Le film "fascinant" de la semaine: "Entre ses mains"d'Anne Fontaine (01/10/2005)
Fascination. Voilà probablement le terme qui définirait le mieux le dernier film d’Anne Fontaine. Celle qu’exerce sur Claire (Isabelle Carré), assureur, Laurent, le singulier vétérinaire (Benoît Poelvoorde), venu déclarer un sinistre. Celle qu’exerce sur le spectateur ce film troublant et son duo d’acteurs étonnants. C’est bientôt Noël, c’est à Lille et un tueur en séries sévit depuis quelques jours. Leur rencontre se déroule a priori dans un cadre anodin mais peu à peu la quotidienneté va laisser la place à l’étrangeté d’une relation magnifiquement tragique…
Progressivement, la caméra vacille et bascule avec Claire dans l’inéluctable, l’inénarrable. Progressivement elle va se retrouver aussi fragile qu’un animal blessé entre ses mains. Des mains qui soignent. Des mains qui tuent peut-être. Des mains qui hypnotisent. Poelvoorde incarne ici ce fauve face à son animalité, ce prédateur de femmes, qui comme les lions qu’il soigne fascinent et effraient. Telle est aussi Claire, (parfaite Isabelle Carré) fascinée et effrayée, blonde hitchcockienne dans l’obscurité tentatrice et menaçante, tentée et menacée. Guidée par une irrépressible attirance pour cet homme meurtri, peut-être meurtrier. Cet homme qui ne cherche pas le bonheur. Juste l’instant. Comme celui de leurs mains qui se frôlent ; de leurs silences et leurs fêlures qui les rapprochent, hors de leur tragique ou quotidienne réalité. Encore une fois Anne Fontaine explore l’irrationalité du désir avec subtilité et avec un salutaire anticonformisme. Benoît Poelvoorde, bouleversant, bouleversé, sidérant, exprime avec nuance l’ambivalence de ce personnage qui tue et donne à Claire le sentiment d’être vivante, qui devrait nous répugner et dont nous comprenons pourtant, (grâce au jeu des deux comédiens et grâce une subtile mise en scène centrée sur les silences et les regards) l’irrépressible sentiment qu’il inspire à Claire qui se met à chanter, à danser. A exister. Anne Fontaine dissèque brillamment chaque frémissement, chaque tremblement dans cette tranquille ville de Province soudainement en proie à la violence comme la tranquille Claire est en proie (la proie aussi) à celle de ses désirs. Les regards hésitants, égarés, déstabilisants, déstabilisés, de Poelvoorde, expriment une pluralité de possibles, l’impensable surtout. L’amour impossible est ici en effet amour impensable. Un film effroyablement envoûtant, dérangeant. Captivant. Fascinant, définitivement.
17:11 Écrit par Sandra Mézière | Lien permanent | Commentaires (3) | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
TRès belle critique, cela me donne envie de voir le film./J'ai aussi vu que tu participes au concours du meilleur blog et je voulais le faire comme toi car c'est proposé sur la page d'accueil de hautetfort mais je ne trouve pas le moyen de le faire avec haut et fort. On est obligé de faire un autre blog avec blogspirit? Le nombre de visiteurs sur Mon fetsival du cinéma est impressionnant mais mérité je pense.
Écrit par : Soprano | 03/10/2005
Le concours du meilleur blog cinéma m'a en effet aussi été proposé par haut et fort mais il faut obligatoirement en créer un nouveau avec blogspirit pour que cela soit valable.
Écrit par : Sandra.M | 03/10/2005
Je suis un amateur de Théâtre et aussi un très grand admirateur de l'actrice Isabelle Carré.
Je viens de découvrir votre blog, admirablement construit, en cherchant des éléments relatifs au 16e Festival du film Britannique de Dinard, qui se déroule ce week-end (Isabelle Carré appartient au jury). Je séjourne aussi régulièrement à proximité, à Saint Malo, pour de très brèves périodes, qui me permettent d'humer le vent du large et d'approcher le vol des goélands...
J'ai l'intention d'aller voir le film ENTRE SES MAINS, demain dimanche. Votre critique, si bien rédigée, me donne encore plus envie de le découvrir...
Théâtre Passion
http://theatre.passion.monsite.wanadoo.fr/
Écrit par : Théâtre Passion | 08/10/2005