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livre - Page 13

  • « Les pièges du crépuscule » de Frank Tallis (Sélection prix des lectrices de Elle 2010)

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    Je poursuis aujourd'hui mes critiques des livres que je reçois en tant que membre du jury du Prix des lectrices de Elle 2010 (cliquez ici pour lire mes critiques précédentes) avec le roman sélectionné dans la catégorie policier pour le mois d'octobre : « Les pièges du crépuscule » de Franck Tallis. Devant chaque roman, j'éprouve toujours cette même fébrilité qu'un enfant devant ses cadeaux de noël et même lorsque le cadeau se révèle ne pas être à la hauteur des mes espérances comme ce fut le cas avec celui-ci dont le titre était pourtant particulièrement poétique et intrigant, la satisfaction de la découverte et de la plongée dans un nouvel univers, aussi obscur soit-il, l'emportent sur la déception.

    Résumé : Au début du XXe siècle, à Vienne, le corps d'un moine est découvert devant une des églises de la ville. Le psychiatre Max Liebermann est appelé sur les lieux par son meilleur ami, l'inspecteur Rheinhardt. Il apparaît que la victime, considérée par beaucoup comme un saint homme, était en fait un farouche militant antisémite. Si rapidement les soupçons se portent sur la communauté hassidique, Liebermann cherche une autre vérité à cette pénible affaire. Car pour tous les Juifs de la capitale autrichienne, l'atmosphère se fait de plus en plus lourde, attisée par le maire en personne... Et tandis que la haine grandit, une ombre inquiétante l'accompagne, celle d'une créature de glaise, magique et vengeresse, le golem...

    La seule originalité de ce roman (qui est aussi le quatrième roman de la série « Les carnets de Max Libermann) réside dans la profession de Libermann, psychologue de son état et disciple de Freud (d'ailleurs présent dans le roman), cette profession et le regard qui en découle apportant un éclairage différent aux enquêtes qu'il mène avec son complice, l'inspecteur Rheinhardt.

     Frank Tallis étant lui-même docteur en psychologie, psychologue clinicien renommé, spécialiste des troubles obsessionnels et enseignant au King's Collège et à l'institut psychiatrique de Londres, tout ce qui concerne la psychologie et la psychanalyse est particulièrement documenté, crédible et intéressant. Les passages consacrés aux théories freudiennes sont donc les seuls à avoir retenu mon attention, l'enquête en elle-même ne paraissant finalement être qu'un prétexte à leur exposition et à des déambulations et une plongée dans l'obscurantisme viennois.

     Pour le reste ce duo de gourmands mélomanes  à la Holmes-Watson manque singulièrement de profondeur et de consistance pour être aussi immortel que celui précité même si le personnage de Libermann cherchant dans les âmes tandis que Rheinhardt cherche dans les faits ne manque pas d'intérêt.

    Reste la fascinante ville de Vienne, et son « inquiétante étrangeté », pour reprendre un terme freudien, ville pétrie de contradictions, où se mêlent et se confrontent éros et thanatos.

    Les personnages secondaires sont trop nombreux et pas assez exploités pour qu'on y attache une réelle attention et dommage que le sujet des rêves de Libermann, Miss Lydgate, ne soit présente que de manière anecdotique et uniquement dans ses carnets, sa présence aurait apporté un peu de piment à l'intrigue.

    Et puis le style très clinique  et les dialogues, souvent creux et inutiles, ont fortement contribué à me détacher de ces « pièges du crépuscule » dans lesquels j'étais pourtant encline à tomber.

     Demain : retour de l'actualité cinématographique sur inthemoodforcinema.com...

  • Prix littéraire du jury des lectrices de Elle 2010 : « L’homme qui m’aimait tout bas » d’Eric Fottorino

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    hommequi.jpgAprès « Paris-Brest » de Tanguy Viel (sélectionné dans la catégorie roman),  c'est à la lecture du livre de la catégorie document que je me suis attelée (chaque sélection comprend un roman, un document, un policier) : « L'homme qui m'aimait tout bas » d'Eric Fottorino.

    Le livre commence par ces mots : « Le 11 mars 2008 en fin de journée, dans un quartier nord de La Rochelle,  mon père s'est tué d'un coup de carabine ».  Une mort violente, brutale...même si cela frôle le pléonasme. Une mort  en tout cas incompréhensible. L'occasion et la nécessité pour l'écrivain de revenir sur ses liens avec ce père qu'il aimait tant et qui « l'aimait tout bas », qui « préféra toujours le silence aux paroles », à ce père dont il s'est inspiré pour tant de  ses personnages. Ecrire pour continuer à vivre. Malgré l'incompréhension. Atténuer la douleur incommensurable, perpétuelle, insoluble, la colère, la culpabilité si éprouvante. Une manière de ne pas le faire disparaître. Ce père adoptif qui lui donnera une identité en l'adoptant, à 9 ans.

    Eric Fottorino, directeur du Monde et auteur depuis 1991, dresse ici le beau portrait d'un homme courageux, généreux, discret, secret même, charismatique, libre avant tout, et de son existence entre Nice et Tunis, des liens pudiques qu'ils ont tissés au fil des années, de leur passion commune pour le cyclisme, de leurs silences respectueux et empreints de tendresse. Le portrait du personnage qu'il était, qu'il devient à part entière, le rendant immortel par la magie, la douceur, le pouvoir des mots. Le faisant revivre ainsi un peu le temps de raviver les souvenirs. Le temps de s'adresser à lui parfois directement sans  doute emporté par les mots et la colère de se heurter à un mur de silence éternel et de douleur insondable.

    Une manière d'exprimer la colère contre cet insoluble silence et mystère, de partager, soulager un peu, cette mort, ce vide qu'un lieu, un geste, un nom rappellent quotidiennement, impitoyablement. En exergue la phrase de Montherlant évoque le poids de cette douleur « Ce sont les mots qu'ils n'ont pas dits qui font les morts si lourds dans leur cercueil ».

    Il a sans doute fallu beaucoup de douleur et de courage pour évoquer avec tant de sincérité et de pudeur un lien si  personnel. Si personnel, intime, mais aussi si universel grâce au talent de son auteur qui, jamais, ne tombe dans le pathos et nous livre ici un témoignage d'amour, de douleur  nostalgique et poignant en lequel quiconque a éprouvé la profondeur et la violence du chagrin vainement révolté face au deuil se reconnaîtra forcément, touché en plein coeur.