Avant-première- « Walkyrie » de Bryan Singer (24/01/2009)
Walkyrie. Du nom de la musique de Wagner qu’Hitler appréciait. Du nom de ce plan national d’urgence élaboré par Hitler lui-même pour protéger l’intégrité du régime en cas d’émeute ou de tentative d’assassinat de ce dernier afin que les réservistes prennent alors le contrôle des infrastructures étatiques centrales jusqu’à ce que l’ordre soit rétabli. Et surtout du nom de l’opération mise au point par la Résistance allemande pour éliminer le Führer et s’emparer du pouvoir.
Pour le colonel Stauffenberg (Tom Cruise), inquiet de voir Hitler précipiter l’Allemagne et l’Europe dans le chaos, il n’y a que deux possibilités : servir l’Allemagne ou servir Hitler. En 1942, il tente de convaincre plusieurs officiers supérieurs de la nécessité de renverser Hitler. Un an plus tard, alors qu’il se remet de ses blessures de guerre (il a perdu l’usage d’une main et d’un œil, ce qui le contraindra à porter constamment un bandeau qu’il retirera à certaines occasions notamment lorsqu’il rencontrera Hitler), il rejoint la résistance allemande pour mettre au point l’Opération Walkyrie destinée à tuer Hitler et à ce que ses opposants de la résistance allemande puissent s’emparer du pouvoir, d’abord en modifiant secrètement le plan walkyrie afin de pouvoir ensuite, après avoir fait croire que le cercle intime d’Hitler avait tué le Führer, provoquer la chute du régime nazi. C’est à lui, Claus von Stauffenberg, que reviendra cette périlleuse et historique mission de tuer Hitler…
S’emparer d’un sujet comme celui-ci nécessitait de relever plusieurs défis. D’abord comment maintenir constamment l’intérêt du spectateur qui sait pertinemment qu’Hitler n’est pas mort assassiné le 20 juillet 1944 mais qu’il s’est suicidé dans son bunker le 30 avril 1945 et donc que l’opération Walkyrie fut un échec ? Comment maintenir l’attention du spectateur qui connaît donc d’avance le dénouement de l’opération ? Comment traiter cette histoire vraie et méconnue sans tomber dans l’outrance mélodramatique ? Comment aborder la résistance allemande et cette période sans tomber dans le manichéisme ?
A mon avis, le premier défi, de taille, est le plus brillamment rempli. Pas une seconde, alors que l’échec de l’opération Walkyrie était connu, mon intérêt ne s’est relâché. La mise en scène (à qui certains ont reproché son caractère appliqué et sans âme) s’efface intelligemment devant son sujet, le montage mais surtout la musique (notamment les bombardements en même temps que la musique de « la Chevauchée des Valkyries » de Wagner ) et les sons sont d’une efficacité redoutable pour nous impliquer dans la mission de Stauffenberg (le scénario est construit de telle sorte que nous voyons presque tout selon son point de vue) et pour créer un suspense haletant. Ainsi, on a beau savoir que l’opération va échouer, lorsqu’est évoquée la possibilité que Mussolini assiste aussi à la réunion lors de laquelle doit avoir lieu l’attentat, une seconde, l’éclair de satisfaction dans l’œil de Stauffenberg nous convainc, malgré tout, d’y croire, et que les deux dictateurs vont périr à cet instant. Impossible de ne pas penser à quel point la marche de l’Histoire en aurait été modifiée, combien de morts auraient alors été épargnés…
Certains ont aussi reproché au film son absence d’émotion, ce qui est, au contraire, selon moi, un atout majeur. Les relations entre les personnages ne sont en effet traités que dans la mesure où elles influent sur l’opération Walkyrie et les personnages secondaires ne sont là que pour expliciter cette opération, la manière dont ils vont l’aider ou la contrer. Cette sobriété (au contraire du son, emphatique) sied parfaitement au sujet, aux enjeux qui se nouent, à cette tragique ironie de l’Histoire qui a fait échouer l’opération. La photographie épouse la sobriété de la réalisation, son clair-obscur étant terni de temps à autre par ce rouge terrifiant du drapeau nazi sur lequel débute d’ailleurs le film. Tom Cruise a aussi eu la bonne idée, ou du moins peut-être la lui a-t-on soufflée, de n’en pas faire trop. Tout cela contribue donc au contraire à la force émotionnelle du film parce qu’elle n’est pas forcée, pas dictée, parce que, si elle l’avait été, elle aurait alors été indécente, en contradiction même avec le sujet.
L’intérêt principal de ce film est enfin d’avoir mis en lumière cette opération Walkyrie, évènement le plus marquant de la Résistance allemande au nazisme et donc de rendre hommage à cette même résistance, à une partie de la population qui s’est insurgée contre l’abjection et la barbarie. L’héroïsme de ces résistants réside d’ailleurs autant dans les actes spectaculaires comme la tentative d’attentat que dans des actes qui le sont a priori moins mais tout aussi courageux et emblématiques au sein de ce régime fou et infiniment intolérant comme le refus de Stauffenberg de saluer Hitler ou la manière dont il le fera finalement et que je vous laisse découvrir.
Détail qui a son importance : a langue (le film est en Anglais , ce qui va de soi pour un film américain, mais ce qui entrave néanmoins fortement la crédibilité notamment lors d’une scène clef où Goebbels reçoit un coup de fil d’Hitler destiné à prouver qu’il est en vie , lequel Hitler parle avec un fort accent américain et une voix bien juvénile) m’a, il est vrai, aussi dérangée mais pas suffisamment pour que ce film, particulièrement instructif et efficace, ne fasse pas partie de ceux qu’In the mood for cinema vous recommande cette année.
Merci à Allociné pour cette projection privée au nouveau Forum des images.
Sandra.M
12:17 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cinéma, walkyrie, tom cruise, allemagne, bryan singer | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
J'avais eu l'occasion l'an passé de suivre cet épisode de l'histoire dans un film documentaire sur Arte. Episode intéressant et méconnu car peu enseigné. Il faut dire que la 'réconciliation' date de peu et qu'il y a qqs années encore, parler d'allemands résistants en France n'était pas vraiment d'actualité. Enfin, côté cinéma, même si l'on connaît effectivement l'issue de la guerre, ce qui nous tient en haleine malgré tout est certainement le 'alors, pourquoi ça n'a pas marché ?'. Et puis, bien sûr, 'Mais que va-t-il arriver à Tom Cruise ?...' ;)
Écrit par : Moïse | 24/01/2009
Je suis très tentée.
Jusqu'à présent je n'ai à peu près entendu que "c'est pas terrible" mais sans argument.
J'ai pu lire ta note sans crainte que tu révèle la fin, car je fais partie de ceux qui savent qu'Hitler n'a pas été assassiné (;-))
Je risque d'être plus gênée par les allemands qui parlent un anglais impeccable mais on s'y fait, ce ne sera pas la première fois. Et puis Tom Cruise n'est jamais plus sobre que dans des rôles excessifs.
Donc, tu vois ce film "part" avec des a priori positifs en ce qui me concerne.
P.S. : mais pourquoi n'as tu pas encore vu "Les noces rebelles", cte splendeur ???
Écrit par : Pascale | 25/01/2009
@ Moïse: J'avoue que, bien que cette période me passionne, j'ignorais tout de cet épisode. C'es vrai que l'envie de savoir pourquoi cela n'a pas larché contribue aussi à nous tenir en haleine mais la connaissance du dénouement aurait pu désamorcer ce suspense.
@ Pascale: Je savais que tu connaissais les plus insignifiants évènements de l'Histoire.:-) Je tremble parce que, les dernières fois, où je t'ai fait l'éloge d'un film tu es ressortie déçue, j'espère que ce ne sera pas le cas avec celui-ci. Je n'avais tout simplement pas eu le temps de voir "Les Noces rebelles". J'ai la nuit pour m'en remettre, j'écrirai ma critique demain.
Écrit par : Sandra.M | 25/01/2009
Bonjour Sandra, et encore merci d'avoir fait partagé ton invitation ;-)
En ce qui concerne, j'avoue que je suis loin d'etre emballé. Je connaissaais l'existence de cette tentative d'attentat (la plus large et celle qui a failli aboutir, sans en connaitre précisèment les détails). Sur le scénario, pas de surprise donc.
En revanche, je n'ai pas été convaincu par Tom Cruise. Ce n'est pas qu'il soit mauvais, et je suis d'accord que ce film nécessite de la sobriété, mais j'ai trouvé qu'il était trop sobre, justement. Jamais d'emportement, de faiblesses,... Et pas d'émotion pour moi au final.
Par contre, quelle horreur que cette musique. Déjà que les avions font du briot, mais ce vacarme musical... Je crois que ce seul aspect m'a laissé un souvenir pas très bon du film.
Billet un peu détaillé à venir demain !
Écrit par : Yohan | 26/01/2009
@ Yohan: De rien! J'espère pouvoir à nouveau faire gagner des places sur le blog prochainement.
Sans connaître cette histoire auparavant, avant la sortie du film, j'ai lu beaucoup de choses à ce sujet mais malgré cela, le scénario , je trouve, arrive à maintenir le suspense.
Ce que tu évoques, c'est visiblement plus le rôle de Tom Cruise que le jeu de Tom Cruise lui-même. "Jamais d'emportement": si tel avait été le cas je pense qu'il aurait difficilement pu remplir cette mission (même si le résultat est un échec, il réussit quand même à faire ce pour quoi il était venu). Quant aux faiblesses, c'est un parti pris de les éluder. Le film s'appelle "Walkyrie" et se concentre donc davantage sur l'opération que sur ses protagonistes. La musique ne m'a pas dérangée non plus. Elle est certes omniprésente mais je trouve qu'elle apporte plus qu'elle ne nuit au film.
J'irai lire ton article. Je ne désespère pas de faire infléchir ton avis.:-)
Écrit par : Sandra.M | 26/01/2009