, derrière le cynisme, un personnage épris d’absolu tout en se conduisant comme un Don Juan ou un Valmont manipulateur (pléonasme) - Jonathan Rhys Meyers a d'ailleurs déjà interprèté le plus machiavélique des manipulateurs, dans le chef d'oeuvre de Woody Allen, "Match point"-, bref un personnage magnifiquement ambivalent. D’ailleurs, ce personnage me semble à chaque page et même à chaque relecture du roman différent, tour à tour admirable ou haïssable, sublime ou pitoyable, parfois tout cela à la fois.
Et alors que dans le roman chaque mot est essentiel (monologues sans ponctuation, sans paragraphes qui obligent –obligent n’est d’ailleurs pas le bon terme tant chaque mot se savoure dans l’attente insatiable du suivant- à une attention constante pour ne pas laisser échapper un détail qui éclairerait différemment les personnages), ici tout est réduit à l’anecdotique, à une succession de scènes clefs qui, sans la richesse et la précision de l’écriture ciselée d’Albert Cohen, n’ont plus aucune saveur. La scène de la rencontre du Ritz, d’une beauté si troublante, ardente, dans le roman (et que je ne peux m’empêcher de reprendre ci-dessous pour vous faire découvrir, si vous ne la connaissez pas encore, l'envoûtante musique des mots de Cohen) est ici absurde, accessoire, dénuée d’émotions :
« En ce soir du Ritz, soir de destin, elle m'est apparue, noble parmi les ignobles apparue, redoutable de beauté, elle et moi et nul autre en la cohue des réussisseurs et des avides d'importances, mes pareils d'autrefois, nous deux seuls exilés, elle seule comme moi, et comme moi triste et méprisante et ne parlant à personne, seule amie d'elle-même, et au premier battement de ses paupières je l'ai connue. C'était elle, l'inattendue et l'attendue, aussitôt élue en ce soir de destin, élue au premier battement de ses longs cils recourbés. Elle, c'est vous.[...] Les autres mettent des semaines et des mois pour arriver à aimer, et à aimer peu, et il leur faut des entretiens et des goûts communs et des cristallisations. Moi, ce fut le temps d'un battement de paupières. Dites-moi fou, mais croyez-moi. Un battement de ses paupières, et elle me regarda sans me voir, et ce fut la gloire et le printemps et le soleil et la mer tiède et sa transparence près du rivage et ma jeunesse revenue, et le monde était né, et je sus que personne avant elle... ».
Peut-on blâmer Glenio Bonder d’avoir échoué dans cette impossible entreprise, d’avoir fait de ce roman violemment beau, de passions exaltées et exaltantes, et qui déchaîne les passions, un film tiède et lisse, qui nous laisse indifférents ? « Belle du Seigneur » n’est-il pas le roman qui prouve que tout livre n’est pas adaptable ? Pouvait-on retranscrire, traduire en images, sans les trahir, l’ambivalence des personnages, le mélange d’ironie et de tragédie, de beauté et de pathétisme, le vertige procuré par l’écriture qui happe et étourdit comme l’amour qui unit puis désunit Ariane et Solal ?
Vous l’aurez compris : je vous recommande plus que vivement de (re)lire « Belle du Seigneur ». Je vous le promets, ce roman vous hypnotisera, happera, bouleversera, étourdira et, malgré son pessimisme, en le refermant, vous n’aurez qu'une envie, le relire avec avidité, redécouvrir les personnages, retrouver des indices qui vous feront les envisager différemment, les retrouver pour presque éprouver (grâce à la magie de l’écriture magistrale de Cohen) l’espace d’un instant ce qu’ils éprouvent, les plaindre, les détester, les envier, ne pas toujours les comprendre : revivre cette expérience d’une troublante, tragique, violente et singulière beauté. Quant au film, il pourrait être un cas d’école sur une adaptation impossible…et nous ne saurons jamais si Glenio Bonder aurait été satisfait de cet ultime montage beaucoup trop elliptique et de ce film auquel il aura eu la (compréhensible) folie de consacrer 25 ans de sa vie.
PALMARES DU CHAMPS-ELYSEES FILM FESTIVAL 2013
Prix du Public du long-métrage américain :
« How to Make Money Selling Drugs » de Matthew Cooke (documentaire
Prix du Public du court-métrage américain :
-« Penny Dreadful » de Shane Atkinson, de la Columbia University School of the Arts,
Prix du Public du court-métrage français :
- Simon Lelouch pour « Nous sommes tous des êtres penchés ».
Prix du Jury Etudiant ( dont l’objectif est de faire connaître les grands classiques du cinéma aux jeunes adultes, a récompensé l’un des films et documentaires présenté dans la section Les Incontournables TCM Cinéma) :