Découvrez "Chez Gino" de et avec Samuel Benchetrit, José Garcia, Anna Mouglalis et Sergi Lopez
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La 9ème édition du Festival Paris Cinéma aura lieu du 2 au 13 juillet et aura notamment pour invité d'honneur Michael Lonsdale. L'an dernier, j'ai eu la chance de faire partie du jury blogueurs du Festival (cliquez ici pour lire mon compte rendu de l'édition 2010). Vous aussi pouvez devenir membre d'un jury de ce festival puisque, comme chaque année, le festival propose à des étudiants de faire partie de son jury étudiants.
Avant de vous inscrire, vérifiez que vous êtes disponible toute la durée du festival qui aura lieu cette année du 2 au 13 juillet 2011.
Les séances de la Compétition internationale auront lieu du samedi 2 au lundi 11 juillet 2011 inclus.
Les étudiants du Jury décernent le Prix des Étudiants à l’un des longs métrages de la Compétition internationale du Festival Paris Cinéma, véritable laboratoire du cinéma de demain. Cette responsabilité requiert de la part des étudiants une maîtrise des fondements du discours cinématographique.
Les étudiants sont invités à rédiger de courtes critiques qui seront publiées sur le site Internet du festival.
L’étudiant qui rédigera la meilleure critique sera invité par l’Office Franco Québécois pour la Jeunesse à participer aux Rendez-vous du Cinéma Québécois qui se dérouleront en février prochain à Montréal.
Vous souhaitez devenir membre du Jury des étudiants ? Rien de plus simple ! Remplissez le formulaire que vous retrouverez en cliquant ici et envoyez-le par courrier avant le 20 mai 2011 à l’adresse suivante :
FESTIVAL PARIS CINÉMA
Jury des Étudiants, 155 rue de Charonne - 75011 Paris
Pour toute information
FESTIVAL PARIS CINÉMA
Email : info@pariscinema.org
Tél. : 01 55 25 55 25
En plus de ma critique du film diffusé ce soir, à 20H50, sur Canal plus, vous pouvez également retrouver mes vidéos de Tim Burton lors de l'avant-première Allociné de son dernier film ainsi que celle de l'avant-première officielle parisienne.
Dans le film de Tim Burton, l'héroïne créée par Lewis Carroll, Alice (Mia Wasikowska), a désormais 19 ans et doit épouser un noble londonien au physique et à l'intelligence ingrats. Alors que ce dernier vient de la demander en mariage, Alice retourne dans le monde fantastique qu'elle a connu enfant. Elle y retrouve ses amis le Lapin Blanc, Bonnet Blanc et Blanc Bonnet, le Loir, la Chenille, le Chat du Cheshire et, bien entendu, le Chapelier Fou. Alice s'embarque alors dans une aventure extraordinaire où elle accomplira son destin : mettre fin au règne de terreur de la Reine Rouge (Helena Bonham Carter) pour que sa sœur la Reine Blanche (Anne Hathaway) puisse (re)prendre sa place.
Si, dès les premières minutes dans « Underland » cette Alice au pays des merveilles a agi comme une Madeleine de Proust me replongeant dans mes lectures enfantines, Tim Burton, comme toujours, a su leur donner une lecture plus adulte, celle du parcours initiatique d'une jeune femme qui prend son destin en main, affronte ses rêves et cauchemars et part en quête d'elle-même.
Si le scénario manque parfois de rythme et de mordant, et si Tim Burton nous a habitués à davantage de noirceur, émane néanmoins de cet « Underland » la féérie sombre caractéristique du cinéaste et un humour noir et caustique réjouissant. Comme toujours il laisse libre cours à son audace échevelée et à sa créativité débridée, tout en restant fidèle à l'univers de Lewis Carroll, l'étrangeté fantaisiste de ce dernier s'accordant parfaitement à celle de Tim Burton. Le « Alice au pays des merveilles » de Tim Burton est ainsi une adaptation libre des deux livres de Lewis Carroll, le livre éponyme et sa suite « De l'autre côté du miroir ». Même les personnages censés être plus lumineux ne sont pas épargnés par la folie comme la très maniérée reine blanche qui évolue dans un « Underland » peuplé d'êtres à la beauté diaphane (comme celle d'Alice ou la sienne) ou étrange. Un univers d'une profondeur et une richesse visuelles, presque picturales, qui porte l'inimitable marque de Tim Burton.
La 3D censée être immersive a pour moi davantage crée une distance. L'univers de Tim Burton est tellement riche, foisonnant, à la fois onirique et réaliste que la 3D apparaît comme un gadget. S'il vous plait messieurs les producteurs (qui, souvent, êtes les initiateurs de ces « gadgets ») faîtes un peu confiance à l'imagination du spectateur et à celle de vos cinéastes...
Pour sa septième collaboration avec Tim Burton, Johnny Depp s'est encore spectaculairement transformé et ses scènes avec Alice donnent lieu aux meilleurs moments du film, empreints de la beauté ambigüe et de la folie attendrissante du Chapelier qu'il incarne magistralement.
Même si «Alice au pays des merveilles » n'a pas la complexité et la féérie ensorcelante d'un « Edward aux mains d'argent » ou même des « Noces funèbres » avec ce nouveau film, Tim Burton parvient une nouvelle fois à transcender la réalité, à nous embarquer dans son univers si singulier et à nous faire croire aux rêves impossibles.
Et cette Alice, malgré les quelques années et la réalité qui nous séparent, avec son imagination débordante et ses défis impossibles qu'elle se fixe chaque matin, est finalement loin de m'être étrangère. Tim Burton n'a ainsi pas son pareil pour célébrer l'inestimable pouvoir de l'imagination, pour nous faire croire à la réalité et la réalisation des rêves impossibles et pour donner à nos rêves d'enfant des résonances adultes... Bref, n'attendez plus, accompagnez Alice dans le pays merveilleux de Tim Burton !
Ce soir, ne manquez pas deux très beaux films iraniens "Les chats persans" de Bahman Ghobado (à 20H45) et "Téhéran" de Nader T.Homayoun (à 23H25) avec, entre les deux, un reportage sur le cinéma iranien, la dernière vague. Retrouvez également ci-dessous mon interview du réalisateur T.Hamayoun.
Après l'excellent film de Bahman Ghobadi « Les Chats persans » que je vous recommande vraiment de voir en DVD si vous l'avez manqué lors de sa sortie (cliquez ici pour lire ma critique et voir mes vidéos de l'équipe du film), un autre film iranien iranien sortira demain sur les écrans, il s'agit donc de « Téhéran » de Nader T. Homayoun, un film qui a obtenu le prix de la semaine de la critique au Festival de Venise 2009 et le Grand Prix du Jury au Festival Premiers Plans d'Angers 2010.
Synopsis : Ebrahim (Ali Ebdali) quitte sa famille et va tenter sa chance à Téhéran mais dans cette jungle urbaine où tout se vend et tout s'achète, le rêve peut rapidement virer au cauchemar. Mêlé malgré lui à des trafics mafieux, Ebrahim a-t-il encore une chance de s'en sortir ?
Nader T.Homayoun est parti d'une rumeur persistante selon laquelle, à Téhéran, des mendiants voleraient des bébés pour faire la manche. Ebrahim, parti à Téhéran considéré par beaucoup d'Iraniens comme l'Eldorado, est l'un d'eux... Tandis qu'il se fait voler le bébé avec lequel il faisait la manche, sa femme, enceinte, le rejoint à Téhéran.
Nader T.Homayoun a pris prétexte de la réalisation d'un documentaire sur Téhéran pour pouvoir réaliser son film qui, au-delà de l'aspect documentaire qu'il comporte bel et bien, est « un polar à l'iranienne » et même un thriller social.
A travers les péripéties d'Ebrahim (interprété avec conviction par Ali Ebdali), nous découvrons Téhéran, ville bouillonnante et tentaculaire. Une ville qui vit, vivre, palpite, bouillonne, rugit mais aussi une ville blessée, une ville qui connaît une vraie ségrégation sociale et une expansion mais aussi une pauvreté grandissantes et les trafics en tous genres, c'est pourquoi le titre iranien est « Tehroun », le nom argotique et populaire de Téhéran. C'est en effet le visage sombre de Téhéran qu'il nous dévoile ici et à travers elle le portrait sans concessions de la société iranienne, une société qui ne croit plus en rien, corrompue par l'argent. Ebrahim lui-même change, la pauvreté le contraint à l'aliénation et même sa femme dit ne plus le reconnaître. Nader T.Homayoun nous fait découvrir une ville où règle le cynisme et où tout est en effet bon pour « faire de l'argent » : prostitution, vol et vente d'enfants, vente de drogue, prêt islamique détourné de sa fonction initiale, voleurs se faisant passer pour des pasdaran et débarquant dans des fêtes (interdites)...
Difficile de dissocier ce film de ses conditions de tournage qui en épouse d'ailleurs le sentiment d'urgence : tourné en 18 jours sans autorisation. D'après son réalisateur, « il est impossible qu'il soit distribué en Iran pour l'instant. » Tourné à la fin du premier mandat d'Ahmadinejad il montre que la répression et la rigueur s'accompagnent d'une véritable impunité. Contrairement aux « Chats persans », les forces de l'ordre ne sont jamais montrées mais, invisibles, elles n'en sont que plus présentes, ce nouveau et sombre visage de Téhéran en étant la conséquence.
Là où « Les chats persans » laissait entrevoir une lueur d'espoir « Téhéran » montre un peuple désenchanté qui, à l'image de la dernière scène, suffoque et meurt, et ne parvient pour l'instant qu'à retarder de quelques jours cette inéluctable issue. Un premier film particulièrement réussi, autant un thriller qu'un documentaire sur une ville et un pays qui étouffent et souffrent. Un cri de révolte salutaire, une nouvelle fenêtre ouverte sur un pays oppressé.
Interview de Nader T.Homayoun:
Il y a quelques semaines, on me proposait de rencontrer le réalisateur de "Téhéran", Nader T.Homayoun, pour l'interviewer. A mon grand regret, j'ai dû décliner l'invitation à la dernière minute mais ce dernier a eu la gentillesse de répondre à mes questions par écrit. Je l'en remercie de nouveau vivement et je vous conseille vraiment de lire ses réponses qui apportent un bel éclairage à ce film que je vous recommande d'ailleurs. Je vous rappelle au passage que "Téhéran" figurait en compétition du 2ème Festival du Film Policier de Beaune, catégorie "sang-neuf".
Quel a été l'élément déclencheur de votre projet ? L'envie de faire un film sur Téhéran ? De montrer un autre visage de cette ville ? Ou bien de réaliser un « thriller social » ?
Il est plus facile de répondre à cette question après coup. Au départ, votre projet de film oscille entre plusieurs désirs. Vous allez un peu dans toutes les directions pour trouver le ton et la forme adéquates. Je voulais d'abord faire un film de genre. Je trouvais que le cinéma iranien ne donnait pas assez d'importance au cinéma de genre, et que cette omission devenait même préjudiciable, car elle nous enfermait dans une certaine forme de cinéma qui commençait à sentir le formalisme. Néanmoins, je tenais à ce que le récit se passe à Téhéran. Et pour filmer Téhéran, je souhaitais être au plus proche de la température de la ville. Capter sa fièvre plus exactement, car Téhéran est pour moi une ville malade, elle a une infection. Ces deux approches à la fois sociale - presque sociologique - et urbaine, et en même temps très cinématographique devaient trouver une forme. La veine « thriller social » est donc apparue au fur et à mesure du développement du projet tant à l'écriture qu'au moment des repérages, puis évidemment au tournage.
Votre film comporte aussi un aspect documentaire ? La fiction était-elle votre choix d'emblée ou avez-vous hésité à réaliser un documentaire sur Téhéran ?
Faire un documentaire sur ou à Téhéran ne m'intéressait pas. Je sortais justement d'un documentaire qui m'avait pris 4 ans (Iran, une révolution cinématographique), et j'avais une véritable envie de fiction. Pour moi, il s'agissait de faire un film de genre qui aurait une dimension documentaire. La forme documentaire est presque pour moi dans ce film un exercice de style, dans le sens le plus noble du terme. Une forme qui permet au spectateur de plonger plus aisément dans la chaudière de Téhéran.
J'ai lu que vous étiez parti d'une rumeur selon laquelle des mendiants voleraient des bébés pour les accompagner dans leur mendicité. Avez-vous reçu des témoignages en ce sens depuis la réalisation du film ?
Je n'ai pas fait de recherches particulières dans ce sens-là, car je ne voulais pas brider mon fantasme, qui est aussi un fantasme collectif en Iran. Tout le monde est à peu près sûr en Iran que les bébés que l'on voit dans les bras des mendiants ne leur appartiennent pas. Mes recherches étaient de tout ordre, et elles se sont recentrées sur les ambiances urbaines, les choix des quartiers et des rues, les choix de la figuration, des passants, des « gueules » comme on dit dans le jargon, mais aussi dans le vocabulaire des dialogues.
Vous avez choisi de ne jamais montrer les forces de l'ordre mais finalement il me semble que cette absence rend l'Etat encore plus présent et surtout sa responsabilité encore plus présente, la pauvreté en étant une conséquence mais aussi le cynisme qui s'empare d'une partie de la société. Etait-ce un choix délibéré de votre part de ne jamais les montrer ?
Oui, tout à fait, je ne voulais pas mêler l'Etat à ça. Je trouvais que cette absence rendait la société iranienne plus dangereuse, plus inquiétante, « laissée pour compte ». Il y a un coté rassurant dans l'apparition de la police à la fin de certains films. Comme si on essayait de nous dire : « ne vous inquiétez pas, au final, ils sont toujours là pour vous sauver » ; un peu à l'image de l'arrivée de la cavalerie à la fin des westerns. Or, dans Téhéran, vous sentez la présence de la police et des forces de l'ordre, mais elle n'est pas rassurante. Vous ne vous sentez pas à l'aise. Tout est possible avec eux.
Il y avait aussi une autre raison pour laquelle j'ai évité de montrer les forces de l'ordre. Souvent dans les films, cette présence est un gage donné à l'état pour faire passer le film à travers les mailles de la censure. Je veux dire plus précisément que la présence des forces de l'ordre à la fin des films, et la fait que le dénouement de l'histoire passe par eux, est une garantie de la moralité du film. Leur absence dans le film est aussi un acte politique.
Pensez-vous que faire du cinéma en Iran est aujourd'hui une forme de résistance ? Je pense à votre film mais aussi à un autre très beau film « Les chats persans » de Bahman Ghobadi qui s'est également heurté à beaucoup de difficultés.
Faire des films partout dans le monde est devenu un acte de résistance. Face à la montée de la consommation d'images faciles et face à cette espèce de cannibalisme ou plus exactement face à cet aspect fast-food des images, quand un cinéaste essaye de faire un cinéma différent, avec une durée et un style différent, forcément il fait acte de résistance. Faire des films en Iran est difficile, mais je crois qu'on peut dire la même chose pour un cinéaste français ou américain... Les dangers ne sont pas les mêmes, mais il faut prendre des risques.
Ce que l'on peut dire en revanche pour les cinéastes iraniens, c'est qu'ils ont une double mission. La première est de faire des images et raconter des histoires, ils la partagent avec tous les cinéastes du monde. En revanche, un cinéaste iranien a aussi pour mission d'éveiller le regard du monde, même de façon très modeste, sur ce qui se passe dans son pays, car l'image de l'Iran n'appartient plus depuis longtemps aux Iraniens. Et les cinéastes iraniens sont devenus malgré eux les ambassadeurs de leur pays.
Votre film et celui précédemment évoqué ont d'ailleurs en commun d'avoir Téhéran pour protagoniste, une ville bouillonnante, tentaculaire mais aussi victime de ségrégation sociale. Dans quelle mesure cette ville est-elle pour vous différente des autres capitales ?
Téhéran ressemble à beaucoup d'égard aux autres mégapoles du monde, avec les mêmes problématiques connues et reconnues dans ce genre de cité. Mais ce qui change en Iran, c'est qu'en plus des difficultés sociales, les habitants de Téhéran souffrent d'un autoritarisme religieux et politique. Votre liberté individuelle n'est pas la même à Téhéran qu'à Mexico, même si à beaucoup d'égard, ces deux mégapoles endurent des mêmes maux. Un exemple simple : un ouvrier iranien ne peut à la fin de sa journée, se payer une bière pour se détendre.
Téhéran m'intéressait aussi parce que c'est la ville où tous les espoirs sont possibles, ou en tout cas, les gens de province ont ce fantasme. La capitale est devenue une ville très hétéroclite où l'on peut trouver des gens des quatre coins du pays. En somme Téhéran, vues sa dimension et sa population, est un micro-Iran, et devient par conséquent une métaphore du pays.
Finalement le sentiment d'urgence lors des conditions de tournage est le même que celui ressenti par Ebrahim et ces difficiles conditions de tournage donnent aussi l'impression de servir le sujet. Y a-t-il des scènes auxquelles vous avez dû renoncer ? Ou, au contraire, d'autres scènes sont-elles nées de ces contraintes ?
Je suis allé sur le plateau avec un scénario flottant. Je veux dire que rien n'était figé, tout pouvait changer sur le plateau notamment pour faire face aux contraintes du quotidien. J'ai beaucoup d'exemples. Pêle-mêle, il me vient à l'esprit la scène du concessionnaire. J'étais censé tourner la scène dans une boutique de vêtements très chics à Téhéran, mais le propriétaire nous a lâché à la dernière minute. Un ami d'un ami d'un ami connaissait un concessionnaire. Nous avons réécrit les dialogues en fonction du nouveau décor et du nouveau métier. Cerise sur le gâteau, les murs étaient couverts de miroirs. Un bonheur pour moi, un calvaire pour le chef'op. la scène a pris, je trouve plus de poids. Le concessionnaire vend des bébés comme des voitures.
Ce qui m'a aussi frappée, c'est votre vision sombre de l'Iran, « Téhéran » montre un peuple désenchanté qui, à l'image de la dernière scène, suffoque et meurt. La caméra s'éloigne alors comme si on regardait cela de loin, avec une relative indifférence. Partagez-vous ce pessimisme ou votre film reflète-t-il le sentiment général du peuple iranien ?
La dernière scène du film reflète très bien ma vision des choses pendant le tournage et la raison pour laquelle j'ai réalisé ce film : l'impuissance. Le peuple iranien n'est pas indifférent mais reste impuissant face à ce qu'on lui impose et ne réagit pas ou pas assez. Les choses ont beaucoup changé depuis les dernières élections et tant mieux. Il y a eu un sursaut national, une renaissance qui n'a pas l'air de faiblir. Le placement de la caméra dans la dernière scène n'est pas un éloignement par rapport à la réalité de la vie, elle évoque au contraire notre impuissance à prendre notre destinée en main, comme si on nous gardait à distance. Nous restons spectateur et non pas acteur de la pièce dans laquelle nous sommes censés jouer le rôle principal.
Pensez-vous que votre film pourra sortir en Iran ?
Je ne sais toujours pas. J'aimerais beaucoup. Je vais très prochainement envoyer une copie du film, avec un dossier de presse. La balle sera ainsi dans le camp du Ministère de la Culture et de l'Orientation Islamique.
Avez-vous d'autres projets ? Pensez-vous qu'il sera encore plus difficile pour vous de tourner en Iran après ce film ?
J'ai un autre projet que j'aimerais tourner cet hiver en Iran. Une comédie romantique à Téhéran, un film très différent dans la forme et dans le fond. Je vais me battre pour faire ce film en Iran, comme tout le monde. Pour le moment, je me concentre sur l'écriture. À chaque jour suffit sa peine. On ne sait pas de quoi demain est fait.
Critique "Les chats persans" de Bahman Ghobadi
La semaine dernière, à l'UGC des Halles avait lieu, en présence de l'équipe du film, l'avant-première du dernier film de Bahman Ghobadi tourné en Iran « Les Chats persans ». Le débat qui a suivi la projection était d'autant plus passionnant et instructif que rares sont les citoyens iraniens, et a fortiori les artistes, dont les voix, toujours et plus que jamais censurées dans leurs pays, portent jusqu'à nous. Et quand la voix est à la fois un instrument musical mais surtout politique et l'instrument des aspirations à la liberté, la force et la beauté de la musique qui l'accompagne ne peuvent qu'être amplifiées.
Ces voix, ce sont d'abord celles d'une jeune femme Negar (Negar Shaghaghi) et d'un jeune homme Ashkan (Ashkan Koshanejad) musiciens qui, à leur sortie de prison décident de monter un groupe. Ils parcourent donc Téhéran à la rencontre d'autres musiciens underground en tentant de les convaincre de les accompagner et de quitter l'Iran et de monter un grand concert clandestin pour financer leur fuite. N'ayant aucune chance de se produire à Téhéran, ils rêvent en effet de sortir de la clandestinité et de jouer en Europe, mais ils n'ont ni l'argent ni les passeports nécessaires pour cela... Ils font alors la rencontre de Nader (Hamed Behdad) qui les accompagne dans leurs démarches.
Au-delà de son (réel) intérêt cinématographique, « Les chats persans » ont d'abord et avant tout un intérêt historique et politique mais tout le talent (cinématographique donc) de Bahman Ghobadi provient justement du fait que jamais cet aspect politique n'est surligné, tout en étant omniprésent. Rarement le hors champ, auquel il recourt avec beaucoup de pudeur et d'habileté, aura eu autant de force, autant la capacité de nous bouleverser, de faire basculer une scène a priori légère dans la brutalité, ne donnant jamais vraiment de visage à ces intolérables intolérants, coupant à l'instant où l'émotion pourrait s'exprimer (scène plongée dans le noir ) exprimant ainsi par le montage la censure (politique et même émotionnelle) mais aussi une extrême pudeur qui renforce encore la puissance du propos.
Ces musiciens sont ainsi comme ces chats et ces chiens qui en Iran n'ont pas le droit de sortir dans la rue. Les chats en Iran ont donc une grande valeur et notamment les chats persans (d'où le titre), comme ces musiciens si précieux et condamnés à la clandestinité. Une scène d'une brutalité redoutable exprime ainsi cette menace constante, perverse et insidieuse, cette violence absurde, et la similitude de leurs conditions, hommes et animaux étant pareillement condamnés à se terrer... La réalité de la répression, insupportable, surgit quand on s'y attend le moins, brusquement, et le message n'en a alors que plus de vigueur.
Le hors champ c'est aussi celui des conditions de tournage : la co-scénariste Roxana Saberi arrêtée en Iran et accusée d'espionnage (vivant actuellement aux Etats-Unis), ce film tourné clandestinement en 17 jours sans autorisation et qui ne sortira jamais en Iran, des acteurs qui ont quitté l'Iran pour la Grande-Bretagne juste à la fin du tournage, une musique occidentale quasiment interdite par les autorités...
Dans un pays comme le nôtre où la musique a même sa fête, comment pouvons-nous imaginer qu'une telle chose soit possible ? Qu'il faille se cacher dans des sous-sols pour pouvoir jouer de la musique (ou faire inlassablement le tour de la ville en voiture pour répèter dans l'habitacle, protégé des oreilles indiscrètes), un monde parallèle étrange et fascinant où, pour simplement s'exprimer, il faut sans cesse se cacher. Des autorités. Des bassidji. De la population. Des voisins. Comment peut-on imaginer que l'on risque des coups de fouet pour simplement jouer quelques notes de musique? Bahman Ghobadi donne ainsi des images et des visages à une réalité que même les Iraniens ignorent (comme en ont témoigné certains Iraniens présents dans la salle lors de l'avant-première), celle de ce bouillonnement musical underground qui exprime à la fois l'audace, la révolte, l'imagination, la fureur de vivre de la jeunesse iranienne qui manifeste, et même joue de la musique ou dans des films au péril de sa vie.
Si le film porte en filigrane un message politique et de liberté, le véritable héros du film reste la musique mais aussi la jeunesse iranienne qui la porte comme un acte de résistance pacifiste. La musique sous toutes ces formes qui sert de fil conducteur, du rap au rock en passant par la musique traditionnelle avec pour décor aussi bien des endroits sombres, clos que les toits de Téhéran. Tantôt avec poésie, tantôt avec violence, rage même, elle exprime cette même aspiration à la liberté mais surtout elle exprime une incroyable diversité, audace, richesse musicales. Un voyage musical sans cesse surprenant où la musique est un cri d'autant plus vibrant qu'il est constamment étouffé, un moyen d'exorciser une souffrance intolérable d'un peuple que son gouvernement contraint à sombrer dans le silence mais aussi la pauvreté. Quand jouer de la musique devient un acte de résistance, comble de l'absurdité qui témoigne de la bêtise de l'intolérance devenue la loi de l'Etat.
Ce film est un miracle, un chant de résistance, un hymne à la liberté où la musique se fait l'écho d'une rage d'une force saisissante. La fin est poignante et bouleversante tout en laissant entrevoir une faible lueur d'espoir. Un vibrant cri de liberté jalonné de notes de musique et d'humour d'une jeunesse qui résiste, envers et contre tout.
Avec ce cinquième film Bahman Ghobadi a remporté le prix Un Certain Regard au dernier festival de Cannes. Un prix amplement mérité. Mon grand coup de cœur de cette fin d'année. Ce film m'a littéralement bouleversée mais aussi enchantée, par sa musique souvent d'une inventivité étonnante (vous pouvez écouter une partie de la bande originale dans mon autre article ci-dessous), sa beauté lyrique, par la grâce et le courage de ses interprètes principaux. Il est impossible que vous restiez indifférents. Un film à voir et à entendre. Absolument.
Ci-dessous, mes vidéos des échanges entre l'équipe du film et le public à l'issue de l'avant-première... Des échanges passionnants et très instructifs aussi bien sur le film que sur la situation actuelle en Iran, je vous conseille vivement de les regarder.
Cliquez ici pour voir les vidéos du débat avec l'équipe du film.
Toujours dans le cadre du partenariat entre Inthemoodforcinema.com et le Gaumont Parnasse, je vous propose cette fois de remporter votre places (5 sont en jeu) pour la leçon de cinéma Karin Viard ce 22 mars, à 20H, présentée par François Bégaudeau.
Comme il reste peu de temps, dîtes-moi simplement par email, avant dimanche soir, pourquoi vous souhaitez gagner une de ces places à inthemoodforcinema@gmail.com . Les plus motivés et/ou convaincants et/ou drôles remporteront ces places.
En attendant, retrouvez mon compte rendu et mes vidéos de la master class avec Nathalie Baye.
FILMOGRAPHIE DE KARIN VIARD
1990 : Tatie Danielle, d'Étienne Chatiliez : L'assistante du salon de beauté.
1991 : Delicatessen, de Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro
1992 : Max et Jérémie, de Claire Devers
1992 : Riens du tout, de Cédric Klapisch
1993 : Ce que femme veut..., de Gérard Jumel
1993 : La Nage indienne, de Xavier Durringer
1994 : Emmène-moi, de Michel Spinosa
1994 : La Séparation, de Christian Vincent
1994 : Le Fils préféré, de Nicole Garcia
1995 : La Haine, de Mathieu Kassovitz
1995 : Fast, de Dante Desarthe
1995 : Adultère (mode d'emploi), de Christine Pascal
1996 : Le Journal du séducteur, de Danièle Dubroux
1996 : Les Victimes, de Patrick Grandperret
1996 : Fourbi, d'Alain Tanner
1997 : Les Randonneurs, de Philippe Harel
1997 : Je ne vois pas ce qu'on me trouve, de Christian Vincent
1999 : La Nouvelle Ève, de Catherine Corsini
1999 : Mes amis, de Michel Hazanavicius
1999 : Les Enfants du siècle, de Diane Kurys
1999 : Haut les cœurs !, de Sólveig Anspach
2000 : La Parenthèse enchantée, de Michel Spinosa
2001 : Un jeu d'enfants, de Laurent Tuel
2001 : L'Emploi du temps, de Laurent Cantet
2001 : Reines d'un jour, de Marion Vernoux
2002 : Embrassez qui vous voudrez, de Michel Blanc
2003 : France Boutique, de Tonie Marshall
2004 : Le Rôle de sa vie, de François Favrat
2004 : Je suis un assassin, de Thomas Vincent
2004 : L'Ex-femme de ma vie, de Josiane Balasko
2005 : Le Couperet, de Costa-Gavras
2005 : Les Enfants, de Christian Vincent
2005 : L'Enfer, de Danis Tanović
2007 : Les Ambitieux, de Catherine Corsini
2007 : La Tête de maman de Carine Tardieu
2007 : La Face cachée de Bernard Campan
2007 : La Vérité ou presque de Sam Karmann
2008 : Paris de Cédric Klapisch
2008 : Les Randonneurs à Saint-Tropez de Philippe Harel
2008 : Baby Blues de Diane Bertrand
2009 : Le Bal des actrices de Maiwenn Le Besco
2009 : Le code a changé de Danièle Thompson
2009 : Les Derniers Jours du monde d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu
2010 : Les Invités de mon père de Anne Le Ny
2010 : Potiche de François Ozon
2011 : Rien à déclarer de Dany Boon
2011 : Ma part du gâteau de Cédric Klapisch
2011 : Le skylab de Julie Delpy
Parmi mes très nombreuses péripéties au cours de mes pérégrinations festivalières et cinématographiques, depuis déjà une bonne dizaine d’années, celle de ce 14 mars restera parmi les excellents souvenirs puisque, après avoir assisté à la projection du film « Les yeux de sa mère », j’ai partagé un déjeuner presse avec l’équipe du film : Catherine Deneuve, Marina Foïs, Marisa Paredes, Géraldine Pailhas, Nicolas Duvauchelle, Jean-Baptiste Lafarge… mais un peu de patience, avant de vous faire le compte rendu de ce déjeuner et de (presque) tout vous dire sur ces rencontres, place à la critique du film.
Critique – « Les yeux de sa mère » de Thierry Klifa
« Les yeux de sa mère » est le troisième film de Thierry Klifa, ancien critique de Studio (du temps où il n’était que Studio Magazine et pas encore Studio Ciné Live), après « Une vie à t’attendre » et « Le héros de la famille », il sortira en salles le 23 mars. Après s’être intéressé au père dans « Le héros de la famille », Thierry Klifa (avec son coscénariste Christopher Thompson avec qui il a également coécrit le premier film en tant que réalisateur de ce dernier « Bus Palladium » auquel il est d’ailleurs fait un clin d’œil dans ce film) s’est, cette fois-ci, intéressé à la mère qu’elle soit présente ou absente.
A Paris, un écrivain en mal d'inspiration, Mathieu Roussel (Nicolas Duvauchelle) infiltre la vie d'une journaliste qui présente le journal télévisé, Lena Weber (Catherine Deneuve) et de sa fille danseuse étoile, Maria Canalès (Géraldine Pailhas) pour écrire à leur insu une biographie non autorisée. Pendant ce temps, en Bretagne, un garçon de 20 ans, Bruno (Jean-Baptiste Lafarge), qui habite avec ses parents, ne sait pas encore les conséquences que toute cette histoire va avoir sur son existence.
Les yeux de sa mère » débute par le décès du père de Maria, dans les larmes et la douleur. Thierry Klifa revendique ainsi d’emblée le genre du film, celui du mélodrame auquel il est une sorte d’hommage. Un cinéma des sentiments exacerbés, des secrets enfouis, des trahisons amères, des amours impossibles. Un cinéma qui, sans doute, irritera ceux qui, il fut un temps, évoquait ce « cinéma de qualité française » avec un certain mépris mais qui enchantera les autres pour qui comme disait Gabin "pour faire un bon film il faut trois choses: une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire » et ceux pour qui le cinéma doit faire preuve de la flamboyance et de l’exaltation qui font parfois défaut à l’existence.
Depuis son succès, dix ans auparavant intitulé « Palimpseste », à l’image d’un palimpseste qui justement se construit par destruction et reconstruction successive, Mathieu, écorché par la vie, ayant perdu sa mère jeune, va donc d’abord s’acharner à déconstruire, au départ sans se soucier des conséquences, étant un peu « hors de l’existence » à l’image du personnage de Stephan interprété par Daniel Auteuil dans « Un cœur en hiver » que Thierry Klifa a d’ailleurs conseillé à Nicolas Duvauchelle de revoir. Mathieu, c’est Nicolas Duvauchelle un peu inquiétant, un peu ailleurs, qui en voulait déconstruire la vie des autres va, peut-être, se reconstruire.
« Les yeux de sa mère » est un film dense et ambitieux avec beaucoup de séquences. Cela va vite, presque trop, tant les sujets (trahison, filiation, deuil insurmontable, création…) et personnages qui les incarnent sont nombreux. La très belle musique de Gustavo Santaolalla (lauréat d’un Oscar en 2007 pour un magnifique film, là aussi choral, « Babel ») fait heureusement le lien entre ces différentes séquences.
Le film reflète ce que j’ai pu entrevoir de Thierry Klifa : de l’enthousiasme, une connaissance et un amour du cinéma et des acteurs, et de l’humilité. De l’enthousiasme pour la vie, pour ses personnages malgré ou à cause de leurs fêlures. De l’humilité qui peut-être est cause du principal défaut du film, celui de brasser trop de personnages (certes caractéristique du film choral) et de sujets de peur, peut-être, que le spectateur ne s’ennuie alors que dans « Une vie à t’attendre » il montrait justement qu’il savait raconter une histoire simple sans trop de personnages. « Les yeux de sa mère » semble contenir plein d’ébauches de films tant Thierry Klifa est sans doute imprégné de films et de sujets si bien qu’il nous laisse un peu sur notre faim, regrettant de laisser ses personnages finalement tous attachants à leurs destins (qui pourraient d’ailleurs donner lieu à une suite). Enfin un amour des acteurs. Aucun n’est délaissé, des rôles principaux aux rôles plus secondaires, chacun ayant sa scène phare et il faut reconnaître à Thierry Klifa et Christopher Thompson possèdent le talent d’esquisser les traits de leurs personnages et de les faire pleinement exister en quelques plans.
Mention spéciale à la découverte Jean-Baptiste Lafarge (qui n’avait jamais rien tourné jusqu’alors et dont la seule expérience se réduisait aux cours de théâtre de son lycée) parfait en jeune boxeur, personnage déterminé et à fleur de peau, à la fois sincère, naïf et épris d’absolu.
Quant à Catherine Deneuve, dans un rôle encore une fois très différent du précèdent, dans « Potiche » (où elle était irrésistiblement drôle), en quelques secondes, en un regard, elle passe d’un état à un autre (et par voie de conséquence le spectateur lui aussi passe d’un état à un autre), soudainement bouleversée et absolument bouleversante (notamment dans la scène sur le quai de la gare avec Nicolas Duvauchelle tournée en un plan séquence). Ce regard m’a rappelée celui de ce sublime film dont Julien Hirsh, directeur de la photographie des « Yeux de sa mère » était aussi directeur de la photographie : « Je veux voir » de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige (dont je vous ai souvent parlé mais que je vous recommande vraiment !).
Le film est aussi un jeu de miroirs et mises en abyme. Entre Catherine Deneuve qui incarne une star du petit écran et Catherine Deneuve star de cinéma. Entre Géraldine Pailhas ancienne danseuse qui incarne une danseuse étoile. Entre l’écrivain dans le film qui infiltre la vie des autres et le cinéaste qui, par définition, même involontairement, forcément la pille aussi un peu. Entre l’écrivain voyeur de la vie des autres et le spectateur qui l’est aussi.
Hommage au mélodrame donc mais aussi aux acteurs, et à la mère chère au cinéma d’Almodovar dont une lumineuse représentante figure dans le film de Thierry Klifa en la personne de Marisa Paredes. Mère absente, qui abandonne, de substitution, adoptive, ou même morte. « Les yeux de sa mère » est aussi un thriller sentimental qui instaure un vrai suspense qui n’est néanmoins jamais meilleur que lorsqu’il prend le temps de se poser, de regarder en face « les choses de la vie » et de laisser l’émotion surgir ou dans un très beau montage parallèle qui reflète au propre comme au figuré la filiation du courage.
Un film de regards. Celui d’un réalisateur plein d’empathie pour ses personnages, d’admiration pour ses acteurs, et d’enthousiasme et qui nous les transmet. Ceux des acteurs dont sa caméra débusque les belles nuances. Et celui de Catherine Deneuve, une fois de plus dans les yeux de qui, si multiples et fascinants, il ne vous reste qu’à plonger. Ils vous émouvront et surprendront une fois de plus, je vous le garantis. J’attends aussi avec impatience le prochain film de Thierry Klifa, un cinéma de qualité française et populaire au sens noble du terme, un cinéma que je revendique d’aimer aussi bien qu’un cinéma plus social comme celui de Ken Loach ou Mike Leigh.
Récit de la rencontre exceptionnelle avec Catherine Deneuve, Marina Foïs, Marisa Paredes, Géraldine Pailhas, Nicolas Duvauchelle, Jean-Baptiste Lafarge
En préambule, je précise qu’aucune photo ou vidéo ne viendront illustrer cet article, celles-ci étant interdites par la maison de distribution en ces circonstances qui se doivent d’être plutôt conviviales. Il faudra vous contenter de mes mots, mon enregistrement sonore de trois heures n’étant pas très audible avec le cliquetis des couverts et aussi préférant je crois vous le relater et raconter mes impressions plutôt que de vous faire écouter une conversation décousue. Après la projection du film au cinéma du Panthéon, lieu que je fréquente assidûment et dont j’apprécie le caractère intimiste (et que je vous recommande au passage), rendez-vous était donné à 12H30 au-dessus dans le café restaurant de ce même cinéma, d’ailleurs décoré d’après les instructions de Catherine Deneuve.
Si, comme moi, pour qui ce déjeuner presse était une première (et une première prestigieuse) vous en ignorez le fonctionnement, sachez qu’il consistait en l’occurrence en quatre tables, chaque table composée de six places, dont quatre pour les « journalistes » et deux pour les membres de l’équipe du film qui tournent entre l’entrée, le plat de résistance, le fromage et le dessert. J’ai donc pris place et ai fait connaissance avec les autres convives, un sympathique blogueur-et non ce n’est pas du tout un pléonasme- de Publik’Art, une affable journaliste belge du quotidien le Soir totalement obnubilée par Catherine Deneuve et un journaliste dont je préserverai l’anonymat mais qui se contentait de regarder avec un œil goguenard l’assistance et moi a fortiori (car pas journaliste, pas du cénacle, pas considérable à ses yeux inquisiteurs et éreintés, sans doute). Je posai donc pas mal de questions à mes voisins (à l’exception du troisième dont il ne fallait pas être très perspicace pour constater qu’il n’aurait guère eu envie d’y répondre) pour évacuer mon anxiété et tenter d’oublier que quelques minutes plus tard j’allais me retrouver face à l’héroïne des films de Bunuel, Téchiné, Truffaut, Demy et de tant d’autres que j’aime tant, doutant encore néanmoins que la mystérieuse Catherine Deneuve serait vraiment quelques minutes dans cette même salle où déambulaient déjà les autres acteurs du film.
Puis Marisa Paredes accompagnée de sa traductrice s’est installée à notre table, un peu sur la réserve, dégageant beaucoup de classe, de retenue. Pas peu fière de comprendre ce qu’elle disait en Espagnol, je ne poussai néanmoins pas la témérité, le ridicule ou l’inconscience jusqu’à lui poser mes questions en Espagnol, me contenter d’osciller de la tête comme un chien sur la plage arrière d’une voiture lorsqu’elle parlait et attendant patiemment la traduction pour parler à nouveau. Je me surpris à me prêter à l’exercice que je redoutais pourtant (parce que non, je ne suis pas journaliste, et non d’ailleurs je ne souhaite pas l’être) et de poser des questions, en Français donc. Elle nous a d’abord parlé du film, évidemment, disant avoir accepté le projet car « l’histoire était intéressante, les personnages aussi » et parce qu’elle avait « la curiosité de travailler avec des personnes qu’elle ne connaissait pas » même si pour elle il y avait « une insécurité de ne pas parler la langue ». Elle a évoqué Paris où elle aime tout « sauf les taxis qu’on ne trouve jamais quand on en a besoin » et sa « grande complicité avec Catherine Deneuve, une grande vedette. » Evidemment impossible de rencontrer Marisa Paredes sans parler de Pedro Almodovar et son prochain film « La peau que j’habite », « un film encore plus complexe que ses précédents» selon elle. Elle n’a pas voulu répondre sur la possible sélection du film à Cannes mais son sourire valait acquiescement. Quand il lui propose un projet, il procède particulièrement en lui demandant d’abord si elle est libre à telle ou telle date plutôt que de lui envoyer d’abord le scénario toujours « très construit en profondeur », a-t-elle précisé. « Personne ne dirait non à Almodovar. On se sent privilégié d’être appelée par Almodovar. Pedro et moi avons une relation très complice, cela rend les choses plus faciles. Il a inventé un style qui lui est propre, a donné une autre image de l’Espagne » a-t-elle ajouté. Elle a également évoqué le Franquisme comme « une blessure qu’il faut refermer mais dont il y a toujours un risque qu’elle s’infecte » et aussi de la séparation stricte entre sa vie privée et sa vie professionnelle malgré « le problème de la presse rose très agressive. »
L’entrée n’était pas tout à fait terminée que déjà il fallait passer aux invités suivants : Marina Foïs et Jean-Baptiste Lafarge. J’ai été agréablement surprise par la sincérité, l’intelligence, la douce folie de la première qui, après avoir parlé de son rôle de « mère courageuse qui affronte ses émotions, la magnanimité du personnage, un rôle qui canalise sa folie » et de Catherine Deneuve « belle, intelligente avec ce truc prodigieux » a parlé aussi bien des scénarii qu’elle reçoit à réaliser alors qu’elle n’a aucun désir de réalisation car elle « ne raisonne pas en images », que de son rêve d’incarner Simone Weil au cinéma, que du théâtre auquel elle préfère le cinéma à cause du côté volatile du premier et parce qu’elle se trouve toujours « de moins en moins bien au fil des représentations car la mécanique intervient et que c’est donc moins intéressant et qu’il faudrait 30 représentations, pas plus». De temps à autre je ne pouvais m’empêcher de regarder autour espérant et redoutant à la fois la silhouette de Catherine Deneuve qui a fini par « apparaître » à l’autre extrémité de la pièce. Evidemment moins de questions pour Jean-Baptiste Lafarge, forcément parce que sa carrière débute tout juste et que jusque là il n’avait joué que dans des cours de théâtre au lycée, et des réponses moins longues, forcément aussi, parce qu’il n’est pas encore rodé à l’exercice. Il s’est tout de même dit impressionné mais que c’était finalement « plus facile de jouer face à des acteurs de ce niveau » et que « quand c’était parti il n’était plus le temps d’angoisser. »
Changement de plats et changement d’interlocuteurs avec cette fois Géraldine Pailhas et Nicolas Duvauchelle, en apparence très différents l’un de l’autre, une vraie maitrise de soi de la première, et une certaine désinvolture du second, l’une cherchant visiblement à dissimuler ses doutes, fêlures à tout prix et l’autre non (pas plus que son ennui assez visible, d’être là, et compréhensible tant cela doit être à la longue lassant de répondre toujours aux mêmes questions, de subir les mêmes regards inquisiteurs). En réponse à la journaliste belge (qui m’avait avoué, mais ne le répétez pas, n’être là QUE pour Catherine Deneuve et dont les questions tournaient donc essentiellement autour de cette dernière), Géraldine Pailhas a donc à son tour évoqué Catherine Deneuve, comme « une actrice de chair et de sang capable de tout jouer » (Catherine Deneuve dont je ne pouvais m’empêcher d’entendre la voix tellement reconnaissable à la table d’à côté). Pour elle ce rôle représente « une conquête plus qu’un défi. » Il s’agissait d’une « opportunité à saisir. » Les réponses de Géraldine Pailhas étaient parfois très longues sans doute un peu pour pallier celles, très courtes de son voisin, aussi il m’a semblée pour masquer ses doutes, paraissant parfois presque trop sûre d’elle, s’enorgueillissant, au contraire et à la surprise de Nicholas Duvauchelle, de ne pas être gênée de jouer dans le conflit et du fait que le danger soit pour elle au contraire d’être dans la complaisance. Ce dernier a avoué avoir été très éprouvé par la scène du cimetière. Et évidemment ma voisine belge lui a demandé ce qu’il pensait de Catherine Deneuve, ce à quoi il a répondu (sans doute pour la énième fois) qu’elle était « très drôle, très maternelle, toujours dans le vif, une évidence ».
Puis est arrivée l’heure du dessert… et de Catherine Deneuve et Thierry Klifa. Accompagnés de deux personnes. Enfin accompagnéE de deux personnes aux petits soins. Silence respectueux et un peu intimidé de trois des convives et toujours goguenard pour le quatrième. Thierry Klifa particulièrement souriant, sous doute habitué aussi à ce manège probablement instructif à observer. Catherine Deneuve presque grave, déplaçant une lampe et ce cher journaliste dont je respecterai, toujours et malgré tout, l’anonymat ayant un humour aussi légendaire que son air goguenard de demander à Catherine Deneuve « si elle refaisait ainsi la décoration à chaque fois qu’elle venait », ce à quoi elle a répondu avec une douce autorité que simplement la lumière la gênait. Il a précisé que c’était de l’humour. Vous vous en doutez tout le monde a trouvé cela absolument irrésistible, surtout lui-même. Puis silence… Je ne pouvais m’empêcher de me dire à quel point tout cela devait être amusant et lassant à ses yeux. Amusant de voir qu’elle dont je ne doute pas une seconde qu’elle sache être si drôle, ironique, brillante, modifie ainsi l’atmosphère et provoque le silence et le trouble. Elle dont je me souviens que lors de cette mémorable master class à sciences po elle avait parlé de ces rencontres qui la terrifiaient. Elle que j’avais aussi vue un peu lointaine et éblouissante lors de sa master class cannoise. Elle que certains sans doute auront trouvé froide ou distante mais dont je devinai à la fois l’amusement, le trac, la lassitude, tour à tour ou en même temps. Finalement notre journaliste belge a enfin posé ses questions à celle pour qui seule elle était là dont une particulièrement délicate sur la fin de sa carrière (et moi qui, avant cette rencontre redoutais de poser des questions ridicules ou absurdes). Elle a allumé une cigarette, avec classe, presque détachement, en apparence du moins, sans doute un moyen de se donner une contenance et de se conformer à son rôle, celle de la star, pas parce qu’il lui plait de le jouer mais parce que c’est ce que chacun semble attendre d’elle. J’étais bien décidée à poser mes nombreuses questions d’abord à Thierry Klifa mais notre ami-dont-je-respecterai-l’anonymat semblait prendre un malin plaisir à me couper la parole pour poser des questions extrêmement originales à Catherine Deneuve « Est-ce que vous arrivez à sortir de vos rôles après un film ? Est-ce une nécessité pour vous de jouer ? ». Puis enfin, j’ai pu m’exprimer et parler avec Thierry Klifa de mon film préféré « Un cœur en hiver » auquel il se réfère dans le dossier de presse (ainsi qu’à deux de mes films fétiches « La femme d’à côté » de Truffaut et « La fièvre dans le sang » de Kazan ou encore au cinéma de James Gray mais malheureusement le temps a manqué pour évoquer ces sujets) , plus pour lui « une musique qui l’accompagne qu’un modèle » . Ses réponses étaient vraiment intéressantes et j’avoue que j’aurais eu encore des dizaines de questions à lui poser. Puis je lui ai parlé du directeur de la photographie Julien Hirsch moyen aussi de parler à Catherine Deneuve de ce sublime film « Je veux voir » -dont il est aussi directeur de la photographie- qui est aussi affaire de regards (manière détournée de m’adresser à elle tout en posant une question à Thierry Klifa) seul moment où je crois avoir vu son regard s’illuminer. J’aurais voulu qu’elle parle de ce film mais le temps était compté. Thierry Klifa a répondu avoir été heureux de travailler pour la première fois avec Julien Hirsch avec qui il n’avait jamais travaillé mais qui avait déjà travaillé à plusieurs reprises avec Catherine Deneuve et qui sait s’adapter aux univers de chaque cinéaste. C’est le seul dialogue au cours duquel je n’ai pas pris de notes. J’étais captivée par la lumineuse présence de Catherine Deneuve tout de rose vêtue, à la fois là et un peu ailleurs, croisant furtivement son regard perçant. Je n’osais la regarder de peur que ce regard passe pour scrutateur ou comme tant d’autres cherchant des stigmates du temps que chacun doit tenter de débusquer (mais qui l’ont épargnée et que de toute façon sa magnétique présence ferait oublier) ou ayant l’impression que ce regard, un de plus encore s’ajouterait à tous ceux qui la fixent constamment et serait presque indécent (pour ceux qui ne le sauraient pas encore, ma devise est « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué »). Elle a parlé des témoignages de sympathie qu’elle reçoit, de ces personnes (comme c’est le cas pour Lena dans le film) qui la dévisagent constamment qu’elle envisage différemment selon qu’elle est déprimée ou de bonne humeur, des rôles qu’elle reçoit qui sont souvent les mêmes et en réponse à Monsieur Goguenard du cinéma dont elle ne sait si c’est nécessaire car elle a toujours vécu là-dedans. Je ne me souviens pas de tout. Je n’ai pas noté donc. Je ne le souhaitais pas. Juste être dans l’instant. Profiter de ce moment rare. J’ai rebondi sur une ou deux questions mais il me semble que ce qui se disait dans les gestes, les silences et les regards étaient plus intéressants que les mots. Puis elle est partie. Un peu comme une ombre ou un beau mirage évanescent. Elle a sans doute dit au revoir, je n’ai rien entendu. Moi aussi je crois que j’étais à mon tour un peu ailleurs…
Trois heures qui se sont écoulées comme un rêve, à la rapidité d’un générique de cinéma auquel elles ressemblaient. Bien sûr de ces trois heures je ne vous ai retranscrit que quelques bribes, l’essentiel ayant finalement été dans l’implicite.
Vous ne serez pas surpris si je vous dis que notre ami goguenard est parti sans dire au revoir, que mes tentatives d’amorce de conversation, connaissant bien son journal ayant un lien particulier avec, ne se sont soldées que par des soupirs de consternation (au moins aurons-nous eu celle-ci en commun). Et je ne peux que comprendre la lassitude de Nicholas Duvauchelle, de Catherine Deneuve ou des autres face à ce manque d’élégance, marque, au-delà de l’absence d’humilité, d’un défaut de talent, en tout cas de psychologie, belle illustration des propos de Marina Foïs sur les grands acteurs face auxquelles il est si facile de jouer, qui d’une certaine manière ne s’embarrassent pas d’une comédie pathétique. Cette comédie humaine que j’ai constaté dans tant de circonstances cinématographiques (pour connaître réellement quelqu’un, placez le soit dans un théâtre de guerre ou dans un théâtre des vanités, par exemple un festival, c’est imparable) à la fois belle et pathétique ne cessera de m’amuser, ou consterner, selon les jours.
Un beau moment en tout cas dont je suis ressortie avec des tas d’images, d’impressions (que je retranscrirai ailleurs…) mais surtout de regards insolents, lasses, farouches, maquillés (au figuré), absents, incisifs, mécaniques, brumeux, enthousiastes et surtout d’un perçant que je ne verrai plus jamais pareil même si et heureusement il a conservé tout son mystère, résisté à la lumière tapageuse et insatiable. D’une lampe détournée et pas seulement… Par chance, vous aussi pourrez bientôt voir ce regard dans « Les yeux de sa mère », le 23 mars prochain !
C'est demain soir, à 17h, qu'aura lieu l'ouverture du Salon du livre 2011, un Salon qui vous pourrez suivre en direct sur inthemoodforcinema.
Après y être allée l'an passé en tant que jurée du prix littéraire Elle, cette année, c'est accréditée presse que je serai au Salon que je vous relaterai donc l'inauguration, demain.
En attendant, voici quelques évènements à ne pas manquer:
-"La Fille du puisatier", premier film réalisé par Daniel Auteuil dont il viendra parler le 20 mars à 15h, sur la Grande Scène
-Rencontre avec Abd Al Malik, le 18 mars, de 19h à 20H.
-Une grande dictée, le 19 mars, de 12h30 à 13H30
-Une rencontre d'exception: Sofi Oksanen et Nancy Huston le 18 mars, sur la Grande Scène de 18H à 19H débatteront sur le rôle de la femme dans l'Histoire
-Rencontre avec Tatiana de Rosnay, le 20 mars, de 16h à 17H sur la Grande Scène
-Les Lettres nordiques à l'honneur...
Plus d'informations et tous les autres évènements sur le site officiel du Salon du livre.